Paul F. SPECKLIN 

 

 

AU FIL

D'UNE HISTOIRE

 

 

CHRONIQUE DE L'ASSOCIATION DES ANCIENS ÉLÈVES

DE L'ÉCOLE TEXTILE DE MULHOUSE (1896-1996)

 

 

Éditeur : Association des Anciens Élèves de l'Ensitm

11, rue Alfred Werner   68200 Mulhouse

Table des matières

 

Préface

Professeur Raymond OBERLÉ

  

Avant-propos

René DUC, président de l'Association des Anciens Élèves

 

Le mot du directeur

Professeur Marc RENNER, Directeur

 

Introduction

Paul SPECKLIN

 

Chapitre I

Un contexte socio-politique et économique sinueux

 

11. Une puissante mais vulnérable industrie textile

Une croissance fulgurante

Mulhouse et ses manufacturiers

Au fil des ans, des effectifs en peau de chagrin

 

12. Douloureuse rupture en 1871

L'Alsace devenue "Reichsland"

Politique de germanisation : suspicion et méfiance

 

13. Retour dans le sein de la mère-patrie

"Dehors les Teutons !"

Tendances centrifuges et velléités centripètes

"Une horrible crise économique"

"La plus sombre période de l'histoire de l'Alsace"

 

14. Les "trente glorieuses" et l'industrie textile

Interminable récession

Les vrais grands problèmes de demain

 

 

Chapitre II

Une école en perpétuelle adaptation

 

21. Un foisonnement de l'enseignement technique

A Mulhouse au XIX° siècle

Ailleurs en France

Des écoles textiles dans le Monde

 

22. Les prémices à Mulhouse

Une école de tissage mécanique en 1861

Une école de filature en 1864

 

23. Un enseignement évolutif

Formation tous azimuts

En 1868, la nouvelle École de Filature et de Tissage

1870 : l'élan brisé

Un second départ

Enseignement français puis bilingue

Des cours de perfectionnement pour les actifs

Le cataclysme mondial de 1914-1918

Un nouveau visage : l'École Supérieure en 1919

Cours préparatoires et de perfectionnement

 

24. Combat pour le titre d'ingénieur

De 1924 à 1937

L'enfer de la guerre de 1939-1945

Réfugiés indésirables

Annexion nazie de 1940 à 1944

Un an de flottement en 1945

 

25. Vers la Nationalisation

1966 : École Supérieure des Industries Textiles

1971 : le creux de la vague

1977 : l'Ensitm dans sa nouvelle maison

Un rayonnement international

Formation pluridisciplinaire de haut niveau

 

26. Bâtiments et matériel

1865 : la première école textile

1977 : un bâtiment grandiose sur le campus universitaire

 

27. La grande famille des étudiants

Les fils des manufacturiers et les autres

De tous les coins du monde

 

 

Chapitre III

La vie tumultueuse d'une association centenaire

 

31. Une structure et des hommes

Sur les fonds baptismaux

Les Statuts : pérennité et adaptation

Des assemblées générales contrastées

Comité et membres, actifs, honoraires et d'honneur

Qui sont nos Anciens ?

 

32. Des activités Mulhousiennes qui perdurent

Formation continue centenaire

Visites d'usines instructives

Actions sociales

Un local pour une permanence

Un office de placement efficace

La convivialité par les excursions, sorties et rallyes

Joyeux banqueteurs

 

33. Groupes régionaux : expansion et contraction

Les remuants Vosgiens sont les premiers

Les Lions de Belfort en 1907

Les tièdes Nordistes

Les Parisiens batailleurs

 

34. Les publications de l'Association

Des Anciens peu participatifs et un gouffre financier

Des hommes s'engagent

Vers un périodique d'audience internationale

Faiblesse des moyens et évolution des besoins

 

 

Sources et bibliographie sommaire

 

 

Publicités

De constructeurs de Matériel Textile relevés dans les 

Bulletins de l'Association des Anciens Élèves

de 1900 à 1905

 

 

 

Préface

 

L'enseignement technique a obtenu tardivement droit de cité en France. Consciente et fière de sa culture littéraire et humaniste, l'Université ne portait longtemps qu'un faible intérêt aux disciplines techniques et scientifiques. Contraint par l'évolution de l'économie moderne et l'influence des SAINT-SIMONIENS, il fallut bien envisager l'organisation d'un enseignement moderne. La presse prit position. LE NATIONAL écrivait en 1849 "qu'au lieu d'enseigner le latin, il vaudrait mieux constituer un enseignement répondant aux besoins de la Société". LA REVUE DES DEUX MONDES militait à son tour pour une réforme de l'enseignement (1848). Après SAVANDY, le nouveau ministre de l'Instruction Publique, FORTOUL, s'engagea dans une nouvelle voie.

 

Or, l'initiative privée avait déjà pris les devants à Mulhouse par la création en 1822 de la formation des chimistes destinés à l'industrie et en ouvrant en 1860 une École de Tissage mécanique et en 1864 une École Théorique et Pratique de Filature dont le succès était indéniable. Ces créations s'inscrivent, qui oserait en douter, dans l'ensemble des prestigieuses réalisations du patronat libéral de Mulhouse au cours du XIXième siècle.

 

Paul SPECKLIN nous trace à travers l'histoire de "L;Association des Anciens Élèves de l'École textile de Mulhouse" l'évolution et le développement de cet établissement et de ses objectifs. Ce travail consciencieusement préparé, riche aussi bien d'une solide connaissance professionnelle que de l'environnement historique, dépasse le cadre d'une rétrospective du passé d'une association ou d'un établissement scolaire. C'est à tort que l'historiographie a longtemps ignoré l'histoire locale. M. SPECKLIN donne un démenti patent à une attitude dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle est réservée, de la part de beaucoup de maîtres de la très vieille discipline. L'auteur nous présente la naissance d'un nouvel enseignement qui ne peut se targuer d'une vieille expérience, ni d'exemples à imiter. Or, les incessants progrès techniques et scientifiques requièrent une adaptation continuelle donc une mobilité constante nécessitée par les impératifs du marché et les aléas d'événements politiques que subit particulièrement notre région frontalière.

 

L'étude de Paul SPECKLIN dépasse la dimension d'une monographie d'un établissement scolaire, l'auteur ne perd pas de vue le contexte général qui encadre le sujet traité. histoire locale s'inscrit dans l'histoire générale qu'elle éclaire et illustre. C'est le mérite de l'auteur et nous lui en savons gré. C'est un travail fondé sur des sources qui ne se contente pas de répéter et de résumer des études antérieures.

 

L'exposé concis, bien documenté et varié par les thèmes abordés, fait participer le lecteur à travers un siècle à l'histoire, au développement d'une institution qui aboutit au niveau supérieur, à la recherche scientifique. Le recrutement des étudiants, celui des professeurs, nous permettent de jeter un regard sur l'aspect sociologique, sur une radiographie de l'établissement et sur l'histoire de la formation des cadres ainsi que sur l'impact des crises internationales.

L'étude de Paul SPECKLIN est un exemple éloquent que l'histoire, axée sur un sujet de prime abord secondaire, permet d'aboutir à une histoire globale vivante et convaincante.

 

Raymond OBERLÉ

Président d'honneur de l'Académie d'Alsace

 

 

Avant-propos

 

Lorsqu'arriva le temps de célébrer le centième anniversaire de la création de notre Association, il nous a paru tout naturel de mieux connaître son histoire.

 

Pêle-mêle, plusieurs documents de nos archives relataient certains faits, mais les liens existant entre ces faits et périodes étaient flous et ne constituaient guère plus que des anecdotes dans le temps.

 

Et puis, intimement, nous sentions bien que la vie de l'Association était un peu le reflet de l'existence de notre École dans les périodes troubles qu'avait dû traverser l'Alsace pendant ces cent dernières années.

 

Pourquoi alors ne pas demander à un historien de se plonger dans les documents existants aussi bien à l'Association qu'à l'École et dans les autres centres d'archives pour tenter de retrouver le "fil" de l'Histoire de notre Association et de son École.

 

Cet historien, nous l'avions. Nous connaissions sa passion de la recherche du détail juste et piquant qui fait de l'histoire "une" Histoire. De plus, cet historien est ancien élève de l'École, membre de l'Association et Alsacien, ce qui, le lecteur le sentira bien, est un atout maître pour mieux comprendre les vicissitudes de la province "ALSACE".

 

Nous savons gré à notre ami et ancien élève Paul F. SPECKLIN d'avoir accepté de mener à bien cette étude et d'avoir, avec habileté, par une présentation originale, guidé le lecteur à travers le temps en lui racontant l'histoire de l'Association et de l'École dans le contexte socio-politique et économique des différentes périodes qui ont constitué ces années passées.

 

Qu'il en soit vivement remercié et chaleureusement félicité pour ce travail très complet et d'une haute portée historique qui fait de cet ouvrage une véritable histoire de notre industrie textile et des cadres qui l'ont servie.

 

A vous maintenant, cher lecteur, de vous plonger dans la lecture de cette merveilleuse saga.  

René DUC

Président de l Association des anciens élèves de l'Ensitm

 

 

Le mot du Directeur

 

Plus qu'une histoire, la chronique de l'Association des Anciens Élèves de l'ENSITM retrace une part de l'Histoire, à savoir, celle, ô combien mouvementée, de Mulhouse au cours du siècle écoulé.

 

Si cette histoire, agrémentée de "suspens", nous permet de suivre le projet pédagogique de l'École Textile mulhousienne au travers des conflits et des changements de nationalité, elle nous montre également que l'industrie textile a su, de tout temps, affronter les crises économiques et s'y adapter. Depuis ses débuts, avec l'impression des "indiennes" dès le milieu du XVIIIe siècle, notre industrie a soutenu le développement régional, généré des besoins de formation et appelé à une forte diversification.

 

Si elle apparaît totalement métamorphosée de nos jours, avec des effectifs qui ont fondu, l'industrie textile continue d'innover fortement. Notre École, à l'image de ses débuts au milieu du XIXe siècle, répond à des besoins bien spécifiques. C'est ainsi qu'ont été créées récemment les options "Confection - Habillement" et "Textiles Techniques et Traitements" à côté de celle plus classique de la "Conception et Fabrication de Produits Textiles".

 

L'ouvrage de Paul F. SPECKLIN nous invite à jeter un regard lucide vers le passé. A l'image des expériences passionnantes d'acteurs hors du commun, il doit nous conforter dans notre démarche vers l'avenir de la formation et de la profession d'ingénieur textile.

 

Professeur Marc RENNER

Directeur de l'ENSITM

 

 

Introduction

 

Le présent ouvrage n'est pas une plaquette publicitaire avec une suite de discours dithyrambiques sur l'Association jubilaire ou sur l'École bien plus que centenaire. C'est une étude historique. Mais d'abord sociale avec ses facettes économiques et politiques, celle des hommes - qui ont des noms -. Comportementale, en dénichant, à l'occasion, des arrière-pensées non inscrites dans les procès‑verbaux. Événementielle, qui relate les faits positifs et glorieux mais aussi les avatars. Des esprits chagrins nous reprocheront peut-être des interprétations hasardeuses ou des jugements de valeur personnels, mais existe-t-il une objectivité historique, une neutralité? Nous essayons néanmoins de ne pas tomber dans le piège de la réinterprétation du passé vécu en fonction du présent.

 

L'Association des Anciens Élèves mérite bien, à l'occasion de son Centenaire, que l'on se penche de façon plus approfondie sur sa longue, impétueuse et passionnante histoire. Encore que pour l'Assemblée générale de notre jubilaire, cet ouvrage subit un certain retard. Mais ce ne fut pas le premier incident de parcours de son histoire. Déjà le dixième anniversaire ne put être fêté en 1906 à cause du décès du Président de l'Association et suite aux graves troubles sociaux à Mulhouse. Pour le quarantième anniversaire que l'on devait marquer en 1936, on s'abstint de lire les textes de fondation de 1896 parce qu'ils étaient rédigés en langue allemande. Pas de chance non plus pour le Cinquantenaire, car en 1946, les archives étaient à peine revenues de leur planque dans le Lot-et-Garonne. Personne n'avait eu le temps de les étudier pour en parler ! Et puis, en 1946, l'inauguration de la plaque commémorative des Morts au Champ d'Honneur était primordiale. Décidément, notre Association et son École sont plutôt des torrents impétueux qu'un long fleuve tranquille !

 

Notre livre n'est pas une énumération chronologique des événements. Nous avons privilégié la démarche thématique pour mieux situer notre Association et l'École dans le contexte social, politique et économique et mettre l'accent sur les interdépendances. Dans le premier chapitre nous essayons de restituer les circonstances historiques et politiques générales de la période considérée et le milieu socio-économique alsacien et surtout mulhousien. Le deuxième chapitre est consacré à la raison d'être de notre Association, la prestigieuse et la plus ancienne École textile française fondée à Mulhouse en 1861. Il parle également d'autres initiatives d'enseignement technique, européen, français, mulhousien, de leur but et de l'évolution de l'enseignement dispensé. Il aborde les problèmes de son adaptation aux besoins de l'économie et de ses risques. Il étudie l'action de ses dirigeants qui ont porté cette institution et de ses 5000 élèves qui y furent formés depuis l'origine. Quant à l'histoire de notre joyeuse Centenaire, l'Association des Anciens, avec ses structures permanentes et ses multiples manifestations, ses groupes régionaux et ses publications qui naissent, vivent et meurent, elle fait l'objet du troisième chapitre. De nombreuses illustrations d'époque témoignent des étapes de la vie de l'École et de l'Association et fixent pour l'avenir des souvenirs du passé.  

 

Grâce au dépouillement minutieux des nombreuses sources, nous avons pu réaliser ce sixième ouvrage d'histoire en quelque huit cents heures de travail. Les rapports publiés dans les 684 pages de registres d'Assemblées générales et de Comité de l'Association entre 1896 et 1954, les 252 numéros de la Revue de la Filature et du Tissage de 1917 à 1939, les 75 numéros des Annales Textiles de 1948 à 1972, les 50 numéros du Bulletin d'Information des Membres de 1973 à 1996, les Annuaires des Anciens de 1949 à 1996, les excellents rapports publiés dans les Bulletins de la Société Industrielle de Mulhouse (SIM) de 1863 à 1961 et d'autres nombreuses sources archivistiques privées ou publiques diverses nous ont permis de le réaliser. 

 

Remerciements

 

Avant de donner la parole à l'histoire, j'ai l'agréable devoir de remercier tous ceux qui m'ont encouragé, conseillé et facilité la tâche.

 

J'exprime d'abord toute ma gratitude au Professeur émérite Raymond OBERLÉ, grand spécialiste de l'histoire mulhousienne et notamment de l'enseignement, qui m'a soutenu, assisté de ses conseils et qui a bien voulu préfacer cet ouvrage.

 

Un grand merci au Président de l'Association René DUC qui m'a encouragé à entreprendre ce travail et a permis sa publication. Mes remerciements vont aussi au Comité de l'Association et spécialement à Madame Alice GEORGER ainsi qu'à son époux; ils m'ont facilité l'accès aux cent ans d'archives et de revues de l'Association.

 

Merci aux responsables et au personnel de nombreuses institutions qui m'ont fourni des informations archivistiques: la Bibliothèque de l'Université et de la Société Industrielle de Mulhouse, la Bibliothèque Municipale de Mulhouse, les Archives Municipales de Mulhouse, l'École de Chimie de Mulhouse, les Écoles textiles d'Épinal, de Roubaix, de Villeneuve d'Ascq, de Lyon, de Troyes, les Archives Municipales de Fourmies, de Reims, de Saint Etienne, etc.

 

Toute ma gratitude au Directeur de l'École, le Professeur Marc RENNER et au personnel administratif qui ont mis des documents à ma disposition ainsi qu'aux Professeurs Auguste KIRSCHNER, Richard SCHUTZ et leurs collègues pour les compléments d'information, les conseils prodigués et la relecture de mon ouvrage.

 

Merci à notre ami Roger GOTHSCHECK (promo 1947), artiste peintre, qui a bien voulu illustrer la couverture avec une aquarelle reproduisant un ancien dessin de notre École.

 

Paul SPECKLIN

(promo 1947)

Septembre 1996

 

 

Chapitre I : un contexte socio-politique et économique sinueux 

 

Au XIXe siècle, c'est par l'industrie textile et ses activités dérivées, la chimie, le papier peint, la construction mécanique et le dessin avec la lithographie et la photographie que Mulhouse et la Haute-Alsace affirment leur suprématie.

 

11. Une puissante mais vulnérable industrie textile

 

En dépit des inconvénients que présentaient Mulhouse et sa région à l'époque, à savoir une main-d'œuvre peu formée, un manque de tradition locale, des matières premières lointaines, des débouchés locaux insuffisants, la réussite de l'industrie textile est due à des hommes au dynamisme extraordinaire.

 

Une croissance fulgurante

 

Tout le monde connaît l'histoire des trois jeunes pionniers qui sont, en 1747, à l'origine de l'industrie textile de Mulhouse. Samuel KOECHLIN à 27 ans, Jean-Henri DOLLFUS à 22 ans et Jean-Jacques SCHMALTZER à 25 ans, tous apparentés à la bourgeoisie dominante, créent la première "indiennerie", une usine d'impression sur tissus de coton, rue de la Loi à Mulhouse. Notre ville compte alors quelque 4000 habitants. Ces familles disposant des plus grandes fortunes mulhousiennes, nos jeunes patrons obtiennent durant les sept premières années des avances de 31.000 Livres tournois. Jean-Henri DOLLFUS étant le fils du bourgmestre, le Conseil proclame l'indiennage "art libre", indépendant des corporations, ce qui dispense nos entrepreneurs de payer la taxe du Pfundzoll durant deux ans, puis uniquement une taxe forfaitaire annuelle de 500 Livres tournois. Quant à la main-d'oeuvre spécialisée, dessinateurs, graveurs, imprimeurs, etc., ils la font venir de Neuchâtel en Suisse, plus tard d'autres régions, notamment du pays (protestant) de Montbéliard. 

Le nombre de manufactures d'impression augmente régulièrement, à raison d'une tous les deux ans en moyenne, pour atteindre, 40 ans plus tard, 19 imprimeurs avec 794 tables à imprimer sur un total de 26 fabricants de coton. Déjà deux ans après le lancement, le total des ventes se chiffre à près de 100.000 Livres tournois et en 1756 Mulhouse produit 30.000 pièces de tissus imprimé, soit 540.000 mètres. Avec la levée de la prohibition en septembre 1759, l'essor se confirme et s'accélère. Les grandes fortunes (plus de 30.000 Livres) grossissent. Si avant l'indiennage, elles représentent, selon OBERLÉ, 41,4 % de la masse successorale, elles atteignent vers la fin du siècle 72,5 % de la valeur totale des successions. 

Mais la jalousie des autres villes haut-rhinoises et des anciennes provinces françaises ne tardent pas à se manifester, tant au niveau des barrières douanières et des taxes que du trafic postal considérablement accru. Vers la fin du XVIIIe siècle, la conjoncture s'annonce mauvaise, les récoltes désastreuses. La Révolution est à nos portes, l'intégration de Mulhouse à la France imminente. Une nouvelle époque commence.  

L'indiennage entraîne au début du XIXe siècle la création d'usines concentrant des moyens financiers et humains immenses, faisant disparaître les petits artisans fileurs et tisserands. Des filatures de coton, telles DOLLFUS-MIEG en 1809 à Dornach, et des tissages mécaniques, tels Martin ZIEGLER en 1805, etc., sont montés. C'est le début de la puissance industrielle de Mulhouse devenue le "Manchester français", oeuvre d'hommes exceptionnels.  

 

 

Mulhouse et ses manufacturiers

 

Ces industriels, ces "Herren Fabrikanten", avec leur mentalité républicaine de calviniste, leur atavisme, leur éducation de base reçue en Suisse et leur formation supérieure reçue à Paris, leur caractère rude et rigoureux, leur sens du devoir accompli, leur vie austère voire ascétique, leur amour des sciences et des arts, passent leur vie à l'usine, de 5 à 6 h du matin à midi et toute l'après-midi jusqu'à 19 heures. A l'usine, ils sont hautains et autoritaires, davantage craints qu'aimés, mais, au moment des élections, ils fraternisent avec les ouvriers catholiques. S'ils aiment gagner beaucoup d'argent en payant, à l'instar des patrons catholiques du Nord, des salaires de misère, au temple, ils ont des élans de générosité philanthropique. Le poste de Maire et la présidence de la Chambre de Commerce sont des droits acquis et ils gèrent aussi bien leur ville que leurs affaires, favorisent les actions sociales (salles d'asile, écoles primaires et professionnelles, cours du soir et de manufactures, caisses d'épargne et bureaux de bienfaisance, cités ouvrières et églises, assistance aux femmes en couches, etc.), les initiatives culturelles (musées, théâtres, associations, etc.) et le développement économique (industries, agriculture, routes, voies d'eau, chemin de fer, tramway, banques, postes, transit douanier, etc.).

Pour illustrer ce caractère du manufacturier du XIXe siècle, laissons la parole à deux personnalités d'époque :

- d'une part, au procureur général LE VIEIL DE LA MARSONNIERE, installé à Colmar, qui écrit après les élections de mai 1869 dans un rapport au Ministre : "Ce monde industriel de Mulhouse, si hautain, si dénigrant, si infatué de son initiative, si dédaigneux de l'action du gouvernement, ne cesse de récriminer contre le Gouvernement Impérial de ce qu'il n'intervient pas suffisamment dans ses affaires"

- d'autre part, à Gustave DOLLFUS, président de la Société Industrielle de Mulhouse de 1864 à 1911 et premier président du Conseil d'Administration de l'École textile, travailleur acharné, qui note vers la fin de sa vie dans son journal intime: "Au pensionnat de M. DAUTHEVILLE j'ai pris l'habitude, avant de m'endormir, de repasser ma journée. Dois-je dire que souvent je suis obligé de me faire de graves reproches ? J'ai mal passé ma journée; j'ai mal fait. Je me promets de ne plus retomber dans les mêmes fautes; mais hélas! les mêmes fautes se répètent, et mon oreiller, avec lequel je suis si intime, devait par moments se révolter. Que n'en a-t-on qui puissent changer leurs douces plumes en durs noyaux de pêche !" 

Mais Mulhouse, ce n'est pas seulement les manufacturiers. Par l'apport d'une immense masse de main-d'œuvre non qualifiée (catholique) abandonnant les vallées ingrates du Sundgau et des Vosges, attirée par l'industrie maigrement rémunératrice pour devenir ce Fawrikervolk méprisé par les paysans aisés, Mulhouse passe de 7.000 habitants au début du siècle à 46.000 en 1861 et à près de 90.000 à la fin du siècle. Sous le Second Empire, si les ouvriers restent fidèles à l'Empereur, la bourgeoisie par contre, pacifiste et libérale, n'est pas favorable à sa politique autoritaire. L'individualisme mulhousien défend la libre entreprise et le libre échange. En 1860, NAPOLÉON 111, pataugeant dans ses ambiguïtés, signe un Traité de Commerce Franco-Anglais, aux pourparlers duquel d'ailleurs jean DOLLFUS est associé, avec l'orgueilleuse Angleterre victorienne, consciente de son avance industrielle, maîtresse des mers et des marchés commerciaux. Ce traité fait prévaloir le libre-échange sur le protectionnisme dont la France était le champion jusque là. Mais une grande partie du patronat de notre secteur, regroupé depuis 1826 au sein de la Société Industrielle de Mulhouse, redoute cette concurrence anglaise et réagit en développant production, outillage et formation du personnel. Car l'industrie textile alsacienne ne produit que des articles ordinaires. Son personnel, par ailleurs travailleur et soigneux, dont 70 % sait lire et écrire, manque d'instruction de base technique et de connaissances professionnelles suffisantes, notamment depuis l'introduction dans les années 1840 des métiers à tisser mécaniques, puis dix ans plus tard, des métiers à filer self-acting.

C'est dans ce contexte qu'il faut situer la fondation, dans "la cité aux 100 cheminées" en 1861, de l"'École Théorique et Pratique de Tissage mécanique" puis celle de l"'École Théorique et Pratique de Filature", institutions privées, initiées, financées partiellement et régentées par la SIM A cette initiative de la SIM, la Municipalité de Mulhouse et la Chambre de Commerce de Mulhouse (C.C.M.) apportent leur appui. D'ailleurs, à la tête de toutes ces institutions on trouve les mêmes personnages, presque tous apparentés les uns aux autres, de la puissante "fabricantocratie": Nicolas KOECHLIN, président de la SIM de 1861 à 1864, Joseph KOECHLIN-SCHLUMBERGER, maire de 1852 à 1862 et Jules-Albert SCHLUMBERGER, président de la CCM de1849 à 1891.  

 

 

Au fil des ans, des effectifs en peau de chagrin

 

Le but de notre étude ne consiste pas en une analyse précise de l'évolution de l'industrie textile alsacienne. Néanmoins nous en donnons quelques points de repère, bien qu'il soit difficile de comparer, sur une longue période de plus de 120 ans, des statistiques qui ne sont pas établies selon les mêmes bases. 

L'ensemble de l'industrie textile du Haut-Rhin représente au 1er janvier 1870 les chiffres suivants, selon un rapport du Comité de mécanique de la SIM de 1871 :  

* 63.000 personnes employées  

* 35 MF de salaires annuels payés, dont : 10 MF en filature, 17 MF en tissage,  8 MF en ennoblissement

* 1.440.000 broches filant 20.000 tonnes de filés (dont 2,65 % exportés)

* 40.000 métiers à tisser dont 27.000 mécaniques produisant 172.000 km de tissus

* 210.000 km de tissus blanchis, teints ou imprimés (dont 9 % exportés)

Au vu de ces chiffres, Gustave DOLLFUS conclut en 1871, suite à l'annexion de l'Alsace par l'Allemagne: "On voit par là combien notre industrie aura d'efforts à faire pour trouver de nouveaux débouchés une fois que les livraisons en France seront entravées par les droits de douane".

On trouve en Annexe N° 1 la liste (non exhaustive) de plus de 80 entreprises textiles et 20 établissements de construction textile existant au début du XXe siècle, lorsque l'industrie occupe 47 % de la population active du Haut-Rhin. A noter que la S.A.C.M. à elle seule compte à l'époque 10.000 salariés dans ses trois usines.  

Dans un exposé publié dans le Bulletin de la Société Industrielle de 1958 / I I, Pierre WARNIER, président du Conseil d'Administration de l'École Supérieure de Filature, Tissage et Bonneterie de Mulhouse cite les chiffres (arrondis) pour 1957 de l'industrie textile alsacienne (les deux départements) :  

* 42.000 personnes employées,

* 130.000 broches filant 44.700 tonnes de filés coton et 7500 tonnes de filés laine (dont 45 % exportés),

* 17.300 métiers à tisser coton (116 du matériel de la France) tissant 28.000 tonnes de tissus coton (dont 20 % exportés) et 1047 métiers à tisser laine,

* 40 % des machines à imprimer de France.

Comparons avec 1994. L'industrie textile de l'Alsace (les 2 départements) représente, selon le Syndicat Textile d'Alsace et l'A.S.S.E.D.I.C. (chiffres arrondis) :  

* 9.500 salariés dans 113 établissements (dont 7.650 salariés pour les 5 branches principales (filature, tissage, ennoblissement, bonneterie, nontissés),

* 1,4 milliards F de masse salariale pour la filature et le tissage,

* 13,5 milliards F de Chiffre d'Affaires dont 52 % à l'exportation,

* 44.000 broches à filer en activité filant 5.400 tonnes avec 390 personnes,

 * 850 métiers à tisser en activité produisant 10.000 tonnes avec 740 personnes,

* 37.200 tonnes livrées par la transformation avec 1310 personnes

Mais revenons aux premières années de fonctionnement de notre École

 

 

 

12. Douloureuse rupture en 1871 

 

L'annexion par l'Allemagne des trois départements de l'Est abandonnés par un vote de l'Assemblée Nationale française à Bordeaux en février 1871, puis ratifiée par le Traité de Francfort du 10 mai 1871, eut des répercussions que les gouvernants de l'époque ne pouvaient prévoir. Si, après la débâcle des troupes françaises, les généraux victorieux et le peuple allemands considéraient le "retour de cette terre allemande" comme légitime, il n'en fut pas de même pour les habitants de cette province que BISMARCK baptisa Reichsland (Terre d'Empire).

 

L'Alsace devenue "Reichsland"

 

Selon les historiens, un premier temps, entre 1871 et 1887, est celui de la protestation sentimentale mais inefficace d'une forte majorité d'habitants de notre pays annexé, dans un réflexe induit par les milieux intellectuels, industriels et bourgeois et dans l'espoir d'un retour prochain d'une France républicaine. De nombreux résidents, notamment les cadres, fonctionnaires et industriels, quittent le pays pour chercher refuge et construire une nouvelle vie en France, en Algérie voire aux États-Unis. Ainsi dans l'arrondissement de Mulhouse, 6.738 personnes s'expatrient, soit 5,3 % de la population, 17.000 dans tout le Haut-Rhin. L'exode continue encore durant de nombreuses années et on estime à quelque 350.000 personnes le nombre d'Alsaciens et de Lorrains ayant quitté leur patrie.,

L'intégration et l'assimilation des émigrés alsaciens ne sont pas toujours une réussite, notamment à Paris et dans nos départements limitrophes où l'afflux est considérable et l'accueil mal organisé. Ainsi, en mai et juin 1883, le journal belfortain "La Frontière" lance une violente campagne anti-alsacienne en relatant "le comportement agressif des masses ouvrières alsaciennes, ces infectes étrangers, provoquant presque chaque dimanche de véritables sauvageries, chantant nuitamment le chant national allemand dans les rues de Belfort, mettant les paisibles habitants au défi de sortir, s'attaquant même au maire de Valdoie ceint de son écharpe," etc. Ces faits eurent pour conséquence le renforcement de la force publique par l'installation d'un poste de gendarmerie à Valdoie.

En revanche, de nombreux Allemands, notamment administrateurs, fonctionnaires, policiers et militaires, affluent en Alsace annexée pour occuper les places vacantes et les meilleurs postes, surtout dans les villes. Ainsi on compte 20 % d'Allemands à Mulhouse et 25 % à Strasbourg. Lorsqu'en 1874 le chancelier BISMARCK octroie aux Alsaciens le droit d'envoyer des députés au Reichstag à Berlin, pratiquement tous les députés élus jusqu'en 1887, notamment des prêtres catholiques, sont des protestataires.

Une deuxième période entre 1887 et 1902 est caractérisée par la dictature prussienne, le bâton après la carotte. Dissolution de nombreuses sociétés alsaciennes, artistiques, littéraires, scientifiques ou sportives. Surveillance étroite de toutes les activités, notamment celles de la presse et du clergé catholique et de toutes les initiatives associatives. En 1888 est instaurée pour tout Alsacien voulant se rendre en France ou inversement, l'obligation du passeport visé par l'Ambassade d'Allemagne à Paris. Ceci fait chuter à pratiquement zéro le nombre d'élèves de l'École Textile venant des départements de France jusqu'en 1891, date de l'abolition de cette règle. Il fallait des autorisations pour tout, notamment pour accueillir dans les comités des Associations des étrangers (surtout des Français). En 1893, le président du  Conseil d'Administration de l'École souligne, que "nous avons mis en lumière le libéralisme de notre enseignement et nous sommes parvenus à obtenir de l'administration les tolérances nécessaires à notre recrutement cosmopolite". Néanmoins, encore en 1901, les autorités infligent à quatre Français, candidats à l'école, des refus de séjour. Pendant cette période pénible de suspicion et de méfiance, les Alsaciens se replient sur eux-mêmes tout en prenant conscience de leurs propres valeurs personnelles et culturelles avec le slogan "L'Alsace aux Alsaciens".

La troisième période est celle d'une libéralisation avec la levée en 1902 du paragraphe dit de la dictature, d'une certaine autogestion et du développement économique et culturel. A partir de 1900, des syndicats ouvriers se structurent et la vie politique commence à s'animer avec l'apparition d'une nouvelle génération d'Alsaciens. Elle culmine en 1911 par l'application à l'Alsace d'une nouvelle constitution octroyant une grande autonomie de gestion. Malheureusement, en 1914, cette expérience est douloureusement interrompue et la guerre fait replonger le pays dans la dictature militaire germanique.

Nous pouvons suivre des péripéties politiques et économiques à travers comptes rendus des Assemblées générales et des Comités de notre Association. La crise économique est aiguë dans les années 1890 et le président du Comité de surveillance de l'École souligne, dans son rapport de 1893, qu'il "n'a pas voulu raconter nos luttes et nos alarmes pour ne pas éloigner de nous une clientèle déjà déçue". Le président BICKING rappelle en 1898 "le rude combat pour la survie de notre industrie alors que dans de nombreux pays on augmente le nombre de broches de filature et de métiers à tisser". En 1906, - année où un certain Auguste WICKY suit une formation de syndicaliste à Berlin - l'Association renonce à fêter le dixième anniversaire de son existence à cause du décès de son président et par suite des grèves sévères qui perturbent la marche des entreprises à Mulhouse.

Le président de l'Association Albert STORCK ne pouvait s'empêcher d'annoncer une heureuse nouvelle à l'Assemblée Générale de juillet 1907 : "Depuis un an, l'industrie cotonnière se réjouit d'une prospérité qu'on n'a plus connue depuis 30 ans". C'est la seule fois, en un siècle, - il faut le souligner - qu'on ne se plaint pas de la situation économique de l'industrie textile.

Toutefois, l'industrie européenne reste en crise quasi-permanente. En conséquence, la sécurité des hommes n'est pas si assurée qu'on s'imagine. A Mulhouse même, le président de la commission d'examen de l'École textile depuis 1863, Henri SCHWARTZ (1845-1895), manufacturier, est assassiné en octobre 1895 par un ouvrier "anarchiste déséquilibré des idées socialistes", dans la rue de l'Espérance entre son usine (actuelle rue SCHUMANN) et son domicile (actuelle rue LEFEBVRE), "le meurtrier s'étant fait justice lui-même". En Pologne en 1907, le licenciement d'un ouvrier suite à la situation économique troublée a des conséquences tragiques pour un de nos Anciens, Édouard RAIS (promo 1894), directeur de la filature Posznanski à Lodz qui est assassiné par ce révolutionnaire. En janvier1908, Aimé PETIT, un ancien élève alsacien de 28 ans, directeur de la Filature TERNYNCK à Roubaix, est assassiné de plusieurs coups de couteau en rentrant chez lui le soir. 

Voici le parfait vade-mecum du jeune diplômé, entendu lors du discours présidentiel s'adressant aux jeunes à l'A.G. de 1908 : "La valeur d'un industriel, d'un directeur, est de veiller à la production, à la qualité des produits, de s'entendre avec ses patrons et avec ses ouvriers. Quant à l'ouvrier, maintenant qu'il est syndiqué, vous ne pouvez plus lui imposer votre volonté comme jadis, il faut avant tout s'entendre avec lui, être juste et poli et le respecter quand c'est possible. Une fois que vous aurez un bon noyau de véritables travailleurs, il vous sera très facile d'éliminer les non-valeurs et vous aurez une main d'œuvre modèle". Un modèle de cadre, "Edouard GOLDER (promo 1865/66, né en 1836 à Dornach, mort en 1910 à Habsheim) reçoit en juin 1908 de la Filature Raphaël DREYFUSS à Mulhouse qu'il a dirigée pendant 35 ans, une montre en or et une rente appréciable à l'occasion de son départ à la retraite à l'âge de 70 ans. Ses contremaîtres et ouvriers lui offrent un souvenir comme gage de leur attachement et de leur estime". A la même époque on souligne "un geste remarquable de contremaîtres et ouvriers qui offrent à leur directeur d'une usine près de Milan une médaille en or en souvenir de leurs bonnes relations. Ce geste est doublement méritoire par les temps qui courent où les ouvriers sont si exigeants". Un Ancien, dirigeant depuis longtemps la Filature de Schappe à Moscou, encourage les jeunes, à l'occasion d'un voyage à Mulhouse en 1910, à aller travailler en Russie dont il vante le potentiel immense.

Sur l'importance de l'industrie textile en Allemagne en 1910, écoutons le président du C.A. de l'école, l'ancien député Théodore SCHLUMBERGER: "Notre industrie textile (de l'Allemagne) est essentielle avec 751.000 ouvriers contre 1,2 million pour l'industrie métallurgique, en y ajoutant le personnel de la confection et des industries annexes on arrive à 1,1 million. Par ailleurs, le capital investi dans cette industrie se monte à 2 milliards de Mark".

A l'Assemblée Générale du groupe régional de Belfort en octobre 1910, le président FLAMAND fait un éloge de la ville de ses études: "Mulhouse est notre ville-phare avec ses oeuvres philanthropiques et sociales, scientifiques et artistiques, ses écoles professionnelles, de commerce, de dessin, de chimie, de filature et de tissage servant de modèle à de nombreuses créations".  

 

 

Politique de germanisation: suspicion et méfiance

 

Étant donné que le Comité de notre Association d'anciens élèves comprenait en 1901 quatre étrangers, deux Suisses et deux Français vivant à Mulhouse, le secrétaire BRUGGEMANN fut chargé de demander à la Kreisdirektion de Mulhouse une autorisation spéciale nécessaire à cette présence d'étrangers au sein du bureau.

Un incident "politique" concernant notre Association, relaté dans les journaux en été 1905 est évoqué au cours de plusieurs réunions du comité. Il démontre bien le malaise permanent régnant à l'époque. Le journal gouvernemental "Strassburger Post" ne rate pas une occasion pour transformer un banal incident en affaire politique monumentale. Il relate qu'à Strasbourg sur la place Broglie une Société de musique alsacienne donnait un concert samedi après-midi, concert qui fut perturbé  par les prestations d'une fanfare militaire allemande jouant au Cercle des officiers. Les Strasbourgeois furieux protestèrent. Le même jour eut lieu à Mulhouse une affaire analogue au Jardin du zoo où un concert militaire était organisé ; à l'instant de l'exécution d'un pianissimo de trompette, des étudiants de l'École textile manifestèrent bruyamment en applaudissant le discours que leur major de promotion venait de terminer, perturbant l'audition ; ils ne s'étaient pas rendu compte de cette gaffe et notre vice-président, suite à la réclamation du directeur du restaurant du zoo, alla s'excuser auprès du chef militaire allemand ; le journaliste strasbourgeois releva que les journaux de Mulhouse n'avaient pas rapporté cet incident et se demanda "l'auraient-ils fait si les perturbateurs avaient été des Allemands?". Cela devint quasiment une affaire d'État dont les quotidiens se régalèrent pendant plusieurs jours. BRUGGEMANN, le secrétaire (allemand) de l'Association envoya une mise au point à la "Strassburger Post".                

Prenant la parole au cours du banquet de l'AG de 1906, Paul SCHLUMBERGER souligne que l'école se situe à la pointe de toutes les écoles textiles du monde "en dépit des prescriptions policières allemandes qui entravent son développement".                

Autre incident significatif au cours d'un banquet de l'Association à l'Hôtel Central en 1908: des petits draps tricolores piqués dans les plats sont accueillis par des applaudissements frénétiques et déclenchent une vibrante Marseillaise chantée en chœur par les Anciens. Heureusement la police n'en eut pas vent et il n'y eut pas de suite fâcheuse.

Au cours de l'A.G. de 1909, le président STORCK, suite à la demande d'un membre "pourquoi les Alsaciens recevaient les invitations, revues et bulletins en langue allemande et pas en français", répondit "qu'en Alsace la loi prescrit d'utiliser l'allemand comme langue d'affaires. L'Association avait obtenu l'autorisation de diffuser les imprimés en français à cause du grand nombre d'Anciens français et étrangers et du fait que certains Anciens alsaciens ne maîtrisaient pas la langue allemande. D'ailleurs la traduction complique considérablement le travail".           

L'année suivante, le président de l'Association adjure les Anciens d'éviter, au cours des réunions ou des banquets, les dérapages verbaux ou les manifestations politiques publiques qui risquent d'indisposer les autorités allemandes et pourraient avoir des conséquences fâcheuses pour notre Association et surtout pour l'École.  

 

 

13. Retour au sein de la mère-patrie

 

Dès les premiers mois de la guerre, le gouvernement français déclare que son but de guerre principal est le retour de l'Alsace-Lorraine dans la communauté française. En février 1915 est réunie à Paris une conférence d'Alsace-Lorraine composée de ténors de la politique française et de plusieurs Alsaciens installés à Paris depuis plus ou moins longtemps. Les nombreuses résolutions pour l'avenir de l'Alsace adoptées par cette instance laissent apparaître une profonde méconnaissance des vrais problèmes alsaciens. Un haut fonctionnaire français n'a-t-il pas déclaré "nous avons fermé le dossier alsacien à la page 1871 et l'avons rouvert à la page 1918" ? Comme si l'Alsace avait été inexistante pendant 47 ans.

Dans ces conditions, il n'est pas surprenant qu'à Épinal, en octobre 1915, une réunion de huit Anciens du groupe régional des Vosges de notre École engage "une discussion sur la réorganisation de l'École et sur la transformation indispensable des statuts de l'Association dont la plupart des articles sont à modifier ou à changer". Le lieutenant Henri BONDOIT (promo 1905106, habitant à Romorantin (Loir-et-Cher)) du 113e Rég. d'Infanterie (Bureau du Commandant) à Chevilly (Loiret) - fort loin des carnages de la Marne et de la boucherie de Verdun - soumet, dans l'édition provisoire du Bulletin de l'Association N° 1, les réflexions sur l'avenir. Il émet des vœux "que le fonctionnement des groupes régionaux reprenne le plus tôt possible, que l'exclusion de l'élément teuton nous ramène les anciens élèves qui ne faisaient plus ou pas encore partie de l'Association ... Quant à l'Association, une solution radicale paraît s'imposer, déchirer les statuts et en refaire des nouveaux". Voici quelques propositions quant aux admissions et exclusions et à la qualité des membres : "tout ancien élève jouissant de ses droits civils et politiques et n'ayant pas été renvoyé de l'École pourra, sous réserve des exceptions ci-après, faire partie de l'Association. Nationalité: la présence dans notre Association de membres allemands ou austro-hongrois n'est plus possible ; la question serait rapidement réglée si nous ne devions nous préoccuper de nos camarades Alsaciens-Lorrains".

Les Spinaliens veulent distinguer plusieurs cas

"1) Les Alsaciens nés en Alsace depuis la guerre de 1870 de parents allemands,

2) Les Alsaciens, nés en Alsace de parents alsaciens, mais ayant servi pendant la guerre actuelle avec un grade égal ou supérieur à celui de sous-officier dans  l'armée allemande,

3) Comme ci-dessus, mais non-gradés ou caporaux seulement,

4) Les Alsaciens ayant fait du service militaire en Allemagne mais n'ayant pas combattu dans la guerre actuelle,

5) Les Alsaciens domiciliés en France au moment de la mobilisation, en âge de porter les armes et qui ont été dirigés sur les camps de concentration,

6) Les Alsaciens de France qui se sont engagés dans l'armée française,

7) Les Alsaciens qui, à la mobilisation, étaient en Alsace ou dans les rangs allemands et qui ont rejoint l'armée française depuis.  

Les catégories 1 et 2 seraient exclus sans discussion, les catégories 3, 4 et 5 après enquête, les catégories 6 et 7 admises de plein droit".

 

 

" Dehors les Teutons ! "

 

Après quatre années d'atroce guerre, de dictature, de privations et après l'effondrement de l'Allemagne, les troupes françaises victorieuses entrent à Mulhouse le 17 novembre 1918 et sont accueillies avec un enthousiasme populaire délirant. Pour les grands hommes politiques, cet accueil a valeur de plébiscite. Mais à peine les lampions éteints, des déceptions se manifestent dans la population. Après l'expulsion expéditive de 110.000 Allemands installés depuis 1871 en Alsace, après le classement des habitants en quatre catégories selon leurs origines, on entre dans une période de suspicion, de haine et de vengeance. Le jacobinisme parisien et l'anticléricalisme français multiplient les maladresses. En raison du mécontentement, l'Alsace conserve jusqu'en 1925 une structure spécifique. Mais, après la victoire du Cartel des Gauches en 1924, ces services d'Alsace et de Lorraine à Strasbourg sont progressivement rattachés à des ministères siégeant à Paris et alignés sur le système français. A ce sujet, l'historien Bernard VOGLER écrit: "Un véritable fossé se creuse entre le peuple et les représentants du nouveau gouvernement, aggravé par l'incompréhension réciproque de la langue de l'autre et le changement des méthodes administratives".  

Notre Association souffre également de cette adaptation. En 1919, dix réunions de comité très animées auxquelles participent plusieurs délégués d'Épinal et de Paris, et l'Assemblée Générale du 12 juillet essayent de venir à bout des problèmes posés.  

Les Mulhousiens estiment que la classification des camarades alsaciens proposée par les Spinaliens est trop rigoureuse et veulent faire juger les cas douteux de certains Alsaciens par une sous-commission issue de leur Comité, une espèce de commission d'épuration. Ils protestent contre la tendance à vouloir éliminer de l'Association une catégorie d'Alsaciens ayant servi dans l'armée allemande. BRUGGEMANN, l'homme-orchestre depuis 1896, fondateur et secrétaire-trésorier de l'Association, directeur de la Revue et responsable du service de placement, professeur et sous-directeur à l'École, professeur textile à l'école de chimie, expert textile international et patron d'un cabinet conseil à Mulhouse, mais d'origine allemande, est sommé de démissionner. Il quitte Mulhouse et est remplacé pendant un an au poste-clé de l'Association par Robert DUBOIS, secrétaire et futur président, auquel BRUGGEMANN lance, avant de partir: "Soit, je donne ma démission, mais ce sera la ruine de l'Association". Si ce mot "ruine" est une obsession et un puissant stimulant pour DUBOIS dans les moments de découragement devant la tâche submergeante, il fallait admettre la dure réalité et, déjà au bout de quelques mois, répartir ces charges entre cinq membres du Comité. Un autre ancien professeur de l'école, né à Lörrach de parents alsaciens, officier dans l'armée allemande pendant la guerre et accusé d'avoir tenu des propos hostiles à la France, passera "une année de purgatoire" après quoi il pourra faire sa demande d'admission à l'Association et profiter du service de placement. Quant aux autres Anciens, allemands et autrichiens, le Comité est unanime à les éliminer en "oubliant" de les inviter à l'Assemblée Générale, non sans avoir auparavant demandé conseil à un avocat sur leurs droits éventuels.  

 

 

 

Tendances centrifuges et velléités centripètes 

 

Déjà en 1897, un Ancien de l'école installé à Épinal suggère de tenir une réunion annuelle de l'Association à Épinal où le président et le secrétaire de Mulhouse seraient invités. Mais, flairant une initiative séparatiste et redoutant un affaiblissement de l'Association, le Comité ne donne pas suite. Nouvelle tendance centrifuge deux ans plus tard par la relance de plusieurs Anciens des Vosges pour fonder une "section française" avec statuts propres, siège et administration à Épinal, le Comité central refuse encore cette initiative mais propose la création d'un groupe régional d'Anciens.  

En été 1924, curieuse coïncidence. C'est l'époque de l'attaque en règle des institutions locales de l'Alsace-Moselle par le Cartel de la Gauche conduit par Edouard HERRIOT qui déclenche une vraie levée en masse du peuple alsacien menée par le clergé. Une pétition demandant le maintien du statut scolaire local en Alsace rassemble 335.315 signatures d'adultes soit 80 % des familles.  

A cette époque, les délégués des Anciens de Paris reprennent une idée émise en mars 1918 au Congrès du Génie Civil à Paris, tendant à fonder une Fédération des Associations des anciens élèves des écoles textiles de France à Paris, en prélevant un supplément de 10 F de cotisations par membre (pour comparaison, prix d'un dîner au Moll 15 F) et en installant un local avec secrétariat, service de placement et plusieurs employés à Paris. Le groupe de Paris se dépêche de déposer des statuts au Tribunal avant de recevoir l'accord de Mulhouse. Le Comité de Mulhouse consacre au cours de l'année une dizaine de réunions à cette affaire. Les Mulhousiens, craignant une mainmise des Parisiens sur notre Association, s'élèvent contre cette initiative. En décembre 1924 DUBOIS est invité à une réunion à Paris où des paroles offensantes sont adressées au Comité. A Mulhouse, on ne savait pas trop comment se tirer de ce piège: demander à Paris de retirer les remarques blessantes, charger un sage d'une mission de bons offices, annuler tout ce qui a été dit au cours des derniers mois, etc.? Toujours est-il que le président DUBOIS offre sa démission qui est refusée par le Comité, mais il décède quelques semaines plus tard. Une assemblée générale (A.G.) extraordinaire, convoquée pour avril 1925, présidée par le vice-président, se déroule dans une confusion houleuse.

A cette occasion, une nouvelle initiative commune aux délégués des groupes de Belfort, Épinal, Lille et Paris propose la modification des statuts de l'Association en formant pour la gestion et l'administration de l'Association un Comité Supérieur uniquement composé des présidents ou délégués des groupes régionaux, en d'autres termes, de supprimer le Comité central mulhousien tel que les statuts de 1896 le prévoient. HUGELIN, ancien professeur à l'école installé à Paris, argumente : "Comme il y a désaccord entre la majorité et l'organisme, un Comité supérieur évitera que l'Association soit maintenue en état permanent de conflit latent et déprimant". GÉGAUFF, membre fondateur de l'Association, ingénieur à la S.A.C.M. et inventeur d'une peigneuse, professeur vacataire à l'école, d'une voix de stentor, prend position contre ces propositions séparatistes en dénonçant les tendances de mainmise sur l'Association par leurs initiateurs. Finalement la motion GÉGAUFF est adoptée par 190 voix contre 124 sur 329 votants.

L'Assemblée Générale ordinaire de juillet 1925 réunissant 116 membres est présidée par le secrétaire démissionnaire jules PFLIMLIN, le Comité central ayant donné sa démission collective. PARRENT d'Épinal attaque : "Avant la guerre, nous avions supporté longtemps la tyrannie d'une Direction imposée qui représentait pour nous l'esprit d'Outre-Rhin. Après la guerre notre Association aurait dû être libre, mais le Comité central l'a mise sous la tutelle occulte des industriels mulhousiens et nous n'avons fait que changer de maître". C'est le chahut mais on n'en vient pas aux mains. Des voix de Mulhousiens s'élèvent: "Nous, Alsaciens, nous n'avons pas mérité de nous faire dire des sottises de cette sorte" - "Il est indigne que des gens qui n'ont rien fait élèvent des protestations". GÉGAUFF, encore lui, tel un tribun, entraîne ses partisans, conclut en défendant le travail du Comité central et soumet au vote une proposition de rejet de l'adhésion à la Fédération. Elle est adoptée par 81 % des membres. L'Association est sauvée.

Le calme semblait revenu. Au Comité de janvier 1926 "on scelle l'entente unanime, cordiale et définitive entre tous les groupes et le Comité central, on oublie les incidents et on ne reviendra pas sur ces questions". Mais une lettre du mois de juin du groupe de Paris annonce que son Comité régional a démissionné en bloc et un rapport d'octobre dit "étant donné que les discussions avec le Comité central continuent sans amener l'entente ... le président estime que le comité régional doit démissionner".  

 

 

" Une horrible crise économique "

 

Si les démêlés au sein de l'Association s'apaisent, il n'en est pas de même en ce qui concerne ceux de l'économie mondiale des années 1930. Dès 1929, les réunions du Comité et les discours d'Assemblées générales en sont de plus en plus infestés. Plusieurs indicateurs objectifs en font foi: les entrées à l'école tendent à baisser, les demandes au service de consultation technique diminuent considérablement, les places offertes ne suffisent plus à satisfaire les nombreuses demandes d'emploi, des appels à l'aide pour des Anciens nécessiteux sont présentés, les industriels résilient les contrats de publicité pour la revue, les membres honoraires ne payent plus de cotisations et les membres actifs traînent pour régler les leurs.

Au cours de l'A.G. 1930, le président LAUER adresse spécialement ses conseils aux Anciens qui enverraient leurs fils à l'école "n'ayez pas de fausse honte à commencer à travailler en usine comme ouvrier, vous comprendrez mieux leurs problèmes, puis faites pendant un certain temps le métier de contremaître salarié pour apprendre à commander les ouvriers avec équité et justice, enfin vous pourrez entrer dans l'industrie pour gravir les échelons comme sous-directeur, directeur et plus tard chef d'industrie". L'année suivante, on évoque cette "horrible crise qui provoque le chômage en espérant qu'elle passera rapidement". Si en 1932, l'Association se félicite qu'un Ancien, Alfred WALLACH (promo 1898/99, 1878-1961) est élu député de Mulhouse et met tous ses espoirs en lui pour défendre les intérêts de notre industrie textile, l'année suivante le président LAUER constate avec amertume que "la crise n'a jamais été aussi intense pour l'industrie textile que pendant les deux dernières années : fermetures d'usines, réductions d'activités, patrons ruinés, directeurs licenciés, impossibilité de trouver des emplois pour les jeunes diplômés, ce qui les force à se lancer dans d'autres branches, certains camarades ont juste de quoi vivre honorablement. Cette période d'attente dictée par la situation économique et politique a des effets néfastes". En 1934, LAUER avoue que l'année écoulée est encore plus désastreuse que les deux précédentes et en dénonce les causes: "les barrières douanières que les pays érigent coupent l'exportation, les pays clients ne payent plus, en France une crise de confiance diminue la consommation, les industriels travaillent à perte pour occuper leurs machines, les impôts et charges sont trop lourds. Si on ne réagit pas, nous verrons notre belle industrie se mourir lentement". Des remèdes sont proposés au cours de ces discours : " ententes professionnelles pour proportionner la production aux besoins, mise en chômage d'une partie du matériel, interdiction du travail en équipe, faire pression sur le gouvernement grâce à notre camarade député WALLACH, et les beaux jours reviendront ... ". L'année suivante, le président dénonce la crise de confiance et la propagande défaitiste en se lançant dans les incantations: "chacun doit travailler au redressement national de notre industrie !"

L'année 1936 marque un sommet de la crise économique et sociale. LAUER aurait aimé, pour le quarantième anniversaire le l'Association, lire le procès-verbal de la première A.G., mais comme il est rédigé en allemand, on s'en abstient. Il enchaîne : "Il y a un an, nous formions le vœu pour un avenir meilleur, mais toutes nos espérances ont été déçues. Aujourd'hui tout va mal, l'industrie, le commerce et l'agriculture. Les pouvoirs publics ne protègent même plus la propriété privée, exemple l'ignominieuse occupation des usines de ces derniers temps. Après la hausse des salaires qu'on nous a imposée et qui nous ferment les débouchés maigres à l'exportation, la loi des 40 heures nous portera le coup de grâce. Pour parer au chômage, les pouvoirs publics auraient depuis longtemps dû faire une autre politique coloniale. Il est inadmissible qu'un pays étranger puisse nous faire concurrence sur nos marchés coloniaux... Les convulsions sociales doivent cesser. Il y va actuellement de l'existence même du pays, menacé dans ses bases morales et matérielles par les mains criminelles d'agitateurs professionnels inspirés par l'étranger". En juillet 1937 on dénonce les difficultés sans nombre: "les accords sociaux de MATIGNON, les vacances payées, la semaine de 40 heures, les lois d'arbitrage, la hausse effrénée du coût de la vie, l'impossibilité d'exporter à cause de nos prix 20 % plus chers que ceux de l'étranger, le chômage, les dévaluations du franc. Où allons-nous...?" A l'Assemblée Générale de 1938, même refrain: "lutter contre ce régime d'instabilité qui complique tous nos problèmes, conditionné par notre situation politique, instabilité de notre monnaie, des prix, des salaires, des charges". Enfin, en 1939, les lamentations continuent mais un orage apocalyptique se profile à l'horizon. LAUER : "Après un commencement de reprise prometteur, les événements de septembre dernier ont d'un coup de frein brutal mis fin à cette velléité de démarrage que les accords de Munich n'ont pas revivifiée. La grève générale du 30 novembre a montré quand même que le pays se ressaisissait et que les mauvais bergers n'étaient plus écoutés comme auparavant... les rapports entre ouvriers et patrons sont devenus plus cordiaux..." On dénonce les maux : "Les grands coupables sont le manque d'entente professionnelle - que n'a-t-on pas suivi l'exemple de nos voisins d'Angleterre, où, entre autres, les filateurs se cantonnent dans la production de quelques numéros de fil seulement, les tisseurs dans un nombre d'articles limité" - et les pouvoirs publics qui auraient dû secourir notre industrie textile, imposer des ententes dans les différentes branches, des tarifs protecteurs, des primes à l'exportation,... Il est vrai que la situation politique actuelle ne facilite pas les choses surtout dans notre région frontière avec tous les risques qu'elle comporte. Mais il est permis d'espérer que l'intelligence humaine sera suffisante pour éviter la catastrophe que serait une nouvelle guerre avec son cortège de ruines et de deuils". Espoirs vains !

 

 

" La plus sombre période de l'histoire de l'Alsace "

 

Les tribulations de l'École durant l'annexion de fait nazie entre 1940 et 1944 sont évoquées au chapitre deux. La dernière réunion plénière du Comité de l'Association a lieu en décembre 1939. C'est déjà la guerre et deux membres absents du Comité sont mobilisés. Le président LAUER signale qu'il a envoyé les archives en lieu sûr dans le Lot-et-Garonne et suspendu la publication de la revue. De 1940 à 1944, deux seules réunions plutôt clandestines d'un Comité restreint de huit membres restés sur place, d'autres s'étant réfugiés en France, expédient les affaires courantes, notamment financières (un seul procès-verbal de la réunion de mars 1944, rédigé en langue française, subsiste). Car les autorités occupantes avaient suspendu l'Association du 6 septembre 1940 au 26 juillet 1941 jusqu'au moment du paiement de la somme de 216 RM (correspondant à 3400 F de l'époque), le compte chèque postal ayant été confisqué par le Stillhaltekommissar. Des contacts discrets sont maintenus avec des Anciens du secteur, notamment les présidents et secrétaires des groupes de Colmar et de Strasbourg.

Après la Libération, la première réunion du Comité a lieu le 26 avril 1945 avec les mêmes membres que ceux des années de guerre, les autres n'étant pas encore revenus. Autour de l'ancien directeur Fritz ORTLIEB, le Comité manifeste ses graves préoccupations au sujet de l'École qui n'a pas encore rouvert ses portes. En juin 1945, avec le retour du président LAUER, de Paul SCHLUMBERGER et de jean DOLLFUS du Conseil d'Administration de l'école, on s'occupe de la rentrée et de la réactivation de l'Association par l'élection de nouveaux membres au Comité, notamment de Paul WINTER, alias Commandant DANIEL, un des chefs de la Résistance du Haut-Rhin.  

Le 20 juillet 1946, dans le grand amphi de l'école, retrouvailles de plus de 100 Anciens pour une triple manifestation émouvante: la première Assemblée Générale de l'Association après la guerre, le Cinquantième Anniversaire de sa fondation en 1896 (on n'a pas pu faire d'exposé complet sur les 50 ans de l'Association, car les registres des procès-verbaux n'avaient été récupérés que trop récemment) et la cérémonie du Souvenir par l'inauguration d'une Plaque commémorative en bronze d'une trentaine de camarades morts au champ d'honneur, fusillés par les Allemands ou morts dans des camps de concentration, durant les guerres de 1914/18 et 1939/45. Plus tard, le nom d'un jeune camarade mort durant la guerre d'Algérie y est encore inscrit. (Néanmoins, comme il semble que les noms de certaines victimes ne figurent pas sur cette plaque, il y aurait lieu de refaire une enquête pour compléter les inscriptions).  

Après le discours inaugural du président LAUER, le secrétaire BARTH évoque "les souffrances et les humiliations auxquelles les Alsaciens étaient exposées durant l'occupation. Abandonnés à eux-mêmes, vivant sous la menace perpétuelle de la Gestapo, traqués sans répit, les Alsaciens ont connu tous les stades de l'oppression, allant de l'expulsion, la déportation, l'enrôlement de force dans les formations politiques et dans la Wehrmacht, par le calvaire des camps de concentration jusqu'aux condamnations à mort. Malgré tout cela, et au lendemain même de la défaite, des patriotes alsaciens s'organisaient pour venir en aide à nos prisonniers d'abord, aux persécutés civils ensuite. Mulhouse fut le berceau de la plus importante filière d'évasion d'Alsace-Lorraine. Des milliers d'évadés de tous les grades furent rapatriés par la Suisse ou par Lons-le-Saunier grâce à cette organisation. D'innombrables actes d'héroïsme furent accomplis dans la clandestinité accusant le plus pur désintéressement et un esprit de sacrifice et d'abnégation totale. Nous sommes particulièrement fiers de compter parmi ces héros obscurs et inconnus de la grande masse quelques-uns des membres de notre Association".  

 

 

14. Les "trente glorieuses" et l'industrie textile 

 

Durant les premières années d'après guerre, outre les problèmes de dévaluation et l'augmentation galopante des prix, salaires et cotisations, on ne relève guère, dans les procès-verbaux et les discours des Assemblées Générales, de préoccupations sociales, politiques et économiques.  

Par contre, à l'école, on se plaint du trop plein. En 1949, le directeur de l'école, Victor HILDEBRAND, signale un nombre record de 187 élèves dont 143 Français et des étrangers de 16 nationalités. En 1950, il y a trop de demandes d'admission et pas assez de places à l'école, ce qui nécessite le recours à un examen d'entrée plus sévère et l'agrandissement des locaux. Et puis, les problèmes d'adaptation des programmes d'études aux nouvelles exigences se font de plus en plus pressants. Nous en parlons ailleurs.

 

Interminable récession

 

Toutefois dès 1951, les soucis économiques resurgissent. Pierre LAUER à l'A.G. 1952 : "... Les emplois disponibles sont moins nombreux que jadis, c'est un effet de cette malheureuse crise qui touche si durement notre industrie, peut-être une des plus aiguës que nous ayons connues, partout la mévente et le chômage qui s'en suit. Le gouvernement a bien pris les mesures telles que fermeture des frontières à l'importation, encouragement à l'exportation et augmentation des allocations de chômage... mais il faudrait surtout que les prix baissent au détail ...". Le placement des sortants devient plus difficile. "L'industrie souhaite des cadres ayant 10 à 15 ans d'expérience. La route s'annonce dure pour les jeunes".  

Voici que réapparaissent en 1955 de nouvelles mais passagères velléités d'autonomie du groupe régional du Nord "demandant que soient définis les rapports entre le Comité central et les groupes régionaux, que ceux-ci soient considérés comme des Amicales autonomes indépendantes du groupe central et que les groupes soient consultés avant une prise de décision du Comité central". Mais il n'y eut pas de suite. 

A l'AG de 1955, jean DOLLFUS, président de la SIM : "Dans la crise qui sévit si durement, nous n'avons aucune raison de nous montrer tant soit peu pessimistes. Le triomphe du goût français à l'Exposition de Bruxelles, la qualité de la production française ... l'Europe a montré au monde la voie à suivre ... le jour où elle aura repris confiance en elle‑même, notre pays se trouvera à la tête du progrès ..." et à l'A.G. de l'année suivante: "La S.A.C.M. n'a aucunement le projet de sacrifier la construction de machines textiles... Les moteurs sont dessinés et mis au point par des Alsaciens...". En 1957 " il s'agit de conserver à l'École de Mulhouse qui a été la première en France, sa situation de premier plan. L'industrie française face au Marché Commun, saura montrer la suprématie des techniques françaises".  

Le couplet de la crise du textile est repris en 1959. On constate la désaffection des jeunes pour l'industrie textile qui rend la sélection d'admission à l'école plus problématique. Les moyens financiers mis à sa disposition sur le plan de l'adaptation rapide aux méthodes modernes sont insuffisants. Le rattachement de l'École à l'Éducation Nationale devrait lui procurer les moyens nécessaires. Après les festivités du Centenaire de l'École, en 1961, on trouve que le rattachement de l'École à l'Université, promis depuis juin 1959, traîne parce qu'on met des bâtons dans les roues en haut lieu. Mais le président Paul WINTER souligne également que l'Association ne montre pas assez de cohésion pour appuyer cette démarche alors qu'elle devrait être une "force de frappe". En 1967, Jean OULMANN, président de l'Association, rappelle : "pour de nombreux camarades, le versement de la cotisation annuelle semble constituer l'effet libératoire par excellence. N'appartenons-nous pas à une industrie qu'on présente comme condamnée ? Notre École a été présentée comme devant être logiquement fermée. Mais notre industrie qui continue à occuper le 2e rang des industries françaises par l'importance des effectifs, a besoin de dirigeants d'un haut niveau scientifique".  

Mai 1968 a aussi influencé notre Association, ne serait-ce quant à la date de son A.G. qui n'a lieu qu'en octobre. OULMANN : "Les événements de mai-juin ont eu des répercussions profondes sur l'économie française en général et sur l'industrie textile en particulier. La Convention de Grenelle, en autorisant des améliorations substantielles de salaires a, entre autres, introduit dans la trésorerie des entreprises des charges telles que le processus de restructuration et d'élimination des entreprises marginales en ressort grandement accéléré". Néanmoins, en 1969, le président constate : "un an après les événements de mai 1968, on note qu'après quelques semaines déjà, les carnets d'ordre se sont regarnis, les stocks regonflés, les prix améliorés, un certain équilibre entre l'offre et la demande, le tout sans l'emballement habituel au lendemain des crises. Rares sont les entreprises qui ne connaissent pas un niveau d'activité élevé". Mais déjà en 1970 le président Paul BARTH relève que les affaires marchent moins bien à cause de l'encadrement du crédit et de la surproduction, le marché métropolitain étant en baisse de 15 %, l'export en croissance de 150 à 200 %. Le vice-président Pierre SIEGER constate en 1971 "une évolution trop rapide de la mode qui remonte de la rue au lieu d'être imposée d'en haut, une absence totale du commerce de gros qui est régulateur et qui a une répercussion défavorable sur l'activité rationnelle des entreprises". Toutefois, "toutes les entreprises qui se sont spécialisées en abandonnant aux pays sous-développés la fabrication d'articles très classiques jouissent d'une situation privilégiée".  

 

 

Les vrais grands problèmes de demain 

 

Entre-temps l'École est entrée dans une période de bouleversements. Au terme de plus de dix années de longues et laborieuses négociations avec le Ministère de l'Éducation Nationale, l'École est transformée en École Nationale Supérieure d'Ingénieurs (E.N.S.I.) et intégrée dans la jeune Université de Haute-Alsace, devenant Unité d'Enseignement et de Recherche Universitaire.  

A l'occasion de l'inauguration des nouveaux bâtiments de l'Ensitm en décembre 1977, Pierre SIEGER, président du Conseil d'Administration et de la Société Civile de l'École, se met à l'heure de vérité en rappelant : "... les vrais grands problèmes des générations à venir sont "comment, à terme, répartir les fruits de la croissance sur le plan mondial et arriver ainsi à faire évoluer l'ensemble des pays en voie de développement vers ce mieux et plus être ?". Il faudra être politiquement capable de dire la vérité à nos populations  

- que nous sommes allés trop loin dans nos exigences, limités que nous étions, aveuglés et cristallisés dans notre univers de pays évolués,

- que nous vivons au-dessus de nos moyens,

- qu'il faudra peut-être travailler plus et non moins, gagner moins et non plus,

- que la société d'abondance, la société de loisirs sont des mythes...".  

Dans les années 1980, l'évolution des structures de l'École devenue composante à part entière de l'Université de Haute-Alsace, la restructuration des enseignements scientifiques et techniques, le développement des activités de recherche au sein d'un laboratoire propre, ainsi que les actions de coopération internationale prennent le pas sur les préoccupations sociales, économiques et politiques des anciens élèves.  

Au cours de l'A.G. de 1982, alors que le directeur Richard A. SCHUTZ souligne avec enthousiasme "le virage des constructeurs de machines textiles vers l'automatisme, la régulation informatisée et la conception intégrée, d'où la nécessité de formation à l'école d'informatique utilitaire dans une nouvelle salle d'informatique avec huit consoles utilisables en libre service", le président René DUC rappelle que "sur le plan économique de la France, le bilan n'est pas très brillant: déficit de la balance commerciale, aggravation du chômage, diminution du pouvoir d'achat, augmentation des charges des entreprises, dépôt de bilan qui plane sur la S.A.C.M.". Et en 1983, "force est bien de constater un décalage croissant dans notre pays entre les espoirs et les réalisations, il y a deux ans, on croyait à la relance, aujourd'hui le temps de la rigueur a sonné, l'économie française est en récession". R. SCHUTZ publie dans le B.I.M. de janvier 1984 une remarquable étude de 4 pages sur la robotique en posant la question : "A la limite, la robotique conduit à la suppression des conducteurs de machine, est‑ce un bien absolu?" Si on parle de l'affranchissement de l'intervention humaine, on n'évoque pas le chômage qui pourrait en découler.

En 1990, le président DUC constate : "l'école se porte bien, les élèves se placent facilement, l'industrie demande de plus en plus d'ingénieurs, face à cela, les gros titres de la presse n'engendrent pas l'euphorie "filature en déprime, le coton ne tient pas le bon fil"... ". Cette campagne de dénigrement de la presse à l'égard du textile et du métier d'ingénieur, en général, n'incite guerre les jeunes bacheliers à poursuivre des études supérieures, le diplôme n'étant plus synonyme d'emploi. En 1993, l'Ensitm, à l'instar des autres écoles textiles françaises, constate une baisse significative des flux d'entrée. A l'A.G. de 1994, le directeur Auguste KIRSCHNER fait le point : "L'Ensitm subit à son tour le contre-coup de la crise économique. A la rentrée 1993 nous n'avons accueilli qu'une trentaine d'élèves en première année contre 40 en 1992. Ce n'est certes pas le moment de céder au défaitisme alors que la qualité de la formation dispensée par l'Ensitm tant sur le plan scientifique que technologique est reconnue au plus haut niveau et son rayonnement cité en exemple". Effectivement, grâce à une stratégie de recrutement plus directe, à une refonte des programmes d'enseignement alliée à un projet de diversification des filières et une nouvelle stratégie de synergie avec les forces vives de l'Université de Haute-Alsace dans le domaine de la mécanique, la crise de recrutement n'est bientôt plus qu'un mauvais souvenir. Dès la rentrée 1994, les effectifs de première année remontent à 43 élèves, l'année suivante à un chiffre record de 48 élèves. Ces résultats justifient un nouveau projet d'extension de 2000 m2 des bâtiments de l'École. Sa population estudiantine, toutes filières confondues, atteint alors 250 élèves.

 

*          *          * 

 

Inséparables les uns des autres, les événements politiques et socio-économiques de plus d'un siècle d'histoire alsacienne ont marqué profondément la vie de notre École, vue à travers les états d'âme des Anciens.  

Limage permanente véhiculée par l'industrie textile, puissante et omniprésente au XIXe siècle, est celle de crise et de récession. Une exception en 1907 où l'on se réjouit d'une prospérité qu'elle n'a jamais connue depuis 30 ans. Pour les Anciens, les fauteurs de la crise de 1929 à 1939 sont bien définis et dénoncés, en l'occurrence, le gouvernement. La crise textile, interminable, continue à sévir à partir des années 1950, en dépit des bonnes mesures gouvernementales...  

Quant à la conjoncture politique, elle est particulière à l'Alsace, province convoitée entre deux puissants États. Après 1871, la politique de germanisation, émaillée de nombreux incidents, entrave le fonctionnement et le développement de l'École. Toutefois, la politique d'assimilation française instaurée après 1918 ne fut pas moins aléatoire, déclenchant des tentatives d'ostracisme et de mainmise. La période d'annexion nazie n'est en rien comparable aux autres époques. Depuis 1945 la vie politique n'est plus évoquée dans les procès-verbaux, sauf en mai 1968. Un temps de sérénité permet d'envisager les problèmes d'adaptation au futur.

 

 

 Chapitre II : une école en perpétuelle adaptation

 

L'histoire de notre vieille École, contrairement à celle de l Association, a fait l'objet de plusieurs publications relatant son développement, notamment un luxueux livre de 120 pages édité en 1961 à l'occasion de son Centenaire, une plaquette de 50 pages éditée en 1982 et un bref Historique de l'École rédigé sur deux pages, actualisé par ses Directeurs et inséré dans les Annuaires des Anciens. Même si nous puisons d'intéressants renseignements dans ces publications, nous estimons qu'il est néanmoins utile à la connaissance de l'histoire de compléter ces informations par des faits relevés dans les archives de la Société Industrielle de Mulhouse et dans les procès-verbaux de l'Association et complétés par des anciens directeurs.

Comme nous l'avons vu, c'est la convergence de trois facteurs, le besoin d'une main-d'œuvre mieux formée, la constatation du manque de cadres qualifiés dans l'industrie textile alsacienne et la signature d'un Traité de commerce entre la France et l'Angleterre supprimant la prohibition, qui incita les industriels mulhousiens à fonder en 1861 une "École Pratique et Théorique de Tissage Mécanique".  

La Société Industrielle de Mulhouse fondée la veille de Noël 1825 par vingt-deux manufacturiers du secteur de Mulhouse et déclarée d'utilité publique par décret royal en 1832, se préoccupait du développement de la région, de son industrie mais aussi d'institutions sociales et d'instruction.

 

21. Un foisonnement de l'enseignement technique

 

Depuis des lustres, la SIM, emboîtant le pas aux édiles mulhousiens, se souciait de la formation de base mais aussi professionnelle de la jeunesse par la création de nombreuses écoles professionnelles spécialisées et secondaires, dont voici quelques exemples de réalisations.    

 

A Mulhouse au XIX ° siècle 

 

Collège Municipal de Mulhouse : existait de 1812 à 187, formation en latin, français, dessin, statistiques commerciales, hygiène élémentaire; frais d'écolage 12 F par an, 15 F avec le latin; en 1822, il comptait 4 classes avec l'enseignement de français, latin, grec, allemand, religion, géographie, histoire, histoire naturelle, calcul, mathématique, physique, écriture, dessin, chant ; en 1831 on cherchait à se rapprocher de l'organisation des lycées; à partir de 1849, les programmes furent conformes à ceux des lycées de l'enseignement secondaire.

École de Chimie : fondée en 1822 pour dispenser des "cours de chimie appliquée aux arts" au laboratoire du Collège municipal, dirigée par DEGENNE, ancien élève de l'École Normale Supérieure, puis en 1825 par le Dr. Achille PENOT, originaire de Nîmes, elle devint en 1871 École Municipale de Chimie Industrielle. En 1879 le nouveau bâtiment du Quai du Fossé accueillait l'École dirigée par Emilio NOELTING (1851-1922) qui fut expulsé par les Allemands en 1915. Érigée en École Supérieure de Chimie en 1930, elle fut rattachée à l'Université de Strasbourg en 1957 pour devenir École Nationale Supérieure et jouir d'un prestige international.

École de Dessin et de Gravure : fondée par la SIM en 1829 et installée à la Porte Haute en 1853. Les cours d'abord payants pendant de longues années étaient gratuits à partir de 1868 grâce aux dons de H. HAEFFELY En 1899, l'École dirigée par GLEHN avec le professeur de dessin ROEDER, comptait 174 élèves exécutant 2500 dessins.

École Israélite d'Arts et de Métiers : fondée en 1842 pour la jeunesse israélite de Mulhouse, elle comptait trois ans d'études en internat complet.

École des Sciences Appliquées : ouverte en 1855 dans les locaux de l'École professionnelle et de l'École de Dessin de la rue Huguenin avec un programme se rapprochant de la licence ès-sciences, elle fut dirigée par PENOT jusqu'en 1870 où elle fut fermée.

École Professionnelle de l'Est : érigée en 1854 à l'initiative de l'État sur proposition du Recteur de l'Académie de Strasbourg à titre expérimental à Mulhouse et dirigée par Paul SCHUTZENBERGER, elle "distribue l'instruction aux enfants de la classe ouvrière destinée à compléter leur éducation par l'apprentissage d'un métier". Elle devint Gewerbeschule en 1872 et fut dirigée par le Dr. CHERBULIEZ (d'origine suisse) de 1872 à 1898. Étude des langues vivantes et sciences exactes, travaux manuels et de laboratoire, préparation aux carrières de l'industrie et du commerce.

École Supérieure de Commerce : fondée en 1866 à Mulhouse (avec une dotation de 100.000 F de Jules et Jacques SIEGFRIED) organisée selon le modèle de l'Institut supérieur de Commerce d'Anvers, elle fonctionnait jusqu'en juillet 1872. On y étudiait en deux ans : langues (anglais, allemand, italien, espagnol), calligraphie, histoire commerciale et géographie, législation et économie commerciales, arithmétique sociale et comptabilité. Frais d'écolage 600 F par an. Entre 1866 et 1872 l'école avait formé 174 élèves. Par suite de l'annexion, le directeur PENOT et l'ensemble du corps professoral avec la presque totalité des élèves venant de France, quittèrent Mulhouse pour Lyon en 1872. Le Dr. PENOT ouvrit dans cette ville avec l'appui de la Chambre de Commerce de Lyon une École supérieure de Commerce et de Tissage, selon le modèle mulhousien.  

École technique des Apprentis : fondée en 1899 à l'initiative des industriels mulhousiens et de la Municipalité, elle formait en 3 ans des jeunes pour la construction mécanique ; vers 1900 une collaboration avec l'École de Filature et de Tissage permit une meilleure préparation de certains jeunes qui voulaient entrer à l'École textile. 

 

 

Ailleurs en France 

 

Avec les avancées de la science et les multiples inventions techniques dans l'Europe du XIX° siècle, la formation se développe partout, répondant à un ardent besoin.

Dans son rapport de fin 1900 à la SIM, le président du Comité d'Administration de l'École de filature et de tissage de Mulhouse constatait que "les écoles d'enseignement textile se multiplient autour de nous: Lyon, Saint-Etienne, Reims, Roubaix, Tourcoing, Fourmies, Flers, une école en formation à Épinal". Certaines de ces écoles subsistent toujours.

De nombreuses institutions continuent à dispenser, encore en 1980, un enseignement textile de niveau C.A.P., B.E.P., B.T.S., etc... à Lyon, Villeneuve d'Ascq, Caudry, Roanne, Rouen, Castres, Lavelanet, Roche-la-Molière, La-Tour-du-Pin, Troyes, etc. Pour quelques villes, nous avons pu trouver dans les archives municipales ou dans des revues textiles des traces d'écoles textiles disparues. Ainsi, une école textile fonctionnait à Reims en 1895. A Fourmies, la Société Industrielle avait créé en 1885 une École de Peignage, Filature et Tissage. Devenant en 1892 l'École Pratique de Commerce et d'Industrie, elle dispensait des cours du soir pour former des générations de techniciens de filature et de tissage. A Saint-Étienne une École Nationale Professionnelle fut fondée en 1882 où l'on enseignait, entre autres, "l'analyse et la contexture des tissus, quelques façonnés, le Jacquard, la mise en carte et le lisage", matières ayant été enseignées depuis 1874 en cours du jour ou du soir à l'École de Fabrique de l'École Municipale de dessin de cette ville. A Flers (Orne) une École Industrielle est créée en 1872 par ARMBRUSTER, un ancien élève et ancien sous-directeur de l'École de Mulhouse, aidé en 1903 par le professeur Emannuel TOUSSAINT, un autre ancien de Mulhouse (promo 1888). L'École de Flers dispense en un ou deux ans un enseignement en tissage et fabrication des tissus, complété éventuellement par le blanchiment et la teinture et un enseignement théorique de la filature. Les élèves se recrutent dans toute la France, en Suisse et en Italie. En 1889 la Chambre de Commerce de Tourcoing et un syndicat d'industriels et de négociants fondent l'École Industrielle de Tourcoing dispensant en deux ans un enseignement théorique et pratique en filature de coton, peignage et filature de laine, tissage mécanique et à la main, mécanique, dessin, électricité et comptabilité.

De prestigieuses écoles textiles françaises, dont voici un bref historique, offrent encore aujourd'hui une formation supérieure.

École Nationale Supérieure des Arts et Industries Textiles (E.N.S.A.I.T.) à Roubaix. La Municipalité de Roubaix envisageait dès 1876 la création d'une École d'art et de textile avec le concours de l'État. Officiellement créée par une loi d'août 1881 et une convention bilatérale de 1882 entre la ville et l'État, l'école ouvrit ses portes en 1889 avec le nom d'École Nationale des Arts Industriels qui devint en 1921 École Nationale Supérieure des Arts et Industries Textiles. En 1926, elle fut rattachée à la Direction de l'Enseignement Technique et divisée en trois sections: l'enseignement de l'art avec la peinture, l'architecture et la sculpture, l'enseignement préparatoire au génie civil, l'enseignement technologique des industries textiles (filature, tissage, teinture, impression et apprêts). Elle formait le personnel de maîtrise et d'encadrement. L'école fut autorisée à délivrer le diplôme d'ingénieur à partir de 1947 et a formé un millier d'ingénieurs E.N.S.A.I.T. jusqu'à ce jour.  

École Supérieure des Industries Textiles de l'Est à Épinal (E.S.I.T.E.). Dès 1875, l'idée de fonder un cours de filature et de tissage à Épinal germa dans les esprits des industriels de l'Est, notamment ceux qui avaient quitté l'Alsace pour des raisons politiques quand elle est devenue allemande en 1871. Mais la création définitive ne fut décidée qu'en 1903 à l'initiative du Président du Syndicat Cotonnier de l'Est, Georges JUILLARD-HARTMANN (un Ancien de l'École de Mulhouse, promo 1865) et avec le soutien de la Ville d'Épinal et de sa Chambre de Commerce. La première rentrée de cette École, rattachée à l'École Industrielle des Vosges à peine créée également, eut lieu en octobre 1905. En 1913 l'École baptisée École de Filature et Tissage de l'Est et dirigée par Xavier HUGUENY, un ancien élève de l'École de Mulhouse qui y fut également professeur pendant quelques années, s'installa dans de nouveaux locaux de la rue d'Alsace construits à cet effet. Elle s'appellera en 1922 École Supérieure de Filature et de Tissage de l'Est, puis, après la création en 1952 d'une section d'ingénieurs, École Supérieure des Industries Textiles de l'Est à partir de 1980. Formant des B.T.S. Techniques du textile, des B.T.S. Techniques de la confection et des Ingénieurs, l'E.S.I.T.E. décerna pour la première fois en 1996, dans le cadre de l'Institut National Polytechnique de Lorraine, le label d'ingénieur européen junior à certains de ses ingénieurs.

Institut Textile et Chimique de Lyon (I.T.E.C.H.). Né de la longue et brillante tradition de la soierie lyonnaise, un cours de théorie de tissage fut dispensé dès 1840 par le professeur AUDIBERT au Palais des Arts à Lyon. En 1884 la ville créa l'École Municipale de Tissage qui, à partir de 1905, alors dirigée par Félix GUICHERD, fils de canut, atteignit une réputation mondiale en tissage. Installée en 1933 dans de nouveaux locaux sur la colline de la Croix-Rousse, l'École devint en 1984 École Supérieure des Industries Textiles de Lyon et fusionna en 1988 avec l'École Supérieure du Cuir et des Peintures, Encres et Adhésifs, issue elle-même de l'École Française de Tannerie datant de 1889, pour devenir l'I.T.E.C.H.

École Supérieure des Techniques Industrielles et des Textiles (E.S.T.I.T.) à Villeneuve d'Ascq (Nord), anciennement Institut Technique Roubaisien (I.T.R.), fut créé et dirigé en 1895 par le Chanoine Henri Philomène VASSART (1840- 1916) dans le but de "former pour la direction des usines dans les différentes branches de l'industrie textile, des hommes de devoir, de justice, de travail et de progrès". Entre 1930 et 1935, le niveau de formation scientifique fut relevé pour aboutir au diplôme d'ingénieur textile I.T.R., parallèlement à une formation de techniciens supérieurs. En 1956, la durée de formation passait à 4 ans. L'I.T.R. dirigé par des prêtres jusqu'en 1969, rejoignit entre 1960 et 1966, les autres grandes écoles de l'Université catholique de Lille et en 1967, l'I.T.R. est membre fondateur du Polytechnicum de Lille. La formation de l'ingénieur I.T.R. passait à 5 ans avec 2 options, Mécanique ou Chimie Textile, et celle du Technicien Supérieur à 2 ans. En 1982 l'I.T.R. quitta Roubaix pour s'implanter à Villeneuve d'Ascq et s'appeler E.S.T.I.T. De nouvelles options furent proposées aux étudiants: Automatisme et Informatique, puis en 1994, Développement Industriel mettant l'accent sur la dimension commerciale. Cette École a formé depuis sa fondation près de 5000 diplômés et actuellement elle forme 60 ingénieurs et techniciens par an, dont 35 % viennent de la Région Nord-Pas de Calais et quelques % de l'étranger. 

 

 

Des écoles textiles dans le Monde 

 

Dans le domaine de l'instruction professionnelle du tissage, de la filature, de la teinture, du dessin, de la mécanique, etc..., c'est encore l'Angleterre qui avait pris au XIXe siècle une longueur d'avance sur les pays du continent européen. Des écoles textiles furent ainsi créées à Bradford, Leeds, Glasgow, Keighley, Huddersfield (1880), Manchester, etc... dans le Lancashire et le Yorkshire, des écoles polytechniques à Kensington près de Londres, etc.

Aux États-Unis, on trouve des prémices d'enseignement textile dès 1832 à Clemson. De grandes et belles écoles techniques à Boston, Philadelphie, etc. forment des ingénieurs et des mécaniciens.

C'est en 1855 que fut créée l'École de Tissage de Reutlingen à laquelle on adjoignit un atelier de tissage mécanique en 1862. Dispensant à certains élèves le titre d'ingénieur textile à partir de 1941, l'École se développe considérablement pour atteindre des effectifs de 750 élèves dans les années 1955 avant de subir la récession générale de l'industrie textile. Dans les années 1990, elle devient École Supérieure Economique et Technique avec onze filières professionnelles, dont une textile, et forme près de 3000 étudiants.

Dans le cadre de l'École Polytechnique de Zurich (E.T.H.) fondée en 1855, fut créé en 1931 un Institut pour l'Industrie Textile et la Construction de Matériel Textile dirigé par HONEGGER. A Wattwil (Canton de Saint Gall) fut fondée en 1881 une École de Tissage à laquelle on adjoignit en 1948 une École de Filature; elle absorba les écoles textiles de Saint Gall et de Zurich pour devenir en 1973 École Suisse de Textile, Habillement et Mode (S.T.F.) qui forme des techniciens supérieurs en 2 à 3 ans.

D'autres écoles textiles en Europe forment des cadres pour l'industrie textile : en Italie à Milan et à Côme, en Belgique à Verviers (1894), en Allemagne à Aachen, Mönchengladbach, etc.  

 

 

22. Les prémices à Mulhouse

 

Notre industrie textile alsacienne risquait d'être placée dans une situation critique comparativement à nos principaux concurrents anglais. A la pointe du progrès, tant dans l'innovation du matériel que dans la production de tissus élaborés et dans la formation de l'encadrement, les Anglais nous étaient largement supérieurs en création, en qualité et en rendement. Il fallait réagir et rapidement.

 

Une École de tissage mécanique en 1861

 

Aussi, le 13 juillet 1861, le président de la SIM, Nicolas KOECHLIN adresse à tous les industriels de la région un appel qui expose, avec le projet de création d'une École de tissage, les services que l'on peut attendre de sa rapide réalisation. Un mois plus tard a lieu une Assemblée constitutive d'une Société Civile de l'École de Tissage mécanique (cf. Annexe N° 55) dont le président est Henri THIERRY KOECHLIN et le vice-président Fr. ENGEL-DOLLFUS avec ouverture d'une souscription. On recueille 37.000 F qui permet de faire face aux premiers frais d'installation et de fonctionnement pendant trois ans.

Au cours de cette réunion, Emile FRIES, un camarade de pension du vice-président de la SIM Gustave DOLLFUS, expose son idée de création d'une École de tissage en Alsace. Cet homme d'à peine quarante ans, énergique et doué d'une vive intelligence, avait suivi un cours de théorie de tissage au Palais des Arts à Lyon et dirigé plusieurs grands tissages de nouveautés à Lyon et à Manchester. Il venait de quitter un poste de dessinateur dans cette dernière ville et fut chargé de la Direction de la nouvelle École, de l'élaboration des cours théoriques et de l'enseignement pratique et mécanique (théorie des liages et technologie machines de tissage, dessin et construction mécanique).

Un local provisoire situé à l'angle de la Grand'rue en face de la Porte de Nesle est loué pour trois ans. Il s'agit de l'atelier de graveurs de rouleaux d'une ancienne manufacture d'indienne qui appartenait à Godefroy HEILMANN puis à André KOECHLIN & Cie (A.K.C.). L'équipement, modeste au début, s'enrichit rapidement et comprend déjà après deux ans du matériel divers prêté par différents constructeurs et notamment les Ateliers de Construction A.K.C. : des machines de tissage (cinq métiers à tisser mécaniques A.K.C., quatre anglais de 1 à 6 navettes, deux métiers à bras avec Jacquard), des machines de préparation (bobinoir, cannetière, ourdissoir, pareuse, etc.), une machine à vapeur horizontale de cinq chevaux avec chaudière et transmissions. Cette installation se fait en deux mois et le er novembre 1861, quatre mois après la première démarche, l'École ouvre ses portes à la première promotion de 9 élèves. FRIES assure l'enseignement théorique et un contremaître est embauché pour l'enseignement pratique. L'École progresse rapidement, avec 15 élèves réguliers l'année suivante et 29 en 1863/64.  

 

 

Une École de filature en 1864

 

Encouragée par les succès initiaux de l'École de tissage et constatant que des problèmes analogues à ceux de l'encadrement des tissages se présentent également en filature, la SIM se décide de fonder également une École de filature. D'autant plus que, dans l'ère des grandes inventions techniques du XIX° siècle, des technologies modernes de filature (filage et renvidage) apparaissent sur le marché qui exigent de nouvelles connaissances techniques. 

Des structures administratives et une Société Civile de l'École de filature sont créées dans des conditions et avec un capital analogue à celles de l'École de tissage. La Direction de cette École est confiée à Jacques-Mathieu WEISS (1837- 1904) qui avait suivi des cours au Lycée CONDORCET à Paris et assisté le professeur C.R.E.S.C.A. au Conservatoire des Arts et Métiers avant de diriger la filature HARTMANN. Si, initialement, on avait envisagé de créer une filature-école avec trois assortiments complétés de 4 à 5000 broches marchant dans des conditions analogues à un atelier industriel, on abandonne ce projet pour une réalisation plus modeste. En 1864, au moment où l'École de tissage quitte son ancien local de la Grand'rue, l'École de filature y est installée. Le matériel, battage, cardes, peigneuses, bancs-à-roches, métiers à filer automatiques et à main, etc. est en grande partie fourni par André KOECHLIN & Cie. A l'instar de sa grande sœur, l'École de filature fonctionne comme un petit établissement autonome. 

Quant à (organisation de l'enseignement de la filature, il est étalé sur deux périodes, l'une de novembre à septembre, l'autre de janvier à novembre. De ce fait il n'y a que cinq élèves la première année et 22 en fin de deuxième année. Au programme initial de théorie et machines de filature dispensé par le directeur WEISS, il fallut ajouter des cours de dessin et de mécanique donnés par le professeur DRUDIN, car les connaissances dans ces matières sont largement insuffisantes. L'année suivante des cours de prix de revient et quelques notions d'économie industrielle complètent la formation. Comme à l'École de tissage, les parents sont trimestriellement informés des notes de leur rejeton et les études sanctionnées par un certificat de capacité.

Étant donné que, de bonne heure, on se rend compte que les frais pour la conduite des deux Écoles sont plus élevées que ceux d'une École unique et que, par ailleurs, le nouveau bâtiment pouvait abriter les deux institutions, on se résout, en 1868, à les fusionner.

 

 

23. Un enseignement évolutif

 

Le premier directeur Émile FRIES devait construire son cours de toutes pièces avec l'aide des industriels car, à cette époque, les théories des machines de tissage et de filature étaient à peu près inexistantes.

Du programme des études de l'École Théorique et Pratique de Tissage Mécanique publié en 1863 (Annexe N° 3), on retient surtout que l'objectif de l'enseignement est l'acquisition dans des conditions aussi proches que possibles de la pratique de connaissances technologiques encyclopédiques des processus traditionnels : "L'organisation de l'École est établie sur le pied manufacturier et constitue un établissement complet, avec force motrice à la vapeur, atelier de menuiserie et de réparations". "Plan d'études en deux divisions, théorique et d'application, passant alternativement et régulièrement de l'une à l'autre. Théorie: décomposition et analyse des tissus unis, grains, armures, façonnés, velours, gazes ; "levée" et dessin des machines, étude des meilleures implantations à donner à un tissage nouveau, établissement de plans et devis, calcul de prix de revient et de fabrication, comptabilité industrielle. Applications: travail manuel, montage, réglage, ajustage, réparations, entretien de toutes les machines; montage d'articles décomposés en théorie, "mettage", mise en marche et tissage, le tout, assisté par un contremaître. En plus, un cours spécial de deux heures est dispensé le soir pour les personnes occupées dans la journée qui désirent apprendre le tissage".  

"Conditions d'admission et dispositions générales : 600 F par an par élève pour les cours théoriques et pratiques d'une année scolaire de onze mois. Pour le cours spécial de deux heures du soir : 25 F par mois payé d'avance. Les étrangers sont admissibles à l'École au même titre que les nationaux. Un élève peut se faire admettre à toute époque de l'année et doit produire à l'entrée les bulletins ou notes de conduite et d'aptitude émanant d'autres institutions. Après l'achèvement de ses études, l'élève sera tenu de passer un examen ..."

"Règlements d'ordre et de discipline et avantages particuliers offerts par l'École : Les cours durent chaque jour de 8 heures à midi et de 14 à 18 heures, sauf le samedi où la fermeture a lieu à 16 heures. Les élèves ayant une demi-heure de retard ne seront plus admis. Les élèves travailleurs trouveront l'École ouverte à 7 heures du matin et à 13 h. Les dimanches et jours fériés légaux, l'École reste fermée. Tout ce qui peut troubler l'ordre ou le travail est défendu: bruit, chant, causeries; il est interdit de fumer et d'introduire dans l'établissement des comestibles, du vin ou des spiritueux. Aucun élève ne peut faire voir les ateliers sans l'autorisation du directeur. Les fabricants ou négociants qui désireraient des renseignements sur des genres de fabrication spéciaux et articles façonnés pourront en faire la demande au directeur; ces consultations, confidentielles avec visite de l'École, donneront lieu à une rémunération proportionnelle au temps qu'elles nécessiteront. Dans le but de faciliter aux inventeurs les essais nécessités par les améliorations et les perfectionnements à apporter aux machines de tissage, l'École offre son concours aux intéressés... "

Les structures indispensables pour la bonne marche de l'École se mettent en place avec célérité, d'abord un Comité de surveillance issu de la SIM puis, en juin 1863, une Commission d'examen dont les membres sont choisis parmi les spécialistes les plus représentatifs d'entreprises textiles du Haut-Rhin. Les membres de cette Commission apposent leur signature au bas du certificat de capacité remis aux élèves à la fin de leur année d'études. De ce fait, ils doivent non seulement faire passer les examens aux élèves, mais surtout valoriser le parchemin et recommander son détenteur aux fabricants, leurs collègues, appelés à les employer. Ce principe de faire passer les épreuves de fin d'année dans les matières textiles par des examinateurs praticiens de l'industrie fonctionne durant plus d'un siècle, jusqu'à la "révolution de mai 1968" où il est aboli. C'était d'ailleurs la terreur des élèves car ces examinateurs possédaient à fond quelques questions spécifiques techniques, scientifiques et pratiques qu'ils se régalaient de poser aux étudiants.  

Comment se passent les premières épreuves à l'École, par exemple celles des sept étudiants de la promotion sortante du 23 juillet 1863 ? La Commission d'examen comprend outre le président Henri SCHWARTZ (1845-1895), membre de la C.C.I., du Conseil Municipal, de la SIM et plus grand filateur de laine peignée d'Europe avec 115.000 broches en 1895, Gustave DOLLFUS, Henri ZIEGLER de Mulhouse, Théodore FREY de Guebwiller, J. GROSHEINZ de Thann, Gustave BORNEQUE de Bavilliers, R. WEERDER de Wesserling et J. DIETSCH de Sainte-Marie-aux-Mines. Le matin de 9 h à midi ont lieu les examens oraux et théoriques et après déjeuner les travaux écrits et les examens pratiques de réglage des machines. Une liste de questions est proposée à l'avance que les examinateurs ont la latitude de modifier ou d'étendre et dont ils proposent une à l'élève. En outre l'étudiant présente et explique le travail écrit dont le directeur l'a chargé de soumettre à l'examen. Chaque examinateur donne une note entre 1 et 20 à chacune des trois matières. Le directeur de l'École y ajoute une note pour la conduite et une pour l'application de l'élève, notes qui entrent pour 215 dans la note finale. Ces épreuves passées avec succès donnent lieu à l'établissement de grands parchemins de 50 x 40 cm richement ornés, un diplôme de premier ordre pour une moyenne de 15 à 20 (Annexe N° 4) ou de second ordre pour une moyenne de 13 à 14,99 (Annexe N° 5) ou d'un certificat d'études (ou de capacité) pour une moyenne de 10 à 12,99 (Annexe N° 6).  

Pour l'École Théorique et Pratique de Filature, un programme analogue est établi en 1865 (Annexe N° 7).  

 

 

Formation tous azimuts

 

Très tôt, le Comité d'administration et la Direction se rendent compte de l'insuffisance de la préparation des élèves, ce qui les empêche de profiter au maximum des enseignements dispensés. Plusieurs démarches sont entreprises tant pour améliorer le niveau des élèves entrants que pour parfaire l'instruction des élèves et des salariés de l'industrie.

Déjà en décembre 1862, un accord est passé avec la direction de l'École Professionnelle de Mulhouse pour organiser dans leurs classes supérieures un cours préparatoire spécial de deux heures par jour. Cette initiative est destinée à des jeunes gens intéressés par l'entrée dans l'industrie textile comme contremaîtres ou en tant que futurs élèves à l'École textile. Douze élèves suivent ce cours dès la première année. Ce nombre s'élève rapidement à une vingtaine au cours des années suivantes.

Quant à la filature, le directeur Jacques-Mathieu WEISS dispense, "sans rétribution spéciale", à partir de 1865 des cours populaires du soir à 35 élèves de 18 à 30 ans venant de l'industrie ou de l'École de Tissage et qui cherchent à s'initier ou à se perfectionner. On y trouve aussi bien des contremaîtres, fileurs, mécaniciens, dessinateurs que des employés de commerce ou d'usine. 

La même année et en 1866, l'École de Filature fait appel à Ernest STAMM, professeur aux Universités de Milan et de Turin pour donner chaque fois deux conférences à Mulhouse sur la théorie du renvidage sur self-acting, à l'aide de tableaux explicatifs et d'une têtière de métier à filer automatique. Tous les étudiants et un grand nombre de chefs d'entreprise, directeurs, contremaîtres et ouvriers assistent à ces exposés suivis de discussion. Plus tard, STAMM revient pour parler de la théorie du battage et du cardage. 

A peine a-t-on emménagé en 1865 dans la nouvelle École fraîchement construite,  qu'un nouveau projet de création d'un atelier expérimental de tissage mécanique exploité industriellement est caressé. Ce serait une possibilité de gagner de l'argent en tissant à façon pour des entreprises locales et, simultanément, de perfectionner les connaissances de contremaîtres ou de directeurs ayant déjà une expérience pratique dans l'industrie. On pensait aussi à la formation, dans ce cadre, "de futurs tisserands hors ligne propres à devenir plus tard de bons contremaîtres tout en gagnant de quoi vivre". Sitôt dit, sitôt fait. L'Assemblée générale des fondateurs de l'École vote au printemps 1866 une augmentation de capital de 30.000 F pour adjoindre dans un local de l'École un atelier de 40 métiers à tisser mécaniques avec tout le matériel de préparation conduit par du personnel autre que les élèves. Ce serait aussi pour des élèves sortant de l'École avec des connaissances théoriques et pratiques, l'occasion de vivre concrètement une expérience d'atelier avec le souci du rendement et de la direction des ouvriers. Les ouvriers eux-mêmes formeraient un noyau, un vivier de futurs bons contremaîtres. Toutefois, cette initiative fut un coup de sabre dans l'eau. Ce tissage entrant en activité en 1867 dut être fermé à peine trois ans plus tard, son rendement étant d'autant plus mauvais que la conjoncture dans le tissage devenait "néfaste" et, en conséquence, il travaillait à perte.  

 

 

En 1868, la nouvelle École de Filature et de Tissage

 

1867 est une année exceptionnelle par la participation à l'Exposition Universelle de Paris d'une délégation des Écoles de Tissage et de Filature de Mulhouse. Dans une vitrine de la SIM sont exposées des préparations de mèches, des filés et des tissus produits à l'École ainsi que les plans détaillés de ses salles de théorie et de pratique. Une médaille d'or est décernée à la SIM, fondatrice de ces institutions.

La fusion des deux Écoles sous la Direction unique de Émile FRIES est décidée. Jacques-Mathieu WEISS reste l'adjoint d'Émile FRIES, mais après une année de collaboration, il préfère repartir dans l'industrie pour diriger une filature du Val d'Ajol tout en restant membre du Comité d'Administration de la nouvelle École.

Un fonds spécial est créé par l'École en 1868 pour envoyer le major de tissage en Angleterre en vue d'effectuer une "tournée industrielle".

 

 

1870 : l'élan brisé

 

La nouvelle École atteint une belle prospérité avec une quarantaine d'élèves par an quand, le 19 juillet 1870, NAPOLÉON III déclare la guerre à l'Allemagne. Les examens se terminent et l'École ferme ses portes le 31 juillet 1870. En septembre la Haute-Alsace subit des incursions de troupes prussiennes et le 3 octobre Mulhouse est occupée. Après l'armistice, le "Traité des Préliminaires de paix" est signé le 26 février 1871 entre la France (cédant aux vainqueurs les trois départements de l'Est, sans le Territoire de Belfort) et l'Allemagne. L'École ne rouvre ses portes qu'en avril 1871, un mois avant la signature du Traité de Paix de Francfort. Mais l'élan est brisé. Pendant les cinq premières années après la guerre, le nombre d'élèves recule à 15. Déjà en mai 1873, le vice-président du Comité d'Administration de l'École tire la sonnette d'alarme. "Le nombre d'élèves est trop faible pour faire vivre l'École". On énumère les causes possibles de cet échec, indépendamment de "l'influence fatale de la guerre : le manque de publicité faite pour l'École, la jeunesse qui néglige les ressources mises à sa disposition dans la région, plusieurs écoles analogues qui venaient de s'ouvrir en France, en Suisse et en Autriche".  

"On relève également les atouts de l'École : l'outillage complet, une École à caractère international et libre de toute ingérence gênante extérieure, (État, Municipalité, Politiques, etc...), nos élèves sont toujours accueillis par les industriels pour des visites d'usines, un directeur dynamique et de haute compétence, l'Alsace est un centre textile suffisamment grand pour pouvoir à lui seul alimenter notre École sans secours de l'étranger". Néanmoins, les faits sont là ! En mai 1874, Gustave DOLLFUS, le président du C.A. propose une nouvelle souscription auprès des industriels pour assurer la pérennité de l'École pour 3 ans, sinon ce serait la fermeture forcée par manque de moyens. Cette souscription rapporte la somme de 19.000 F et garantissait ainsi la marche de l'École pour 4 ans.  

Un autre souci découle de la diminution drastique du nombre de candidats à l'entrée, le niveau d'instruction des élèves diminue fortement par suite de la suppression de l'examen d'admission, notamment les notions de mécanique et le dessin manquent complètement. A partir de ce moment, la Commission d'examen se transforme en conseil pédagogique, se rendant plusieurs fois par an à l'École, prodiguant encouragements et conseils aux élèves. De nouveaux cours dispensés par le professeur DANZER devaient compenser les lacunes : mécanique (transformation des mouvements, force, travail), moteurs à vapeur et hydrauliques, appareils à vapeur, chauffage et combustibles, comptabilité commerciale.

 

Un second départ

 

Enfin, à partir de 1877, on voit renaître l'espoir avec des promotions d'une trentaine d'élèves qui vont en augmentant jusqu'aux années 1910 où elles dépassent la cinquantaine. On introduit un examen d'admission avec contrôle des connaissances afin de relever le niveau. En 1878, des cours supplémentaires sont également ajoutés : dessin, préparation de plans et de devis d'établissements de filature et tissage.

Si la durée normale des études est de deux années, dont une en filature et une en tissage, des élèves avec une bonne formation initiale, doués et travailleurs, avaient la possibilité de faire les deux sections en une année de séjour, ce qui arrivait à quelques rares élus.

Après l'agrandissement des bâtiments et le renouvellement du parc de matériel dans les années 1880, on réorganise également les programmes d'études, notamment à cause de l'instruction de base insuffisante des élèves et pour relever le niveau des études en leur permettant une incursion plus facile dans le domaine théorique. On procède à une révision des cours soutenus par des interrogations fréquentes : cours de filature avec élargissement à la laine, cours de tissage, théorique et pratique, travaux pratiques sous la surveillance de bons contremaîtres sur du matériel produisant des filés ou des tissus. Refonte des autres cours en les rendant obligatoires: mécanique élémentaire et appliquée, comptabilité, physique et chimie industrielles (comme au début il présentait des difficultés d'organisation, ce cours est d'abord fondu avec celui de mécanique), étude de la chaleur, des générateurs et des mouvements des gaz, électricité pour l'éclairage et les moteurs, notions de chimie nécessaires aux apprêts, comptabilité générale. En 1885, on est obligé d'admettre qu'il y a "deux catégories bien distinctes d'élèves, l'une distinguée pour les futurs chefs d'ateliers, l'autre médiocre pour les ignorants dont il fallait d'abord assurer une préparation en dessin et mathématique".

Par ailleurs, au niveau du recrutement et du placement des jeunes, la concurrence d'autres Écoles en France et à l'étranger ouvertes à partir des années 1880 se fait sentir. Le patronat haut-rhinois, à l'indépendance sourcilleuse, souligne que ces  Écoles, contrairement à celle de Mulhouse qui s'autofinance, sont largement subventionnées par l'État, les villes ou des institutions diverses. Néanmoins, "nous sommes sur la bonne voie, affirme-t-il, les armes pour vaincre la concurrence seront la supériorité de notre enseignement". Un peu plus tard, le président du Comité d'administration De LACROIX se rassure en estimant que "les écoles rivales fournissent plutôt des contremaîtres que des directeurs".  

En 1885, le directeur Emile FRIES qui a porté pendant 24 ans "son École" contre vents et marées à travers toutes les difficultés, âgé et fatigué, demande à prendre une retraite bien méritée. Son fils Henry a d'ailleurs fréquenté l'École en 1881 et sera plus tard directeur-gérant de DOLLFUS & NOACK à Sausheim. Oscar WILD (1849- 1897), un ancien élève sorti de l'École en 1877 qui avait dirigé pendant quelques années un tissage de Mulhouse, assumera la Direction de l'École à partir de 1885.  

 

 

Enseignement français puis bilingue

 

Dès avril 1871, l'administration allemande introduit en Alsace annexée, en même temps que l'obligation scolaire (Jules FERRY ne le fait en France que douze ans plus tard) l'allemand comme langue d'enseignement au primaire, donc la suppression de la langue française à l'école communale. Le français subsiste comme langue étrangère dans les collèges et lycées. Certains journaux continuent à paraître en français, la population et les banques calculent toujours en Francs jusqu'en 1891 alors que le Mark a été introduit en 1874 (la parité, extrêmement stable pendant des décennies, est de 1,25 F pour 1 Mark). La SIM n'a jamais interrompu, entre 1870 et 1914, la publication en langue française de son Bulletin mensuel - par ailleurs, une immense source d'informations, notamment pour l'historien -.

Mais l'administration allemande supportait de moins en moins cette École textile où tout le monde, du directeur à la plupart des élèves, non seulement parle français, mais exhibe ostensiblement des sentiments profrançais. Néanmoins la politique de germanisation avance, même si c'est à petits pas. En 1892, l'École est obligée de dispenser un cours de filature en langue allemande, obligatoire pour les élèves alsaciens et quelques rares Allemands. C'est d'ailleurs un ancien élève sorti major en 1887, Henry BRUGGEMANN, venant de Cologne, qui devient professeur de filature à l'âge de 25 ans. En juin 1894, à la suite d'un "incident politique" que nous avons relaté ailleurs, on se voit obligé d'enseigner aux Alsaciens tous les cours en langue allemande. Toutefois, pour les étrangers, on continue à professer en langue française jusqu'en 1914. Cet enseignement bilingue représente une surcharge considérable pour les professeurs qui devaient pratiquement dédoubler leurs cours.  

Mais de ce fait, certains obstacles de langue et de frontière sont écartés. L'École lance une campagne de publicité à travers l'Europe dans l'espoir d'augmenter le nombre de ses élèves. Effectivement, " l'administration allemande a compris la correction de l'attitude de la Direction de l'École, inspirée du seul désir d'élever l'enseignement et d'être utile à une classe intéressante, celle des fils de contremaîtres et d'employés de notre pays". L'accroissement des effectifs est dû en grande partie à l'afflux d'étudiants français attirés par Mulhouse à cause de ses industries diverses et ses ateliers de construction, même si, au cours des vingt dernières années, plusieurs écoles textiles furent fondées en France. On relève ainsi "qu'en renonçant à l'enseignement bilingue, l'École perdrait la moitié de ses élèves que représente le contingent des étrangers car, même les Vieux Allemands viennent faire leurs études à Mulhouse pour apprendre, selon leur propre aveu, la langue française. Pour notre École, cela devient donc une question de vie ou de mort". De toute façon, l'Alsace et l'Allemagne ne fournissent qu'un tiers des effectifs, ce qui justifie l'enseignement bilingue.  

Malheureusement, en juin 1897, en plein élan d'expansion, la mort prématurée du directeur Oscar WILD vient endeuiller l'École. Toutefois, les deux professeurs de filature et de tissage terminent normalement les cours et les examens se passent à la date prévue de fin juillet. Se pose alors le problème de trouver un nouveau directeur. BRUGGEMANN, professeur compétent de filature qui assure l'intérim de direction, qui professera plus tard également à l'École de chimie la législation des brevets ainsi que la filature et le tissage des différentes fibres textiles, est pressenti et son mérite n'est contesté par personne. Toutefois, comme il avait à peine 30 ans, "le Comité ne le jugea pas assez mûr pour cette délicate fonction". En réalité, mais ceci n'est ni dit officiellement ni surtout écrit dans les procès-verbaux, les industriels mulhousiens ne veulent pas confier, à l'instar de ce qu'ils firent pour l'École de chimie, l'École textile de Mulhouse à un Prussien. Par bonheur, un ancien professeur de mécanique et ancien sous-directeur de l'École, ingénieur de l'École Centrale de  Paris, ayant dirigé des tissages importants à Mulhouse entre 1871 et 1896, l'Alsacien Albert ROHR (1847- 1914), se trouve en disponibilité. Il prendra la succession de Oscar WILD et demande la création d'un conseil permanent de perfectionnement dont la mission serait de réviser les programmes, les cours et les règlements. Ce conseil, composé de deux sections, filature et tissage, comprenant le personnel enseignant, des praticiens de l'industrie et les examinateurs, donnerait des avis. Dans la foulée on supprime le cours de comptabilité et, avec les économies ainsi réalisées, on améliore les émoluments des contremaîtres.  

Vers la fin du siècle, avec la mode des tissus fantaisie et articles spéciaux, on se rend compte de l'importance de l'enseignement des armures fantaisie pour former de bons échantillonneurs, des techniciens artistes. "Nous ne pouvons pas rester dans le tissage ordinaire avec nos prix élevés de main d'œuvre, déclare en 1899 Camille De LACROIX, l'Alsace ne prospérera dans la Grande Allemagne (sic) qu'en s'appliquant à demeurer l'initiatrice de la mode et de la nouveauté". Étant donné que dans peu d'écoles on enseignait parallèlement au tissage le dessin d'imitation, on institue à côté de notre cours d'échantillonnage un cours de dessin d'imitation, bien que l'École de dessin et de gravure le professait déjà en ville. En complément du tissage du coton et de la laine, on introduit au début du siècle le tissage de la soie, du lin et du tapis, en achetant un métier à tisser le tapis.  

Le régime des études est remis en cause au début du siècle. Faudrait-il créer une classe préparatoire et n'admettre aux cours spéciaux que les élèves qui, aux examens d'entrée, auraient fait preuve de connaissances générales suffisantes ? Une année d'études semblerait à peine suffisante, d'autant que dans certaines écoles la formation dure deux voire trois ans. Mais la concrétisation de ces idées se heurterait au problème du recrutement car les ressources de nos jeunes, généralement sans fortune, ne seraient pas suffisantes. La question de la formation de base est également discutée au cours de l'A.G. des Anciens de 1904 où l'on recommande vivement aux jeunes de fréquenter d'abord une École industrielle, notamment les cours complets de l'École des apprentis de Mulhouse qui venait d'être créée, suivis d'un stage de quelques mois dans une filature ou dans un tissage. Malgré tous les efforts, on signale chaque année l'insuffisance des connaissances scientifiques des élèves à l'entrée. Dans un moment de découragement, Albert ROHR déclare en 1908 que "la valeur moyenne des élèves de tissage n'a jamais été aussi faible depuis son arrivée à l'École en 1897. De plus, comme l'État est chaque jour plus avide d'interventions et de réglementations et que les administrations allemandes pèsent d'une main de plus en plus lourde sur certaines institutions de la SIM, l'avenir n'apportera rien de bien".

En dépit de ces déboires, la qualité de l'enseignement et le nombre d'élèves progressent. Les années 1910 et 1911 annoncent des records de 69 et 72 élèves. Les développements rapides des techniques nouvelles obligent les professeurs à actualiser continuellement leurs cours. Le professeur KAMMERER, ingénieur en chef de l'Association des propriétaires d'appareils à vapeur, captive son auditoire avec son nouveau cours d'électricité, un autre nouveau professeur, self-made man, dispense avec succès des cours de moteurs, chaudières et générateurs. On décide de relever le coefficient de ces matières dans les notes de classement. Un professeur de l'École de chimie est engagé pour des cours de blanchiment et teinture sur filés et d'analyse de tissus.

 

 

Des cours de perfectionnement pour les actifs

 

A l'instar des cours initiés dans les années 1862 à 1865 et destinés à un public extérieur à l'École, l'idée de créer une école de contremaîtres pour l'industrie textile est relancée en 1908 par l'Association des Anciens élèves. La Municipalité semblait disposée à favoriser une telle création analogue à l'École technique des Apprentis déjà existante. Les Anciens qui feraient partie du Conseil d'administration et élaboreraient le programme d'études de cette école, expriment leurs craintes de voir la ville agir trop bureaucratiquement et les industriels de la SIM trop autoritairement en tirant la couverture à eux. Finalement, cette école de perfectionnement pour contremaîtres, mécaniciens et employés de l'industrie et du commerce est organisée par la SIM en cours du soir avec le professeur AUER de l'École textile dispensant des leçons de tissage et décomposition des tissus. Dès la première année en 1910, on enregistre 29 personnes, puis entre 20 et 30.  

 

 

Le cataclysme mondial de 1914- 1918

 

L'année 1913 est caractérisée, pour des raisons politico-militaires, par la défection des jeunes de sorte que le nombre des élèves tombe à 38. D'autre part, les étudiants éprouvent du mal à se placer comme stagiaires débutants et le professeur de filature BRUGGEMANN les prend dans son bureau comme aide en attendant qu'ils se placent dans l'industrie. D'ailleurs cette année-là, BRUGGEMANN quitte l'École pour se consacrer entièrement à ses activités de bureau d'expertise et de rédacteur et est remplacé par SCHIRMER, également un Ancien de l'École. Quant au directeur Albert ROHR, il exprime le souhait de se retirer mais doit rester jusqu'en 1914, mourant à la tâche au mois de mai. La Direction est alors confiée à Fritz ORTLIEB, sorti de l'École en 1897. Un nouveau cataclysme s'abat sur l'Europe et notamment sur l'Alsace, au moment où, le 31 juillet 1914, la distribution de 29 diplômes vient de se terminer.  

Le ler août 1914, l'Allemagne déclare la guerre à la Russie et le 3 août la France. Le 4 août les troupes allemandes entrent en Belgique et la Grande-Bretagne déclare la guerre à l'Allemagne. L'Europe s'embrase. Dès le début des hostilités, les troupes françaises avancent à deux reprises jusqu'à Mulhouse pour refluer finalement à une vingtaine de km de notre ville jusqu'à la fin de la guerre. Mulhouse, zone de front, reste soumis à l'arbitraire militaire allemand.

L'École doit rester fermée durant toutes les hostilités, d'autant qu'elle "n'avait jamais été en odeur de sainteté durant les 47 années d'occupation allemande". En réalité, elle fut toujours considérée par les autorités allemandes comme un foyer de propagande française, avec ses cours professés en langue française, avec de nombreux industriels, enseignants et élèves français et alsaciens dont la mentalité francophile était notoire. Et l'École l'était en fait. En conséquence, une demande de réouvertu re de l'École adressée à l'administration allemande fin 1914 est rejetée. Au contraire, les Allemands ordonnent en 1915 une enquête dans le but de placer l'École sous séquestre en tant qu'institution ennemie. Le président du Conseil d'administration et ancien député Théodore SCHLUMBERGER et le directeur Fritz ORTLIEB restés sur place, s'ils n'ont pas réussi à empêcher la mise sous séquestre, ont néanmoins repoussé cette échéance jusqu'au mois d'octobre 1918, trois semaines avant la débâcle allemande. Mieux encore, on a même utilisé ce temps d'inactivité de l'École pour améliorer l'aménagement des immeubles, en vue d'accueillir des promotions plus importantes dès le retour à la paix.

Bâtiments et matériels sont restés intacts et des matières premières sauvées. Les dirigeants se mettent immédiatement à l'œuvre et les cours reprennent, les premiers de toutes les écoles du secteur, le 1er février 1919 avec 57 élèves, la plupart Alsaciens, certains encore en uniforme. Après avoir "avalé" le programme annuel en 7 mois 112, 49 élèves passent les examens avec succès le 12 septembre 1919. Pour la rentrée suivante, comme à l'École de Chimie, affluence record avec 120 élèves, le double d'une promotion normale, dont 60 Français pour la plupart démobilisés entre temps. Les professeurs ORTLIEB, KLEIN et BURGARDT, dans un assaut de dévouement, sont obligés de dédoubler leurs cours.  

 

 

Un nouveau visage : l'École Supérieure en 1919

 

Si la guerre faisait rage et les activités de l'Association des Anciens de Mulhouse mises en sommeil, il n'en est pas de même des Anciens du groupe régional d'Épinal. En effet, en octobre 1915, une réunion de huit Anciens du remuant groupe régional des Vosges engage "une discussion sur la réorganisation de l'École et sur la transformation indispensable des statuts de l'Association dont la plupart des articles sont à modifier ou à remplacer". Le lieutenant Henri BONDOIT installé à Chevilly (Loiret) soumet, dans une édition provisoire du Bulletin de l'Association N° 1, les réflexions, entre autres, sur l'avenir de l'École : "La guerre, considérée au point de vue exclusif de nos intérêts mulhousiens, est un événement dont nous devons nous féliciter. En éliminant des éléments germanophiles remuants, elle fera disparaître tous les points de friction - malheureusement trop nombreux - qui ont entravé la bonne gestion de notre Association.

Raisons essentielles d'une réorganisation de l'École :

le programme de l'École ne contient pas tout ce qu'il faut pour faire d'un diplômé un directeur parfaitement documenté :  

- études du domaine d'ingénieur : mécanique, machines à vapeur, moteurs, électricité, hydraulique,

-  économie : droit commercial, législation du travail, étude de marchés textiles, organisation, direction des usines, comptabilité,

-  complément d'études textiles : fibres, botanique, chimie tinctoriale, apprêts.

Comme corollaire, prolongation des études: filature 2 ans, tissage 2 ans, filature et tissage 3 ans. La 1 ère année partiellement commune aux deux sections comprendrait des cours de révision, math, matières textiles, notions de chimie tinctoriale, etc..."

"En conséquence, transformer, comme pour l'École de Chimie, le titre de l'École en "École Supérieure de Filature et de Tissage" ; créer comme sanction des études un diplôme d'ingénieur en filature etc... ; augmenter le corps professoral et organiser des conférences par des industriels ou anciens élèves. Il faudra reconstruire l'École en presque totalité... avec salles de cours, d'échantillonnage, de dessin, amphi de 150 places, laboratoire, musée-bibliothèque, ateliers, bureaux des prof., appartement de la Direction, etc... L'Association devra être représentée au sein du Comité d'administration de l'École". Vaste programme ! ...

Dès 1919, l'École s'approprie le nouveau nom d'École Supérieure de Filature et Tissage. "Bien que prétentieux, souligne De LACROIX, il était bien mérité après la réorganisation complète des cours et l'élévation du niveau des études suite aux concours d'entrée". Devant l'affluence des étudiants, il fallut dédoubler les séances de travaux pratiques en demi-sections chaque jours de 10 h à midi et de 14 à 16 heures, les cours théoriques ayant lieu le matin de 8 à 10 h et le soir. Au tissage, on déplaçait des moteurs individuels transportables pour faire marcher les métiers indispensables.

En 1920, si l'on n'a pas entièrement reconstruit l'École selon les vœux des Spinaliens, on augmentait sérieusement sa surface pour un budget de plus de 450.000 F. Le nouvel amphithéâtre permettant d'accueillir les deux promotions réunies est inauguré en janvier 1921.

En 1923, la Direction de l'École présente une plaquette de 24 pages illustrées (Annexe N° 8) avec le nouveau programme d'études en refondant entièrement les cours de filature, de tissage et d'instruction générale et en les complétant en 1924 par une section de bonneterie. Cours de filature : Matières textiles, titrage, technologie de filature coton, laine peignée et cardée, autres matières ; cours de tissage : matières premières, filature et retordage de ces matières, machines de préparation et de tissage, théorie de liage, échantillonnage, fabrication ; cours de bonneterie : machines, mailles cueillies, métiers chaîne, tricots, confection, etc... ; cours d'instruction générale : mécanique cinématique, appliquée, dynamique et statique, chaudières et moteurs, électricité, résistance des matériaux, éléments de machines, technologie, chimie textile, droit, finances et comptabilité, marchés de coton.  

A cette époque, les frais de scolarité se montent pour les élèves français suivant les deux cours à 7000 F par an, 10.000 F pour les étrangers, en plus des frais de fournitures et d'assurance accidents.  

 

 

Cours préparatoires et de perfectionnement

 

Durant les vacances d'été 1920, on organise, dans le but de mieux préparer les élèves à l'entrée à l'École, des cours de mise à niveau. Ces cours préparatoires devaient garantir annuellement une vingtaine de recrues bien initiées. Si, en 1930, on compte encore 27 élèves à ce cours de vacances, l'année suivante, la crise textile faisant rage, il est supprimé, faute d'inscriptions.

Par ailleurs, à la même époque le Lycée de Mulhouse tient compte des souhaits exprimés par l'École en dispensant dans sa section scientifique un enseignement mieux gradué, ce qui permet d'avoir annuellement une quinzaine d'élèves sérieusement préparés. Une classe préparatoire à l'École Professionnelle de Mulhouse fonctionne depuis 1921 pour fournir un petit contingent d'élèves à l'École de Filature et Tissage mais, par suite de la crise textile, elle est supprimée par le Recteur d'académie en 1932 en raison des faibles effectifs.

Les cours du soir organisés par la SIM, destinés aux contremaîtres de tissage et autres actifs de l'industrie et du commerce textiles, reprennent dès l'automne 1919 sur de nouvelles bases plus solides. Bien que moins bien fréquentés à cause de l'augmentation substantielle de l'écolage, ils procurent des ressources supplémentaires à l'École. Ils ont lieu deux fois par semaine de 20 à 22 heures de début décembre à juin et comportent les matières suivantes : dessin et croquis industriels, matières textiles, notions de filature, tissage machine et théorie de liage, travaux pratiques et réglage des machines. Ils sont dispensés en partie en dialecte alsacien et sanctionnés par un examen. Entre 1921 et 1929, 50 à 80 adultes suivent ces cours. Des cours semblables sont réclamés pour la filature. En raison de la crise, les cours du soir ne pouvaient plus être autofinancés et sont supprimés durant les années 1932 et 1933 pour reprendre avec 32 inscrits en 1934. Avec la reprise des affaires à partir des années 1937, on enregistre jusqu'à la guerre entre 40 et 50 élèves aux cours du soir qui profitent également du patronage de l'Alliance Corporative. Ce cours de perfectionnement pour les employés d'entreprises textiles devait être dédoublé en octobre 1938 par une formation du mardi matin. Il fallut en outre organiser un autre cours professionnel de tissage à Châtenois (Bas-Rhin) dispensé par deux professeurs de l'École de Mulhouse (dont un en langue alsacienne) pour une quarantaine d'élèves les samedis de 14 à 17 heures pendant l'hiver. Ce même cours a dû être repris à Rothau en hiver 1939.

 

 

24. Combat pour le titre d'ingénieur

 

A l'Assemblée générale des Anciens de juillet 1922 est formulée une demande au Ministre de l'Instruction Publique afin que le gouvernement autorise les élèves de l'École de Mulhouse à prendre le titre d'ingénieur textile. Camille De LACROIX, président du Conseil d'Administration de l'École, fidèle à l'esprit des manufacturiers mulhousiens, soupire en décembre 1922 "Si nous pouvions donner un brevet signé d'un sous-secrétaire d'État, notre recrutement serait certainement meilleur. Mais pour être reconnu par l'État, il nous faudrait renoncer à cette indépendance... mais nous sommes enfants de Mulhouse, francs-tireurs dans le sang... ".

Branle-bas de combat au Comité de l'Association des Anciens en été 1923. Le président du groupe régional des Anciens de Paris envoie un extrait de presse en provenance de l'École Supérieure de Filature et Tissage de l'Est à Épinal, (Annexe N° 9) publié dans un journal alsacien, signalant "qu'elle est habilitée à recevoir l'instruction militaire supérieure, qu'elle se classe parmi les premières du Continent et que c'est la seule École à décerner le Brevet d'Ingénieur Textile visé par le sous-secrétaire d'État à l'Enseignement Technique, etc...". Les Anciens de l'École de Mulhouse se rebiffent en estimant qu'il "est inadmissible qu'Épinal ait des privilèges aussi intéressants alors que Mulhouse, la première et la plus ancienne de France ne les ait pas" et demandent d'effectuer des démarches auprès de Daniel MIEG, président de la SIM Malheureusement, Mulhouse est bien plus éloigné de Paris qu'Épinal, politiquement, et Frédéric ORTLIEB calme le jeu par quelques explications embarrassées.

Néanmoins un premier résultat est acquis en automne 1923 avec l'autorisation accordée à l'École par décret ministériel d'être admise à la Préparation Militaire Supérieure (P.M.S.). 46 étudiants suivent cette instruction en première et deuxième année et 7 sont reçus. Les années suivantes une trentaine de candidats s'inscrivent à cette formation de P.M.S. durant deux ans. Plus tard, entre 2 et 5 candidats réussissent annuellement le brevet P.M.S. et une demi-douzaine le peloton de sous-officier de réserve. Suite au décret du 10 août 1938, seuls les élèves ingénieurs sont admis à la P.M.S. ce qui fait fondre les effectifs.

 

 

De 1924 à 1937

 

Les démarches pour l'obtention du titre d'ingénieur aboutissent en 1924 à la solution souhaitée : on accorde le brevet d'ingénieur textile de l'E.S.F.T.B. (Annexe N° 10) aux élèves ayant suivi les cours pendant deux ans et obtenu dans chaque section un diplôme de 1er ordre (moyenne 16 sur 20 à partir des années 1925). Quatorze brevets d'ingénieurs sont ainsi décernés pour la première fois en été 1925 et ce système dure jusqu'à la fin de l'année scolaire 1937.

En 1930 le directeur Frédéric ORTLIEB publie une nouvelle plaquette luxueuse de 36 pages format 19 x 29 cm avec le programme rénové des études de filature, tissage, bonneterie et d'instruction générale obligatoire et facultative (commerce de cotons bruts, droit, finances et comptabilité). Les conditions d'admission sont plus sévères et on propose aussi des cours de vacances pour les candidats devant passer un examen d'admission. Les frais de scolarité se montent à 4000 F par an pour les nationaux et 6000 F pour les étrangers, en plus des frais de fournitures et d'assurance. L'École accorde des demi ou quart de bourses aux élèves français méritants.  

Une nouvelle étape est entamée à la suite de l'application de la loi du 10 juillet 1934 instituant une Commission des Titres d'Ingénieurs. En réponse à la requête du Conseil d'administration et de la Direction de l'École, le ministère de l'Éducation Nationale rend son jugement, publié au journal Officiel du 26 juillet 1936 : "La Société de l'E.S.F.T.B.M. pourra, dans l'avenir, délivrer un titre d'ingénieur libellé ainsi : diplôme d'Ingénieur Textile délivré par l'École Supérieure de Filature, Tissage et Bonneterie de Mulhouse. Les personnes ayant acquis ces diplômes dans le passé pourront en faire usage dans l'avenir lorsqu'il aura été procédé à la formalité de dépôt prévue par l'article 9 de ladite loi". En 1953, le directeur Victor HILDEBRAND rappelle que le Brevet d'Ingénieur Textile décerné aux élèves dans les années 1925 à 1936 est assimilé au titre d'Ingénieur Textile.

Toutefois, une profonde réforme de l'organisation scolaire est imposée par la Commission des Titres à toutes les écoles décernant le diplôme d'ingénieur textile. Une lettre adressée à notre École par ladite Commission le 14 juin 1937 précise les conditions à remplir lors de la création d'une section spéciale d'ingénieurs en octobre 1937 :

-  recrutement par examen niveau baccalauréat mathématiques complet,

-  trois années d'études,

-  culture générale scientifique, notamment mathématiques, physique et chimie, et culture générale technique, en principe 1 h 1/2 de cours par jour,

-  le reste du temps culture technique professionnelle.  

 

Le ministre de l'Éducation Nationale précise "l'an prochain à pareille époque il sera procédé à une nouvelle inspection de votre École. Si vous ne vous êtes pas conformés aux vues de la Commission... nous serions amenés à retirer le droit accordé à des écoles privées de décerner le diplôme d'ingénieur". Le Comité d'admistration de l'École réuni le 28 juin décide de se conformer à cette nouvelle organisation qui prévoit trois catégories d'élèves :

- section ingénieurs diplômés, avec 3 ans d'études, admission des élèves avec le baccalauréat complet (séries scientifiques),

-  section brevet textile, avec deux années d'études, admission des élèves avec le baccalauréat 1 ° partie,

-  section diplôme en Filature ou en Tissage ou en Bonneterie avec une année d'études, admission des élèves titulaires du brevet industriel d'une École Pratique du Commerce et d'Industrie.

Avec cette nouvelle organisation, l'École est obligée de consacrer des sommes importantes à l'engagement de professeurs spécialisés et à l'installation de laboratoires de technologie, physique et chimie indispensables pour l'enseignement scientifique. En outre, le jury d'examen est nommé par le Ministère et présidé par un Inspecteur général de l'Enseignement technique.  

Le directeur de l'École Frédéric ORTLIEB donne les informations sur ces changements fondamentaux dans l'organisation de l'École à l'Assemblée générale de l'Association des Anciens en été 1938. A partir d'octobre 1937, dans la section ingénieurs, 14 élèves suivent les cours de première année, 12 passent en deuxième année, les derniers brevets d'ingénieur textile après deux années d'études sont décernés en été 1938. D'ailleurs, cette réorganisation et le ralentissement de la crise font augmenter le nombre de candidats à l'entrée. Malgré la complexité des programmes que cette nouvelle organisation a posée provisoirement au corps professoral, 90 % des élèves subissent avec succès les examens de fin d'année 1938.  

En 1939, l'organisation d'une quatrième section est envisagée pour des ingénieurs d'autres écoles désireux d'acquérir des connaissances en matières textiles avec une durée d'études d'une année, sanctionnée par le diplôme d'ingénieur textile.  

 

 

L'enfer de la guerre de 1939 à 1945

 

Pour la troisième fois depuis sa création, l'École subit le douloureux sort de sa province, l'annexion de fait par l'Allemagne hitlérienne dans des conditions particulièrement tragiques.

La dernière année scolaire avant la guerre 1939/45 a commencé sous d'heureux auspices. A la suite de l'institution de la section ingénieur en 1937, les effectifs vont en augmentant pour atteindre, en automne 1938, 99 étudiants dont 74 étrangers, 25 Français dont 5 Alsaciens. Cette année est perturbée par la mobilisation de certains professeurs et étudiants et par le rappel d'élèves étrangers. Néanmoins les examens de fin d'année ont lieu en été 1939 aux dates prévues et 72 candidats y sont admis.

 

 

Réfugiés indésirables

 

Pour la nouvelle année 1939/40 de nombreuses inscriptions laissent augurer d'une année record. Mais Mulhouse étant à la portée de l'artillerie allemande, la déclaration de la guerre force la Direction de l'École à choisir entre sa fermeture ou son transfert en des endroits plus sûrs dans les départements français de l'Intérieur. A l'instar de l'École de Chimie qui se replie dès l'automne 1939 à Toulouse et par la suite à Lyon, notre Direction, avec l'appui des autorités et de la Direction Générale de (Enseignement technique, cherche des locaux à Dijon, Roanne, Lyon, Épinal, Elbeuf pour s'y installer provisoirement pendant la durée des hostilités. En vain. Personne ne voulant de cette École, le Conseil d'Administration se voit contraint en novembre 1939, la mort dans l'âme, de fermer l'établissement et de renvoyer les élèves inscrits.

Après l'invasion de l'Alsace par l'armée allemande en juin 1940, le directeur Frédéric ORTLIEB qui venait d'être promu en août 1939 Chevalier de la Légion d'Honneur, reste à son poste pour garder l'École et veiller au bon entretien de ses installations. Il prend contact avec les autorités d'occupation en vue de reprendre (activité tout en conservant à l'École le caractère d'indépendance dont elle avait joui depuis l'origine. Mais, comme il fallait s'y attendre, les Allemands prennent petit à petit possession de l'École pour s'y installer. Alors, plutôt que de signer des déclarations de loyalisme qu'on lui présente, explique Frédéric ORTLIEB qui a 63 ans, il préfère demander sa retraite. Il quitte son logement qu'il a occupé à l'École pendant 28 ans mais a pris soin de mettre les archives de l'École en lieu sûr.

 

 

Annexion nazie de 1940 à 1944

 

En mars 1941 arrive un professeur allemand qui devait commencer à organiser des cours du soir pour contremaîtres et débutants. Le 1er décembre 1941 le directeur allemand de l'École Textile de Chemnitz, Oberstudienrat BAUER, vient s'installer dans notre École. Le 1er avril 1942, elle reprend officiellement ses activités d'enseignement sous le nom de "Staatliche Textilfachschule", d'abord pour l'instruction de contremaîtres et de techniciens et l'année suivante, sous le nom de "Textilingenieur Schule" pour la formation d'ingénieurs. Durant ces trois années d'occupation, l'École a formé une soixantaine de techniciens et cinq ingénieurs. Grâce à cette École, un certain nombre de jeunes Alsaciens a également pu reculer la date fatidique de l'enrôlement de force dans l'armée allemande.

Un enseignement de 36 heures hebdomadaires est dispensé par le directeur BAUER pour la théorie de liage en tissage et par des professeurs allemands, JANSEN, venant de Nordhorn, pour la technologie de filature, BULWER pour les matières textiles, l'échantillonnage, la métrologie et une initiation à la filature (pour le tissage), au tissage (pour la filature) et au finissage, KLOTTER de Heidelberg pour la mécanique, le dessin, etc. Ce dernier prend également en charge l'instruction politique nazie! Quelques Alsaciens, anciens élèves de notre École engagés dans l'industrie, complètent le corps professoral en tant que vacataires: les ingénieurs à la S.A.C.M. Émile MIESCH (promo 1925), Gaston MARTIN (1901-1968, promo 1920), René SINGER (promo 1926), pour le tissage et l'échantillonnage. Des techniciens instructeurs dont Jean GSELL (de 1928 à 1947) pour la préparation tissage et la bonneterie, et de l'été 1942 à fin 1944, Paul STAAD pour les travaux pratiques, Joseph KOLLIFRATH pour la filature, etc. s'occupent de la formation en atelier. En été 1944, plusieurs étudiants sont embauchés pour des travaux de laboratoire et d'assistance aux professeurs. Dans la cour de l'École, des élèves creusent des abris anti-aériens.

 

 

Un an de flottement en 1945

 

Ce directeur allemand et son personnel restent en fonction jusqu'en novembre 1944. Grâce à l'avancée rapide des troupes françaises de libération, les Allemands, quittant précipitamment Mulhouse, ont laissé tout en plan. Les bâtiments et installations sont sortis indemnes de la tourmente . Début 1945, l'ancien directeur Frédéric ORTLIEB remet les archives françaises en place, mais, âgé de 67 ans, il exprime le désir de ne pas reprendre la charge de la Direction de l'École. Le Conseil l'appelle à siéger en son sein en le nommant membre du Comité d'Administration. Lavis de la Commission d'Épuration du Comité de Libération du Haut-Rhin installé à la Sous-préfecture de Mulhouse est sollicité avant de réintégrer certains enseignants alsaciens. En avril 1945, une partie des membres du Comité de l'Association des Anciens Élèves se réunit pour la première fois après la guerre pour s'inquiéter de l'inertie du Conseil d'Administration de l'École dépourvue de Direction et de corps professoral. Frédéric ORTLIEB y fait un rapport sur l'évolution de l'École depuis 1919 et notamment pendant la sinistre période de l'occupation. L'ancien directeur souligne le danger grave qui menace l'École si la situation de léthargie actuelle devait se prolonger. Le Comité décide d'effectuer une démarche auprès de Jean DOLLFUS, président de la SIM et vice-président du C.A. de l'École, rentré depuis peu à Mulhouse, en l'absence de Paul SCHLUMBERGER, président du C.A. de l'École et président d'honneur de l'Association, pour connaître ses intentions à l'égard de notre École.  

Après une période de flottement, la Direction de l'École est confiée à Léon SCHULTZ qui entre en fonction le ler août 1945 mais doit se retirer au bout de trois mois pour raison de santé. A partir de cette date, Gaston MARTIN, professeur de tissage, dirige l'École par intérim et Victor HILDEBRAND, professeur de tissage et de bonneterie, est chargé par le Conseil de recruter les professeurs et de réorganiser les cours au niveau d'avant-guerre. BURNER et LEHÉ en filature, MARTIN et MITTERAND en tissage et LALLEMAND en bonneterie forment la première équipe de base d'après guerre. Les cours d'instruction générale sont dispensés par les mêmes professeurs vacataires qu'avant la guerre. A l'instar de l'École de Chimie qui reprit ses activités en octobre 1945, l'École rouvre ses portes le 15 novembre 1945 à 129 élèves dont 113 Français et 16 étrangers. Les frais de scolarité se montent alors à 13.000 F annuellement pour les nationaux et 19.000 F pour les étrangers, l'année suivante resp. 17.000 et 25.000F. Une cérémonie officielle de rentrée a lieu le 8 janvier 1946 en présence du Commissaire de la République BOLLAERT, du Préfet du Haut-Rhin PAIRA, du Maire de Mulhouse WICKY, du Doyen de la Faculté des Sciences de Strasbourg WEISS, du Président de la SIM Jean DOLLFUS, du Président de l'Association des Anciens Élèves Pierre LAVER, du Conseil d'Administration, des professeurs, des élèves, etc... Victor HILDEBRAND prend officiellement la Direction de l'École en mars 1946.

C'est le début d'une longue période de profonde adaptation.

 

 

25. Vers la nationalisation

 

Le perfectionnement constant des programmes et le rehaussement du niveau polytechnique du titre d'ingénieur nécessitent des moyens accrus. La superbe affirmation de l'esprit franc-tireur mulhousien de 1922 est battue en brèche. L'ancienne structure de l'École privée indépendante, sous l'égide de la SIM, ne semble plus répondre aux nouvelles exigences de ressources. Le Comité de Direction de l'École doit envisager une réforme lui permettant de s'appuyer davantage sur le soutien de l'État. Tant pis pour l'indépendance. A l'Assemblée générale des Anciens de juin 1958, Victor HILDEBRAND se posant la question fondamentale sur la justification de cinq grandes écoles textiles en France au vu de la désaffection des jeunes pour l'industrie textile, annonce de bouleversants projets d'avenir: le très prochain rattachement de l'École à l'Éducation Nationale, la construction d'une nouvelle École dans le cadre grandiose du futur Campus Universitaire, l'adaptation de l'enseignement dans le domaine des sciences et des méthodes de travail, etc. Mais par ailleurs, la sélection d'admission des élèves se complique car le niveau général en fin des études secondaires semble être en baisse alors que les bons éléments ont un plus grand choix pour poursuivre leurs études et que notre formation est devenue supérieure. Paul WINTER, président des Anciens, après une visite de l'École de Reutlingen dans le cadre de V.D.I., déclare à cette A.G. que notre École pourrait faire au moins aussi bien que celle de Reutlingen qui, rattachée à l'Université de Stuttgart, compte 700 élèves dont 40 % d'étrangers et dispose d'installations et de matériels ultramodernes, dont certains de provenance française qui n'existent pas à l'École de Mulhouse. "Nous devons faire davantage de publicité pour notre École".  

Ce rattachement tant souhaité n'arrive pourtant pas rapidement. En 1960 le nouveau programme d'études de l'École est inséré, pour la première fois depuis la guerre, sous forme de page publicitaire dans la revue des Anciens qui s'appelle alors "Les Annales Textiles" (Annexe N° 11). A cette époque, sous la Direction de Victor HILDEBRAND, le corps enseignant est renforcé et en grande partie renouvelé : RENARD, DETHOOR et THEILLER pour la filature coton, HUSER puis LUDWIG pour la filature laine, HANN, KIRSCHNER et BURGER pour le tissage, PAPEGAY, DUNGLER et HILD pour la maille, SPECKLIN pour les nontissés, SCHUTZ et HABERBUSCH pour la métrologie et les matières textiles, SCHUTZ et J. DUNGLER pour la chimie et l'ennoblissement, BRAUN pour la mécanique et le dessin industriel, CALLOT, JUNG, LUDWIG, FISCHBACH pour la physique et la physique industrielle, etc. Cet effort de renouvellement du corps professoral se poursuivra et quelques années plus tard, François RENNER pour le tissage et R. PETITEAU pour les sciences de l'ingénieur viendront renforcer l'équipe enseignante permanente.

A la même époque, le vice-président délégué du Conseil d'Administration MONNIER déclare "l'École ne peut plus demeurer indépendante dans une ville qui a vocation universitaire ; comme l'École de chimie, nous avons choisi le rattachement à l'Université". A l'A.G. des Anciens de 1964, on s'impatiente car la promesse faite en juin 1958 n'était toujours pas réalisée. Au moment où un membre du C.A. de l'École répond à un étudiant "l'École sera sans doute fermée" et où un recteur estime que "l'École n'avait pas rang universitaire", Victor HILDEBRAND souligne que "personne n'accroche ses soucis au-dessus de sa porte" et console les impatients en rappelant que le rattachement de l'École de Chimie a bien duré dix ans, de 1947 à 1957.

En fait, le principal obstacle à la prise en charge de l'École par l'Éducation Nationale est essentiellement d'ordre pédagogique. Déjà en 1954, à l'instigation du Ministère et de la Commission des Titres d'Ingénieurs, le professeur MAILLARD, Inspecteur général de l'Enseignement Textile Supérieur est chargé d'un audit pédagogique de l'École. Il s'intéresse davantage aux niveaux mathématiques et scientifiques classiques qu'aux connaissances spécifiquement textiles des élèves qu'il interroge. Suite à son rapport, il est décidé de maintenir l'habilitation de l'École à délivrer le titre d'ingénieur textile. Mais en 1962-63 le Ministère et la Faculté des Sciences de Strasbourg à laquelle est rattaché le tout nouveau Centre Universitaire de Mulhouse, jugent insuffisant le niveau de l'École. De plus, le maintien d'une formation de Techniciens supérieurs, parallèle à celle des Ingénieurs, est fort mal vu à Strasbourg. C'est pourquoi, sur conseil du professeur BENOIT, doyen de la Faculté des Sciences de Strasbourg, le professeur Jean-Baptiste DONNET, futur Directeur de l'École Supérieure de Chimie de Mulhouse, avec l'appui de la SIM présidée par Bernard THIERRY MIEG, demande à Richard SCHUTZ, professeur à l'École Supérieure de Chimie et à mi-temps à l'École textile (de 1951 à 1960), d'élaborer un nouveau programme pédagogique plus conforme "au niveau et à l'esprit universitaires".  

 

 

1966 : École Supérieure des Industries Textiles

 

C'est grâce aux efforts conjugués de toute une équipe comprenant le Directeur de l'École Supérieure de Chimie et du Centre de Recherche de la Physico-Chimie des Surfaces Solides Jean-Baptiste DONNET, le Conseil d'administration de l'École sous la présidence de Jean-Mathias HORRENBERGER, la Société Civile de l'École textile sous la présidence de Pierre SIEGER, la Municipalité de Mulhouse, la Direction de l'École, l'Association des Anciens élèves présidée par René DUC et les milieux politiques que put être annoncé à l'A.G. des Anciens de juin 1966 : "Nous voilà arrivés au but ! La reconnaissance officielle du rattachement à la Faculté des Sciences de l'Université de Strasbourg le 26 mai 1966, confirmée par le décret du 26 août, de notre École qui s'appellera dès lors École Supérieure des Industries Textiles de Mulhouse" (Annexe N° 12). Désormais, les diplômes seront signés par le Recteur de l'Académie de Strasbourg.

Au cours de cette mémorable Assemblée, Victor HILDEBRAND se lève pour tenir "son dernier discours, arrivé au terme d'une longue période de travail riche en soucis, misères et tribulations, où rien n'a manqué, même pas les fins de mois difficiles. Mais les résultats obtenus par les élèves pèsent davantage dans la balance". A cette occasion, son successeur, Jean René MEUNIER, appuyé par Jean-Baptiste DONNET, se présente "comme un néophyte électricien-électronicien, parachuté au milieu des textiles en suivant sa destinée".

Outre l'acquisition d'équipements modernes notamment dans le domaine de métrologie et des sciences de (ingénieur, le nouveau Directeur jean René MEUNIER mène une politique de changements profonds dans le fonctionnement de l'École, en particulier sur le plan pédagogique selon le projet agréé. Le niveau scientifique des enseignements est considérablement rehaussé et des disciplines nouvelles relevant des sciences de l'ingénieur introduites, tandis qu'on s'achemine vers la suppression de la section des Techniciens.

Désormais il ne s'agissait plus tellement de dispenser des connaissances technologiques encyclopédiques des processus textiles traditionnels mais de former des ingénieurs susceptibles d'analyser les processus, de procéder aux changements, de concevoir les innovations, ceci dans le cadre d'une rentabilité industrielle. La formation comprend dès lors :

- des compléments en sciences et techniques fondamentales pour ingénieur,

- les sciences et techniques spécifiquement textiles,

- une initiation aux problèmes de l'entreprise et de la recherche, suivie d'un stage en entreprise de trois mois en fin de scolarité,

- une initiation en sciences humaines, sociales, économiques et de communication.

L'arrêté ministériel du 4 avril 1969 officialise et impose l'introduction de disciplines nouvelles : électrotechnique et électronique, métallurgie structurale et plasturgie, langues vivantes et informatique, statistiques appliquées, gestion et marketing, etc... Le nouveau programme est publié dans les Annales Textiles d'avril 1968 (Annexe N° 13). Mai 1968 a aussi des influences sur l'organisation et le fonctionnement de l'École ainsi que sur la composition du Conseil d'Administration (plus forte représentation du corps professoral, de l'Université, des étudiants, etc.).

 

 

1971 : le creux de la vague 

 

En dépit du rattachement à l'Université Louis PASTEUR de Strasbourg, l'École voit sortir cette année la plus faible promotion de son histoire avec 2 ingénieurs et 7 techniciens supérieurs, comme en 1862 après un an de fonctionnement. Avec la nouvelle organisation, la plupart des candidats sont recrutés sur concours au niveau des classes préparatoires aux Grandes Écoles Scientifiques (Mathématiques Spéciales) dans les centres d'examen de Paris et de Mulhouse, les candidats sur titre détenant un D.U.E.S. (D.E.U.G.) ou D.U.T. Mais les candidats ne connaissent guère l'E.S.I.T. de Mulhouse ce qui explique le recrutement médiocre. Une nouvelle fois, le Ministère envisage d'abandonner l'École et de la fermer.

C'est compter sans la fougue et la ténacité de Pierre SIEGER, devenu président des Conseils d'Administration de l'École et du Centre de Recherches Textiles. II s'engage non seulement en faveur du maintien de l'École, mais de son développement avec une nouvelle construction, les anciens bâtiments en bordure du canal de décharge de l'Ill étant inadaptés et devenant un danger public. Richard SCHUTZ, directeur des Études depuis 1974, secondant en 1975 Jean René MEUNIER en tant que Directeur-adjoint, relève le défi, veut faire de l'École de Mulhouse "la meilleure école textile de France, sinon du monde" et donne une nouvelle impulsion à ces démarches. Il développe la recherche pour former des enseignants ingénieurs textiles-docteurs. Afin d'attirer à l'École des élèves candidats, il prend son bâton de pèlerin pour faire connaître l'industrie textile à l'Amicale des Professeurs de "taupe" : "L'industrie textile française représente 45 milliards de chiffre d'affaires annuel comparable à celui de l'industrie pétrolière et devançant celui de l'industrie automobile. La France est le troisième constructeur de matériel textile du monde, dont 80 % se situe dans le Haut-Rhin. Le textile est à la base de nombreux progrès techniques, tels le différentiel équipant tous les véhicules automobiles du monde, la chromatographie analytique, l'automation, les cartes perforées utilisées en informatique de première génération, etc..." D'autre part, comme l'Institut Universitaire de Technologie de Mulhouse ouvre une section "Génie Mécanique à Orientation Textile", notre École perd alors la section des techniciens supérieurs dont la dernière promotion sort en juin 1973. Cette option ne figure plus au programme (Annexe N° 14).

Toute cette nouvelle dynamique contribue à l'amélioration de l'image de l'École. Les deux centres d'examen enregistrent au concours d'entrée quelque 120 demandes, ce qui permet d'espérer atteindre l'objectif prévu de nouvelles promotions de 30 à 40 ingénieurs. En 1975, le Secrétaire d'État aux Universités en tournée à Mulhouse pour inaugurer la création de l'Université de Haute-Alsace, annonce la nationalisation des deux Écoles d'ingénieurs de Mulhouse et leur intégration prochaine à la nouvelle Université, assortie de la promesse d'une contribution de l'État à l'édification des nouveaux bâtiments de l'École !  

En 1976, Richard SCHUTZ quitte la chaire qu'il occupe à l'E.S.C.M. pour prendre à temps complet la direction de l'École. "Les difficultés pour faire nationaliser notre École sont innombrables, reconnaît le nouveau Directeur à l'A.G. des Anciens de 1977, le budget n'est assuré que pour 50 % par l'État, l'École ne compte aucun fonctionnaire, les anciennes structures administratives sont à modifier, les sciences textiles ne sont pas reconnues comme discipline universitaire, etc...". Il fallait la ténacité, l'acharnement voire une dose de folie des responsables pour ne pas se décourager. En effet, ce n'est qu'au bout d'une quarantaine d'entrevues avec les différentes instances ministérielles à Paris, sans compter les innombrables démarches auprès es industriels, de la Ville, du Département, de la Région, etc..., que le financement de cette construction fut assuré.  

 

 

1977 : l'Ensitm dans sa nouvelle version

 

Par décret du 5 avril 1977 l'École de Mulhouse, seule École en France dans cette spécialité, est érigée en ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE DES INDUSTRIES TEXTILES en tant qu'Unité d'Enseignement et de Recherche (U.E.R.) de l'Université de Haute-Alsace formant des ingénieurs E.N.S.I. (bac + 5) et permettant à des chercheurs de préparer, à l'issue d'un Diplôme d'Études Approfondies (D.E.A.) en Sciences des fibres textiles et des matériaux macromoléculaires (devenu en 1984 "Génie des processus et des matériaux textiles et paratextiles"), un Doctorat en Sciences de l'Ingénieur de l'Université de Haute-Alsace.

Avec l'État assurant 80 % du budget vers 1982, il revient à la Direction et à la Présidence du Conseil d'Administration de l'École de collecter le solde auprès du Syndicat Textile, des Collectivités et par la Taxe d'apprentisage. On élimine enfin les problèmes matériels et financiers tout en accroissant considérablement la paperasse (rapports, budgets, contrôle, etc...). A cause des problèmes juridiques relatifs au transfert de propriété et des difficultés administratives concernant le paiement du personnel, est créé, à côté de la Société Civile, un nouvel organisme "Association pour le développement de la formation et de la recherche textile" (A.D.F.R.T.) présidé par Pierre SIEGER qui sera l'employeur pour le compte de l'Université du personnel de droit privé de l'École (Annexe N° 55).

La nouvelle maison est inaugurée en décembre 1977 par le Directeur du cabinet ministériel BEGUIN. A cette occasion, le professeur J.B. DONNET, président de l'Université du Haute-Alsace, fait l'éloge du travail accompli en commun : "Là où il y a une volonté, il y a un chemin". L'A.G. des Anciens s'y tient pour la première fois en juin 1978. Une nouvelle page de l'histoire de l'École est tournée.

Sous la Direction de Richard A. SCHUTZ, l'équipe pédagogique est renforcée par les professeurs universitaires DUPUIS, SIGLI, WOLFF et VIALLIER pour le développement des activités de recherche. Les premiers diplômes d'ingénieur Ensitm sont délivrés à la promotion 1980. L'École est également habilitée à décerner des diplômes d'ingénieurs dans la spécialité textile pour les cas de promotion sociale. Le recrutement des élèves se fait désormais par la voie du Service des Concours Communs Polytechniques et un quota réservé aux titulaires d'un diplôme universitaire de technologie (D.U.T) et après étude de leurs dossiers (Annexe N° 15). C'est aussi en 1980 que l'ENSITM dans le cadre de l'Université de Haute Alsace, devient le seul établissement français à être habilité à délivrer un doctorat en la spécialité des sciences textiles, ce qui lui vaut la venue d'étudiants d'autres Écoles supérieures textiles de France, mais aussi de plusieurs pays étrangers (Allemagne, Égypte, Italie, Maroc, Tunisie, Vietnam, etc.) pour préparer leur D.E.A. et/ou leur thèse à l'École. 

La collaboration régionale et nationale est également intensifiée.

-  Liaison plus étroite avec le Centre de Recherche Textile de Mulhouse (C.R.T.M.) affilié à l'Institut Textile de France, créé en 1947 à l'initiative de l'École de Chimie de Mulhouse. 

- Création en décembre 1974, à l'instigation du président Pierre SIEGER sous le patronage du Centre de Recherches Textiles et de l'École, d'un Atelier Expérimental Textile de la Région Est (A.E.T.R.E.), accueilli fin 1977 à l'École, regroupant des professeurs, des industriels et des constructeurs de la région pour définir et entreprendre ensemble des programmes de recherche, notamment avec le concours d'élèves D.E.A. et doctorants de l'École.

- A la même époque, accueil dans les sous-sols de l'École et collaboration étroite avec le Centre de Recherche Mécanique Appliquée au Textile (C.E.R.M.A.T.), créé à l'initiative des constructeurs alsaciens de matériel textile et dirigé par Michel AVEROUS, professeur à l'École.

- Fondation d'une Association pour le Développement des Écoles Supérieures Textiles (A.D.E.S.T.). regroupant une trentaine d'établissements français, dont les cinq Écoles d'ingénieurs, des Lycées techniques, l'Union des Constructeurs de Matériel Textile Français, l'Institut Français de la Mode, etc, avec siège à l'École de Mulhouse et secrétariat assumé par VIALLIER.

Toutefois, étant donné l'effet négatif sur les jeunes des articles de presse relatant les licenciements dans l'industrie textile, le problème du recrutement des élèves reste préoccupant. Un nouvel effort de publicité est entrepris dans les années 1980 : visite à l'École des professeurs des classes spéciales et portes ouvertes en 1982, interview à FR3, articles dans les journaux locaux et nationaux, à la radio et sur les chaînes de télévision, etc. Un classement des écoles d'ingénieurs publié dans la revue Le Point de novembre 1982 place l'Ensitm au vingtième rang de toutes les écoles, loin devant les autres écoles textiles. "Pourtant, déclare Claude WOLFF qui assure la Direction de l'École à partir de janvier 1987 à l'A.G. des Anciens de 1987, l'image de notre École dans le public, à travers le recrutement des jeunes fondé sur le concours national des E.N.S.I. de Physique et de Mécanique, n'est pas bon, car seuls les étudiants reçus dans les deux derniers déciles entrent à l'Ensitm". 

 

 

Un rayonnement international

 

Richard SCHUTZ s'active pour faire connaître l'École à travers le monde. Les relations internationales doivent demeurer un des atouts majeurs de l'Ensitm

En février 1980, l'E.N.S.I.T. de Mulhouse accueille le siège du Collège International de l'Enseignement TEXtile (C.I.E.TEX.), structure de liaison entre les 80 écoles textiles du monde dont SCHUTZ, plus tard VIALLIER, assume le secrétariat. Cet organisme  s'occupe spécialement de l'étude des équivalences internationales des diplômes et des échanges inter universitaires d'étudiants et de professeurs, etc... Outre la diffusion de plus de 300 publications, de nombreuses conférences sont prononcées en Europe (Allemagne, Belgique, Espagne, Grande Bretagne, Italie, Pologne, Portugal, Suède, Suisse, Tchécoslovaquie), aux États-Unis (Berkeley, Clemson, Raleigh, Triangle Resaerch, etc.), au Canada (Montréal, Ottawa, etc.) au Brésil, à Mexico, en Australie, en Nouvelle Zélande, au lapon (Kyoto et Tokyo) et en Chine (Hangshou, Souchou, Shanghai et Pékin, etc.). Au Portugal, l'Ensitm devient le mentor et le modèle de l'Enseignement Supérieur Textile à Covilhà et à Porto-Guimarès. En Italie, la Città degli Studi de Biella s'inspire également du "modèle mulhousien". En Turquie le programme pédagogique de la Faculté Textile du l'Université d'Izmir est inspiré de Mulhouse, laissant aux Allemands la construction des bâtiments. L'École  prend en charge la formation des futurs cadres d'une usine textile construite par les Allemands en Algérie. En juin 1980 le 4e Symposium International sur l'Encollage Textile (S.I.E.T.) est organisé à Mulhouse avec 362 participants. En automne 1986, à l'occasion du 125e anniversaire de l'École, est organisé sur le campus universitaire de Mulhouse, parallèlement au 7e S.I.E.T., le Premier Colloque International des Nouvelles Technologies réunissant plus de 600 participants venus d'une trentaine de pays du monde entier.

A partir de 1987, les directeurs successifs poursuivent cette politique d'ouverture internationale de l'École tant dans le cadre des contrats européens que hors CE.E.. EUROTEX, une institution européenne de coopération entre l'université et l'industrie regroupant des membres dans huit pays européens est fondée en 1990 par treize Universités, écoles ou centres de recherche textile européens, dont l'Ensitm, avec siège à l'Université de Minho au Portugal. En 1992 est créé à l'École un département des relations internationales pour gérer les échanges d'enseignants et d'étudiants (Allemagne, Angleterre, Belgique, Bulgarie, Canada, Grèce, Hongrie, Israël, Italie, Maroc, Mexique, Pologne, Portugal, Suisse, Tchécoslovaquie, Tunisie, Ukraine, Vietnam, etc...). Le Royaume du Maroc choisit le "modèle mulhousien" pour créer, en étroite collaboration pédagogique avec l'Ensitm, deux écoles de techniciens supérieurs à Casablanca et à Tanger et une École supérieure d'ingénieurs textiles à Casablanca.

 

 

Formation pluridisciplinaire de haut niveau

 

A partir des années 1980, les élèves-ingénieurs textiles se voient offrir la possibilité de préparer simultanément la licence en Électrotechnique, Électronique et Automatismes (E.E.A.) de l'UHA.

Entre 1977 et 1995, 68 thèses de doctorat ont été soutenues à l'École sous la direction effective des professeurs de l'Ensitm et en 1995196, 17 étudiants préparent un D.E.A. et 18 thésards un doctorat. Pour la première fois en 1986, un prix A.D.R.E.R.U.S. (Association pour le Développement des Relations entre l'Économie et la Recherche auprès des Universités de Strasbourg) est décerné à une thèse de docteur-ingénieur textile.

Créé en 1980, le Laboratoire de Physique et Mécanique Textile de l'Ensitm (L.P.M.T.) , associé au C.N.R.S. - Jeune Équipe en 1986, devient en mai 1988 comme seul laboratoire textile en France, L.P.M.T.- Unité de Recherche associée au C.N.R.S., dirigée successivement par les professeurs Danielle SIGLI, Claude WOLFF et Pierre VIALLIER. 

En 1983, une formation d'ingénieur en confection-habillement, inexistante en France, est envisagée et ouverte en novembre 1985. A partir de ce moment, les élèves avaient le choix entre deux options en 3° année: ingénieur en fabrications textiles ou ingénieur en confection-habillement. En 1989, on institue aussi une section spéciale permettant aux ingénieurs diplômés d'autres écoles d'obtenir en une année un diplôme "ingénieur Ensitm spécialisé en confection-habillement". La même année, la Conférence des Grandes Écoles accrédite l'École pour délivrer le Mastère Spécialisé en Ingénierie Confection-Habillement et plus tard en Ennoblissement textile, une formation intensive en une année accessible aux titulaires d'un diplôme scientifique français ou européen de niveau Bac + 5).

Le Syndicat Textile d'Alsace et PROTEXTAL créent en 1986 l'InStitut Textile d'Alsace (IS.T.A.) formant en deux ans des chefs de produits textiles en recrutant des jeunes de niveau D.U.T. ou B.T.S. Ce fut l'Ensitm qui prit en charge toute la formation technique du programme de PISTA.

Les étudiants, de leur côté, fondent en 1987 avec le soutien de la Direction de l'École une Junior-Entreprise puis Tex-Junior proposant des prestations payantes aux industriels. Sur cette lancée, ils éditent un journal trimestriel "Crac". Ils inaugurent également les voyages d'étude en fin de troisième année dans les pays étrangers lointains, U.S.A., Chine, Mexique, Brésil, Vietnam, Indes, Thaïlande, etc.

En 1989 un Centre de Formation des Professeurs de l'Enseignement Technique dans les spécialités "Textile-Cuir-Habillement" (matériaux souples) est ouvert à l'Ensitm dans le cadre de l'Université de Haute-Alsace et l'Institut Universitaire de Formation des Maîtres de l'Académie de Strasbourg pour délivrer le Certificat d'Aptitude au Professorat de l'Enseignement Technique (C.A.P.E.T.).

A partir d'octobre 1987, l'École organise annuellement avec un certain cérémonial une rentrée officielle en présence des présidents de l'Université de Haute-Alsace, du Conseil d'Administration de l'École, de la Société Civile de l'École, des Anciens élèves, ainsi que du directeur et du personnel administratif, des professeurs et chercheurs, thésards et étudiants. En septembre 199, Auguste KIRSCHNER major de la promotion 1955 et professeur d'Université, est nommé à la Direction de 'l'École, poste qui reviendra ainsi, pour la première fois depuis 25 ans, à un Ancien de l'École. En septembre 1995 il passe le flambeau à son directeur-adjoint Marc RENNER, également ancien élève de l'Ensitm, major de promotion en 1981 et professeur d'Université.

Un événement universitaire notable eut lieu en 1992 : le titre de Doctor Honoris Causa est décerné à un enseignant vacataire de l'Ensitm, le professeur Ron POSTLE de l'Université australienne de New South Wales.

Un audit approfondi de toutes les composantes de l'Université de Haute-Alsace, donc également de l'Ensitm,. est effectué en 1993 durant les années 1991 à 93 par le Comité National d'Évaluation des Universités, aréopage indépendant du Ministère de l'Éducation Nationale (Annexe N° 16). Ce rapport aux conclusions particulièrement élogieuses, lu par le directeur Auguste KIRSCHNER au cours de l'A.G. des Anciens de juin 1993, devient un atout de poids pour l'avenir de notre École.

Une troisième option de la formation d'ingénieurs textiles dans la spécialité Traitements et Textiles Techniques (T3) (Annexe N°17). Cette option complète judicieusement les deux autres mentions existantes "conception et fabrications textiles" et "confection-habillement".

L'équipe enseignante des années 1995 est composée des professeurs KIRSCHNER, Marc RENNER, THEILLER, HUA VAN MINH pour la filature, DRÉAN et RUÉ pour le tissage, BUENO et TOILLON pour la maille, DURAND, ADOLPHE et TOILLON pour la confection, BRINKERT pour les nontissés, VIALLIER, LALLAM, JORDAN et SCHACHER pour la chimie textile et l'ennoblissement, LE MAGNEN, ADOLPHE et SCHACHER pour la métrologie, LE MAGNEN pour les matières textiles, DUPUIS, CAMILLIÉRI, BRAND, FREYBURGER, LALLAM et HUA VAN pour les sciences de l'ingénieur, etc..., la direction des recherches étant assurée par Pierre VIALLIER et la direction des études par Dominique DUPUIS. En annexe N° 18, le comité d'administration de 1995.

Innovation créative et communicante destinée à la nouvelle promotion d'élèves ingénieurs de 1° année depuis la rentrée 1994 : un week-end d'intégration dans un chalet des Vosges auquel participent le personnel enseignant et administratif de l'École ainsi que des anciens élèves. Buts : développer l'esprit d'équipe, faciliter l'intégration à l'École et faire prendre conscience de l'implication de leur futur métier d'ingénieur.

La liste des onze Directeurs de l'École de 1861 à 1996 est donnée en annexe N° 19 et la photographie de quelques-uns en annexe N° 20, les noms des Présidents du Comité ou Conseil d'Administration depuis l'origine en annexe N° 21. On relève que la longévité de fonction des directeurs a considérablement diminué au fil des 135 ans d'existence de notre institution. Le record de 27 ans est tenu par F. ORTLIEB. A moins que l'on compte également les fonctions professorales de Victor HILDEBRAND, appelé affectueusement Bouboule par les élèves, qui cumulerait alors 39 années au service de l'École. Mais à ce compte-là, Auguste KIRSCHNER serait le champion hors concours avec plus de 41 ans de fidélité à l'École.  

 

 

26. Bâtiments et matériel

 

Vu le développement rapide du nombre d'élèves, le local primitif, loué en 1861 pour trois ans ayant permis le démarrage de l'École, s'avère rapidement trop exigu. Dans son rapport du 29 juillet 1863 à la SIM, Henri THIERRY, président du Comité de Surveillance de l'École de Tissage mécanique souligne la nécessité d'un local plus vaste spécialement affecté à l'École de Tissage, car "être propriétaire de l'immeuble donne une forcé extraordinaire à l'institution qui l'occupe". Le Comité d'administration envisage donc la construction d'un bâtiment définitif. Une Assemblée générale des premiers souscripteurs est convoquée le 24 février 1864 en vue d'une augmentation du capital. On forme une nouvelle Société Civile avec un fond social de 76.000 F divisé en 76 parts de 1000 F réparties entre 56 actionnaires mais qui ne touchent aucun dividende.

 

1865 : la première École Textile 

 

Un bâtiment à étage d'environ 375 m2 avec une petite annexe pour la chaudière est édifié en 1864 sur un terrain cédé à des conditions avantageuses par André KOECHLIN & Cie entre la rue Gay-Lussac et le canal de décharge (Annexe N° 22 et 23). C'est le début d'une longue histoire d'un immeuble qui ne cessera d'être agrandi et aménagé, selon l'évolution du nombre des élèves et des besoins de l'enseignement, près d'une dizaine de fois pendant plus d'un siècle. En 1977, l'École quittera sa vieille maison d'origine pour un nouvel espace sur le campus universitaire créé entre temps sur les hauteurs des collines de l'Illberg.

Les travaux de construction sont terminés en 1865 et la section de tissage s'y installe d'abord. L'équipement est renouvelé, à la mesure de la nouvelle maison. Une machine à vapeur à condensation de 12 chevaux, 28 métiers à tisser comprenant les systèmes mécaniques les plus répandus, excentriques, ratières, jacquard, déboîtage, etc. et le matériel de préparation, bobinoirs, cannetières, ourdissoirs, pareuses, etc... A partir de 1867, l'atelier expérimental industriel de 40 métiers à tisser, travaillant à façon, y fonctionne également jusqu'en 1870.

En 1866 on ajoute au sud du bâtiment principal à étage un atelier en deux sheds de 400 m2 pour y installer, suite à la fusion des deux Écoles, la filature déménagée de l'ancien local loué.

Après avoir repris sa vitesse de croisière après les années difficiles de 1870, un grave problème préoccupe les dirigeants de l'École, la vétusté du parc de machines datant pour la plupart de 1861 pour le tissage et de 1864 pour la filature. En 1878 on fait un nouvel appel aux constructeurs tant alsaciens et français qu'étrangers "leur demandant de contribuer au renouvellement et à la livraison de matériel complémentaire de l'École, soit en faisant dons de leurs machines ou en les vendant à prix réduit, soit en les exposant". En 1884, on ajoute deux sheds, soit environ 400 m2, pour installer beaucoup de nouveau matériel de provenance internationale. Pour la filature, construction A.K.C. devenu entre temps S.A.C.M., constructions anglaises DOBSON & BARLOW, HOWARD & BULLOUGH, CURTIS Sons & Cie, Samuel BROOKS, DICKSON, Robert HALL, Georges HODGSON, garnitures de cardes lames WALTON, John HYDE, montage et aiguisage de garnitures de cardes HORSFALL & BICKHAM, DRONSFILED, courroies POULAIN, peignes extensibles Charles TROENDLÉ, tubes et brochettes en bois STRENLÉ, temples mécaniques LATSCHA, tubes en papier MOREL & MOTSCH, SCHAFFHAUSER, machines-outils avec tour à fileter et perceuse, HEILMANN-DUCOMMUN, STEINLEN, appareils de laboratoire ULLMANN, etc. Pour le tissage, métiers à tisser et ratières HAHLO & LIEBREICH, HODGSON, WITHESSMOTH, S.A.C.M., Construction de Bitschwiller, HACKING, SUMNER, TATTERSAL & HOLDSWORTH, VERDOL, BROOKS, etc. En 1891, la S.A.C.M. a renouvelé tout son équipement et MERTZ de Bâle installe des appareils d'humidification et de ventilation. Un peu plus tard, avec l'enseignement de la laine, on s'équipe également d'un assortiment de machines S.A.C.M. travaillant la laine peignée et vers 1896, d'un assortiment de laine cardée. La vieille machine à vapeur est remplacée par un moteur neuf d'un autre modèle. D'autre part, avec la vulgarisation de l'emploi de l'électricité, on envisage dès 1894 d'installer "la transmission de force par l'électricité où chaque métier à tisser est mû par son moteur spécial". Ce qui est réalisé quelques années plus tard en même temps que la production de l'énergie électrique par une dynamo-génératrice de 65 volts et 50 ampères mue par une machine à gaz pour faire tourner 6 moteurs de métiers à tisser. De cette façon, à l'étude pratique de la chaudière et du moteur à vapeur, s'ajoute celle du moteur à gaz et de la machine électrique.

Après l'Exposition de Paris de 1900 (industrie, sciences et arts, éducation et enseignement), l'École s'enrichit de plusieurs machines exposées cédées gracieusement à l'École par les constructeurs. Un nouvel appel est lancé pour compléter le matériel de tissage de laine, l'achat de deux métiers soie avec appareil jacquard lyonnais à grande vitesse, un métier à tapis et un bobinoir américain. Au début du siècle, la S.A.C.M. met en dépôt une peigneuse dernier modèle et remplace le self-acting coton puis le banc-à-roches en gros. GRUN et SCHLUMBERGER de Guebwiller fournissent une peigneuse et d'autres machines pour la laine.

En 1912 on construit une loge pour le portier, une buanderie pour supprimer celle installée à la cave du bâtiment principal et des vestiaires avec W.C. pour les élèves. La machine à vapeur est définitivement remplacée par un moteur électrique.

Durant la fermeture forcée de l'École pendant la guerre de 1914 à 1918, on en profite pour améliorer l'organisation des immeubles, installer le chauffage à l'eau chaude et l'éclairage électrique.

Importants agrandissements entre 1920 et 1925 avec le doublement des quatre sheds existants pour la filature, la nouvelle section de bonneterie et la construction d'un nouveau tissage, chacun avec une salle de cours adjacente (Annexe N° 24). La souscription ouverte début 1920 atteint en 1922 la somme de 385.000 F pour un coût se montant à 470.000 F. On comptait sur un solde de liquidation du Comptoir des Chambres de Commerce d'Alsace-Lorraine, alimenté avant la guerre par l'industrie alsacienne, mais l'État l'avait de suite accaparé. Le matériel de tissage quitte l'étage du grand bâtiment pour son nouveau local. Celui-ci est transformé en grand amphithéâtre de 132 places. Désormais, les ateliers à eux seuls couvrent une surface de 2500 m2 avec les machines les plus récentes en filature, préparation, tissage, bonneterie, laboratoire, etc. en provenance de N.S.C., S.A.C.M., CROUZET, SCHWEITER, Bitschwiller, etc... Les quatre salles de cours atteignent 350 m2 de superficie.

Des travaux d'aménagement d'un laboratoire de chimie et d'un amphi-labo de physique sont entrepris en 1938 en même temps que l'acquisition de nouveau matériel de laboratoire. Une nouvelle extension de ces laboratoires prévue en 1939 devait servir également de Centre de recherche textile permettant de doter notre industrie alsacienne d'un outil de travail susceptible de lui rendre d'indispensables services.

En 1951, l'École agrandit son atelier de tissage par un nouveau bâtiment en quatre sheds ultramodernes de 1000 m2 et y installe une salle de cours, un petit atelier d'ajustage et un nouveau laboratoire de métrologie textile en collaboration avec le Centre de Recherches Textiles de Mulhouse nouvellement créé. Cette extension, conçue par l'architecte mulhousien SPOERRY et construite par ZAHM et GYSPERBER pour un coût total de 35 M F, financée par l'industrie textile régionale, les Chambres de Commerce, la ville, le département et l'Enseignement Technique, est inaugurée en 1952 par DISSLER (dont le père fut un Ancien de l'École, promo 1893), Directeur du Cabinet du Secrétaire d'État à l'Enseignement Technique.  

Le rattachement de l'École à l'Éducation Nationale, évoqué dès 1958, devrait lui procurer les moyens nécessaires à un meilleur développement. La vétusté et l'inadaptation de certains locaux et surtout les dangers que présentaient notamment l'affaissement partiel du bâtiment administratif et l'effondrement d'un morceau de la toiture de l'atelier de filature datant de 1868, contraint les responsables d'envisager une reconstruction sur le campus universitaire entre le Centre de Recherches Textiles et l'École Nationale Supérieure de Chimie, sur un terrain mis à la disposition par la Ville de Mulhouse. Ce projet est une nouvelle raison d'espérer. On estime les coûts d'un bâtiment de 4000 m2 (contre 3500 actuels) à 240 MF auxquels il faudrait ajouter 160 MF d'équipements nouveaux ce qui ferait un total de 400 ME Le budget de fonctionnement de l'École serait grossi également du fait de l'augmentation du personnel enseignant. Il faudra presque 20 ans de l'idée à la réalisation de cette nouvelle construction.

 

 

1977 : un bâtiment grandiose sur le campus universitaire

 

Grâce aux efforts conjugués des instances politiques et économiques, municipales et régionales, ministérielles, universitaires et industrielles, la construction de 5.918 m2 de nouveaux locaux est menée à son terme par l'entreprise SAVONITTO après la pose de la première pierre en septembre 1974 (Annexe N° 25). La rentrée scolaire dans cette nouvelle maison sur la colline de l'Illberg a lieu le lundi 17 octobre 1977. L'inauguration est faite le 9 décembre 1977 conjointement par le Recteur J. BEGUIN et le Député-Maire Émile MULLER en présence de plus de 600 personnalités, amis et visiteurs de France et de l'étranger. Quant à la vieille École du quai des Pêcheurs de 1864, les sheds de filature datant des années 1866 à 1920 sont démolis et le reste des bâtiments réhabilité pour accueillir l'École des Beaux-Arts de Mulhouse.  

En 1986, la nouvelle École s'est encore agrandie de 1000 m2 supplémentaires de salles de cours et de travaux pratiques, notamment pour abriter le nouveau département de confection. Avec l'augmentation du nombre d'élèves et de filières et la complexification des études, un nouveau projet d'extension de 2000 m2 est prévu pour les années 1997-98.

 

 

 

27. La grande famille des étudiants 

 

Après les balbutiements des trois premières années d'existence de l'école, le nombre d'élèves se stabilise entre 30 et 40 jusqu'aux événements de 1870.

 

Les fils de manufacturiers et les autres 

 

Le Comité de Surveillance de l'École observe l'évolution des étudiants en les divisant en trois catégories, selon leur origine sociale. On fait le point en 1866 :

- "les fils d'industriels qui, à leur sortie de l'École, ont leur place assurée dans les établissements de leurs parents" ; ils représentent 51 % de l'ensemble ;

- "les fils d'employés industriels, envoyés à l'École par des chefs d'établissement qui désirent faire compléter leur instruction avant de les recevoir définitivement chez eux" ; ils ne sont que 15 % ;

- "d'autres jeunes gens" - ils sont 34 % des 133 élèves réguliers considérés -, qui suivent les cours "soit par vocation, soit par désir d'utiliser dans l'industrie leurs capacités, soit dans l'espoir de trouver une place de directeur ou de contremaître".

En 1866, le Conseil d'administration de l'École relève qu'une évolution se dessine en faveur de la troisième catégorie ce qui est interprété "comme un intérêt de nombreux jeunes gens pour l'industrie textile indépendamment de leur origine et la preuve manifeste de la bonne marche de l'École". D'ailleurs, remarque-t-on, "ces jeunes de la troisième catégorie sont ordinairement placés comme directeurs, contremaîtres ou employés de tissage par l'intermédiaire de la Direction de l'École. Le chiffre de leurs appointements varie, pour les débuts, de 1500 à 2000 F par an".

A partir de cette époque on n'étudie plus ce facteur de l'origine sociale, tout en affirmant que "la Direction porte le plus vif intérêt à la catégorie des déshérités". De fait, on souligne à plusieurs reprises la charge des frais d'écolage élevés (au ﷓cours des premières années de fonctionnement de l'école, 600 F par an, correspondant à un salaire annuel d'un ouvrier) ce qui favorise, tout en le limitant en nombre, le recrutement des jeunes gens des classes aisées et élimine les enfants de parents aux moyens modestes. Pendant de nombreuses années on envisage d'attribuer des bourses d'études à des élèves, mais, faute de moyens, il fallut attendre longtemps la concrétisation de ces bonnes intentions.  

Vers la fin du XIX° siècle, l'école subit une chute du nombre de rentrées, surtout en filature à cause de la pléthore de cadres pour la filature où les jeunes diplômés végètent trop souvent pendant des années en attendant une promotion. En 1904, on offre des bourses à six élèves alsaciens (sur 21) afin de faciliter le recrutement régional. Le record annuel du nombre d'élèves avant la Première Guerre Mondiale est de 69 et 72 en 1910 et en 1911.  

Le démarrage après 1918 est impressionnant avec 57 élèves dès 1919, suivi de 122 et 119 les deux années suivantes. Le nombre d'élèves croît régulièrement pour culminer en 1929 à 163 jeunes gens de 18 nationalités différentes puis rechuter, suite à la grave crise économique et de l'industrie textile. Après un minimum de 45 élèves en 1935, on remonte à 97 élèves en 1938. Ce creux d'élèves provoque d'ailleurs pour l'industrie une pénurie de cadres qui se placent facilement. La crise internationale de septembre 1938 n'arrête pas le vigoureux élan de redressement manifesté depuis 1937, cet accroissement étant surtout dû à la section d'ingénieurs. Néanmoins elle est la cause de graves perturbations, notables retards des inscriptions, impossibilité d'obtention de visas pour plusieurs étrangers et de rattrapage de retard pour d'autres. La tension internationale en 1939 s'accentuant de jour en jour, de nombreux élèves se trouvent mobilisés et les étrangers, effrayés par l'importance du conflit qui se prépare, rentrent précipitamment dans leur pays d'origine.  

Pendant la période désastreuse de la guerre de 1939 à 1945, à peine une soixantaine de cadres sont formés sous une direction allemande d'occupation. En 1946, la présence réconfortante de 129 élèves de 7 nationalités, parmi lesquels des anciens combattants et internés, marque la pérennité de la renommée de l'École. Le nombre d'élèves augmente encore pour atteindre en 1951 le chiffre record de 188 de 12 nationalités différentes, dont 80 diplômés. Vingt ans plus tard, c'est un autre record, négatif, de 9 diplômés sortis en 1971. Depuis lors, les chiffres remontent régulièrement avec 30 à 45 ingénieurs mis annuellement à la disposition de l'industrie à partir des années 1989. En 1994, le nombre d'élèves fréquentant l'école dans les différentes filières atteint 250, ce qui pose de nouveaux problèmes d'espace.

Notons que vers 1895, l'école a déjà diplômé 1000 étudiants. Un siècle plus tard, elle a formé quelque 5000 cadres de l'industrie textile avec des variations annuelles  considérables. En annexe N° 26 on trouve un graphique de l'évolution entre 1862 et 1996 des moyennes de cinq promotions successives (ce qui écrête les pics).

Relevons également deux phénomènes sociaux remarquables: d'une part, de nombreux élèves ont fréquenté l'école textile de père en fils. Nous citerons un seul exemple, illustre, le directeur de l'école Victor HILDEBRAND (1898-1987, promo 1920) est lui-même le fils d'un Ancien, Victor HILDEBRAND, promo 1880 et deux fils ont fait leurs études à l'école (promo 1958 et 1960). D'autre part, on dit que l'Université est la meilleure agence matrimoniale. A l'école textile peu de femmes font des études, mais on relève quelques mariages d'anciens élèves.  

 

 

De tous les coins du monde

 

Quant à l'origine géographique des élèves, n'oublions pas que l'École fut créée en 1861 prioritairement pour les cadres de l'industrie textile alsacienne. Toutefois, on s'intéresse rapidement à l'élargissement de son recrutement, ce que l'on considère également comme un critère du rayonnement de l'institution.  

Un autre critère est celui de la réussite des élèves aux examens. Nous avons calculé par décennies (approximatives) depuis la fondation jusqu'à 1939, le nombre de diplômés comparativement au nombre d'inscrits

 

Nombre de diplômés et d'inscrits à l'école  

Année

 

1861/69

1870/79

1880/89

1890/99

1900/09

1910/14

1919/29

1930/39

Inscrits

 

220

240

220

380

480

275

1305

880

Diplômés

 

90

100

170

250

350

206

1120

704

soit en %

 

40

42

77

66

73

75

86

80

    

On relève que le nombre de diplômés est relativement faible durant les vingt premières années, soit que les jeunes arrêtaient les études en cours de route, soit qu'ils ne se présentaient pas aux examens ou qu'ils avaient échoué aux examens finaux. Une des grandes constantes pendant de nombreuses années avant 1914 est la trop faible instruction initiale des candidats, ce qui incite la Direction de l'École à prendre plusieurs mesures de collaboration avec d'autres écoles techniques et professionnelles, de créer des cours de vacances, etc. Avec les concours d'entrée systémanquement imposés, ce taux de diplômés remonte sérieusement après la guerre  1914/18. Depuis 1945, le taux de diplômés voisine autour de 90 à 95 %.  

 

Quant à la répartition de l'origine géographique des élèves (principe adopté dès la fondation de l'école), de l'Alsace-Lorraine, des autres départements français hors les trois départements de l'Est, d'Allemagne et des autres pays étrangers, voici les taux approximatifs (les bases de calcul ne sont pas toujours les mêmes), indépendants du nombre d'élèves, mais forcément influencés par lui.  

 

Années

 

1861/69

1870/79

1880/89

1890/99

1900/09

1910/14

1919/29

1930/39

 

1946/60

1961/70

1971/80

1981/94

Alsace

 

46%

27%

40%

47%

39%

39%

34%

21.7%

 

38%

13%

14%

21%

France

 

34%

40%

15%

22%

34%

38%

46%

33%

 

41%

39%

66%

56%

Allemagne

 

4%

4%

4.5%

5%

3.5%

4%

0%

0.3%

 

0%

0%

0%

0%

Autres

 

16%

29%

40.5%

26%

23.5%

19%

20%

45%

 

21%

48%

20%

23%

 

On constate que jusqu'à la grande crise économique de 1930, le recrutement est régional pour deux cinquièmes des élèves, répondant parfaitement au but que s'étaient fixé les fondateurs. Mais ce taux est en diminution constante, l'apport régional étant particulièrement faible de 1934 à 1939 et de 1965 à 1972. Le pourcentage élevé après la Deuxième Guerre Mondiale est dû à un recrutement local important, l'industrie alsacienne refaisant son plein de cadres.

Les élèves venant des autres départements français ne dépassent jusqu'en 1970 jamais 40 % sauf durant la décennie 1919/29 où ils sont particulièrement nombreux pendant les premières années d'après-guerre. Depuis une quinzaine d'années, suite au recrutement par concours national E.N.S.I., notre École est devenue très hexagonale, au détriment du recrutement régional et étranger. Notons que les années 1889 à 1891 n'avaient apporté presqu'aucun contingent français à cause de l'obligation de visa exigée par les autorités allemandes pour venir en Alsace.  

Quant aux élèves d'origine allemande, leur nombre oscille entre 0 et 5 %, alors qu'on aurait pu s'attendre à une "invasion" durant la période du Reichsland de 1871 à 1914, puisque la ville de Strasbourg comptait 25 % d'Allemands et Mulhouse 20 %. Au contraire, pendant les 17 années entre 1870 et 1887 on ne trouve au total que 15 étudiants allemands. On peut en conclure, d'une part que les fonctionnaires et militaires allemands installés en Alsace à cette époque n'envoyaient pas leurs fils dans une École tenue par les industriels mulhousiens (francophiles) et d'autre part, que les écoles textiles allemandes avaient la préférence de leurs concitoyens.

Le contingent d'étrangers, comparativement à d'autres écoles textiles françaises, est remarquablement élevé, à partir de 1870 entre 20 et 40 %, avec un fléchissement pour raisons politiques avant la guerre de 1914/18. Les taux importants des années 1930/39 et 1961/70 s'expliquent par des arrivées massives d'étrangers dont nous parlons plus loin. Il est, en effet, intéressant de connaître les pays d'origine de nos recrues. La liste est impressionnante.

Déjà deux ans après la première promotion, en 1864, arrivent un élève de Suède et deux Allemands, puis jusqu'en 1869 des jeunes de Suisse, Hollande, Danemark. De 1870 à 1879, en dépit de la perturbation de la guerre, en plus des nationalités déjà signalées, on trouve des élèves d'Italie, Grande-Bretagne, Belgique et Autriche. Entre 1880 et 1889, c'est le rush, car aux 9 nationalités citées s'ajoutent des jeunes de Portugal, Espagne, Bohême, Hongrie, Pologne, Brésil, Turquie, Russie, U.S.A. et en 1890 du Mexique. Si le nombre d'étrangers augmente, le nombre de nationalités ne changera plus jusqu'en 1921 où arrive un Grec, la vingtième nationalité enregistrée.

Arrivée en masse en 1929 de 211 candidats, mais après examen il n'en restera que 164 dont 72 étrangers avec un contingent de 30 Polonais. En 1932, les 45 étrangers représentent 17 nationalités différentes. Jusqu'en 1939, on ajoute aux nationalités déjà citées des ressortissants d'Égypte, Roumanie, Géorgie, Indochine, Lettonie, Syrie, Chine, Bulgarie, Iran, Yougoslavie. Cela fait 30 nationalités différentes en trois quarts de siècle.

Le redémarrage de 1945 est difficile, la première promotion de 129 élèves ne compte que 17 étrangers et celle de 1946/47 157 jeunes avec 22 étrangers. Quelques années plus tard, le nombre d'étrangers atteint la trentaine, avec une très nette prédominance d'Égyptiens, d'Italiens, de Portugais. Jusqu'en 1960 on trouve encore, outre les nationalités citées, des élèves d'Irak, Honduras, Haïti, Indes, Liban, Israël et Apatrides. A partir de 1960, changement complet de la population des étrangers avec l'arrivée massive de Vietnamiens, Marocains, Tunisiens et Algériens, outre, en plus de celles déjà citées, les nationalités du Pakistan, Éthiopie, Côte d'Ivoire, Dahomey, Ghana, Norvège, Équateur. Puis le contingent des étrangers se stabilise autour de 20 % à partir des années 1968 avec, entre autres, des étudiants de Madagascar, Cameroun, Volta, Sénégal, Afghanistan.

En annexe N° 27 nous reproduisons la photo de la plus ancienne promotion trouvée dans les archives de l'École, celle de la section filature de 1885/86 avec 1 Français, 4 Mulhousiens, 4 Italiens, 1 Suisse, 1 Hongrois et 1 Polonais.  

 

*               *               *

 

Nous venons de mettre en évidence combien la vie de l'École est dépendante des événements politiques et économiques et combien et avec quelle opiniâtreté ses dirigeants n'ont cessé d'adapter son enseignement aux exigences des besoins de l'industrie et de la science.

Il est proprement stupéfiant de constater la rapidité avec laquelle les industriels mulhousiens du XIXe siècle concrétisent leurs idées. En 1860 il n'y a ni téléphone ni électricité et les déplacements se font à la vitesse du cheval ou d'un chemin de fer balbutiant. Il leur faut à peine quelques mois, après avoir été mis devant le fait accompli du nouveau Traité de commerce franco-anglais et avoir analysé ses risques et ses conséquences, pour élaborer un projet d'école, rassembler les finances nécessaires, trouver les hommes, un local et le matériel pour créer une institution privée qui fonctionne. A la même époque, dans d'autres villes en France, il faut plus de 10 ans pour créer une École Nationale. Dans les années 1960, il faudra plus de 10 ans pour rattacher cette École privée à l'Université et bien plus pour construire un nouveau bâtiment et y emménager.

Bien évidemment, l'entreprise privée a ses limites. L'envers de la médaille, c'est la vulnérabilité financière de l'École, sa dépendance de la reconnaissance et du nombre d'élèves. Cette vénérable institution a fermé ses portes ou failli être condamnée plusieurs fois, pour des raisons économiques ou politiques, en 1874, de 1914 à 1918, en 1939, en 1945, en 1964. Le nombre de diplômés formés, critère dépendant de nombreux facteurs, est très variable, de 9 en 1862 à 9 en 1971, en passant par des pointes de 80 à 90 en 1929 et en 1948 pour se stabiliser autour de la quarantaine de nos jours. Quant au nombre d'élèves, avec les formations multiples dispensées depuis les années 1980, il atteint aujourd'hui quelque 250.

L'internationalité de l'École a toujours été un atout. Dès les premières années, la fréquentation de l'École par des étrangers est importante, entre 20 et 40 %. Pendant un siècle, ce sont principalement des jeunes gens des pays européens et américains alors que durant les quarante dernières années, les étrangers viennent surtout des pays francophones d'Afrique et d'Asie. Depuis une vingtaine d'années, l'École collabore de plus en plus avec toutes les institutions du monde.  

L'évolution des outils est aussi extraordinaire que celle de l'enseignement. Si à l'origine, il s'agit surtout d'acquérir des connaissances technologiques encyclopédiques aussi proches que possibles de la pratique, de plus en plus, par le rehaussement du niveau de recrutement et de la formation polytechnique, on produit des ingénieurs, des chercheurs, des gestionnaires, des formateurs de haut niveau.  

 

 

Chapitre III : la vie tumultueuse d’une association centenaire

 

La création de l École Textile à Mulhouse par la Société Industrielle remonte à 1861. Nous venons d'en parler. Ici nous relatons l'histoire parfois impétueuse de l'Association depuis ses origines en 1896 et même depuis les premières tentatives en 1868.  

Si l'Association fête aujourd'hui ses cent ans d'existence, des prémices eurent lieu dès 1868. En effet, cette année-là, quelques élèves des deux écoles qui venaient de fusionner et d'entrer dans les nouveaux locaux définitifs spécialement construits à cet effet au quai des Pêcheurs, décidèrent de former une Association et élaborèrent des statuts. A cette époque, le nombre d'élèves se montait à 40 par promotion et l'école avait déjà formé quelque 250 cadres pour l'industrie textile. Mais, faute de participants assez nombreux et enthousiastes et par suite de la guerre franco-allemande désastreuse suivie de l'annexion allemande de 1871, cette initiative avorta. Toutefois, les statuts furent archivés.

 

31. Une structure et des hommes 

 

Les années passent. Ce n'est qu'en 1894, le 24 juin, jour de l'assassinat par un anarchiste italien du président de la République Française Sadi CARNOT, une étincelle jaillit. Les étudiants étant en cours de tissage avec le directeur Oscar WILD, connu pour sa francophilie, à l'instar des milieux industriels et étudiants, apprennent ce tragique événement par la bouche d'un condisciple italien. Le cours est immédiatement suspendu et les étudiants se retrouvent tous à Mulhouse où un monôme de sympathie pour la France est organisé. Nos textiliens essayent d'entraîner dans leur sillage leurs camarades de l'École de Chimie, mais sans succès, car ces derniers comprenaient de nombreux futurs chimistes de nationalité allemande dans leurs rangs. Ils manifestent donc seuls, mais la police du Kaiser veille. Le soir nos étudiants se réunissent au Café Luxhof de la rue du Sauvage, l'établissement "in" de l'époque, pour arroser l'événement et discuter de la fondation d'une association des anciens élèves. En effet, en 35 ans, l'école avait déjà formé quelque 1000 cadres pour l'industrie textile. Des statuts basés sur ceux de 1868 sont élaborés et déposés à la Kreisdirektion pour autorisation d'existence juridique. Malheureusement, cette autorisation, après enquête par les autorités allemandes et au vu du comportement francophile des étudiants du textile, est refusée sans indication de motif. Autre conséquence de leur manifestation, à partir de cette époque, les étudiants alsaciens n'ont plus le droit - sous peine de refus de diplôme - d'assister aux cours dispensés en langue française à l'École qui enseigne ses matières dans les deux langues, une section française pour les Français et les étrangers et une section allemande pour les Alsaciens et les germanophones. Néanmoins, les étudiants alsaciens continuent à pratiquer la langue française et deviennent ainsi parfaitement bilingues.  

 

Sur les fonts baptismaux 

 

Deux ans plus tard, fin juin 1896, les étudiants fêtent avec leur professeur de filature et ancien élève Henry BRUGGEMANN (promo 1887/88) la fin des études par un dîner dans la grande salle de l'Hôtel de l'Europe. On décide de tenter pour la troisième fois la création d'une Association, on élabore des statuts, cette fois-ci en deux langues, et on charge le professeur BRUGGEMANN du secrétariat provisoire. Le secrétaire envoie quelque 500 convocations aux Anciens pour assister à une Assemblée générale constitutive provisoire fixée au 22 décembre 1896 au Café Luxhof. Si 75 convocations sont retournées pour adresse incomplète, 55 anciens élèves se présentent au Luxhof pour approuver les statuts (Annexe N° 30 et 31), y apposer leur signature (Annexe N° 32) et procéder à l'élection du Comité de l'Association. On choisit Gustave DOLLFUS, fondateur de l'école et président du Conseil d'Administration comme président d'honneur, le directeur Oscar WILD comme premier président d'une longue lignée (Annexe N° 33 et 34), Jules BICKING (le 1° élève de la 1° promotion 1861/62) comme vice-président, Henry BRUGGEMANN comme secrétaire-trésorier, Albert STORCK, Paul GÉGAUFF, Auguste BREITENSTEIN et Camille De LACROIX (vice-président du C.A. et Chevalier de la Légion d'Honneur) comme assesseurs. A noter que De LACROIX et STORCK faisaient déjà partie en 1868 du Comité de la première association avortée. On charge le secrétaire de la demande d'autorisation auprès de la Kreisdirektion. BRUGGEMANN, originaire de Cologne, donc de nationalité allemande, entretient d'excellentes relations avec le Kreisdirektor SOMMER à Mulhouse. Il demande encore une faveur supplémentaire aux autorités allemandes, "rédiger les statuts et la correspondance en langue française avec les étrangers et les autochtones qui ne maîtrisaient pas la langue allemande, si le bien de l'association l'exigeait". A l'occasion d'une réception en l'honneur du Dr. CHEBULIEZ, directeur (suisse) de l'École Professionnelle de l'Est à Mulhouse, en avril 1897, SOMMER, entre la poire et le fromage, glisse à l'oreille de BRUGGEMANN : "Joignez au texte allemand des statuts de votre Association la traduction française si les intérêts de l'Association l'exigent". L’autorisation est accordée facilement à BRUGGEMANN et notre Association fondée officiellement.

 

 

 

Les Statuts : pérennité et adaptation 

 

Constituée le 30 juillet 1896, notre "Association Libre des Anciens Élèves de l'École de Filature et de Tissage de Mulhouse" adopte également son nom allemand "Freie Vereinigung ehemaliger Schüler der Spinn und Webschule Mülhausen" et se singularise par le mot "libre". Cet adjectif "libre" souligne à mots couverts l'esprit antigermanique des initiateurs. En effet, comme déjà signalé, Mulhouse a envoyé à chaque élection législative de 1873 à 1887 des députés contestataires anti-annexion au Reichstag à Berlin. Notre association "libre" a aussi la particularité de fonctionner avec des statuts rédigés en allemand et en français, d'éditer une "Revue de la Filature et du Tissage" et un "Bulletin de l'Association" dans ces deux langues. Il faut néanmoins souligner que l'usage de la langue française, si son enseignement fut supprimé dès 1871 à l'école primaire, n'était pas interdit, tout au moins jusqu'à la guerre de 1914. Si les discussions au Comité de notre Association se font en français, les rapports sont écrits en allemand. Même si, par pur formalisme, l'article 32 de ses statuts interdit toute discussion politique ou religieuse, on peut s'imaginer que ses membres ne manquent jamais d'arrière-pensées politiques, ainsi que le prouvent les différents incidents relatés.  

Une stabilité assurant la pérennité de l'Association est garantie par l'article 12 qui exige que les président, vice-président, secrétaire-trésorier et un membre du Comité devront habiter Mulhouse. En effet, si cet article est contraignant pour le choix des membres du bureau, il a également permis de protéger l'Association, entre 1897 et 1925 et au cours de périodes politiquement troublées, contre plusieurs attaques des groupes régionaux tendant à prendre le pouvoir, à la décapiter ou à la faire éclater.  

Pour mieux asseoir la légitimité du bureau, l'assemblée modifie en 1900 l'article 8 qui précise que dorénavant les président, vice-président et secrétaire-trésorier sont élus chaque année au sein du bureau. En ce qui concerne les élections des membres du Comité aux Assemblées générales, on introduit en 1913 sur proposition du groupe de Lille le vote par procuration en limitant le nombre de pouvoirs à cinq. Le même groupe de Lille, ayant le secrétaire-trésorier BRUGGEMANN dans son collimateur, propose de séparer les fonctions de secrétaire de celles de trésorier, ce qui ne s'est pas fait par manque de volontaires. Pour alléger les travaux des Assemblées, on décide également de modifier l'article 5 en stipulant que "le Comité seul peut décider de la réintégration d'un ancien membre démissionnaire". Bien sûr, avec le retour dans le sein de la mère-patrie et conformément au projet des Anciens d'Épinal de 1915, retravaillé par les Parisiens, "de déchirer les statuts et d'en refaire des nouveaux", on délibère au cours de plusieurs réunions de Comité, des statuts adoptés à l'A.G. de juillet 1919. Enfin, en 1923, l'Association est inscrite au Tribunal de Baillage de Mulhouse. Toutefois, avec les changements du nom de l'École, on sera encore plusieurs fois obligé de modifier le nom de l'Association. Les statuts de 1919 subissent encore d'autres modifications mineures à partir de 1931 (Annexe N° 35).   

 

 

Des assemblées générales contrastées 

 

Comme toute Association, les Anciens se réunissent annuellement avec un minimum de 25 membres, conformément aux articles 22 et 23 des statuts, en A.G., suivie d'un banquet. Le même rituel se déroule depuis un siècle avec une précision horlogère : accueil par le président, rapport d'activités par le secrétaire, rapport financier par le trésorier, quitus au Comité, questions diverses, etc… Quant à la date, on précise en 1896 "le dernier samedi du mois de mai", mais en 1901 on recule la date à fin juillet pour la mettre en concordance avec la fin des études. On connaît ainsi les résultats scolaires. Si le nombre de participants a toujours dépassé le minimum exigé, il varie entre 35 en 1902 et un maximum de 170 en 1920, période de remise en cause difficile.  

Le choix de la salle pour organiser une A.G. d'une centaine de personnes n'est pas aisé à Mulhouse. L'Assemblée générale constitutive a lieu le 22 décembre 1896 dans la salle de l'étage du Luxhof. Avant la Première Guerre Mondiale le choix se porte souvent sur l'Hôtel Central ou l'Hôtel de l'Europe, le banquet ayant lieu dans le même établissement. En 1904 on choisit le nouveau restaurant du Zoo tout récemment inauguré. Ce local a bien sûr l'inconvénient de l'éloignement, car on ne dispose pas assez de calèches pour monter la côte. Il faut attendre 1908 pour pouvoir y monter en trolley appelé le "sans rails", "Gleislose" que les Mulhousiens connus pour leur "parler vrai" désignent par "dr. Geischtlose" parce que ce trolley déraille facilement. De nombreux Anciens, toujours aussi indisciplinés hors profession, en profitent pour flâner dans le beau parc du zoo ou lors de la belle montée pédestre avant de se rendre à l'A.G. Mais à la suite de l'incident avec la musique militaire allemande, on abandonne jusqu'en 1919 ce local pour revenir en ville. En 1905 le président BICKING, ingénieur en chef à la S.A.C.M. met à la disposition de l'A.G. la grande salle de la Société Ouvrière de la S.A.C.M.. De 1920 à 1939, on se réunit à tour de rôle à la Salle de la Bourse, au Salon d'or du Casino du faubourg de Colmar ou au Salon Vert du Café MOLL. L’A.G. du retour à la paix en 1946 est aussi un retour aux sources, car elle se tient à l'École où l'on inaugure également la plaque commémorative des Morts pour la Patrie. Les autres se tiennent, selon le cas, à la Chambre des Métiers, à la SIM, au Zoo, au Moll. Mais, à partir de 1952, on revient à ses premiers amours, l'amphithéâtre de l'École où l'A.G. se tiendra pratiquement toujours.  

Si les Assemblées générales rythment la vie de l'Association, elles sont marquées par les événements extérieurs, sociaux, politiques, économiques et les circonstances internes, création, croissance, crises, commémorations, etc… En dehors des périodes de paisible ronronnement, les temps de rupture tumultueux marquent toujours l'A.G. Nous avons eu l'occasion de le souligner à plusieurs reprises.

 

 

Comité et membres, actifs, honoraires et d'honneur 

 

L’article 7 des statuts de 1896 précise que l'Association est administrée par un Comité voté au scrutin secret pour 3 ans par l'Assemblée générale et se renouvelle par tiers chaque année. Le Comité comprend 9 membres dont le président, le vice-président, le secrétaire-trésorier. Très tôt, on se rendit compte que le nombre de membres du Comité était insuffisant et on modifia les statuts en conséquence. Avec la création des groupes régionaux à partir de 1907, le président ou le délégué de chaque groupe régional devinrent membre de droit du Comité. Pendant la Première Guerre Mondiale, toute activité associative étant interdite en Alsace, le Comité se mit en sommeil, sauf pour une réunion en mai 1917. En effet, suite à une législation sur l'obligation de remettre à l'État allemand des titres suédois, danois et suisses par les propriétaires allemands domiciliés dans le Reich, le bureau de trois membres (président, secrétaire- trésorier et assesseur) de notre Association qui possédait pour 5000 F d'obligations suisses 1908 à 4 % décida de les vendre à la Banque de Mulhouse.  

Les activités du Comité reprenaient dès le 1er février 1919. En temps normal, le Comité se réunit 3 à 4 fois par an, mais en périodes de crise, notamment dans les années 1919 et 1920, on comptait jusqu'à 10 réunions. Les nouveaux statuts de 1919, influencés par les initiatives spinaliennes, fixèrent le nombre des membres du Comité à 12 avec deux vice-présidents et séparèrent les fonctions de secrétaire et de trésorier. On relève que, pendant ce siècle, la durée de mandat de 10 présidents sur 12 n'a pas dépassé 10 ans, le record étant détenu par Pierre LAUER avec 29 ans de présidence.  

Une des difficultés d'une Association d'anciens élèves est d'inciter les étudiants diplômés à s'inscrire dès la sortie de l'École. Un an après l'année de sa fondation en 1896, l'Association ne comptait que 200 membres alors que l'École en avait déjà formé 1000. Une autre difficulté, la connaissance des adresses des anciens élèves, fut régulièrement abordée par le Comité en lançant des questionnaires. Mais le succès de ces opérations fut souvent mitigé. Ainsi en 1907 par exemple, sur 1180 élèves répertoriés, l'adresse de 510 était inconnue. En 1903, Charles WELKER dessine une belle carte de membre remise à chacun (Annexe N° 36).  

Malgré tous les impondérables, le nombre d'adhérents grimpait rapidement pour atteindre en 1931 un pic de 921 membres, pour baisser régulièrement jusqu'à la guerre de 1939/45 et reprendre allégrement vers un deuxième sommet de 940 membres en 1956 (Graphique en Annexe N° 37). Toutefois, en appliquant avec plus de rigueur la règle inscrite dans les statuts excluant les membres en retard de paiement de cotisation depuis plus de deux ans, on fit chuter le nombre de membres. Depuis, le nombre d'adhérents baissait pour se stabiliser pendant les trente dernières années à 500 ou 600. En 1995 l'Association compte 524 cotisants alors que l'école a formé environ 5000 élèves en 135 ans.

 

 

Qui sont nos Anciens ? 

 

Lors de la fondation de l'école en 1861 par la SIM, la Direction classait les élèves selon leur origine sociale en 3 catégories : les fils de patrons, les fils de directeurs et les autres. L'écolage de 600 F par an, correspondant au salaire annuel d'un ouvrier auquel il faut, d'après une étude du Dr. PENOT de 1842, un minimum vital de 400 F pour subsister, devait éliminer pas mal de jeunes gens modestes.  

Selon l'annuaire des Anciens de 1905, les patrons d'usines appelés manufacturiers représentaient 28 % des 348 membres de l'Association. Aujourd'hui, même si on n'établit plus ce genre de statistique et que la notion même du "patron" du XIXe siècle a disparu, on peut affirmer qu'il y a peu de "fils de patrons". Les emplois des Anciens évoluent considérablement en un siècle. Selon le même annuaire de 1905, sur les 348 Anciens on trouve 2 "rentiers" et 143 gérants, directeurs ou sous-directeurs (41 %) ; 37 % travaillent en Alsace, 30 % dans les autres départements de France notamment dans ceux de l'Est, 7 % en Allemagne et 26 % dans d'autres pays, Italie, Russie, Espagne, Belgique, Suisse, Portugal, Autriche, États-Unis, Turquie, Égypte, Brésil, Indes, etc... En ce qui concerne leur nationalité, rappelons la belle envolée lyrique à l'occasion d'une excursion des Anciens à la Schlucht en juin 1909 où le président STORCK s'exclama "On ne demande pas s'il est Allemand, Français, Italien, Anglais, etc... mais simplement s'il est ancien élève de l'École". Dix ans plus tard, en 1919, cette affirmation était caduque puisqu'on expulsa les Allemands et les Autrichiens de l'Association. 

En 1995, sur 524 Anciens, 132 soit 24 % sont retraités. Quant aux 321 actifs ayant indiqué leur lieu d'activité, 34 % travaillent en Alsace, 54 % dans les autres départements français, 2 % en Allemagne et 10 % dans d'autres pays, Suisse, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Espagne, Maroc, Tunisie, Côte d'Ivoire, Afrique du Sud, Canada, Mexique, Hong-Kong, Australie. Il n'est pas possible d'en tirer une conclusion car les deux populations d'Anciens de 1905 et de 1995 ne peuvent être comparées. Avant 1914, la plupart des élèves s'inscrivaient à l'Association des anciens élèves, alors que depuis 1945, peu d'étrangers s'y trouvent.  

Quant à leur âge ou plutôt leur ancienneté, les écarts se creusent. En 1905, les plus vieux, sortis de la première promotion de l'école en 1861/62, ne pouvaient avoir que 44 ans d'ancienneté et en tout état de cause, l'espérance de vie était nettement plus faible. En 1995, 19 Anciens appartiennent à des promotions d'avant 1939, le plus ancien de 1922, soit 63 ans d'ancienneté.  

Autre évolution remarquable, la féminisation. Pendant près de 80 ans d'existence de l'école, aucune femme n'a fait d'études textiles. Cela n'a rien d'étonnant puisque la plaquette de présentation de l'École de 1930 affirme péremptoirement "l'École n'admet que des jeunes gens". Il faut attendre 1939 pour trouver deux jeunes femmes diplômées en textile. Par contre, à l'École de Chimie de Mulhouse, la première jeune fille s'inscrivit en 1908 ! Mais à l'École textile, il fallut encore près de 30 ans supplémentaires avant qu'un contingent d'à peine 10 % de femmes se lançât régulièrement dans ces études techniques. Enfin en 1984 une femme est élue au Comité de l'Association. Toutefois en juin 1908, ces messieurs se consolent de voir ces dames participer avec des enfants à la première excursion au Ballon d'Alsace organisée par l'Association.  

À la première Assemblée générale en 1897, on élit des membres honoraires : le président et des membres du CA de l'École Gustave DOLLFUS, Camille De LACROIX, Alfred WENNING directeur de la S.A.C.M., Jacques-Mathieu WEISS, Albert ROHR, et des anciens professeurs à l'école Jean HAEFFELÉ, Fernand ZUNZER, ainsi que les examinateurs. Une subtilité latine, inexistante dans les statuts de 1896, fait une distinction dans ceux de 1919 entre les membres d'honneur qui sont "des personnes ayant rendu des services signalés à l'École, à l'Association ou à l'industrie textile" et pour lesquelles le paiement de cotisation est facultatif, et les membres honoraires auxquels on impose des cotisations sans limite supérieure. Leur nombre atteint près d'une centaine en période de vaches grasses mais a fortement diminué pour presque disparaître dans les années 1950. Relevons parmi les personnalités marquantes, outre les industriels d'avant 1939, bienfaiteurs de l'École ou acceptant les visites de leurs usines, l'emploi de stagiaires et les embauches d'étudiants : le député Théodore SCHLUMBERGER de Mulhouse en 1900, le député et Ministre du Travail Paul Léon JOURDAIN en 1920 (1878-1945, dirige en 1911 avec son frère Aimé - promo 1887 - les Filature et Tissage X. JOURDAIN à Altkirch), le député Alfred WALLACH (promo 1898/99) en 1932, le Ministre des Finances et plus tard Président du Conseil et Maire de Strasbourg Pierre PFLIMLIN en 1955, etc…

 

 

32. Des activités mulhousiennes qui perdurent 

 

Dès la fondation de l'Association, à la première A.G. du 1er mai 1897, le président BICKING rappelle les buts de l'Association, entre autres "favoriser les relations amicales entre différentes promotions, donner la possibilité de se perfectionner dans sa spécialité et dans des questions d'intérêt général, sans porter préjudice aux secrets de fabrication... par l'organisation de réunions mensuelles à Mulhouse où seront discutés des sujets techniques qui pourraient être publiés ultérieurement". Pour le groupe de Mulhouse, on met en place une structure légère, un président et un secrétaire qui devraient animer les rencontres, soigner la convivialité et trouver des sujets de conférences techniques, de visites d'usines, etc… 

Quant au local des rencontres, les Mulhousiens se réunissent d'abord chaque semaine dans la salle de l'étage du restaurant Luxhof, autour du "Stammtisch". Par contre les réunions du Comité central se tiennent toujours au bureau de l'usine du président. Mais après la Première Guerre Mondiale, on éprouve le besoin d'un local plus spacieux et on loue à partir de février 1919 pour 250 F par mois avec un service payant de boissons, la salle de répétition de la musique CONCORDIA, place du Nouveau Quartier N° 4. Le groupe y tient les rencontres hebdomadaires amicales du mercredi soir, les causeries techniques et les réunions du Comité central. Mais quatre ans plus tard, se rendant compte du coût de loyer élevé pour une occupation insuffisante, on abandonne la location du local au profit du Salon vert du Café MOLL. Avant la crise économique de 1929, on se met à rêver "On aura peut être un jour une Maison des anciens élèves". Mais ce ne fut qu'un fantasme. On change plusieurs fois de local dans l'espoir de rassembler davantage d'Anciens. En 1951 on quitte le MOLL trop bruyant à cause de l'orchestre, pour le Café GATTANG place Franklin. En 1969, on passe du Bureau de l'Association de la SIM au Caveau du théâtre, sans pour autant attirer davantage d'Anciens.  

 

Formation continue centenaire 

 

Ces réunions techniques sont concrétisées dès l'automne 1898 par des conférences présentées une fois par mois durant l'hiver un samedi soir dans la salle du Luxhof, en langue française ou allemande, fréquentées par 50 à 70 auditeurs, anciens élèves. Les thèmes techniques suivants sont abordés, un vrai programme de formation continue inspiré par les préoccupations du moment : "Histoire de la filature et du tissage" par BRUGGEMANN, "Les machines textiles" illustré par des projections, par BRUGGEMANN, "Les presse-balles LOWRY pour coton" par WILKENS de Brême, "Principes des moteurs électriques" par GÉGAUFF "Le calorifugeage" par le chimiste PASQUAY, "Utilisation de l'acétylène" par BRUGGEMANN, "Courroies de transmission" par LEVERD-DRIEUX, "Brevets allemands" par BRUGGEMANN, "Législation professionnelle" par un avocat, "Le ciment armé" par ZUSLIN de Strasbourg suivi de la visite du nouveau bâtiment de la filature Charles MIEG, "Nouvelle pompe révolutionnaire système RIEDLER" par l'ingénieur en chef HUF "Contribution à la connaissance de la chimie des fibres textiles" par Dr. GASSMANN-ENGEL, "Les encolleuses" par BICKING, "Récents brevets français, allemands et anglais en filature et tissage" par BRUGGEMANN, etc…  

Après quelques années enthousiasmantes, ces réunions commencent à manquer d'intérêt et notamment de conférenciers et d'auditeurs. En 1912, DUBOIS, responsable du groupe de Mulhouse relance ces causeries techniques d'un soir par mois. Lui-même traite le sujet "Le titre moyen de filage et sa relation avec la livraison réelle", BRUGGEMANN reprend une série de causeries sur "le droit du travail", dans l'espoir que d'autres suivent. D'ailleurs, les Spinaliens, dans leur projet de réorganisation de l'école de Mulhouse d'octobre 1915, prévoient une place de choix aux conférences données par des industriels et des anciens élèves. Si la guerre met fin à toutes ces réunions, à la première A.G. d'après la guerre, en juillet 1919, le président annonce que les cinq réunions mensuelles du groupe de Mulhouse sont fréquentées par 7 à 15 membres. Mais en 1920, plus de réunions faute de conférenciers. L’année suivante, on projette de les reprendre en y invitant le Cercle des étudiants (on versera un don de 250 F à leur caisse) et en prenant une collation avec prestations musicales. En 1922, un Ancien, représentant de S.K.F. présente une conférence avec un film sur la fabrication des aciers spéciaux et des roulements à bille, on y invite également les étudiants, les chimistes et les mineurs.  

Nouvelle initiative de formation continue en 1922 : le groupe de Mulhouse voudrait organiser des cours supérieurs post-scolaires par correspondance pour les directeurs qui veulent postuler pour des places de gérants et d'administrateurs, en recommandant les cours suivants :

- École d'Administration et des Affaires, 100 rue Vaugirard, Paris 6e,

- École du Génie Civil, Avenue de Wagram, Paris 17e,

- École Universelle par correspondance de Paris, 10 rue Chardin, Paris 16e. 

En 1923, un ingénieur de la S.A.C.M. parle, au cours d'un dîner, des forces motrices hydroélectriques et on donne une conférence sur "Les grands étirages" suivie d'un dîner amical pour 14 F. Autre conférence en 1926 qui s'adresse également aux contremaîtres des tissages de Mulhouse, sur le nouveau métier RÜTI avec présentation d'un film de 900 m de long (sic) montrant les détails du métier au ralenti. Quelques jours plus tard, l'ingénieur en chef de la S.A.C.M., membre du Comité, élève une vive protestation contre ce film de RÜTI "qui n'était que de la réclame" alors qu'on avait promis un film purement technique. La crise économique à partir de 1929 perturbe les réunions amicales du groupe. Ce n'est qu'en 1934 qu'on décide de reprendre les réunions avec discussions techniques qui sont de nouveau très bien fréquentées. En 1936 on parle du système BEDEAUX et du filage de la laine cardée, en 1939 du travail des fils et tissus élastiques, de l'organisation du travail, des impôts et des assurances accident .  

Après l'interruption due à la guerre 1939/45, on décide de reprendre les causeries, en 1946 "Les fibres de verre", un an plus tard, un thème à la mode "L'organisation scientifique du travail" et "L’encollage", en 1949 "la qualité en filature" et "le cannetage", en 1951 avec "Voyage d'études en Amérique du Sud" et "Voyage d'études aux USA". Ces conférences attirent de moins en moins d'auditeurs et il faut attendre les années 1961 et l'action dynamique de Pierre SIEGER, responsable du groupe de Mulhouse, pour découvrir de nouveaux titres : "Applications des fibres acryliques", "Psychologie appliquée à la sélection du personnel", "Filature des fibres synthétiques", "Le régime des retraites des cadres" , "Assurance vie", " Application de l'ordinateur à l'industrie textile", "Gestion industrielle par ordinateur dans l'industrie mécanique", "Le système japonais de filature" et, plus classique, "Caractéristiques du coton", néanmoins les participants sont peu nombreux.  

Innovation après les événements de mai 1968, révolution qui a également secoué nos étudiants : la tentative d'améliorer les relations entre Anciens et étudiants au cours d'un dîner offert par l'Association à la promotion sortante. "Nos jeunes expriment leurs craintes face à l'avenir et les doutes quant à la valeur du choix d'une carrière dans une industrie en perpétuelle mutation et convulsion". Ces rencontres débats entre étudiants de troisième année et Anciens sont reconduits chaque année par le Comité autour d'un apéritif, d'un cocktail ou d'un buffet campagnard ou à l'occasion d'un dîner. Elles permettent aux jeunes d'entrer en contact avec des hommes de terrain, entre autres pour la recherche de stage de fin d'études voire pour une première embauche.  

Petit à petit, ces réunions mensuelles du groupe de Mulhouse, avec ou sans conférence, souffrent d'un manque chronique de participants. Plus tard d'ailleurs, la formation continue, structurée et payante, élaborée et proposée par l'École, par le Centre de Recherche Textile de Mulhouse (C.R.T.M.) ou par le Service de Formation Continue de l'Université de Haute-Alsace (S.E.R.F.A.), s'est institutionnalisée. Nos hommes semblent trop sollicités par ailleurs et nos étudiants taraudés par la recherche d'un emploi, d'où de nouvelles pistes à explorer : des conférences-débats "opération carrière" entre Anciens et jeunes. Depuis 1987, on s'oriente vers des exposés faits à l'École dans le cadre des Assemblées générales annuelles des Anciens, p.ex. "les fonctions et le rôle du jeune ingénieur", "Évolution de l'informatique jusqu'à l'an 2000", "Textile et recyclage, marché d'avenir", etc… 

 

 

Visites d'usines instructives 

 

Si les visites d'usines par les étudiants font de tout temps partie du programme scolaire, ce sont les Anciens d'Épinal qui inaugurent en 1905, la tradition de visites d'usines au cours d'excursions, reprise en 1907 par le groupe d'Anciens de Belfort (Annexe N° 37 A). Nous avons longuement évoqué ces deux sorties studieuses. D'autre part, presque chaque Assemblée générale des Anciens est précédée de visites d'usine, frisant parfois la boulimie. Ainsi à l'excursion à Belfort de juillet 1906, en une seule matinée près de 100 Anciens visitent en plusieurs groupes la filature modèle KULLMANN-NAEGELY, la filature de laine peignée SCHWARTZ, plus tard, la nouvelle filature VAUCHER construite en béton armé, la S.A.C.M., la nouvelle Centrale électrique de la ville de Mulhouse avec sa machine à vapeur (le déplacement se fait en calèches). Une vraie course d'obstacles ! Tout le monde est ravi de voir "ces usines qui sont à l'avant-garde des installations sociales". Bien qu'il fut difficile d'obtenir des autorisations, il fallait envisager de visiter également des établissements d'autres régions, "des industriels lyonnais font bien visiter à leurs employés des usines allemandes", signale-t-on. Dernière visite avant la guerre à l'A.G. de 1912, 52 Anciens descendent à 680 m sous terre pour visiter la Mine de Potasse Amélie.  

L’École fait visiter aux élèves des usines textiles, filatures, tissages, ennoblissements, mais aussi de constructions mécaniques et d'accessoires textiles, de tissage de toiles métalliques, de laboratoires, de chimie, de brasseries, de menuiseries, de musées, etc... aussi bien en Alsace qu'à Bâle. En 1906, le manufacturier Paul KULLMANN fonde un prix de 800 Mark offert à deux jeunes diplômés sortants, membres de l'Association, qui devaient visiter le matériel de filature à la Foire de Milan, le matériel de tissage à la Foire de Tourcoing, plusieurs usines à proximité de la foire sur recommandation de l'école, après quoi ils devaient rédiger un rapport illustré de dessins sur les moteurs et les chaudières, les nouveautés concernant l'éclairage électrique et le transport d'énergie, les machines textiles, les schémas des bâtiments, l'implantation des machines et sur les conditions de travail des ouvriers. Du pain sur la planche !  

Dès l'A.G. de 1921, la fringale des découvertes techniques se manifeste à nouveau. A partir de cette année, on visite successivement plusieurs puits des Mines de Potasse, les Forces Motrices du Haut-Rhin, les Houillères de Ronchamp, à plusieurs reprises l'avancement du chantier de la Société de l'Énergie Électrique du Rhin à Kembs, de 1930 à 1939, la Brasserie de Mulhouse, la Manufacture de Glaces, les Bains Municipaux, l'Usine à gaz, la chaufferie et le poste de signalisation de la gare de Mulhouse, le Port de Strasbourg, etc… Après la Deuxième Guerre mondiale les visites reprennent mais pas systématiquement, notamment durant les 20 dernières années, revisite de Kembs reconstruit, Bains Municipaux, les installations de surface du puits d'Ensisheim des Mines de Potasse, à plusieurs reprises le chantier de l'usine hydroélectrique d'Ottmarsheim, l'Usine à gaz, la S.A.C.M., DECK, RIETER à Winterthur, le centre d'aiguillage et de signalisation de la gare, SULZER à Winterthur et à Soleure, le Tissage de Bourtzwiller, PEUGEOT à Sochaux, ROTI à Winterthur, RHÉNAMÉCA à Ottmarsheim, le Port de Mulhouse, N. SCHLUM BERGER à Guebwiller, MAB à Soultz, BRAECKER à Wintzenheim, les Cartonneries de Kaysersberg à Kunheim, Chaux et Ciments PORTLAND à Altkirch, les Zones industrielles de Mulhouse sous la conduite du sénateur STOESSEL, l'Imprimerie du journal L'Alsace, RHENALU à Biesheim, les Tuberies DOLL TEMPÉ à Ingersheim, la Manufacture Alsacienne de Produits Métalliques à Wintzenheim, l'Aéroport de Mulhouse-Bâle, les Arts Graphiques DMC, CLEMESSY, la Caserne des Sapeurs Pompiers, le Musée du Chemin de Fer, le Musée de l'Impression, le Port de la CCI, les Services techniques de la gare des voyageurs, le Musée du Papier Peint, etc…    

 

 

Actions sociales 

 

Le souci de l'aide aux anciens élèves est inscrit dans les statuts de 1896, où son article 17 précise : "Tout sociétaire connaissant une place vacante est prié d'en informer immédiatement le secrétaire, celui-ci se concertera avec quelques membres du Comité pour le choix du sociétaire à recommander". Dès la troisième Assemblée générale, en juin 1899, un bureau de placement est créé et une circulaire envoyée à tous les industriels les rendant attentifs à cette nouvelle institution et les engageant à en faire usage.  

Mais au-delà de l'assistance aux anciens élèves que doit assurer l'Association pour la recherche d'un premier emploi ou, plus tard, pour faciliter leur évolution de carrière, bien d'autres formes de soutien et d'aide s'ajoutent à cette initiative au fil des ans et selon les besoins :

- soutien aux nécessiteux par la création en 1907 d'un fond de solidarité avec les finances de l'Association, en 1909 on souhaitait arriver à un capital de 100.000 Mark afin que les intérêts puissent être mis à la disposition des nécessiteux ; en 1930, un Ancien de Paris sans emploi sollicite un prêt de 400 F qui n'est jamais remboursé,

- conseil juridique commercial et social en 1907,

- conseil pour l'assurance-vie en signant en 1903 un accord avec la société GOTHA ; en 1919 un accord passé avec la Société d'assurance-vie LE PHÉNIX et un autre pour les assurances-accidents avec la Société PROVIDENCE prévoit des réductions pour les membres de l'Association,

- conseils pour la caisse de retraite et projet de fondation d'une telle caisse demandée en 1924 par les Belfortains, examinée à plusieurs reprises et encore en 1936 par des experts,

- revendications salariales : à l'A.G. de juillet 1920, une demande des groupes d'Épinal et du Nord d'effectuer des démarches auprès du patronat par envoi d'une circulaire en vue du relèvement des salaires des cadres est soutenue verbalement par tous les groupes mais ne fut concrétisée que par les Mulhousiens qui en subirent des conséquences désagréables ; une démarche analogue est repoussée en 1924 du fait que "notre Association comprend toutes les catégories professionnelles, employeurs et employés, et n'est pas un syndicat",

- gratuité pour les annonces de recherche d'emploi demandée par les Strasbourgeois en 1939,

- fondation d'une prime pour les meilleurs travaux techniques, etc…  

 

 

 

Un local pour une permanence 

 

Pendant les vingt premières années de l'existence de l'Association, tout le travail administratif d'assistance est effectué bénévolement par les membres du Comité, notamment par le secrétaire-trésorier qui prend en charge avec l'aide du directeur d'École le bureau de placement. Quant au local, trois chambres entretenues, éclairées et chauffées sont mises à la disposition de l'Association dans la maison de BRUGGEMANN qui loge et offre le petit déjeuner à des stagiaires travaillant pour la Revue. En 1919, avec l'entrée au Comité de Pierre LAUER alias LEDUC, venant de Paris, de grands projets sont échafaudés. LAUER propose de louer un bureau pour les travaux et un magasin pour déposer les archives et de scinder la fonction de secrétaire-trésorier en 4 postes. A partir de 1921, une pièce dans la villa DUBOIS au 11 b rue de l'Argonne, président de l'Association et directeur de la Revue, est mise à la disposition de l'Association et la fille du président y est employée, un crédit de 6000 F est voté à cet effet. Après le décès de DUBOIS, on loue en octobre 1925 un local au 3 rue du Chêne pour installer le siège de l'Association, le bureau de FROEHLIGER embauché pour la direction de la revue et la permanence. Le Comité estime toutefois que pour le placement des étudiants le directeur Frédéric ORTLIEB est le plus qualifié. Le beau rêve émis en 1929 d'une Maison des Anciens élèves ne se réalisera jamais. En 1934 on emménage dans un autre local loué au rez-de-chaussée du 21 rue des Vergers pour un loyer de 250 F par mois. Ce bureau est fermé au début de la guerre.  

Après la Deuxième guerre mondiale, le bureau de placement reprend ses travaux dès le mois de mai 1945. Jusqu'en 1950, le sous-directeur de l'école, MARTIN installé dans un local mis à la disposition par l'École, s'occupait du placement, puis BRITZEL aidé par le directeur Victor HILDEBRAND. A partir de 1956, le Comité renforce les moyens d'action de l'Association en installant le bureau dans les bâtiments de la SIM et en embauchant une secrétaire, Madame REINBOLD qui assure chaque après-midi une permanence. Elle prend sa retraite et est remplacée début 1976 par Madame Alice GEORGER.

 

 

 

Un office de placement efficace 

 

En 1903, on constate avec satisfaction que 16 anciens élèves et l'année suivante 15 ont trouvé du travail grâce à l'Association qui envoie chaque trimestre une circulaire aux industriels. En 1905, 24 camarades sont embauchés, mais les offres de places avec beaucoup d'expérience ne peuvent plus être satisfaites. En 1907, l'année du boom de l'industrie textile, on n'a pas assez de candidats pour répondre à toutes les demandes.  

Les reproches de favoritisme dans le placement en entreprise ne manquent pas. A l'A.G. de 1904 on trouve qu'un "membre honoraire a favorisé l'embauche d'un ancien non-membre de l'Association, ce qui est contraire à la solidarité morale". Par contre, on critique les Anciens qui n'engagent pas suffisamment par l'intermédiaire de l'office de placement. La création d'un groupe régional à Belfort en 1907 entraîne une certaine autonomie dans les démarches de placer les Anciens dans la région de Belfort ; toutefois, le groupe se plaint que les Belfortains ne réussissent qu'à placer 5 des leurs auprès de leurs industriels et accusent les Mulhousiens de faire barrage ; un nouveau système de fonctionnement basé sur des "hommes de confiance" est élaboré, sans plus de succès. En fin de compte on revient au principe du bureau à Mulhouse centralisant les demandes et offres. Après 1920 les places vacantes ne sont communiquées qu'aux élèves sortants et aux Anciens qui en expriment le souhait.  

En 1946, le bureau de placement a des ennuis avec l'Administration du Service de la Main-d’œuvre qui aurait voulu garder le monopole et le contrôle du placement des demandeurs d'emploi, mais après quelques démarches et la démonstration de l'ancienneté et de l'efficacité de notre service, notre office de placement pouvait continuer ses travaux.  

A partir de 1966, les annonces d'emplois disponibles sont largement diffusées dans les Annales Textiles, puis dans le Bulletin d'Information des Membres. Comme conséquence à l'élargissement de la formation de nos étudiants, une nouvelle méthode de collecte des offres d'emplois est adoptée en 1979. On diffuse non seulement dans le B.I.M., mais aussi à tous les demandeurs, toutes les offres de l'industrie textile reçues à notre office de placement, mais également celles publiées pour des industries annexes dans une dizaine de périodiques techniques et commerciaux, textiles et autres, nationaux et internationaux. A la suite de cette initiative, des Cabinets de recrutement avec lesquels nous entretenons de bonnes relations font souvent appel à nos services. Les résultats de placement de ces 15 dernières années en sont notoirement améliorés.  

On trouve en annexe N° 38 l'évolution des offres et demandes d'emploi et des résultats obtenus par le bureau entre 1920 et 1995. Ces chiffres reflètent évidemment aussi la situation économique de l'industrie textile.

 

 

 

La convivialité par les excursions, sorties et rallyes 

 

La mode des sorties se propageant, nos Anciens décident en juin 1908 d'organiser une excursion au Ballon d'Alsace pour retrouver les Belfortains et les Vosgiens, "respirer l'air pur des Vosges et de la liberté" et boire du vin rouge, symbole de la France de la belle époque. "Les Alsaciens montent à pied depuis Sewen, les Vosgiens et Belfortains, profitant des deux bonnes routes de Saint-Maurice et Giromagny - on y organise annuellement des courses automobiles - s'y rendent en voitures à cheval, bicyclettes, automobiles, etc… Qui arrive en premier vers 11 h à l'Hôtel LALLOZ ? Bien sûr, les Alsaciens à pied ! Après de nombreux apéritifs, la soixantaine d'excursionnistes, y compris - autre innovation remarquable - des dames, enfants et invités, montent au Ballon pour jouir d'une magnifique vue sur la plaine. Après le banquet, les discours, les multiples toasts au champagne, on prend le chemin de la descente non sans s'être promis d'entreprendre l'année suivante une nouvelle excursion dans les Vosges". Effectivement, en juin 1909 on se retrouve à 72 participants, grâce au petit train, à la Schlucht. On se rappelle qu'il y a quelques mois, GUILLAUME 11, l'Empereur d'Allemagne, y a fait une excursion se terminant par une réception dans le chalet de chasse de l'Altenberg appartenant à l'Industriel HARTMANN à Munster où, il y a 40 ans, NAPOLÉON III avait été accueilli dans le même chalet par le père de l'industriel. Après un rafraîchissement à l'Hôtel DENAFROUX, on grimpe au restaurant du Hohneck. Sa salle à manger est occupée par un groupe de 400 excursionnistes du Nord de la France y faisant une halte avant de continuer un périple vers Baden-Baden. Bussang est la destination de la rencontre de juin 1910. En dépit d'une pluie bien vosgienne, 80 membres s'y retrouvent avec quelques dames et des invités, quelques Anciens d'Alsace y sont montés à pied, des Belfortains et des Spinaliens en automobile. Le banquet à l'Hôtel aux Deux Clés suivi des discours et des toasts au champagne créent une joyeuse ambiance. L'année suivante c'est l'Hôtel Cheval de Bronze à Cornimont - très éloigné des lignes de chemin de fer - qui accueille les Anciens du textile, malgré un temps exécrable. Après la visite des usines Les Héritiers de Georges PERRIN, on se retrouve dans la salle décorée aux couleurs françaises et alsaciennes. La musique de la filature et le bon vin réchauffent l'ambiance. Comme il est difficile de trouver un autre lieu facilement accessible aux trois groupes , on refait en 1912 le choix du Ballon d'Alsace, les Mulhousiens arrivant par Sewen ou Wesserling. Les excursions de juin 1913 à la Schlucht et de juin 1914 sont les dernières avant la longue interruption de la guerre. Après le cataclysme, le Comité essaie de reprendre la vieille tradition, toutefois, le choix des sites visités est davantage marqué par les souvenirs douloureux de la guerre, les excursions deviennent des pèlerinages, en juin 1920 au Drumont, en 1921 au Hartmannswillerkopf. Puis les sorties se raréfient, en 1924 aux Trois-Epis et en 1928 aux Houillères de Romchamp.  

Après les années de crise économique, on reprend l'idée de sorties conviviales communes en automne. Les vendanges de 1937 attirent des Anciens de Mulhouse, Colmar, Strasbourg et Belfort à un déjeuner à "La ville de Nancy" à Ribeauvillé, suivi d'une visite de cave. En octobre 1938 GAERTNER à Ammerschwihr est le but de la sortie avec visite de la cave SCHOECH. Mais une nouvelle guerre casse l'élan excursionniste. Il faut attendre mai 1948 pour la première sortie à Ammerschwihr chez GAERTNER (déjeuner de 400 à 500 F).  

A partir de 1966, le Comité organise régulièrement des sorties d'automne avec dîner parfois suivi d'une soirée dansante. Elles jouissent d'un succès notoire, la première année une soixantaine de participants à Eguisheim, 76 l'année suivante à Niedermorschwihr ; à partir des années 1970, une présence de 50 à 100 participants, à Kaysersberg, à Mittelwihr, à Wintzenheim, à Thierenbach, à Kientzheim, à Village-Neuf, à Diefmatten, à Westhalten, à Hochstatt, à Moosch, à Habsheim.  

Sous l'influence de l'évolution démographique sur la population des Anciens et la propension des industriels de mettre de plus en plus tôt les vieux cadres à la retraite, le nombre de retraités de notre Association augmente sensiblement. Ainsi, à partir de 1975, Edouard DERESINSKI, plus tard Henri ABEGG, organise avec le Comité et le secrétariat un ou deux déjeuners annuels, parfois précédés d'une visite de musée, pour une quarantaine de retraités qui se nomment - les euphémismes sont à la mode - "Le Club des toujours jeunes". Presque tous les bons restaurants de notre région ont eu le privilège de les accueillir, mais nous nous abstenons d'indiquer le nom des restaurants afin de ne pas transformer cette énumération en guide gastronomique des textiliens : Bitschwiller, Wettolsheim, Ostheim, Riedisheim, Trois-Epis, Mulhouse, Pulversheim, Guebwiller, Bruebach, Gueberschwihr,Thann, Baldersheim, Pfaffenheim, Wattwiller, Thierenbach, Berrwiller, Bergholtz, Merxheim, Linthal, Soultzmatt, Hunawihr, Bollenberg, etc… Autre signe des temps, certaines promotions se retrouvent tous les 5 ans pour marquer leurs "noces" en festoyant ensemble.  

En juin 1975, des jeunes Anciens actifs lancent une initiative connaissant un gros succès pendant une demi-douzaine d'années : le rallye touristique, artistique, sportif, historique, culturel, etc… d'une douzaine d'équipages sur une cinquantaine de km à travers notre région. La dernière étape de cette gaie expédition est toujours une table bien garnie et sérieusement arrosée.    

 

 

Joyeux banqueteurs  

 

Si statutairement, d'après l'article 22, le banquet suit toute Assemblée générale, pour de nombreux Anciens, c'est annuellement l'ardente obligation de rencontre conviviale, le plaisir de se retrouver entre copains d'études, la joie de se sentir une grande famille, le partage de souvenirs exquis d'une jeunesse imaginaire retrouvée. Sans tomber dans l'exégèse sémantique, relevons que le "banquet", mot qui commence à sentir la naphtaline en mai 1968, est remplacé cette année-là par le "dîner amical" avant de disparaître complètement de notre vocabulaire. Personne ne peut dire si la "citoyenneté" y a gagné. Par contre on peut affirmer que les participants, au nombre de 40 à 120 selon les années, s'y sont de tout temps bien amusés.  

L’Assemblée Générale Constitutive de 1896 se termine sans banquet, mais on se rattrape par une excellente prestation gastronomique le soir de la première A.G. à l'Hôtel Central et l'on note avec satisfaction que les vins sont offerts par les honorables messieurs ayant le plus d'ancienneté. C'est un événement mondain important pour les industriels mulhousiens qui reçoivent de belles invitations imprimées avec le menu (toujours en français, p. ex. en 1903, 32 ans après l'annexion allemande, Annexe N° 39). On reste fidèle à l'Hôtel Central pendant de nombreuses années, sauf en 1904 où l'on inaugure le nouveau restaurant du zoo, avec les incidents dont la presse s'est fait l'écho, pour revenir à son ancienne bonne tradition. Après la guerre, les banquets se tiennent dans la salle de la Bourse, au Casino, à l'Hôtel de Parc, à partir de 1933, au restaurant "A la ville de Strasbourg", au Bristol, au Café de la Paix, au Zoo, au Buffet de la Gare, à Thann, à Riedisheim, après 1950 à l'Aéroport, au Caveau du Théâtre, etc… On n'hésite pas à banqueter à l'extérieur de Mulhouse à partir des années 1970, à Diefmatten, à Wahlbach, à Thierenbach, à Uffholtz, à Blodelsheim, à Habsheim, à Kingersheim, à Soultz, Wittelsheim, à Moernach, etc...  

Ces banquets d'autrefois, protocole oblige, sont souvent présidés, outre le président ou le vice-président de l'Association, par les personnalités du monde industriel mulhousien, Camille De LACROIX, président d'honneur de l'Association, Gustave DOLLFUS, président du Conseil d'administration de l'École, Albert KOECHLIN, de la SIM, Théodore SCHLUMBERGER, ancien député, Daniel MIEG président de la SIM, etc… qui offrent le champagne. Depuis 1903, on profite du banquet pour remettre un livre au major de promotion, invité et se soumettant à l'obligation d'un discours rituel. A partir de 1945, le banquet est présidé par jean DOLLFUS président de la SIM et vice-président du C.A. de l'École, Paul SCHLUMBERGER, LICHTENBERGER, directeur de l'École Supérieure de Chimie, etc… Avec le rattachement de l'école à l'Université, rupture de tradition, les banquets ne sont plus présidés par quelque notable des grandes familles mulhousiennes d'industriels. Citons un événement remarquable, le banquet de 1967 présidé par le président d'honneur de l'Association, Pierre PFLIMLIN, Maire de Strasbourg, membre du Conseil universitaire de Strasbourg, qui rappelle le leitmotiv de son père, Jules PFLIMLIN (promo 1890/91) "L’idée la meilleure ne suffit pas au but à atteindre, c'est la mise au point qui en donne la consécration".  

Le banquet est l'occasion pour certains talentueux Anciens de créer une ambiance musicale et divertissante de haut niveau. Ainsi, quelques jeunes et vieux Anciens, notamment ALLONAS, E. BRITZEL, CAQUELIN, CLAUSS, DÉPIERRE, PETIT, ROMANN, SCHEIDECKER, STIFFEL, après 1930 WIERNSBERGER, etc… mais aussi le président de la commission d'examen Albert KOECHLIN, offrent leurs prestations musicales, en solo, duo ou quatuor, de chant ou de violon, violoncelle, cor, flûte et piano, parfois tout un orchestre de danse improvisé. Les banquets deviennent alors de vraies soirées musicales avec des oeuvres de F. SCHUBERT, WAGNER-LISZT, W. BARGIEL, W. POPP, LABITZKY, PINGLIE, BÉRIOT, MENDELSOHN-BARTHOLDY, JOCELYN, l'air de Mignon "Connais-tu le pays", etc..., suivies de numéros humoristiques de chansonniers improvisés accompagnés au piano, des imitations nasillardes du phonographe, des discours en vers, des monologues en français et en alsacien déclenchant l'hilarité générale. Le camarade ROELLY pour sa part, chante en dialecte mulhousien durant de nombreuses années, avec toujours le même succès, une vieille rengaine qui se lamente de la dure vie du fileur mulhousien au XIXe siècle "Milhüser Spinnerliad" (Annexe N° 40). 

Changement de registre à la première A.G. d'après la guerre le 12 juillet 1919, sous les couleurs tricolores. Série de discours enflammés, dont celui du président MEYER : "La France a gagné la guerre, il faut maintenant qu'elle gagne la paix, la paix par le travail" suivi de celui de FLAMAND, président du groupe d'Épinal qui adresse "son hommage aux Alsaciens qui sont morts des deux côtés des tranchées, soit en sauveurs, soit en victimes", après quoi une vibrante Marseillaise fait trembler les murs. Pendant plusieurs années retentit à la fin du banquet la "Chanson de Verdun" ou la Marseillaise, ce qui n'empêche pas les artistes "maison" d'amuser la galerie. En juillet 1939, à la veille de la guerre, au dernier banquet avant longtemps, l'Association offre "deux numéros extras" aux participants, "un militaire déguisé en civil qui raconte des histoires marseillaises et une gracieuse danseuse au décolleté généreux qui évolue, accompagnée au piano dans une valse langoureuse, avec quelques figures acrobatiques". A quelques occasions, on engage un orchestre pour animer le bal qui suit le banquet.  

Un phénomène extraordinaire qu'il n'est pas possible de passer sous silence : la tenue à table et la capacité d'absorption (bien supérieure au taux de reprise de la laine !) de nos Anciens du "bon vieux temps". Il suffit de lire quelques menus d'avant 1928 : à l'Hôtel du Parc pour 30 F (la cotisation annuelle est à la même époque également de 30 F) : crème Marie Louise, filet de sole bonne femme, cuissot de chevreuil aux primeurs, sauce poivrade, pommes croquettes, poularde rôtie, salade de saison, bombe Marie-Louise, friandises, le tout accompagné d'un 1/2 litre de vin par personne et 1/3 de bouteille de champagne par tête offert par l'Association. Crise, chômage et restrictions en 1934, menu maigrichon à 22 F à la "Ville de Strasbourg" : Oxtail clair, saumon du Rhin sauce gribiche, poulet de grain garni riche, fromages assortis, bombe glacée St. Jacques, gaufrettes, 1/2 litre de Sylvaner, café nature (des petits malins apportent leur burette de Schnaps), champagne offert par l'Association. Le nombre de discours entendus à ces banquets est impressionnant. Chaque orateur invite, au cours de plusieurs toasts, de "vider le verre à la santé de ...", ce qui, à la fin de la soirée, fait un volume respectable. On ne se préoccupe pas de 0,5 d'alcoolémie et l'ambiance chaude et la bonne humeur sont directement proportionnelles au nombre de toasts. Ceci explique que certains banquets se terminent, comme en 1905 en rentrant du Zoo, en bruyant défilé aux flambeaux jusqu'à l'Hôtel de Ville, en passant devant la maison des examinateurs auxquels on dédie une aubade nocturne.  

 

 

 

33. Groupes régionaux : grandeur et décadence 

 

Si les relations entre le Comité central et les groupes régionaux posent parfois quelques problèmes, ces derniers dynamisent considérablement la vie de l'Association et, grâce à la proximité géographique de ses membres, ils créent des relations privilégiées entre les Anciens d'une même région. Pourtant, ni les statuts de 1896 ni ceux de 1919 revus en 1931 ne font allusion à ces groupes régionaux dont la création est encouragée par le Comité dès qu'une petite vingtaine de membres se retrouvent dans un secteur géographique donné. Les groupes les plus virulents, Épinal, Belfort, Lille et Paris, se créent encore avant la guerre de 1914/18, souvent dans le but d'établir des liens entre les Mulhousiens et les départements français perdus après l'annexion. "Ici on respire l'air pur des Vosges et surtout celui du pays de la liberté" s'exclame le président de l'Association STORCK à l'occasion d'une sortie commune des Anciens de Mulhouse, Belfort et Épinal à Bussang.  

Des tentatives de fondation de groupes en 1907 à Moscou par le camarade OCHS et à Milan, au Mexique, en Argentine ne sont souvent que des feux de paille. La reprise après la guerre n'est pas facile, Lyon ne veut plus collaborer, Tourcoing et Roubaix ne répondent pas, mais Épinal va toujours bien. Entre 1919 et 1939, des groupes se forment, s'endorment, se reforment et se meurent à Lyon, Rouen, Colmar, Strasbourg et même des sous-groupes à Guebwiller et Sainte-Marie-aux-Mines, des essais avortent à Roanne pour réussir plus tard. Après 1945, si les groupes de Belfort, Lille, Épinal, Paris, Colmar, Mexique (qui fait un don de 1100 dollars à l'Association) reprennent contact avec le Comité de Mulhouse et sont régulièrement représentés aux Assemblées générales, des essais sont tentés en Egypte, au Portugal, en 1974 en Tunisie et un nouveau rassemblement fondé à Troyes, mais leurs activités déclinent après quelques années.  

Certains groupes jouissent d'une vie passionnante, d'autres traînent dans la morosité et s'usent très vite, au gré d'un président, d'une équipe dirigeante, d'une mutation professionnelle, etc... Leurs relations avec le Comité de Mulhouse, théoriquement structurées par des Règlements Intérieurs, prennent des allures erratiques, se resserrent ou se disloquent, au gré des circonstances. Vers les années 1980, avec l'accélération des rythmes de vie et de travail, l'individualisme aidant, les groupes régionaux constitués disparaissent. Aux Assemblées générales à Mulhouse, on retrouve avec plaisir des Anciens venus individuellement des quatre coins du monde pour se requinquer dans l'ambiance mulhousienne.  

 

Les remuants Vosgiens sont les premiers 

 

Dès la première Assemblée générale du 1er mai 1897, MATHEY, un Ancien d'Épinal demande qu'une réunion annuelle des Anciens se tienne dans la chef-lieu des Vosges à laquelle les président et secrétaire de Mulhouse devraient participer. Mais, comme les statuts prévoient que le siège est à Mulhouse, on ne voulait pas accéder à cette demande, "ce qui n'empêchent pas des Anciens d'effectuer des excursions privées à Épinal". Un an plus tard, le même MATHEY avertit le Comité mulhousien qu'il veut créer avec les nombreux Anciens de la région d'Épinal un groupe vosgien, mais se heurte encore à l'hostilité des Alsaciens qui craignent des tendances séparatistes. L'opiniâtreté des Vosgiens ne désarme pas et le 1. octobre 1899 un groupe de 24 Anciens se réunit, décide de créer un comité d'une "section française" avec des statuts, des finances et une administration autonomes et siège et administration à Épinal. Ils invitent à la réunion suivante le président BICKING. Bousculé par les Spinaliens, le Comité mulhousien réticent propose de fonder un "groupe régional" et non pas une "section française" et convoque une assemblée générale extraordinaire pour mai 1905 à Épinal.  

Les Anciens d'Épinal font bien les choses en préparant une rencontre festive qui dure deux jours. Levés très tôt, les Mulhousiens arrivent en gare d'Épinal à 9 h 52 accueillis par de nombreux Anciens. Deux groupes se forment pour visiter au pas de charge les Filatures et Tissage V. PETERS à Nomexy où ils déjeunent au champagne. L’après-midi les filateurs visitent une filature à Igney et les tisseurs la maison ZIEGLER à Épinal, ensuite ensemble les Ets. DAVID & MAIGRET A 19 h apéritif et dîner au Grand Hôtel après quoi des petits groupes font des descentes dans différentes auberges de la ville où le vin rouge coule à flots joyeux. Ce qui ne les empêche pas d'être présents dimanche matin à 7 h 30 pour visiter ensemble les curiosités d'Épinal et l'École professionnelle de la ville où des sections de filature et de tissage pour dispenser des cours de préparation à l'École de Mulhouse sont en cours de création. (Bien qu'à cette époque on n'envisage officiellement pas de créer une école concurrente, ce sont les prémices à la fondation en 1913 de l'École de Filature et de Tissage d'Épinal). A 10 h 30 grand rassemblement de tous les Anciens dans la grande salle du Syndicat cotonnier de l'Est sous la présidence de BICKING, président des Anciens de Mulhouse, accompagné du secrétaire-trésorier BRUGGEMANN. Re-banquet au Grand Hôtel avec 54 Anciens et quelques élèves textiles d'Épinal, discours enflammés, champagne, ambiance musicale, quelques joyeux lurons manient l'archet du violoncelle ou se lancent dans l'imitation d'un phonographe nasillard. Une fête inoubliable que FLAMAND demande de renouveler tous les deux ans dans une ville des Vosges. Départ en bruyant cortège entre deux rangs de drapeaux tricolores jusqu'à la gare pour le train de 16 h 30 vers l'Alsace allemande. Mais le groupe régional d'Épinal fort de 40 membres, parrainé par Mulhouse et Belfort, n'est officiellement fondé qu'en février 1908 en présence du président STORCK et du secrétaire BRUGGEMANN. MATHEY qui en 1897 avait lancé l'idée de rassemblements régionaux demande la réintégration dans l'Association des membres qui avaient démissionné à la suite du premier refus.  

La vie du groupe continue avec des réunions, conférences, visites d'usines, excursions, etc... témoignant d'un grand dynamisme. Toutefois, la guerre disperse les membres et les rencontres se font plus rares jusqu'en décembre 1915, où un nouvel élan est donné pour se substituer aux Mulhousiens qui semblent écrasés sous la chape de plomb germanique. Nous avons parlé ailleurs de l'initiative des Spinaliens de lancer une édition provisoire d'un "Bulletin N° 1 de l'Association des Anciens Élèves de l'École de Filature et Tissage de Mulhouse". Ce groupe remuant participe régulièrement aux Assemblées à Mulhouse jusque dans les années 1980.  

 

 

 

Les Lions de Belfort en 1907 

 

Comme souhaité, une réunion de 60 Anciens venus de Belfort, d'Alsace (avec le président STORCK et le secrétaire BRUGGEMANN), d'Épinal, de Paris, d'Italie et même de Lodz a lieu les 21 et 22 septembre 1907 à Belfort. Les Alsaciens sont à pied d’œuvre samedi matin à 8 h pour visiter la S.A.C.M.. Dans les ateliers qui occupent 3.500 personnes (l'ensemble des usines S.A.C.M. de Mulhouse, Belfort et Grafenstaden compte à cette époque plus de 10.000 salariés), on construit des peigneuses et autres machines textiles, mais aussi des moteurs et turbines à vapeur, des dynamos et moteurs électriques, des turbines hydrauliques et des locomotives. Nos Anciens visitent également les Filature et Tissage Gustave DOLLFUS (dirigé par son fils Daniel), la corderie mécanique STEIN, le Tissage de coton Max DOLLFUS à Héricourt, la Filature de laine SCHWARTZ à Valdoie. On déjeune et dîne chez DANJEAN et, dimanche matin, on grimpe jusqu'au Lion, aux Forts de la justice et de la Miotte. Réunion constitutive du groupe régional de Belfort et décision d'élaborer un Règlement Intérieur pour la fondation de groupes régionaux si un nombre suffisant de 30 Anciens est réuni, par exemple à Épinal, Paris, Milan, voire Moscou, une espèce de Fédération internationale dirigée par Mulhouse. Un comité régional composé de 6 membres est formé, dont un président qui dirige le groupe et un secrétaire qui envoie les comptes rendus de chaque manifestation au Comité central à Mulhouse. Le groupe régional de Belfort sous la présidence de Léon FLAMAND est officiellement créé en octobre 1907 et le secrétariat de Mulhouse l'annonce à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Belfort.  

Le président STORCK accompagné de BRUGGEMANN participe également à une Assemblée des Belfortains qui se tient en octobre 1909 à Giromagny, suivie d'une excursion en montagne. On se plaint du peu de succès du service de placement des Belfortains, en dépit des circulaires envoyées aux industriels du secteur et aux Chambres de Commerce de Lille, Lyon, Roanne et Roubaix.  

En octobre de l'année suivante, de nombreux Mulhousiens avec STORCK et BRUGGEMANN et quelques Spinaliens assistent à l'Assemblée à Belfort présidée par FLAMAND. Promenade dans la vieille ville, réunion et banquet à l'Hôtel JEANNIN, un tour à la Grande Taverne, discussion sur l'organisation d'un Bal du Textile à Belfort en janvier 1911 auquel les Mulhousiens sont invités, et retour à la gare. La tenue de ce Bal rencontre un scepticisme de la part des industriels belfortains qui veulent bien y participer si les Mulhousiens y viennent également. Mais le Comité de l'Association de Mulhouse "doute fort que les industriels, directeurs et employés veulent se rencontrer à l'occasion d'un bal, encore moins avec les dames. Comme peu de temps auparavant a lieu le Bal du Coton à Mulhouse, ils n'entreprendront pas un voyage à Belfort à cet effet".  

L’idée de "section française" fait son chemin en dépit des coups de frein des Mulhousiens. A l'Assemblée générale du groupe des Belfortains en octobre 1911 au restaurant WAGNER à Belfort, on suggère une rencontre à Paris de tous les groupes de France.  

 

 

Les tièdes Nordistes 

 

A l'occasion de l'Exposition Internationale de Paris au printemps 1900, DANZER suggère de convoquer une réunion des Anciens de Mulhouse à Paris. Toutefois, l'idée ne se concrétise pas et le groupe ne se formera que plus tard. Mais à la Pentecôte 1911, des Parisiens se rencontrent à Lille avec les Anciens du Nord et de Belgique pour former le troisième groupe régional sous la houlette de Eugène JUILLIOT en présence du seul représentant du Comité central BRUGGEMANN. Ce dernier avait envoyé des invitations à tous les Anciens des secteurs concernés. Apéritif à la terrasse du Café JEAN et banquet à l'Hôtel BAILLEUL à Lille. Discours de JUILLOT sur la nécessité de créer ce groupement face à d'autres groupes puissants d'anciens élèves de l'École Centrale, de l'École des Arts et Métiers à Lille, de l'Institut Industriel du Nord, etc... Après midi, avec le tramway par le Nouveau Boulevard, visite de la Foire textile de Roubaix où de nombreux constructeurs alsaciens exposent. Certains profitent d'un baptême de l'air avec des "machines à voler"(sic). L'année suivante l'Assemblée du groupe de Lille a lieu en octobre au restaurant Rocher de Concale non loin du Café JEAN. Les rencontres se tiennent régulièrement, sauf pendant la guerre, jusqu'en 1927 et reprennent entre 1934 et 1937, puis, avec plus ou moins d'ardeur de 1947 à 1971.

 

 

Les Parisiens batailleurs 

 

En 1913, De MOOR constitue à Paris même un groupe régional autonome. Un de ses animateurs, DENIS, bouillonnante personnalité, représente en mars 1918 l'École de Mulhouse au Congrès du Génie Civil à Paris et voudrait "faire de notre École une espèce d'École Centrale du Textile pour atteindre le sommet de l'instruction textile en France". DENIS a aussi élaboré des nouveaux statuts de l'Association qui font en 1919 l'objet de discussions passionnelles au Comité de Mulhouse. Ce groupe parisien se rencontre régulièrement et envoie un compte-rendu de chaque réunion au Comité central. Le dynamisme agressif du groupe de Paris à travers son président DENIS met les Mulhousiens à rude épreuve et souvent dans l'embarras, par exemple, au sujet de la désignation de "supérieure" que DENIS veut voir accorder à l'école de Mulhouse, de la publicité faite en 1922 par l'École d'Épinal décernant le titre d'ingénieur, de la fondation en 1924 d'une Fédération des associations des anciens élèves des écoles textiles de France, de l'installation en 1925 d'un bureau central à Paris, des remarques outrageantes proférées à l'adresse du Président de l'Association et du Comité de Mulhouse, de la formation d'un Comité supérieur décapitant le Comité central de Mulhouse, jusqu'à la démission collective du comité de Paris au printemps 1926. Mais le groupe se réorganise, se réunit régulièrement, envoie entre les deux guerres et à partir de 1946 jusque vers les années 1980 presque chaque année un délégué pour participer aux Assemblées à Mulhouse, accueille des Alsaciens de passage à Paris, bref, vit la convivialité telle qu'elle est prévue par le règlement des groupes régionaux.

   

 

34. Les publications de l’association 

 

Déjà un an après sa fondation, le Comité de l'Association décide, en février 1898, de créer un bulletin. D'ailleurs l'article 18 des statuts de 1896 précise que "tout membre peut soumettre à l'association un travail concernant la filature, le tissage ou les industries y attenant. Le Comité le fera imprimer aux frais de l'association s'il en reconnaît l'utilité. Chaque membre en recevra un exemplaire". Le but du bulletin est plus large, "donner l'occasion aux membres de publier les résultats de leurs expériences et d'en faire profiter leurs camarades, de renseigner sur les membres et sur la marche de l'association en vue de constituer un lien fraternel".  

 

Des Anciens peu participatifs et un gouffre financier 

 

Ce "bulletin" se présente, en fonction de l'évolution des événements et des besoins, sous différentes formes.  

1) Les "Nouvelles de l’Association de l'Année... Association libre des Anciens Élèves de l'École de Filature et de Tissage de Mulhouse Alsace" sont éditées à partir de 1898 régulièrement ou occasionnellement, en langue française et en langue allemande (Annexe N° 41 et 42). En effet, l'article 29 des statuts prévoit "qu'il sera remis annuellement à chaque membre un bulletin contenant la liste actuelle des membres". Cette publication comprend les listes des membres du Comité, des membres honoraires, des membres du Comité des groupes régionaux, une liste alphabétique de tous les membres, le rapport de l'assemblée générale, les nécrologies (souvent une page entière par personne), les statuts et réglement intérieur, le rapport sur l'année scolaire établi par la Direction de l'école, des notices et correspondances, des appels de cotisations, d'adhésion à l'association et de collaboration au bulletin, des tarifs des annonces, des comptes rendus des groupes régionaux, des distinctions honorifiques, une liste des anciens élèves dont l'adresse est inconnue, etc…, enfin, une bonne vingtaine de pages publicitaires. Brochure de 44 à 60 pages, format 19 x 28 xm, imprimerie BRINKMANN à Mulhouse. (cf. plusieurs pages de publicité de constructeurs textiles des années 1905 annexées à la fin de l'ouvrage).  

2) "Bulletin de l Association Libre des Anciens Elèves de l'École de Filature et de Tissage Mulhouse Alsace" est édité pendant de nombreuses années à partir de 1898, en allemand et en français (Annexe N° 43). Il comprend des articles techniques sur des problèmes de l'industrie textile et connexes illustrés par de nombreux dessins, schémas et photos et une vingtaine de pages publicitaires. Le rédacteur responsable de 1899 à 1914 est Henri BRUGGEMANN, auteur de plusieurs livres dont il diffuse des prospectus avec le bulletin. A partir de 1900, pour des raisons d'économie (ou d'arrière-pensées politiques?) on décide de n'envoyer aux Alsaciens qui ont suivi les cours de l'école en langue allemande que l'exemplaire en langue allemande. Souvent les articles sont rédigés par des anciens élèves de l'École. Brochure de 60 à 100 pages, format 19 x 28 cm, imprimerie BRINKMANN à Mulhouse.  

3) "Bulletin de l’Association des Anciens Élèves de L’École de Filature et de Tissage de Mulhouse" Premier Numéro de la nouvelle série française, édition provisoire bimestrielle de 16 pages, publiée à partir de décembre 1915 par un groupe d'Anciens d'Épinal, format 15 x 23 cm, imprimée chez KLEIN à Épinal (Annexe N° 44). Le gérant est le président du groupe des Anciens d'Épinal Léon FLAMAND et le rédacteur provisoire le lieutenant Henri BONDOIT. Dans ce premier Numéro - nous sommes en pleine guerre - on relève : "Notre devoir est d'affirmer notre vitalité"... A noter que le mot "libre" n'est pas repris dans le titre que l'Association s'était donnée en 1896 à Mulhouse, car en France on est libre, on n'a donc pas besoin de le souligner. Le service de ce bulletin est fait gracieusement à tous les membres de l'Association, Français et neutres . ...

"A nos camarades : Dès la première ligne de ce bulletin, notre pensée va vers ceux qui, en libérant le sol de la Patrie, nous rendront entière notre vieille École !... Le premier devoir que les `Mulhousiens' auront à cœur de remplir sera de tendre une main fraternelle à ceux que l'effroyable lutte aura terrassés et dans l'accomplissement de ce geste de reconnaissance, nous ferons l'union féconde..." Dans le Livre d'or de l'Association pendant la guerre figurent les morts au champ d'honneur, les blessés et les citations. Malgré la guerre, ce bulletin paraît avec une bonne régularité.  

4) "La Revue de la Filature et du Tissage, Bulletin Technique de l'Association des Anciens Elèves de l École de Filature et de Tissage de Mulhouse" est le titre que prend le bulletin à partir de mars 1917, avec quelque 400 pages annuelles (Annexe N° 45 et 46). En 1919, cette revue est reprise par le Comité central de Mulhouse qui le confie à la direction d'un rédacteur-gérant. On y trouve de nombreuses rubriques : liste des membres du Comité central et de ceux des groupes régionaux, plusieurs articles techniques avec dessins, photos et graphiques, service des consultations commerciales ; à partir de 1928 on ajoute une rubrique bonneterie, liste des brevets, question de droit commercial et fiscal, partie commerciale, rapport du Directeur de l'École sur l'année scolaire, nouvelles de l'Association avec séances du Comité central, réunions amicales mensuelles à Mulhouse et ailleurs, service de placement, petites annonces personnelles, nécrologies et, à l'occasion, une liste des anciens élèves. En outre, à partir de 1920, le Comité crée un service de "consultations techniques" qui répond, par l'intermédiaire de la revue, à la dizaine de questions techniques posées par les lecteurs ; toutefois vers 1930, ce service s'essouffle et ne fonctionne pratiquement plus, même si, en 1935, certains souhaitent le voir repris. Entre 1919 et 1939, la revue de 11 numéros annuels connaît un épanouissement extraordinaire en atteignant au cours de ces 20 ans quelque 50.000 pages imprimées dont pas loin de 30.000 pages rédactionnelles. Une performance !  

5) Entre 1939 et 1947, par suite de la guerre, aucune publication imprimée ne paraît. En février 1946, le Comité tente de reprendre contact avec les Anciens en envoyant à ceux dont il a l'adresse le premier Numéro des "Nouvelles de l'Association des Anciens Elèves de l'E.S.F.T.B.M." sous forme d'une dizaine de feuilles ronéotypées agrafées, format 21 x 27 cm (Annexe N° 47). Plusieurs "Nouvelles" sont ainsi diffusées en attendant de relancer l'édition d'une revue.  

6) Avec un nouveau titre, les "Annales Textiles" paraissent de 1948 à 1972, d'abord en tant que "Bulletin trimestriel de l'Association des Anciens Elèves de l'École Supérieure de Filature, Tissage et Bonneterie de Mulhouse" et à partir de 1967 "de l'École Supérieure des Industries Textiles de Mulhouse" (Annexe N° 48 et 49). Elles comportent quelques articles techniques originaux ou repris ailleurs et des nouvelles de l'Association. Brochure de 40 à 100 pages dont une vingtaine de publicité. Format 21 x 27 cm. Impression Imprimerie de L'ALSACE.  

7) Un "Bulletin d'Information des Membres" (B.I.M.), organe de liaison entre les Anciens, devait paraître trimestriellement à partir de début 1973 sous la responsabilité d'un jeune membre du Comité (Annexe N° 50). Il est édité deux fois par an en ronéotypé de 1974 à 1977, puis à partir de 1978 avec couverture imprimée et textes photocopiés. Il comprend des comptes rendus de l'Assemblée générale annuelle, des informations sur l'École et sur les enseignements, des nouvelles de l'Association et des groupes régionaux, des informations pratiques, un ou deux articles techniques (habituellement publiés par des anciens élèves dans d'autres revues), etc… ; signe des temps, le service de placement publie in extenso les offres d'emploi dans chaque numéro. Brochure de 15 à 30 pages, format 21 x 29,7 cm, 

8) Un "Annuaire des anciens élèves" de l'école est la suite logique de la "liste des membres" diffusée dans le "Bulletin" de 1898 et la "Revue" de 1917 à 1939. Il est édité de temps à autre à partir de 1947 en petit format de 12 x 17,5 cm avec une cinquantaine de pages, puis publié en annexe aux Annales Textiles en 1957 avec 261 noms. En 1973, l'Institut Textile de France a contacté l'Association pour l'édition d'un annuaire commun à toutes les Écoles Textiles. Mais on préfère d'abord sortir celui de l'Association, ce qui est enfin réalisé régulièrement à partir de 1974. Il paraît alors annuellement en format 15 x 21 cm avec 100 à 150 pages (avec 54 annonceurs en 1976, 45 en 1986 et 27 en 1996) et comprend un bref historique de l'école, la liste nominative alphabétique des membres actifs de l'association avec adresse, promotion et fonction, une liste par région et établissement, une liste par promotion et une liste des membres retraités (Annexe N° 51). Rédaction et mise à jour par le secrétariat du Bureau de l'Association.  

 

 

Des hommes s'engagent 

 

Si l'édition de ces publications a été la fierté et la manifestation publique de l'Association, elle représentait aussi, de tout temps, une préoccupation constante pour ne pas dire obsessionnelle et parfois insurmontable pour ses responsables. C'est une longue et lancinante litanie de soucis : le coût, la publicité, un local adapté, le contenu technique, les délais - des membres démissionnent parce que la revue sort en retard ! - etc… Trouver des annonceurs pour couvrir les frais d'impression, dénicher de rares auteurs parmi les anciens élèves qui veuillent bien écrire des articles techniques sur leurs expériences professionnelles, écrire dans les deux langues, indispensable entre 1900 et 1914, et faire exécuter des dessins et des graphiques compréhensibles, contrôler la qualité des écrits par un comité de lecture, dégoter l'imprimeur assurant la meilleure qualité au meilleur coût, n'est pas une mince affaire. Ainsi, à l'instar des "Nouvelles de l'Association", ce premier bulletin est réalisé à partir de 1899 par le secrétaire-trésorier de l'Association, professeur de filature et sous-directeur Henri BRUGGEMANN. Le premier bureau de l'Association et de la Revue fut installé pour 10 ans dans une pièce du logement de son directeur-rédacteur BRUGGEMANN, pour laquelle il demande 2 Mark par an de location. En 1900 le Comité trouve exagérées les dépenses pour les traductions et les dessins pour la revue. Par la suite et en vue d'un meilleur contrôle des coûts, le Comité procède, dès 1901, à la séparation des comptes de la revue de ceux de l'Association. En 1903, les frais de la revue se montent à 2.120 Mark alors que les ressources de cotisations ne représentent que 2.664 Mark. En 1905, les dépenses se montent à 4.250 Mark. A la suite de la non-parution de la revue en 1911, on relève avec satisfaction que les biens de l'Association avaient augmenté de 3.300 Mark en un an. Les difficultés de publication de la revue subsistent longtemps encore : manque de moyens financiers et trop faible participation intellectuelle des Anciens.  

Pour surmonter ces embarras, on essaye à plusieurs reprises de collaborer avec des revues textiles de notoriété nationale. Déja en 1901, des pourparlers avec le propriétaire et rédacteur en chef de la Leipziger Monatsschrift für Textilindustrie échouent, de même en 1903 avec l'éditeur de Textil und Färbereizeitung à Braunschweig. A l'inverse, en 1907 l'éditeur italien BIVIS de Milan propose d'acheter nos articles avec mise à disposition des clichés, à 0,15 F la ligne, pour publication dans sa revue italienne "Industria Tessile". En 1909, BRUGGEMANN assure la rédaction technique d'une nouvelle revue textile alsacienne hebdomadaire en langue allemande "Elsässisches Textilblatt" (Annexe N° 52) éditée par J. DREYFUSS à Guebwiller (format 33 x 25 cm), dans laquelle est publié le "Bulletin de l'Association Libre des Anciens élèves de l'École de Filature et de Tissage de Mulhouse". D'ailleurs BRUGGEMANN, professeur depuis 1889 et sous-directeur depuis 1898, quitte l'École en 1913 pour se consacrer entièrement à la publication et à son cabinet d'expertise textile installé rue du Sauvage N° 76 à Mulhouse. Le même éditeur guebwillerois DREYFUSS publie à partir de 1912 la même revue en langue française appelée "L'Avenir Textile" à laquelle tous les Anciens s'abonnent. Après la guerre, notre Association n'ayant pas voulu reconduire son contrat de collaboration avec cette publication, cet éditeur s'adressait aux Anciens d'Épinal qui encartèrent leur revue dans l'Avenir Textile (Annexe N° 53). La même année, des pourparlers sont également entamés avec la revue mensuelle parisienne "L'Industrie Textile", format 31 x 24 cm créée en 1884, mais ils échouent à cause des conditions financières désastreuses (Annexe N° 54).  

Toutefois le plus gros souci a toujours été de trouver des articles inédits. Leur absence provoque des interruptions de parution. Les idées géniales et les belles déclarations au cours des réunions ne manquèrent pas, mais leurs concrétisations n'en sont pas moins décevantes. Dès 1904 on essaye de payer des honoraires aux auteurs, mais il faut vite déchanter par manque de moyens et parce que la récolte d'articles ne s'en trouve pas améliorée. En 1908, on propose d'instituer des concours sur des questions techniques en attribuant des médailles, sans plus de succès. La suppression de la revue est envisagée en 1910 à cause des frais trop élevés et du manque d' articles publiables. Enfin en 1914, la guerre met fin à tous ces tracas...    

 

 

Vers un périodique d'audience internationale 

 

A partir de 1919 et jusqu'en 1939, la revue bimestrielle fondée en 1915 par les Spinaliens est reprise par le Comité central de Mulhouse. Le président de l'Association en confie la responsabilité à un membre de son Comité qui s'en dégage déjà au bout de trois mois. C'est ensuite le secrétaire Robert DUBOIS qui s'en charge en demandant au Comité de lecture de se réunir chaque mois. On élabore de nouveaux principes de fonctionnement de la revue et de sa comptabilité distincte de celle de l'Association.  

En 1920 le rédacteur DUBOIS s'occupe de la revue en abandonnant le poste de secrétaire de l'Association. Finalement, un an plus tard, DUBOIS, élu entre-temps président de l'Association, démissionne de son poste professionnel de directeur de filature pour raison de santé et se consacre à plein temps à la revue en tant que gérant. Après son décès prématuré, un autre Ancien travaille pour la revue pendant quelques mois jusqu'à l'automne 1925 où Julien FROEHLIGER (promo 1905/06) est embauché comme gérant. II porte à bout de bras "sa" revue et lui donne ses lettres de noblesse, diffusant dans le monde entier le message de l'École. Mais les problèmes financiers deviennent de plus en plus inextricables. Avec l'apparition de la crise textile en 1929, de nombreux annonceurs résilient leurs contrats, les ressources diminuent et le compte de la revue laisse des bénéfices de plus en plus maigres à l'Association. En 1932, une trentaine d'entreprises abandonnent les annonces. Les comptes de la revue allouent pour 1931 au gérant 20.000 F, à la dactylo 1000 F et à l'Association 9.620F, en 1934 respectivement 15.000, 300 et 2.780 F, en 1936 resp. 2.386, 300 et 0 F et en 1938, pour la première fois depuis 1925, les comptes accusent un solde négatif. Au 1er septembre 1939, avec la guerre, la revue est suspendue. Julien FROEHLIGER démissionne début 1941 et remet les archives et le mobilier de son bureau à l'Association. Il décède prématurément en 1943.

 

 

 

Faiblesse des moyens et évolution des besoins 

 

Dès début 1946, le Comité reprend le projet de l'édition de la revue technique. Le périodique parisien "L'Industrie Textile" qu'on avait recontacté, propose de faire paraître notre revue encartée dans la sienne comme bulletin spécial. Mais le Comité trouve que notre bulletin, réalisé par nous mais encarté dans une autre revue, perdrait sa personnalité et son prestige. Mi 1947, le Comité décide de confier à Jacques WIERNSBERGER (promo 1919) et le secrétariat et la gérance de notre nouvelle revue qui s'appellera "Annales Textiles" et paraîtra trimestriellement. Des démarches auprès des annonceurs (69 entreprises potentielles), des difficultés juridiques, administratives et d'attribution de papier retardent encore sa sortie. Enfin, début 1948, le premier numéro est mis sous presse chez BRINKMANN pour un coût de 85.000 E Un numéro coûtera 400 F par membre et par an. En juin 1949, Jacques WIERNSBERGER part pour raisons professionnelles à Thaon mais continue à s'occuper de la revue. Il lance un appel pressant à tous les Anciens de collaborer à ce travail par des articles originaux, car "diffuser du réchauffé ne présente pas d'intérêt" souligne le Directeur de l'École. Mais c'est un cri dans le désert ! Bien que nous soyons une des rares Associations à éditer un bulletin technique parfois demandé par des éditeurs d'Angleterre et d'Amérique, nos efforts sont insuffisants. Avec l'inflation galopante, il faudrait en 1952, pour couvrir les frais d'impression, un MF de recettes. A cet effet, on augmente le tarif d'annonce à 30.000 F la page et les cotisations de 500 à 750F. En 1955, l'industrie textile marchant au ralenti, le bulletin est maintenu en veilleuse, malgré les promesses d'Anciens du groupe Nord de remettre des condensés d'articles techniques intéressants de la presse technique française et étrangère. En conséquence, la revue peu étoffée lui fait perdre les annonceurs. A partir de 1956 le rédacteur est secondé par une secrétaire, Madame REINBOLD (veuve de Robert REINBOLD promo 1925, décédé en 1955). L’année suivante, le coût annuel de 900 exemplaires s'élève à 540.000 E. En 1961 WIERNSBERGER se plaint "de moins en moins de substance pour de plus en plus de publicité". Petit à petit, les préoccupations concernant le développement du statut de l'école et le développement rapide de l'adaptation de l'enseignement aux besoins de l'industrie et de la recherche prennent le pas sur le souci de diffuser une revue. Un périodique textile technique particulier ne répondant plus aux besoins du marché, le manque de moyens financiers et de collaboration intellectuelle devenant trop pesant, les "Annales Textiles" se meurent en 1972. Aucun avis de décès au cours d'une Assemblée Générale ... L’année suivante, le "Bulletin d'Information des Membres", réalisé par le secrétariat de l'Association, est lancé. Mais ce n'est plus une revue technique originale. Les travaux du bureau de placement et les informations sur l'École et l'Association deviennent prioritaires. Après le départ de Madame REINBOLD à la retraite fin 1975, c'est Madame Alice GEORGER (épouse de Hubert GEORGER, promo 1947) qui prend la relève début 1976. Depuis, le B.I.M. est publié régulièrement.  

 

*               *               *  

 

Si notre Association fête ses cent ans d'existence, ses statuts ont presque 130 ans d'âge. Bien sûr, cette suite d'articles définissant les buts de l'Association et réglant son fonctionnement a subi l'outrage du temps et a dû s'adapter aux nouveaux besoins. Elle a dû supporter de nombreuses attaques, dont les plus virulentes exigeaient sa disparition ou son changement complet. Finalement, le tronc commun de nos statuts est resté inébranlé et les Mulhousiens, parfois considérés comme des provinciaux attardés, ont su maintenir le cap contre toutes les tendances centrifuges et les menaces de scission.  

L'Association apporte grandement son soutien et son analyse critique et constructive à l'École. Par ses activités de publications et de visites d'entreprises et d'institutions, elle s'insère dans la vie de la Cité et complète la connaissance du milieu socioéconomique et culturel de notre région.  

L’Association, grâce à la convivialité qu'elle favorise, notamment au cours des rencontres annuelles, développe les relations humaines et permet occasionnellement à tous les Anciens d'effectuer leur "petite régression" pour partager des souvenirs de jeunesse. La gaieté et la joie des retrouvailles d'Anciens des "bons vieux temps" donnent l'impression que, malgré les tribulations des époques hautement perturbées d'autrefois, nos pères textiliens savaient s'amuser, comme dit la vieille chanson vinique,... "bien autrement que nous, morbleu ! bien autrement que nous !"  

En dépit de 150 ans de crise de l'industrie textile, avec le moral d'acier des anciens élèves, avec la faculté d'adaptation des responsables de l'École, notre vieille École peut envisager l'avenir avec sérénité.

 

 

Sources et bibliographie sommaire

 

Association des Anciens Élèves de l’École

 

Registre 21 x 33 cm de 284 pages avec statuts 1896, des procès-verbaux d'Assemblées Générales, de Comités de Mulhouse, Belfort, Lille, Épinal, etc. de 1896 à 1921, majoritairement en langue allemande.

Registre 21 x 33 cm de 400 pages avec statuts de 1919/21, procès-verbaux des Assemblées Générales, Comités, réunions des groupes régionaux, etc. de 1920 à 1954 en langue française.

Revues, bulletins et annuaires de l'Association de 1899 à 1996 : 

LA REVUE DE LA FILATURE ET DU TISSAGE de 1917 à 1939 (23 x 11 numéros) 

ANNALES TEXTILES de 1948 à 1972 (env. 75 numéros) 

B.I.M. de 1973 à 1996 (env. 50 numéros)

ANNUAIRES de 1949 à 1996 

 

Société Industrielle de Mulhouse (Bibliothèque de l'Université et de la SIM)

 

Bulletins de la SIM de 1863 à 1919, 1927, 1958, 1961

 

Histoire Documentaire, Mulhouse, 1902,

 

Centenaire de la Société Industrielle de Mulhouse, 1926,

 

Revues Textiles : L'Industrie Textile, L’Avenir Textile, Elsässisches Textil-Blatt,

 

Plaquette "Staatliche Höhere Textilschule Mülhausen", 1942,

 

Plaquette École Nationale des Industries Textiles de Mulhouse, 1982, 50 pages 

 

Sources diverses 

 

Bulletin Municipal de Roubaix de mai 1881,

  

Écoles textiles francophones in L’Industrie Textile, mai 1979, pp. 450/451.

 

École Supérieure de Chimie de Mulhouse, Histoire de l'école 1822 - 1972

 

Historique de l'École Supérieure des Industries Textiles d'Épinal,

 

Historique de l'Institut Textile et Chimique de Lyon,

 

Historique de l'École Nationale Supérieure des Arts et Industries Textiles de Roubaix,

 

LEFEBVRE (Marcel) "Cent Ans d'histoire" in "Centenaire de l'École Supérieure de Filature, Tissage et Bonneterie de Mulhouse 1861- 1961", 120 pages, ouvrage collectif, Imprimerie L'Alsace, 1961

 

LIVET (Georges) et OBERLÉ (Raymond) Histoire de Mulhouse des origines à nos jours, Strasbourg, 1977

 

OBERLÉ (Raymond), "L’enseignement à Mulhouse de 1798 à 1870, 1961

 

OBERLÉ (Raymond), "Cent ans de construction scolaire à Mulhouse 1831- 1939" in Annuaire Historique de la Ville de Mulhouse, 1990, pp. 47 à 72

 

SIEGER (Pierre), "Quel gâchis!", Construction d'une nouvelle École d'Ingénieurs Textile, 1993, pp. 111 à 116

 

WAHL (Alfred) et RICHEZ (Jean-Claude) La vie quotidienne en Alsace entre France et Allemagne 1850-1950, Hachette, 1993,

  

Du même auteur 

 

"Foucherans, Foi et fanatisme pendant la Révolution", 1984, 200 pages

 

"Histoire de DOLLFUS & NOACK", 1985, 160 pages

 

"L'École à Sausheim de 1830 à 1870", 1987, 120 pages

 

"Sausheim sous la Révolution", 1989, 312 pages

 

"Sausheim, Un village au temps du Reichsland (1871- 1918)", 1993, 486 pages (en préparation)

 

"Brunstatt entre les deux guerres (1918-1940)"

 

La grande épopée du développement industriel fulgurant de Mulhouse à partir du milieu du XVIIIe siècle grâce à l'initiative de trois jeunes pionniers, a fait l'objet de nombreuses études. Mais on en sait moins sur les tenants et les aboutissants de la fondation en 1860, après plusieurs autres écoles techniques à Mulhouse et en Europe, d'une "École Théorique et Pratique de Tissage Mécanique", devenue en 1868 "École de Filature et de Tissage et installée dans des bâtiments neufs au bord du canal de décharge de l'Ill. L'Association des Anciens élèves, fondée après plusieurs tentatives infructueuses en 1896, si elle a toujours soutenu la Direction de l'École dans les périodes de crise, s'est aussi montrée exigeante quant à l'adaptation de l'enseignement aux nécessités de l'économie.

Les quatre changements de nationalité de notre région en l'espace de 75 ans eurent des conséquences désastreuses sur le fonctionnement voire sur l'existence même de l'École et de son Association. La réalité des évènements fut, à l'occasion, occultée ou travestie selon l'opinion publique du moment. Les influences économiques et politiques ont donné lieu à des remises en cause parfois douloureuses et à des évolutions imprévisibles. Si l'industrie textile alsacienne a vu fondre dramatiquement ses effectifs en 150 ans, l'École Textile a plus que décuplé le nombre de ses étudiants entre 1861 et 1996.

Cet ouvrage "défibre" de façon minutieuse mais agréable, le fil de l'histoire et souvent des petites histoires de la longue vie tumultueuse de cette École Textile et de son Association des Anciens élèves. Le Centenaire de l'Association est l'occasion de sa publication.

L'auteur, Paul SPECKLIN, ancien élève de l'École Textile, né en 1926 à Brunstatt, passe 38 ans d'activité professionnelle dans l'industrie des textiles techniques, en dernier lieu comme Directeur de Recherche & Développement. En outre, il dispense en tant que vacataire, des cours dans plusieurs établissements d'enseignement supérieur à Mulhouse. A partir de 1984, après une initiation à l'étude de l'histoire sociale à l'Université de Besançon, il publie une demi-douzaine d'ouvrages d'histoire régionale, tout en continuant à écrire dans des revues techniques françaises et internationales plus d'une centaine d'articles sur les nontissés en Europe et dans le monde. L'historien, membre de l'académie d'Alsace, se passionne pour la vie mouvementée du peuple d'Alsace, enjeu de nationalismes opposés.