Le Collège Scientifique Universitaire de Mulhouse

Essai de Pédagogie moderne

 

Article rédigé par Pierre TAGLANG

Directeur du C.S.U. et Professeur à la Faculté des Sciences de Strasbourg

Depuis 1958, Mulhouse compte un Institut d'Enseignement Supérieur nouveau. En effet, grâce au dynamisme d'une équipe mulhousienne, grâce à la compréhension des autorités ministérielles ainsi qu'au soutien de la Faculté des Sciences de Strasbourg, la création d'un Collège Scientifique Universitaire à Mulhouse a été décidée.

Ouvert dès la rentrée 1958, cet Institut de la Faculté des Sciences de Strasbourg a été hébergé dans des locaux provisoires mis aimablement à la disposition de l'Éducation Nationale en attendant la réalisation des locaux définitifs de l'Illberg dont l'étude et la conception ont débuté dès 1959.  

Vue d'ensemble du C.S.U. 

De gauche à droite : amphithéâtre, T.P. physiques, labo extérieur de chimie.

Ainsi il y a à l'origine de la création de cet institut une volonté clairement exprimée par les responsables locaux, tant du monde économique que des collectivités locales. Cette volonté n'est pas restée passive et les nombreuses aides matérielles consenties (don de terrains, réservation de logement pour le personnel, etc.) ainsi que le soutien moral permanent rencontré ont été pour moi un encouragement constant pour essayer de faire du C.S.U. un Institut d'Enseignement Supérieur largement ouvert sur une collaboration permanente.  

1 - Les Collèges Scientifiques Universitaires 

Mais avant de voir la réalisation mulhousienne, il serait peut-être utile de se faire une idée générale de ce qu'est un Collège Scientifique Universitaire (C.S.U.). Le terme a été employé pour la première fois par le M.N.D.S. (Mouvement National pour le Développement des Sciences), qui, prenant conscience des difficultés qui résulteront de la poussée démographique lorsque celle-ci atteindra l'Enseignement Supérieur, proposa de décentraliser l'Enseignement Supérieur scientifique afin de lui donner plus d'efficacité, surtout au niveau propédeutique. Il suggéra donc de créer dans les cités importantes des Instituts préparant les jeunes bacheliers aux 3 Certificats d'Études Supérieures (C.E.S.) préparatoires à la licence ès sciences.

La Direction de l'Enseignement Supérieur, et plus particulièrement MM. les Directeurs Berger et Donzelot reprirent cette idée, et, pour permettre la réalisation de C.S.U., en donnèrent un programme pédagogique :  

1) Les Collèges Scientifiques Universitaires sont placés sous la direction d'un professeur de Faculté.  

2) L'enseignement donné dans les C.S.U. est un enseignement supérieur dispensé par un personnel hautement qualifié relevant de l'Enseignement supérieur.  

3) Afin de permettre le recrutement de ce personnel, la création de laboratoires de recherche fut prévue dans tous les C.S.U.  

4) Dans ces conditions et pour permettre le recrutement de jeunes chercheurs, le principe d'une extension des enseignements aux certificats de licence proprement dits fut prévu. La création de tels certificats de niveau supérieur ne peut se faire qu'après accord de la Faculté-mère.  

C'est en partant de ces principes que fut élaboré le programme pédagogique type qui servit de base aux constructions, en particulier celles de l'Illberg.  

 

2 - Les installations du Collège Scientifique Universitaire de l'Illberg  

La première tranche des constructions du C.S.U. à l'Illberg est terminée depuis 1964. On peut affirmer sans exagérer que l'ensemble est une belle réussite, tant du point de vue architectural que du point de vue fonctionnel. Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour remercier les architectes, MM. Lods, Depondt et R. Meyer ainsi que les représentants du Ministère de la Construction, MM. Richard et Grange, pour tous les efforts consentis pour mener à bien cette réalisation. La construction elle-même s'est avérée très difficile par suite de la nature des terrains. Par ailleurs, la complexité du projet lui-même a posé de sérieux problèmes aux entreprises qui l'ont réalisé. Elles ont cependant, grâce à l'esprit d'équipe que les architectes ont su créer, surmonté toutes les difficultés et la réalisation de l'Illberg avec ses installations techniques en rend témoignage. Que toutes les entreprises trouvent ici l'expression de mes remerciements.  

Le projet définitif comprend 4 bâtiments, correspondants aux 4 fonctions principales de tout enseignement supérieur. Trois de ces bâtiments sont terminés, à savoir :

1) Le premier, désigné sous le nom « Bâtiment travaux pratiques » comprend l'ensemble des locaux destinés aux travaux pratiques de physique et de chimie ainsi que les locaux annexes : salles de préparation, salles de collection, chambres noires et ateliers divers. Les étudiants, répartis en groupes (40 à 48 pour le 1er  cycle et 20 à 25 pour le second cycle), travaillent librement sous la direction des assistants et maîtres assistants. C'est ainsi que cinq salles sont affectées aux travaux pratiques de physique et d'électronique et deux salles aux travaux pratiques de chimie. Tous les autres locaux sont utilisés pour la recherche scientifique (électronique, physique du solide, chimie physique et chimie organique). 

2) Le deuxième bâtiment, présenté à Monsieur le Recteur le 6 février 1964, comporte trois amphithéâtres fonctionnels de 470 et 240 places. Tous les enseignements magistraux ont lieu dans ces amphithéâtres très heureusement conçus. Signalons en passant que ces amphithéâtres sont aussi utilisés le soir pour les cours du Conservatoire National des Arts et Métiers et, dans l'avenir, ils pourront être mis à la disposition de tout organisme culturel ou scientifique (congrès scientifiques, cours de vacances ou de recyclage, etc.), dans la mesure où les enseignements propres au C.S.U. le permettront.  

Le grand amphithéâtre

3) Le dernier bâtiment, terminé tout récemment, comporte essentiellement la bibliothèque avec ses annexes, des bureaux de professeurs ainsi que des salles de travail pour les étudiants. 

Tous les locaux terminés sont ainsi, dès maintenant, entièrement utilisés et certaines activités pédagogiques ont dû être organisées à l'extérieur (École des Mines de Pulversheim, École Supérieure des Industries Textiles, Lycée Technique d'État, par exemple) afin de laisser un minimum de locaux pour la recherche scientifique.  

Dans l'avenir, que nous espérons rapproché, un quatrième bâtiment, le bâtiment « Recherches », viendra compléter cet ensemble. Ce bâtiment sur quatre niveaux de plus de 100 m de long, hébergera, en plus des divers laboratoires, l'ensemble de l'administration du C.S.U. 

Tous ces bâtiments, de conception architecturale très sobre mais fonctionnelle, sont caractérisés par des équipements techniques très complets d'une part (distribution d'eau, gaz, électricité, vide, air comprimé et azote comprimé dans tous les locaux), et très souples d'autre part (cloisons mobiles, locaux climatisés ou thermostatés, par exemple).  

3 - Programmes du Collège Scientifique Universitaire  

Après avoir fait le tour des bâtiments de l'Illberg, voyons maintenant ce qu'on y enseigne et comment ont lieu les divers enseignements. A l'heure actuelle, le C.S.U. est autorisé à dispenser les enseignements suivants :  

a) Enseignements du 1er cycle: Mathématiques et Physique (M.P.), Physique et Chimie (P.C.)

Le nombre d'étudiants inscrits en premier cycle oscille autour de 200. Pour être admis à prendre une inscription en vue d'un Diplôme Universitaire d'Études Scientifiques (D.U.E.S.), l'étudiant doit être titulaire du baccalauréat complet ou d'un titre reconnu équivalent (examen spécial d'entrée en Faculté des Sciences, Diplôme de technicien supérieur, etc.). 

Les étudiants de 1ère année M.P. suivent 7 heures 30 de cours théoriques et 12 heures 30 d'enseignements pratiques. L'enseignement des mathématiques est largement prédominant. 

Les étudiants de 1 ère année P.C. suivent 7 heures 30 de cours théoriques et 12 heures 30 d'enseignements pratiques répartis à peu près uniformément entre les trois disciplines scientifiques: mathématiques, physique et chimie. 

Une importance particulière est donnée aux travaux pratiques. L'étudiant apprend à faire des mesures précises, des analyses exactes à l'aide d'appareils modernes, de qualité « recherche ». Ces manipulations, d'un niveau élevé, permettent aux étudiants de se rendre compte des connaissances assimilées. Chaque manipulation donne lieu à un procès verbal rédigé pendant la séance, soigneusement corrigé et commenté par les assistants et les maîtres assistants. 

Ainsi l'étudiant acquiert nécessairement, à côté des connaissances théoriques, une expérience pratique qui le prépare au travail de laboratoire qui prend de plus en plus d'importance dans les professions de la vie moderne. Il est en même temps préparé à affronter avec le maximum de chances les études en vue du 2e cycle, et plus spécialement la licence ès Sciences appliquées d'électronique que le C.S.U. de Mulhouse est autorisé à délivrer.  

Laboratoire de physique du solide : mesure de diffraction de rayons X

b) Licence ès Sciences Appliquées, option électronique 

Depuis la rentrée 1962-63, le C.S.U. de Mulhouse est autorisé à dispenser les enseignements en vue de la licence ès Sciences Appliquées d'électronique. Ces licences ès Sciences Appliquées ont été créées par décret du 5 mai 1961. Elles ont essentiellement pour but la formation des cadres supérieurs de l'Industrie. Leurs titulaires peuvent aussi postuler des postes d'enseignement. Ils peuvent aussi poursuivre leurs études en vue d'un Diplôme d'Études Approfondies (D.E.A.), d'un doctorat de spécialité ou même d'un Doctorat d'État.  

Les études durent théoriquement deux ans et sont accessibles aux étudiants titulaires de l'ancien certificat de propédeutique. Au cours de la première année d'études, les étudiants du C.S.U. de Mulhouse suivent les enseignements en vue du .Certificat de Technologie Electronique et du C.E.S. d'Électricité. Les étudiants reçus à ces deux certificats peuvent arrêter leurs études. Ils seront titulaires du Diplôme d'Études Supérieures Techniques (D.E.S.T.) après un stage de 9 mois dans l'industrie. Ce stage est placé sous l'autorité d'un ingénieur responsable. En fin de stage, l'étudiant doit faire un rapport détaillé sur son activité et l'ingénieur donne son avis sur les compétences techniques du candidat ainsi que sur son comportement humain dans l'entreprise. La deuxième année comporte les C.E.S. d'électronique, d'électrotechnique et de chimie‑physique. Signalons cependant que cette organisation des études sur deux ans est purement théorique et, pratiquement, il faut compter trois ans d'études pour la licence complète.

Laboratoire de physique du solide, résonance paramagnétique électrique

4 - Méthodes pédagogiques  

L'origine du C.S.U., due à la volonté active de toute une population, la situation géographique exceptionnelle à proximité immédiate de deux universités germanophones et enfin le caractère sociologique très particulier de la ville de Mulhouse ont amené les responsables de la cité et les professeurs du C.S.U. à entreprendre en parfaite union une étude de méthodes pédagogiques adaptées au monde actuel. Par ailleurs, Monsieur le Recteur Bayen, alors Directeur Général Adjoint des Enseignements Supérieurs, m'a dit lors d'une audience qui a précédé de peu ma nomination à Mulhouse : « Le sport peut avoir deux buts essentiellement différents: la recherche des performances ou le maintien en forme physique de l'organisme. Pour l'enseignement supérieur, une alternative analogue existe: la recherche de performances intellectuelles brillantes souvent éphémères ou la formation intellectuelle et humaine profonde et durable qui préparera les hommes indispensables à la France de demain. Je vous en prie, essayez de réaliser le deuxième but ». C'est ainsi que j'ai rencontré dès mon arrivée à Mulhouse, des conditions extrêmement favorables pour tenter la mise au point d'une pédagogie nouvelle adaptée à la région. Encore fallait-il en définir le cadre. La création des enseignements de Sciences Appliquées, de structure beaucoup moins rigide que les enseignements supérieurs traditionnels constitua pour Mulhouse une chance inespérée. Et c'est donc tout naturellement que le C.S.U. de Mulhouse se lança dans cette voie grâce au soutien permanent de la Faculté des Sciences de Strasbourg et à l'action efficace de ses Doyens, M. Maresquelle, M. Millot et M. Vivien. Dès 1961, des Commissions mixtes réunissant des responsables économiques et des professeurs ont essayé d'élaborer des programmes et des méthodes pédagogiques. Le choix de la discipline fut la première préoccupation. C'est l'électronique qui fut retenue, d'abord parce que l'existence d'un centre de formation d'électroniciens de haut niveau constitue un facteur de développement économique certain et que d'autre part les besoins en électroniciens de haut niveau sur le plan national étaient loin d'être satisfaits. Restait à définir la pédagogie. Et c'est dans ce domaine que le dialogue Université‑Industrie est le plus nécessaire, mais aussi le plus difficile à réaliser. En effet, à quoi sert de former des jeunes, que ce soit dans les facultés ou dans les grandes Écoles, si les responsables du monde économique ne reconnaissent pas cette formation ou émettent de sévères jugements à son égard ? L'expérience de Mulhouse a montré que le dialogue et la collaboration dans le domaine de la pédagogie étaient possibles et très efficaces, et je tiens ici à rendre hommage à tous ceux qui ont oeuvré dans ce sens, tout spécialement au regretté sénateur Charles Stoessel qui fut l'un des grands promoteurs de ce dialogue avec Monsieur le Maire Emile Muller. La première question qui se posait et dont dépendait toute l'organisation ultérieure, était de savoir ce que l'industriel attendait d'un jeune cadre. Les réponses des responsables économiques peuvent se résumer comme suit :  

Le jeune cadre doit avoir une éducation et une formation lui donnant le sens des problèmes, qu'ils soient économiques, scientifiques, techniques, ou humains et sociaux. Il doit avoir de l'initiative et être au courant des diverses techniques de sa spécialité ainsi que de leur évolution afin de pouvoir commander et diriger tout en étant conscient de ses responsabilités.  

Il doit être préparé au travail en équipe, car c'est du travail en équipe que dépendra l'évolution de l'entreprise. Il doit enfin pouvoir exposer clairement un problème et faire des rapports précis faisant ressortir avec beaucoup de réalisme les difficultés rencontrées ainsi que les succès escomptés.  

Les méthodes pédagogiques mises au point en étroite liaison avec les responsables du monde économique de la région de Mulhouse essayent de donner aux étudiants une formation répondant à ces impératifs de la profession. En conséquence, les enseignements comportent :  

a) des enseignements théoriques, donnés par des professeurs de la Faculté des Sciences.

Ils ont pour but de donner à l'étudiant une culture scientifique générale de niveau très élevé. Cette culture ne doit cependant pas être « statique » mais « dynamique ». L'étudiant doit prendre conscience de l'évolution de la science et de ses méthodes intellectuelles. Le cours magistral dans son acception traditionnelle ne répondait pas à ce but. Nous avons ainsi mis au point un type de cours original qui met l'accent plus sur l'évolution que sur les connaissances elles-mêmes. Le cours devient dans un certain sens un dialogue, une discussion où le rôle du professeur consiste à fournir à l'étudiant le cadre général, les méthodes intellectuelles et les données bibliographiques nécessaires. Le travail de l'étudiant devient actif en ce sens qu'il doit compléter le cours par un travail bibliographique personnel important et permanent, d'où nécessité de l'existence d'une bibliothèque importante et d'accès facile. En effet, le travail bibliographique ne doit pas causer de perte de temps. C'est donc tout naturellement que l'organisation interne de la bibliothèque du C.S.U. a dû être pensée. La Direction des Bibliothèques de France, et plus particulièrement Monsieur le Recteur Lelièvre, a compris nos préoccupations. Elle nous a permis, à titre d'essai, l'accès direct des livres. Ainsi la bibliothèque est devenue un organe pédagogique qui donne à l'étudiant le goût du travail bibliographique et la curiosité intellectuelle qui lui permet de se maintenir au courant de l'évolution des méthodes scientifiques et des découvertes techniques et scientifiques. 

Mais si les professeurs de Faculté ont le devoir impérieux de se tenir au courant de l'évolution des sciences et d'y participer, ils ne peuvent cependant pas connaître toutes les applications et mises au point techniques qui s'y rattachent. Il en résulte que l'enseignement théorique, dispensé uniquement par des Professeurs est forcément incomplet, surtout lorsqu'il s'agit de former des jeunes qui se destinent à des professions actives dans l'industrie. Nous avons donc décidé de compléter ces enseignements théoriques en faisant appel à des personnalités hautement qualifiées du monde économique. Ces ingénieurs font des conférences ou des séries de conférences sur des sujets techniques d'avant‑garde tels que : les problèmes de sécurité, le transport d'énergie, la simulation, les ordinateurs, la technologie nucléaire, etc... Ainsi l'étudiant prend conscience de l'importance des applications techniques récentes et de leur évolution probable. Nous pensons ainsi créer un équilibre indispensable dans la formation intellectuelle, équilibre qui constitue un facteur important pour la préparation à l'initiative réfléchie du futur cadre.  

b) des enseignements pratiques très nombreux et variés. 

Leur conception, leur organisation et leur variété méritent qu'on s'y attarde un peu. La mise au point de ces travaux pratiques a exigé de notre part une étude complète du rôle pédagogique de ces enseignements et des moyens pour y parvenir. En effet, par suite de manque de crédits et de personnel durant de longues décades, l'importance de l'enseignement pratique diminua à tel point qu'il fallut forcer les étudiants (signatures et contrôles à l'entrée) à assister à ces T. P. et à remettre en fin d'année, pour avoir le droit de présenter l'examen, un cahier de T. P. Très souvent, ces cahiers de T. P. constituaient des « copies conformes » d'éditions antérieures. Il est évident qu'un enseignement pratique dispensé dans ces conditions n'a plus aucune valeur pédagogique. On peut donc le supprimer. Il n'en reste pas moins vrai que, dans des disciplines expérimentales, un enseignement pratique est absolument nécessaire, surtout lorsqu'il s'agit d'enseignement de Sciences Appliquées.    

Laboratoire de chimie organique

Le premier but était donc de concevoir des travaux pratiques à valeur pédagogique intrinsèque. Pour cela, il fallait éliminer la contrainte extérieure du cahier de signatures et la remplacer par une discipline librement consentie, donc intéresser les étudiants aux travaux pratiques. Comment y sommes‑nous parvenus ? Nous avons utilisé simultanément plusieurs voies :  

1) Choix du matériel :  

Les appareils de mesure confiés aux étudiants sont de qualité recherche: oscillographes à hautes performances (Tektronix et analogues), techniques très modernes (laser, hyperfréquences, photomultiplicateurs, etc ...). L'étudiant est initié au maniement de ces appareils et doit apprendre à lire les notices, les comprendre et le cas échéant les compléter. Cette expérience, qui pouvait paraître osée vu le prix des appareils mis entre les mains des étudiants, a été un succès total. Nous n'avons eu à déplorer aucun dégât matériel important au cours des quatre années de fonctionnement.  

2) Choix des sujets de manipulation :  

L'intérêt des manipulations proposées est tel qu'il ne peut échapper aux étudiants. Voici, à titre d'exemple, quelques sujets: application de l'électronique impulsionnelle aux asservissements, circuits logiques et ordinateurs, le cycle d'hystérèse et ses applications, les variateurs de vitesse, etc... Les sujets proposés sont suffisamment vastes pour obliger l'étudiant à faire une sélection, d'où formation de l'initiative.  

3) Choix des méthodes pédagogiques : 

L'étudiant doit réaliser, dans le domaine proposé, un circuit ou un système de circuits. Il doit choisir le problème à solutionner, concevoir les circuits adaptés, les calculer, les réaliser et les adapter. Un tel travail constitue une véritable étude, censurée par un rapport détaillé. Dans ce rapport, l'étudiant doit, entre autres, justifier le choix du problème ainsi que la solution retenue. Une importance particulière est attribuée à la façon dont les difficultés rencontrées sont décrites puis éliminées. Le rapport est suivi d'une étude de prix de revient. Il est évident qu'un tel travail ne peut être réalisé au cours d'une séance de 3 ou 4 heures. Aussi avons‑nous été amenés à ouvrir l'accès des salles de T. P. en permanence. L'étudiant se trouve donc dans l'obligation d'organiser son travail sur toute la semaine. Mais une semaine est trop courte si on veut exiger d'un étudiant seul tout ce travail. En conséquence, les étudiants sont répartis en groupe de 2 à 3 et ils se partagent le travail, surtout en ce qui concerne la rédaction des rapports. Nous pensons de la sorte favoriser l'initiative dans le domaine pratique et les résultats enregistrés sont très encourageants.    

Chambre thermostatée, équipement de calorimétrie

En conclusion, on peut affirmer que les T. P. au C.S.U. constituent un élément pédagogique important et les buts poursuivis ont été atteints voire dépassés. Une telle organisation pédagogique exige cependant de la part du personnel enseignant un effort permanent de modernisation et d'organisation. Je tiens ici à remercier tous mes collègues pour leur collaboration particulièrement efficace dans ce domaine.  

c) Les enseignements théoriques et pratiques que je viens d'évoquer

 ont lieu dans les bâtiments du C.S.U. 

sous la responsabilité de membres du corps enseignant ou d'ingénieurs. 

Ils donnent aux étudiants une formation intellectuelle théorique et pratique, mais ils ne peuvent pas donner aux étudiants cette formation complémentaire, cette ouverture aux problèmes de l'entreprise, en un mot la formation professionnelle en vue de la profession de cadre. De .nombreux essais de solution à ce problème ont déjà été tentés: stages de tous genres (stages ouvriers, stages de commandement, conférences, etc ...). Les résultats obtenus étaient de façon générale peu encourageants et l'on avait admis en dernier ressort que le cadre devait acquérir cette formation au cours des premières années d'activité professionnelle. Une telle solution nous paraissait cependant peu satisfaisante pour plusieurs raisons. D'abord elle constitue une solution très onéreuse pour l'entreprise qui, souvent à juste titre, estime que c'est elle qui se voit dans l'obligation de former ses cadres. Un deuxième aspect nous a cependant paru plus grave. C'est l'inconvénient qui en résulte pour l'étudiant lui‑même qui, durant toutes ses études, voit un aspect idéal de la profession qu'il a choisi sans en voir la réalité. Au cours des premières années de profession, il se rend souvent compte qu'il n'était pas fait pour devenir cadre technique ou scientifique, mais il est trop tard pour changer d'orientation.  

Pour essayer de remédier à cet inconvénient, nous avons de nouveau fait appel à la collaboration des responsables du monde économique. C'est ainsi qu'est née une commission spécialisée, que nous avons dénommée « Commission des Stages » . Cette commission s'est proposée deux buts: d'abord analyser le problème et ensuite proposer des solutions. 

L'analyse du problème nous a permis de schématiser la formation d'un cadre de la façon suivante: dans un premier stade (temps des études), l'étudiant acquiert la formation intellectuelle scientifique, technique, juridique, économique, etc... indispensable à l'exercice de la profession choisie. Après ce premier stade, le jeune diplômé doit acquérir l'expérience industrielle et se familiariser avec les problèmes de l'entreprise. C'est cette discontinuité dans le temps qui est malheureuse et les stages de vacances constituent un premier essai pour y remédier. La solution proposée par la Commission des Stages est la suivante: il faut essayer par tous les moyens de donner aux étudiants simultanément les deux formations. Deux solutions pratiques furent retenues, basées sur le principe de favoriser durant l'année scolaire les contacts humains entre étudiants et cadres sur place. La première solution nous a été suggérée par l'existence à Mulhouse d'un centre associé au C.N.A.M. Les enseignements dispensés par ce centre associé s'adressent à des personnes exerçant un métier, et qui ont donc l'expérience professionnelle. Par une organisation convenable des horaires respectifs, il a été possible de favoriser des dialogues entre étudiants du C.S.U. et étudiants du C.N.A.M. Les résultats enregistrés furent encourageants et c'est ainsi que nous avons essayé d'approfondir l'expérience en organisant un cours de recyclage d'ingénieurs dans les locaux du C.S.U. plus particulièrement dans les locaux de T. P. où nous avons donc réuni ingénieurs et étudiants devant les mêmes appareils. Il est certain que les contacts établis sont bénéfiques tant pour les étudiants que pour les ingénieurs à recycler.  

Cette première voie est cependant incomplète. En effet, l'étudiant ne quitte pas l'atmosphère caractéristique d'un institut de formation. Nous estimions qu'il fallait mettre l'étudiant en contact direct avec l'atmosphère qui règne dans une entreprise. Cette prise de conscience des problèmes pratiques de la fonction de cadre supérieur ne peut se faire que dans l'usine. Aussi avons‑nous mis sur pied, en étroite collaboration avec le monde économique, un système de « stages industriels de courte durée », répartis sur toute l'année. Chaque étudiant passe ainsi un jour par semaine, pendant 8 à 10 semaines, dans une entreprise où il est pris en charge par un ingénieur qui lui fait prendre conscience de la nature des problèmes posés à l'ingénieur. C'est ainsi que l'étudiant voit comment utiliser les connaissances théoriques, quelles sont les parties importantes et comment les solutions purement techniques sont influencées par le contexte humain, social et économique. Ces stages donnent lieu à des rapports écrits, distribués à l'ensemble des étudiants. 

Je tiens à exprimer ici mes remerciements à tous les responsables industriels qui ont bien voulu accepter cette charge supplémentaire dans l'intérêt d'une formation plus adaptée de nos jeunes.

Enfin, chaque étudiant doit faire, au cours de ses études, des exposés devant les professeurs et ses camarades sur des problèmes d'électronique et d'électrotechnique. La préparation de ces exposés .exige de la part de l'étudiant un travail bibliographique et l'initie de la sorte à la recherche personnelle.    

Laboratoire de chimie organique. Spectroscopie infra-rouge et ultra-violet

d) Reste un dernier aspect : 

La prise de conscience de l'importance du travail en équipe et de la responsabilité individuelle dans l'équipe de travail. Nous avons pensé que le sport était un facteur qui pouvait contribuer efficacement à cette prise de conscience. Nous avons donc favorisé les activités sportives et je tiens à remercier la municipalité qui a tout mis en oeuvre pour nous aider. C'est ainsi que malgré les effectifs réduits (moins de 400 étudiants inscrits au C.S.U.), les diverses équipes sportives du C.S.U. ont disputé environ 100 matches divers au cours de l'année 1965‑1966. Le Ministère de la Jeunesse et des Sports a reconnu cet effort et vient de mettre en chantier un grand gymnase qui contribuera à développer encore davantage ces activités pour le plus grand bien des étudiants.  

5 - La Recherche Scientifique au Collège Scientifique Universitaire de Mulhouse  

La mise en application des méthodes pédagogiques précédemment décrites de façon sommaire, exigeait la présence de laboratoires de recherches. Aussi, dès que le C.S.U. avait intégré ses nouveaux locaux de l'Illberg (janvier 1962), nous avons mis en marche deux laboratoires de recherches.  

Ces laboratoires scientifiques, toujours en voie d'extension, sont provisoirement hébergés dans le bâtiment de travaux pratiques. Ainsi les jeunes licenciés ou agrégés, désireux de poursuivre des études en vue d'un doctorat, peuvent le faire au C.S.U. dans de bonnes conditions. A l'heure actuelle, deux laboratoires fonctionnent :  

Le laboratoire de physique appliquée, placé sous ma direction et qui est subdivisé en deux sections :

- la section électronique, directeur M. Sutter, Maître de Conférence et Professeur au C.N.A.M.

- la section électronique du solide et magnétisme.

Les moyens de recherche existant dans ces laboratoires, importants en eux-mêmes, sont encore augmentés du fait de la collaboration avec les puissants laboratoires de la Faculté des Sciences de Strasbourg.   

 

Le laboratoire de chimie organique, placé sous la direction de M. Streith, Maître de Conférence à la Faculté des Sciences de Strasbourg.  

Si les gros appareils de recherche sont relativement peu nombreux au C.S.U., il n'en reste pas moins que les possibilités de recherche offertes sont intéressantes du fait, d'une part, de la présence de l'Ecole Supérieure de Chimie de Mulhouse, et de la collaboration avec Strasbourg, d'autre part. Ainsi tous les contrôles nécessitant des appareils importants peuvent être réalisés. 

Voyons donc successivement l'activité dans les différentes branches de recherche ainsi que les possibilités nouvelles en cours d'installation ou prévues pour un avenir immédiat.  

Laboratoire d'électronique : chambres à étincelles et générateur de Marx

Le laboratoire de physique appliquée (8 chercheurs) : la section électronique de ce laboratoire est très bien équipée en appareils électroniques de tous types. Elle se propose de réaliser des montages électroniques nouveaux et son activité est donc très variée. Elle s'étend des asservissements les plus divers aux problèmes les plus complexes posés par l'électronique nucléaire.  

Voici à titre d'exemple quelques travaux réalisés :  

-          Stabilisation en température d'une enceinte par effet Peltier,

-          Stabilisation d'une induction magnétique par effet Hall en courant continu et alternatif,

-          Etude d'un convertisseur analogue‑digital,

-          Etude et essais d'un détecteur d'émulsion dans un courant d'eau surchauffée,

-          Etude et réalisation d'un enregistreur électronique automatique des variations de la tension secteur (sur   demande de l'Electricité de France),

-          Etude et réalisation d'un enregistreur automatique des points de Curie ferromagnétiques,

-          Etude et réalisation de chambres à étincelles pour l'étude de trajections de particules nucléaires de faible énergie,

-          Etude de circuits à coïncidences rapides.  

Ces travaux ont été sanctionnés par 6 thèses d'ingénieurs du C.N.A.M. et 3 D.E.S. Par ailleurs 3 thèses de Doctorat d'Etat sont en cours ainsi que 3 nouvelles thèses d'ingénieurs du C.N.A.M.  

Les sujets des études entreprises montrent les grandes possibilités de ce laboratoire, tant dans le domaine de la recherche pure que dans le domaine de l'électronique appliquée. Il peut donc présenter un intérêt certain pour l'industrie de la région, tant par les jeunes chercheurs ou ingénieurs formés, que par les possibilités d'études offertes. Ce laboratoire est appelé à prendre une extension importante dès que les locaux de la 2e tranche seront terminés.  

La section électronique du solide et magnétisme du laboratoire (7 chercheurs) de physique dispose dès maintenant d'un certain nombre d'installations scientifiques importantes. Signalons entre autres :  

-          un spectromètre hyperfréquences permettant l'étude de la résonance paramagnétique électronique dans un domaine de températures allant de la température de l'hélium liquide à plusieurs centaines de degrés centigrades,

-          un goniomètre à rayons X permettant l'étude des structures cristallines,

-          un électro-aimant de 10 tonnes pour l'étude des propriétés magnétiques des ferromagnétiques. Des installations diverses complètent cet équipement: four HF, fours de recuits divers, dilatométrie, métallographie, étude de la structure magnétique, de la résistivité...  

Grand électro-aimant

Les études entreprises concernent l'état solide, soit à l'état monocristallin, soit à l'état très divisé. C'est ainsi que depuis 1962 de nombreuses études ont été réalisées, entre autres :  

-          étude de noirs de carbone par résonance paramagnétique,

-          étude par résonance paramagnétique de certains silicates,

-          étude structurale de graphites et d'argiles,

-          étude de bores de structures variées,

-          étude de l'influence des impuretés sur les propriétés des solides à l'état très divisé,

-          propriétés magnétiques d'alliages ternaires à base de manganèse et d'antimoine,

-          préparation et étude magnétique de monocristaux métalliques,

-          étude de la résistivité à l'aide de courants de Foucault, etc...  

Ces travaux ont été sanctionnés par une thèse de Doctorat d'État et de nombreuses publications. Deux autres thèses d'État sont en voie de finition ainsi qu'une thèse d'ingénieur du C.N.A.M. et deux D.E.S. Si le domaine de recherche de cette section est plus réduit, il n'en reste pas moins qu'elle présente un intérêt certain pour le monde économique par les possibilités nombreuses d'études de matériaux qu'elle offre.  

Le laboratoire de chimie du C.S.U. compte également deux sections :  

Le laboratoire de chimie organique (7 chercheurs) où les travaux sont essentiellement orientés vers les études structurales et les synthèses de substances naturelles nouvelles ainsi que vers les transformations photochimiques de substances aromatiques mésoioniques. Les moyens de la recherche comprennent 'le matériel courant en chimie organique (verrerie et petits appareillages électriques) ainsi que des appareils de physique :  

-          spectrophotomètre infra-rouge,

-          spectrophotomètre ultra-violet,

-          polarimètre,

-          chromatographie en phase gazeuse.  

Le laboratoire de calorimétrie appliquée aux macromolécules (4 chercheurs). Les problèmes étudiés dans ce laboratoire sont entièrement originaux et il a fallu commencer par des études instrumentales très poussées : cryoscopie, diffusion isotherme, étude de chaleurs de dilution, etc... Une chambre thermostatée à grandes performances a également été réalisée.  

Les travaux de ce laboratoire ont été sanctionnés par de nombreuses publications ainsi que par une thèse d'État. Une deuxième thèse de Doctorat d'État sera soutenue incessamment ainsi que trois thèses de Docteur-Ingénieur.  

Ainsi le Collège Scientifique Universitaire, créé en 1958, permet dès maintenant aux jeunes de la région de Mulhouse d'acquérir une formation scientifique de niveau élevé et adaptée aux professions industrielles. Les bourses d'enseignement supérieur ouvrent aux moins fortunés l'accès à des carrières élevées auxquelles ils n'auraient pas pu prétendre avant, vu les frais importants à engager pour la poursuite des études loin de la résidence des parents. Enfin la liaison étroite avec le monde économique a permis de mettre au point des pédagogies adaptées aux professions industrielles de sorte que les jeunes cadres formés puissent s'épanouir plus rapidement dans leur profession.

 

Le Collège Littéraire Universitaire et l'Institut Universitaire de Technologie

En 1963, Mulhouse voit l'ouverture, sous la direction pédagogique de l'Université de Strasbourg, d'enseignements littéraires, hébergés initialement dans les locaux de la Société Industrielle de Mulhouse (S.I.M.), puis dans les locaux municipaux de la Grande Rue. En 1966, le Collège Littéraire Universitaire est officiellement créé et dispense un enseignement d'allemand, d'anglais et de lettres modernes. En 1968, l'Institut Universitaire de Technologie est créé.

 

 

Sources archivistiques