Le
Collège Scientifique Universitaire de
Mulhouse
Essai
de Pédagogie moderne
Article
rédigé par Pierre TAGLANG
Directeur
du C.S.U. et Professeur à la Faculté des
Sciences de Strasbourg
Depuis 1958,
Mulhouse compte un Institut d'Enseignement
Supérieur nouveau. En effet, grâce au
dynamisme d'une équipe mulhousienne, grâce
à la compréhension des autorités ministérielles
ainsi qu'au soutien de la Faculté des
Sciences de Strasbourg, la création d'un
Collège Scientifique Universitaire à
Mulhouse a été décidée.
Ouvert
dès la rentrée 1958, cet Institut de la
Faculté des Sciences de Strasbourg a été
hébergé dans des locaux provisoires mis
aimablement à la disposition de l'Éducation
Nationale en attendant la réalisation des
locaux définitifs de l'Illberg dont l'étude
et la conception ont débuté dès 1959.
Vue
d'ensemble du C.S.U.
De gauche à droite :
amphithéâtre, T.P. physiques, labo
extérieur de chimie.
Ainsi
il y a à l'origine de la création de cet
institut une volonté clairement exprimée
par les responsables locaux, tant du monde
économique que des collectivités
locales. Cette volonté n'est pas restée
passive et les nombreuses aides matérielles
consenties (don de terrains, réservation
de logement pour le personnel, etc.) ainsi
que le soutien moral permanent rencontré
ont été pour moi un encouragement
constant pour essayer de faire du C.S.U.
un Institut d'Enseignement Supérieur
largement ouvert sur une collaboration
permanente.
1
- Les Collèges Scientifiques
Universitaires
Mais
avant de voir la réalisation
mulhousienne, il serait peut-être utile
de se faire une idée générale de ce
qu'est un Collège Scientifique
Universitaire (C.S.U.). Le terme a été
employé pour la première fois par le
M.N.D.S. (Mouvement National pour le Développement
des Sciences), qui, prenant conscience des
difficultés qui résulteront de la poussée
démographique lorsque celle-ci atteindra
l'Enseignement Supérieur, proposa de décentraliser
l'Enseignement Supérieur scientifique
afin de lui donner plus d'efficacité,
surtout au niveau propédeutique. Il suggéra
donc de créer dans les cités importantes
des Instituts préparant les jeunes
bacheliers aux 3 Certificats d'Études Supérieures
(C.E.S.) préparatoires à la licence ès
sciences.
La
Direction de l'Enseignement Supérieur, et
plus particulièrement MM. les Directeurs
Berger et Donzelot reprirent cette idée,
et, pour permettre la réalisation de
C.S.U., en donnèrent un programme pédagogique :
1) Les Collèges
Scientifiques Universitaires sont placés
sous la direction d'un professeur de
Faculté.
2)
L'enseignement donné dans les C.S.U. est
un enseignement supérieur dispensé par
un personnel hautement qualifié relevant
de l'Enseignement supérieur.
3)
Afin de
permettre le recrutement de ce personnel,
la création de laboratoires de recherche
fut prévue dans tous les C.S.U.
4)
Dans ces
conditions et pour permettre le
recrutement de jeunes chercheurs, le
principe d'une extension des enseignements
aux certificats de licence proprement dits
fut prévu. La création de tels
certificats de niveau supérieur ne peut
se faire qu'après accord de la Faculté-mère.
C'est
en partant de ces principes que fut élaboré
le programme pédagogique type qui servit
de base aux constructions, en particulier
celles de l'Illberg.
2
- Les installations du Collège
Scientifique Universitaire de l'Illberg
La
première tranche des constructions du
C.S.U. à l'Illberg est terminée depuis
1964. On peut affirmer sans exagérer que
l'ensemble est une belle réussite, tant
du point de vue architectural que du point
de vue fonctionnel. Je profite de
l'occasion qui m'est offerte pour
remercier les architectes, MM. Lods,
Depondt et R. Meyer ainsi que les représentants
du Ministère de la Construction, MM.
Richard et Grange, pour tous les efforts
consentis pour mener à bien cette réalisation.
La construction elle-même s'est avérée
très difficile par suite de la nature des
terrains. Par ailleurs, la complexité du
projet lui-même a posé de sérieux problèmes
aux entreprises qui l'ont réalisé. Elles
ont cependant, grâce à l'esprit d'équipe
que les architectes ont su créer, surmonté
toutes les difficultés et la réalisation
de l'Illberg avec ses installations
techniques en rend témoignage. Que toutes
les entreprises trouvent ici l'expression
de mes remerciements.
Le
projet définitif comprend 4 bâtiments,
correspondants aux 4 fonctions principales
de tout enseignement supérieur. Trois de
ces bâtiments sont terminés, à savoir :
1)
Le
premier, désigné sous le nom « Bâtiment
travaux pratiques » comprend l'ensemble
des locaux destinés aux travaux pratiques
de physique et de chimie ainsi que les
locaux annexes : salles de préparation,
salles de collection, chambres noires et
ateliers divers. Les
étudiants, répartis en groupes (40 à 48
pour le 1er cycle et 20 à 25 pour le
second cycle), travaillent librement sous
la direction des assistants et maîtres
assistants. C'est ainsi que cinq salles
sont affectées aux travaux pratiques de
physique et d'électronique et deux salles
aux travaux pratiques de chimie. Tous les
autres locaux sont utilisés pour la
recherche scientifique (électronique,
physique du solide, chimie physique et
chimie organique).
2)
Le deuxième
bâtiment, présenté à Monsieur le
Recteur le 6 février 1964, comporte trois
amphithéâtres fonctionnels de 470 et 240
places. Tous les enseignements magistraux
ont lieu dans ces amphithéâtres très
heureusement conçus. Signalons en passant
que ces amphithéâtres sont aussi utilisés
le soir pour les cours du Conservatoire
National des Arts et Métiers et, dans
l'avenir, ils pourront être mis à la
disposition de tout organisme culturel ou
scientifique (congrès scientifiques,
cours de vacances ou de recyclage, etc.),
dans la mesure où les enseignements
propres au C.S.U. le permettront.
Le
grand amphithéâtre
3)
Le dernier bâtiment,
terminé tout récemment, comporte
essentiellement la bibliothèque avec ses
annexes, des bureaux de professeurs ainsi
que des salles de travail pour les étudiants.
Tous
les locaux terminés sont ainsi, dès
maintenant, entièrement utilisés et
certaines activités pédagogiques ont dû
être organisées à l'extérieur (École
des Mines de Pulversheim, École Supérieure
des Industries Textiles, Lycée Technique
d'État, par exemple) afin de laisser un
minimum de locaux pour la recherche
scientifique.
Dans l'avenir, que
nous espérons rapproché, un quatrième bâtiment,
le bâtiment « Recherches », viendra
compléter cet ensemble. Ce bâtiment sur
quatre niveaux de plus de 100 m de long, hébergera,
en plus des divers laboratoires,
l'ensemble de l'administration du C.S.U.
Tous
ces bâtiments, de conception
architecturale très sobre mais
fonctionnelle, sont caractérisés par des
équipements techniques très complets
d'une part (distribution d'eau, gaz, électricité,
vide, air comprimé et azote comprimé
dans tous les locaux), et très souples
d'autre part (cloisons mobiles, locaux
climatisés ou thermostatés, par
exemple).
3
- Programmes du Collège
Scientifique Universitaire
Après
avoir fait le tour des bâtiments de l'Illberg,
voyons maintenant ce qu'on y enseigne et
comment ont lieu les divers enseignements.
A l'heure actuelle, le C.S.U. est autorisé
à dispenser les enseignements suivants :
a)
Enseignements du 1er cycle: Mathématiques
et Physique (M.P.), Physique et Chimie
(P.C.)
Le nombre d'étudiants
inscrits en premier cycle oscille autour
de 200. Pour être admis à prendre une
inscription en vue d'un Diplôme
Universitaire d'Études Scientifiques
(D.U.E.S.), l'étudiant doit être
titulaire du baccalauréat complet ou d'un
titre reconnu équivalent (examen spécial
d'entrée en Faculté des Sciences, Diplôme
de technicien supérieur, etc.).
Les étudiants
de 1ère année M.P. suivent 7 heures 30
de cours théoriques et 12 heures 30
d'enseignements pratiques. L'enseignement
des mathématiques est largement prédominant.
Les étudiants
de 1 ère année P.C. suivent 7 heures 30 de
cours théoriques et 12 heures 30
d'enseignements pratiques répartis à peu
près uniformément entre les trois
disciplines scientifiques: mathématiques,
physique et chimie.
Une
importance particulière est donnée aux
travaux pratiques. L'étudiant apprend à
faire des mesures précises, des analyses
exactes à l'aide d'appareils modernes, de
qualité « recherche ». Ces
manipulations, d'un niveau élevé,
permettent aux étudiants de se rendre
compte des connaissances assimilées.
Chaque manipulation donne lieu à un procès
verbal rédigé pendant la séance,
soigneusement corrigé et commenté par
les assistants et les maîtres assistants.
Ainsi
l'étudiant acquiert nécessairement, à côté
des connaissances théoriques, une expérience
pratique qui le prépare au travail de
laboratoire qui prend de plus en plus
d'importance dans les professions de la
vie moderne. Il est en même temps préparé
à affronter avec le maximum de chances les
études en vue du 2e cycle, et plus spécialement
la licence ès Sciences appliquées d'électronique
que le C.S.U. de Mulhouse est autorisé à
délivrer.
Laboratoire
de physique du solide : mesure de
diffraction de rayons X
b)
Licence
ès Sciences Appliquées, option électronique
Depuis
la rentrée 1962-63, le C.S.U. de
Mulhouse est autorisé à dispenser les
enseignements en vue de la licence ès
Sciences Appliquées d'électronique. Ces
licences ès Sciences Appliquées ont été
créées par décret du 5 mai 1961. Elles
ont essentiellement pour but la formation
des cadres supérieurs de l'Industrie.
Leurs titulaires peuvent aussi postuler
des postes d'enseignement. Ils peuvent
aussi poursuivre leurs études en vue d'un
Diplôme d'Études Approfondies (D.E.A.),
d'un doctorat de spécialité ou même
d'un Doctorat d'État.
Les
études durent théoriquement deux ans et
sont accessibles aux étudiants titulaires
de l'ancien certificat de propédeutique.
Au cours de la première année d'études,
les étudiants du C.S.U. de Mulhouse
suivent les enseignements en vue du
.Certificat de Technologie Electronique et
du C.E.S. d'Électricité. Les étudiants
reçus à ces deux certificats peuvent arrêter
leurs études. Ils seront titulaires du
Diplôme d'Études Supérieures Techniques
(D.E.S.T.) après un stage de 9 mois dans
l'industrie. Ce stage est placé sous
l'autorité d'un ingénieur responsable.
En fin de stage, l'étudiant doit faire un
rapport détaillé sur son activité et
l'ingénieur donne son avis sur les compétences
techniques du candidat ainsi que sur son
comportement humain dans l'entreprise. La
deuxième année comporte les C.E.S. d'électronique,
d'électrotechnique et de
chimie‑physique. Signalons cependant
que cette organisation des études sur
deux ans est purement théorique et,
pratiquement, il faut compter trois ans d'études
pour la licence complète.
Laboratoire
de physique du solide, résonance
paramagnétique électrique
4
- Méthodes pédagogiques
L'origine
du C.S.U., due à la volonté active de
toute une population, la situation géographique
exceptionnelle à proximité immédiate de
deux universités germanophones et enfin
le caractère sociologique très
particulier de la ville de Mulhouse ont
amené les responsables de la cité et les
professeurs du C.S.U. à entreprendre en
parfaite union une étude de méthodes pédagogiques
adaptées au monde actuel. Par ailleurs,
Monsieur le Recteur Bayen, alors Directeur
Général Adjoint des Enseignements Supérieurs,
m'a dit lors d'une audience qui a précédé
de peu ma nomination à Mulhouse : «
Le sport peut avoir deux buts
essentiellement différents: la recherche
des performances ou le maintien en forme
physique de l'organisme. Pour
l'enseignement supérieur, une alternative
analogue existe: la recherche de
performances intellectuelles brillantes
souvent éphémères ou la formation
intellectuelle et humaine profonde et
durable qui préparera les hommes
indispensables à la France de demain. Je
vous en prie, essayez de réaliser le
deuxième but ». C'est ainsi que j'ai
rencontré dès mon arrivée à Mulhouse,
des conditions extrêmement favorables
pour tenter la mise au point d'une pédagogie
nouvelle adaptée à la région. Encore
fallait-il en définir le cadre. La
création des enseignements de Sciences
Appliquées, de structure beaucoup moins
rigide que les enseignements supérieurs
traditionnels constitua pour Mulhouse une
chance inespérée. Et c'est donc tout
naturellement que le C.S.U. de Mulhouse se
lança dans cette voie grâce au soutien
permanent de la Faculté des Sciences de
Strasbourg et à l'action efficace de ses
Doyens, M. Maresquelle, M. Millot et M.
Vivien. Dès 1961, des Commissions mixtes
réunissant des responsables économiques
et des professeurs ont essayé d'élaborer
des programmes et des méthodes pédagogiques.
Le choix de la discipline fut la première
préoccupation. C'est l'électronique qui
fut retenue, d'abord parce que l'existence
d'un centre de formation d'électroniciens
de haut niveau constitue un facteur de développement
économique certain et que d'autre part
les besoins en électroniciens de haut
niveau sur le plan national étaient loin
d'être satisfaits. Restait à définir la
pédagogie. Et c'est dans ce domaine que
le dialogue Université‑Industrie
est le plus nécessaire, mais aussi le
plus difficile à réaliser. En effet, à
quoi sert de former des jeunes, que ce
soit dans les facultés ou dans les
grandes Écoles, si les responsables du
monde économique ne reconnaissent pas
cette formation ou émettent de sévères
jugements à son égard ? L'expérience de
Mulhouse a montré que le dialogue et la
collaboration dans le domaine de la pédagogie
étaient possibles et très efficaces, et
je tiens ici à rendre hommage à tous
ceux qui ont oeuvré dans ce sens, tout spécialement
au regretté sénateur Charles Stoessel
qui fut l'un des grands promoteurs de ce
dialogue avec Monsieur le Maire Emile
Muller. La première question qui se
posait et dont dépendait toute
l'organisation ultérieure, était de
savoir ce que l'industriel attendait d'un
jeune cadre. Les réponses des
responsables économiques peuvent se résumer
comme suit :
Le
jeune cadre doit avoir une éducation et
une formation lui donnant le sens des
problèmes, qu'ils soient économiques,
scientifiques, techniques, ou humains et
sociaux. Il doit avoir de l'initiative et
être au courant des diverses techniques
de sa spécialité ainsi que de leur évolution
afin de pouvoir commander et diriger tout
en étant conscient de ses responsabilités.
Il
doit être préparé au travail en équipe,
car c'est du travail en équipe que dépendra
l'évolution de l'entreprise. Il doit
enfin pouvoir exposer clairement un problème
et faire des rapports précis faisant
ressortir avec beaucoup de réalisme les
difficultés rencontrées ainsi que les
succès escomptés.
Les
méthodes pédagogiques mises au point en
étroite liaison avec les responsables du
monde économique de la région de
Mulhouse essayent de donner aux étudiants
une formation répondant à ces impératifs
de la profession. En conséquence, les
enseignements comportent :
a)
des enseignements théoriques, donnés par
des professeurs de la Faculté des
Sciences.
Ils ont pour but de donner à l'étudiant
une culture scientifique générale de
niveau très élevé. Cette culture ne
doit cependant pas être « statique »
mais « dynamique ». L'étudiant doit
prendre conscience de l'évolution de la
science et de ses méthodes
intellectuelles. Le cours magistral dans
son acception traditionnelle ne répondait
pas à ce but. Nous avons ainsi mis au
point un type de cours original qui met
l'accent plus sur l'évolution que sur les
connaissances elles-mêmes. Le cours
devient dans un certain sens un dialogue,
une discussion où le rôle du professeur
consiste à fournir à l'étudiant le
cadre général, les méthodes
intellectuelles et les données
bibliographiques nécessaires. Le travail
de l'étudiant devient actif en ce sens
qu'il doit compléter le cours par un
travail bibliographique personnel
important et permanent, d'où nécessité
de l'existence d'une bibliothèque
importante et d'accès facile. En effet,
le travail bibliographique ne doit pas
causer de perte de temps. C'est donc tout
naturellement que l'organisation interne
de la bibliothèque du C.S.U. a dû être
pensée. La Direction des Bibliothèques
de France, et plus particulièrement
Monsieur le Recteur Lelièvre, a compris
nos préoccupations. Elle nous a permis,
à titre d'essai, l'accès direct des
livres. Ainsi la bibliothèque est
devenue un organe pédagogique qui donne
à l'étudiant le goût du travail
bibliographique et la curiosité
intellectuelle qui lui permet de se
maintenir au courant de l'évolution des méthodes
scientifiques et des découvertes
techniques et scientifiques.
Mais
si les professeurs de Faculté ont le
devoir impérieux de se tenir au courant
de l'évolution des sciences et d'y
participer, ils ne peuvent cependant pas
connaître toutes les applications et
mises au point techniques qui s'y
rattachent. Il en résulte que
l'enseignement théorique, dispensé
uniquement par des Professeurs est forcément
incomplet, surtout lorsqu'il s'agit de
former des jeunes qui se destinent à des
professions actives dans l'industrie. Nous
avons donc décidé de compléter ces
enseignements théoriques en faisant appel
à des personnalités hautement qualifiées
du monde économique. Ces ingénieurs font
des conférences ou des séries de conférences
sur des sujets techniques
d'avant‑garde tels que : les problèmes
de sécurité, le transport d'énergie, la
simulation, les ordinateurs, la
technologie nucléaire, etc... Ainsi l'étudiant
prend conscience de l'importance des
applications techniques récentes et de
leur évolution probable. Nous pensons
ainsi créer un équilibre indispensable
dans la formation intellectuelle, équilibre
qui constitue un facteur important pour la
préparation à l'initiative réfléchie
du futur cadre.
b)
des
enseignements pratiques très nombreux et
variés.
Leur conception, leur
organisation et leur variété méritent
qu'on s'y attarde un peu. La mise au point
de ces travaux pratiques a exigé de notre
part une étude complète du rôle pédagogique
de ces enseignements et des moyens pour y
parvenir. En effet, par suite de manque de
crédits et de personnel durant de longues
décades, l'importance de l'enseignement
pratique diminua à tel point qu'il fallut
forcer les étudiants (signatures et contrôles
à l'entrée) à assister à ces T. P. et
à remettre en fin d'année, pour avoir le
droit de présenter l'examen, un cahier de
T. P. Très souvent, ces cahiers de T. P.
constituaient des « copies conformes »
d'éditions antérieures. Il est évident
qu'un enseignement pratique dispensé dans
ces conditions n'a plus aucune valeur pédagogique.
On peut donc le supprimer. Il n'en reste
pas moins vrai que, dans des disciplines
expérimentales, un enseignement pratique
est absolument nécessaire, surtout
lorsqu'il s'agit d'enseignement de
Sciences Appliquées.
Laboratoire
de chimie organique
Le
premier but était donc de concevoir des
travaux pratiques à valeur pédagogique
intrinsèque. Pour cela, il fallait éliminer
la contrainte extérieure du cahier de
signatures et la remplacer par une
discipline librement consentie, donc intéresser
les étudiants aux travaux pratiques.
Comment y sommes‑nous parvenus ?
Nous avons utilisé simultanément
plusieurs voies :
1)
Choix du matériel :
Les
appareils de mesure confiés aux étudiants
sont de qualité recherche: oscillographes
à hautes performances (Tektronix et
analogues), techniques très modernes
(laser, hyperfréquences,
photomultiplicateurs, etc ...). L'étudiant
est initié au maniement de ces appareils
et doit apprendre à lire les notices, les
comprendre et le cas échéant les compléter.
Cette expérience, qui pouvait paraître
osée vu le prix des appareils mis entre
les mains des étudiants, a été un succès
total. Nous n'avons eu à déplorer aucun
dégât matériel important au cours des
quatre années de fonctionnement.
2)
Choix des
sujets de manipulation :
L'intérêt
des manipulations proposées est tel qu'il
ne peut échapper aux étudiants. Voici,
à titre d'exemple, quelques sujets:
application de l'électronique
impulsionnelle aux asservissements,
circuits logiques et ordinateurs, le cycle
d'hystérèse et ses applications, les
variateurs de vitesse, etc... Les sujets
proposés sont suffisamment vastes pour
obliger l'étudiant à faire une sélection,
d'où formation de l'initiative.
3) Choix des méthodes pédagogiques :
L'étudiant
doit réaliser, dans le domaine proposé,
un circuit ou un système de circuits. Il
doit choisir le problème à solutionner,
concevoir les circuits adaptés, les
calculer, les réaliser et les adapter. Un
tel travail constitue une véritable étude,
censurée par un rapport détaillé. Dans
ce rapport, l'étudiant doit, entre
autres, justifier le choix du problème
ainsi que la solution retenue. Une
importance particulière est attribuée à
la façon dont les difficultés rencontrées
sont décrites puis éliminées. Le
rapport est suivi d'une étude de prix de
revient. Il
est évident qu'un tel travail ne peut être
réalisé au cours d'une séance de 3 ou 4
heures. Aussi avons‑nous été amenés
à ouvrir l'accès des salles de T. P. en
permanence. L'étudiant se trouve donc
dans l'obligation d'organiser son travail
sur toute la semaine. Mais une semaine est
trop courte si on veut exiger d'un étudiant
seul tout ce travail. En conséquence, les
étudiants sont répartis en groupe de 2
à 3 et ils se partagent le travail,
surtout en ce qui concerne la rédaction
des rapports. Nous pensons de la sorte
favoriser l'initiative dans le domaine
pratique et les résultats enregistrés
sont très encourageants.
Chambre
thermostatée, équipement de
calorimétrie
En
conclusion, on peut affirmer que les T. P.
au C.S.U. constituent un élément pédagogique
important et les buts poursuivis ont été
atteints voire dépassés. Une telle
organisation pédagogique exige cependant
de la part du personnel enseignant un
effort permanent de modernisation et
d'organisation. Je tiens ici à remercier
tous mes collègues pour leur
collaboration particulièrement efficace
dans ce domaine.
c)
Les
enseignements théoriques et pratiques que
je viens d'évoquer
ont lieu dans les bâtiments
du C.S.U.
sous la responsabilité de
membres du corps enseignant ou d'ingénieurs.
Ils donnent aux étudiants une formation
intellectuelle théorique et pratique,
mais ils ne peuvent pas donner aux étudiants
cette formation complémentaire, cette
ouverture aux problèmes de l'entreprise,
en un mot la formation professionnelle en
vue de la profession de cadre. De
.nombreux essais de solution à ce problème
ont déjà été tentés: stages de tous
genres (stages ouvriers, stages de
commandement, conférences, etc ...). Les
résultats obtenus étaient de façon générale
peu encourageants et l'on avait admis en
dernier ressort que le cadre devait acquérir
cette formation au cours des premières
années d'activité professionnelle. Une
telle solution nous paraissait cependant
peu satisfaisante pour plusieurs raisons.
D'abord elle constitue une solution très
onéreuse pour l'entreprise qui, souvent
à juste titre, estime que c'est elle qui
se voit dans l'obligation de former ses
cadres. Un deuxième aspect nous a
cependant paru plus grave. C'est l'inconvénient
qui en résulte pour l'étudiant
lui‑même qui, durant toutes ses études,
voit un aspect idéal de la profession
qu'il a choisi sans en voir la réalité.
Au cours des premières années de
profession, il se rend souvent compte
qu'il n'était pas fait pour devenir cadre
technique ou scientifique, mais il est
trop tard pour changer d'orientation.
Pour essayer
de remédier à cet inconvénient, nous
avons de nouveau fait appel à la
collaboration des responsables du monde économique.
C'est ainsi qu'est née une commission spécialisée,
que nous avons dénommée « Commission
des Stages » . Cette commission s'est
proposée deux buts: d'abord analyser le
problème et ensuite proposer des
solutions.
L'analyse
du problème nous a permis de schématiser
la formation d'un cadre de la façon
suivante: dans un premier stade (temps des
études), l'étudiant acquiert la
formation intellectuelle scientifique,
technique, juridique, économique, etc...
indispensable à l'exercice de la
profession choisie. Après ce premier
stade, le jeune diplômé doit acquérir
l'expérience industrielle et se
familiariser avec les problèmes de
l'entreprise. C'est cette discontinuité
dans le temps qui est malheureuse et les
stages de vacances constituent un premier
essai pour y remédier. La solution proposée
par la Commission des Stages est la
suivante: il faut essayer par tous les
moyens de donner aux étudiants simultanément
les deux formations. Deux solutions
pratiques furent retenues, basées sur le
principe de favoriser durant l'année
scolaire les contacts humains entre étudiants
et cadres sur place. La première solution
nous a été suggérée par l'existence à
Mulhouse d'un centre associé au C.N.A.M.
Les enseignements dispensés par ce centre
associé s'adressent à des personnes exerçant
un métier, et qui ont donc l'expérience
professionnelle. Par une organisation
convenable des horaires respectifs, il a
été possible de favoriser des dialogues
entre étudiants du C.S.U. et étudiants
du C.N.A.M. Les résultats enregistrés
furent encourageants et c'est ainsi que
nous avons essayé d'approfondir l'expérience
en organisant un cours de recyclage d'ingénieurs
dans les locaux du C.S.U. plus particulièrement
dans les locaux de T. P. où nous avons
donc réuni ingénieurs et étudiants
devant les mêmes appareils. Il est
certain que les contacts établis sont bénéfiques
tant pour les étudiants que pour les ingénieurs
à recycler.
Cette première
voie est cependant incomplète. En effet,
l'étudiant ne quitte pas l'atmosphère
caractéristique d'un institut de
formation. Nous estimions qu'il fallait
mettre l'étudiant en contact direct avec
l'atmosphère qui règne dans une
entreprise. Cette prise de conscience des
problèmes pratiques de la fonction de
cadre supérieur ne peut se faire que dans
l'usine. Aussi avons‑nous mis sur
pied, en étroite collaboration avec le
monde économique, un système de «
stages industriels de courte durée », répartis
sur toute l'année. Chaque étudiant passe
ainsi un jour par semaine, pendant 8 à 10
semaines, dans une entreprise où il est
pris en charge par un ingénieur qui lui
fait prendre conscience de la nature des
problèmes posés à l'ingénieur. C'est
ainsi que l'étudiant voit comment
utiliser les connaissances théoriques,
quelles sont les parties importantes et
comment les solutions purement techniques
sont influencées par le contexte humain,
social et économique. Ces stages donnent
lieu à des rapports écrits, distribués
à l'ensemble des étudiants.
Je
tiens à exprimer ici mes remerciements à
tous les responsables industriels qui ont
bien voulu accepter cette charge supplémentaire
dans l'intérêt d'une formation plus
adaptée de nos jeunes.
Enfin,
chaque étudiant doit faire, au cours de
ses études, des exposés devant les
professeurs et ses camarades sur des problèmes
d'électronique et d'électrotechnique. La
préparation de ces exposés .exige de la
part de l'étudiant un travail
bibliographique et l'initie de la sorte à
la recherche personnelle.
Laboratoire
de chimie organique. Spectroscopie
infra-rouge et ultra-violet
d)
Reste un
dernier aspect :
La prise de conscience de
l'importance du travail en équipe et de
la responsabilité individuelle dans l'équipe
de travail. Nous avons pensé que le sport
était un facteur qui pouvait contribuer
efficacement à cette prise de conscience.
Nous avons donc favorisé les activités
sportives et je tiens à remercier la
municipalité qui a tout mis en oeuvre
pour nous aider. C'est ainsi que malgré
les effectifs réduits (moins de 400 étudiants
inscrits au C.S.U.), les diverses équipes
sportives du C.S.U. ont disputé environ
100 matches divers au cours de l'année
1965‑1966. Le Ministère de la
Jeunesse et des Sports a reconnu cet
effort et vient de mettre en chantier un
grand gymnase qui contribuera à développer
encore davantage ces activités pour le
plus grand bien des étudiants.
5
- La Recherche Scientifique au Collège
Scientifique Universitaire de Mulhouse
La
mise en application des méthodes pédagogiques
précédemment décrites de façon
sommaire, exigeait la présence de
laboratoires de recherches. Aussi, dès
que le C.S.U. avait intégré ses nouveaux
locaux de l'Illberg (janvier 1962), nous
avons mis en marche deux laboratoires de
recherches.
Ces
laboratoires scientifiques, toujours en
voie d'extension, sont provisoirement hébergés
dans le bâtiment de travaux pratiques.
Ainsi les jeunes licenciés ou agrégés,
désireux de poursuivre des études en vue
d'un doctorat, peuvent le faire au C.S.U.
dans de bonnes conditions. A l'heure
actuelle, deux laboratoires fonctionnent :
Le laboratoire de physique appliquée, placé
sous ma direction et qui est subdivisé en
deux sections :
-
la
section électronique, directeur M. Sutter,
Maître de Conférence et Professeur au
C.N.A.M.
-
la
section électronique du solide et magnétisme.
Les moyens
de recherche existant dans ces
laboratoires, importants en eux-mêmes,
sont encore augmentés du fait de la
collaboration avec les puissants
laboratoires de la Faculté des Sciences
de Strasbourg.
Le
laboratoire de chimie organique, placé
sous la direction de M. Streith, Maître
de Conférence à la Faculté des Sciences
de Strasbourg.
Si les gros
appareils de recherche sont relativement
peu nombreux au C.S.U., il n'en reste pas
moins que les possibilités de recherche
offertes sont intéressantes du fait,
d'une part, de la présence de l'Ecole Supérieure
de Chimie de Mulhouse, et de la
collaboration avec Strasbourg, d'autre
part. Ainsi tous les contrôles nécessitant
des appareils importants peuvent être réalisés.
Voyons
donc successivement l'activité dans les
différentes branches de recherche ainsi
que les possibilités nouvelles en cours
d'installation ou prévues pour un avenir
immédiat.
Laboratoire
d'électronique : chambres à étincelles
et générateur de Marx
Le
laboratoire de physique appliquée (8
chercheurs) : la section électronique de
ce laboratoire est très bien équipée en
appareils électroniques de tous types.
Elle se propose de réaliser des montages
électroniques nouveaux et son activité
est donc très variée. Elle s'étend des
asservissements les plus divers aux problèmes
les plus complexes posés par l'électronique
nucléaire.
Voici
à titre d'exemple quelques travaux réalisés :
-
Stabilisation en température d'une
enceinte par effet Peltier,
-
Stabilisation d'une induction magnétique
par effet Hall en courant continu et
alternatif,
-
Etude d'un convertisseur
analogue‑digital,
-
Etude et essais d'un détecteur d'émulsion
dans un courant d'eau surchauffée,
-
Etude et réalisation d'un enregistreur électronique
automatique des variations de la tension
secteur (sur demande de l'Electricité de
France),
-
Etude et réalisation d'un enregistreur
automatique des points de Curie ferromagnétiques,
-
Etude et réalisation de chambres à étincelles
pour l'étude de trajections de particules
nucléaires de faible énergie,
-
Etude de circuits à coïncidences
rapides.
Ces
travaux ont été sanctionnés par 6 thèses
d'ingénieurs du C.N.A.M. et 3 D.E.S. Par
ailleurs 3 thèses de Doctorat d'Etat sont
en cours ainsi que 3 nouvelles thèses
d'ingénieurs du C.N.A.M.
Les
sujets des études entreprises montrent
les grandes possibilités de ce
laboratoire, tant dans le domaine de la
recherche pure que dans le domaine de l'électronique
appliquée. Il peut donc présenter un intérêt
certain pour l'industrie de la région,
tant par les jeunes chercheurs ou ingénieurs
formés, que par les possibilités d'études
offertes. Ce laboratoire est appelé à
prendre une extension importante dès que
les locaux de la 2e tranche seront terminés.
La
section électronique du solide et magnétisme
du laboratoire (7 chercheurs) de physique
dispose dès maintenant d'un certain
nombre d'installations scientifiques
importantes. Signalons entre autres :
-
un spectromètre hyperfréquences
permettant l'étude de la résonance
paramagnétique électronique dans un
domaine de températures allant de la température
de l'hélium liquide à plusieurs
centaines de degrés centigrades,
-
un goniomètre à rayons X permettant l'étude
des structures cristallines,
-
un électro-aimant de 10 tonnes pour
l'étude des propriétés magnétiques des
ferromagnétiques. Des installations
diverses complètent cet équipement: four
HF, fours de recuits divers, dilatométrie,
métallographie, étude de la structure
magnétique, de la résistivité...
Grand
électro-aimant
Les
études entreprises concernent l'état
solide, soit à l'état monocristallin,
soit à l'état très divisé. C'est ainsi
que depuis 1962 de nombreuses études ont
été réalisées, entre autres :
-
étude de noirs de carbone par résonance
paramagnétique,
-
étude par résonance paramagnétique de
certains silicates,
-
étude structurale de graphites et
d'argiles,
-
étude de bores de structures variées,
-
étude de l'influence des impuretés sur
les propriétés des solides à l'état très
divisé,
-
propriétés magnétiques d'alliages
ternaires à base de manganèse et
d'antimoine,
-
préparation et étude magnétique de
monocristaux métalliques,
-
étude de la résistivité à l'aide de
courants de Foucault, etc...
Ces
travaux ont été sanctionnés par une thèse
de Doctorat d'État et de nombreuses
publications. Deux autres thèses d'État
sont en voie de finition ainsi qu'une thèse
d'ingénieur du C.N.A.M. et deux D.E.S. Si
le domaine de recherche de cette section
est plus réduit, il n'en reste pas moins
qu'elle présente un intérêt certain
pour le monde économique par les
possibilités nombreuses d'études de matériaux
qu'elle offre.
Le
laboratoire de chimie du C.S.U. compte également
deux sections :
Le
laboratoire de chimie organique (7
chercheurs) où les travaux sont
essentiellement orientés vers les études
structurales et les synthèses de
substances naturelles nouvelles ainsi que
vers les transformations photochimiques de
substances aromatiques mésoioniques. Les
moyens de la recherche comprennent 'le matériel
courant en chimie organique (verrerie et
petits appareillages électriques) ainsi
que des appareils de physique :
-
spectrophotomètre infra-rouge,
-
spectrophotomètre ultra-violet,
-
polarimètre,
-
chromatographie en phase gazeuse.
Le
laboratoire de calorimétrie appliquée
aux macromolécules (4 chercheurs). Les
problèmes étudiés dans ce laboratoire
sont entièrement originaux et il a fallu
commencer par des études instrumentales
très poussées : cryoscopie, diffusion
isotherme, étude de chaleurs de dilution,
etc... Une chambre thermostatée à
grandes performances a également été réalisée.
Les
travaux de ce laboratoire ont été
sanctionnés par de nombreuses
publications ainsi que par une thèse d'État.
Une deuxième thèse de Doctorat d'État
sera soutenue incessamment ainsi que trois
thèses de Docteur-Ingénieur.
Ainsi le Collège Scientifique
Universitaire, créé en 1958, permet dès
maintenant aux jeunes de la région de
Mulhouse d'acquérir une formation
scientifique de niveau élevé et adaptée
aux professions industrielles. Les bourses
d'enseignement supérieur ouvrent aux
moins fortunés l'accès à des carrières
élevées auxquelles ils n'auraient pas pu
prétendre avant, vu les frais importants
à engager pour la poursuite des études
loin de la résidence des parents. Enfin
la liaison étroite avec le monde économique
a permis de mettre au point des pédagogies
adaptées aux professions industrielles de
sorte que les jeunes cadres formés
puissent s'épanouir plus rapidement dans
leur profession.

Le
Collège Littéraire Universitaire
et l'Institut
Universitaire de Technologie
En
1963, Mulhouse
voit l'ouverture, sous la direction pédagogique
de l'Université de Strasbourg,
d'enseignements littéraires, hébergés
initialement dans les locaux de la Société
Industrielle de Mulhouse (S.I.M.), puis
dans les locaux municipaux de la Grande
Rue. En 1966, le Collège Littéraire
Universitaire est officiellement créé et
dispense un enseignement d'allemand,
d'anglais et de lettres modernes. En 1968,
l'Institut Universitaire de Technologie
est créé.
Sources
archivistiques

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