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Chapitre I : un contexte socio-politique et économique sinueux 

Au XIXe siècle, c'est par l'industrie textile et ses activités dérivées, la chimie, le papier peint, la construction mécanique et le dessin avec la lithographie et la photographie que Mulhouse et la Haute-Alsace affirment leur suprématie.

11. Une puissante mais vulnérable industrie textile

En dépit des inconvénients que présentaient Mulhouse et sa région à l'époque, à savoir une main-d'œuvre peu formée, un manque de tradition locale, des matières premières lointaines, des débouchés locaux insuffisants, la réussite de l'industrie textile est due à des hommes au dynamisme extraordinaire.

Une croissance fulgurante

Tout le monde connaît l'histoire des trois jeunes pionniers qui sont, en 1747, à l'origine de l'industrie textile de Mulhouse. Samuel KOECHLIN à 27 ans, Jean-Henri DOLLFUS à 22 ans et Jean-Jacques SCHMALTZER à 25 ans, tous apparentés à la bourgeoisie dominante, créent la première "indiennerie", une usine d'impression sur tissus de coton, rue de la Loi à Mulhouse. Notre ville compte alors quelque 4000 habitants. Ces familles disposant des plus grandes fortunes mulhousiennes, nos jeunes patrons obtiennent durant les sept premières années des avances de 31.000 Livres tournois. Jean-Henri DOLLFUS étant le fils du bourgmestre, le Conseil proclame l'indiennage "art libre", indépendant des corporations, ce qui dispense nos entrepreneurs de payer la taxe du Pfundzoll durant deux ans, puis uniquement une taxe forfaitaire annuelle de 500 Livres tournois. Quant à la main-d'oeuvre spécialisée, dessinateurs, graveurs, imprimeurs, etc., ils la font venir de Neuchâtel en Suisse, plus tard d'autres régions, notamment du pays (protestant) de Montbéliard. 

Le nombre de manufactures d'impression augmente régulièrement, à raison d'une tous les deux ans en moyenne, pour atteindre, 40 ans plus tard, 19 imprimeurs avec 794 tables à imprimer sur un total de 26 fabricants de coton. Déjà deux ans après le lancement, le total des ventes se chiffre à près de 100.000 Livres tournois et en 1756 Mulhouse produit 30.000 pièces de tissus imprimé, soit 540.000 mètres. Avec la levée de la prohibition en septembre 1759, l'essor se confirme et s'accélère. Les grandes fortunes (plus de 30.000 Livres) grossissent. Si avant l'indiennage, elles représentent, selon OBERLÉ, 41,4 % de la masse successorale, elles atteignent vers la fin du siècle 72,5 % de la valeur totale des successions. 

Mais la jalousie des autres villes haut-rhinoises et des anciennes provinces françaises ne tardent pas à se manifester, tant au niveau des barrières douanières et des taxes que du trafic postal considérablement accru. Vers la fin du XVIIIe siècle, la conjoncture s'annonce mauvaise, les récoltes désastreuses. La Révolution est à nos portes, l'intégration de Mulhouse à la France imminente. Une nouvelle époque commence.  

L'indiennage entraîne au début du XIXe siècle la création d'usines concentrant des moyens financiers et humains immenses, faisant disparaître les petits artisans fileurs et tisserands. Des filatures de coton, telles DOLLFUS-MIEG en 1809 à Dornach, et des tissages mécaniques, tels Martin ZIEGLER en 1805, etc., sont montés. C'est le début de la puissance industrielle de Mulhouse devenue le "Manchester français", oeuvre d'hommes exceptionnels.  

Mulhouse et ses manufacturiers

Ces industriels, ces "Herren Fabrikanten", avec leur mentalité républicaine de calviniste, leur atavisme, leur éducation de base reçue en Suisse et leur formation supérieure reçue à Paris, leur caractère rude et rigoureux, leur sens du devoir accompli, leur vie austère voire ascétique, leur amour des sciences et des arts, passent leur vie à l'usine, de 5 à 6 h du matin à midi et toute l'après-midi jusqu'à 19 heures. A l'usine, ils sont hautains et autoritaires, davantage craints qu'aimés, mais, au moment des élections, ils fraternisent avec les ouvriers catholiques. S'ils aiment gagner beaucoup d'argent en payant, à l'instar des patrons catholiques du Nord, des salaires de misère, au temple, ils ont des élans de générosité philanthropique. Le poste de Maire et la présidence de la Chambre de Commerce sont des droits acquis et ils gèrent aussi bien leur ville que leurs affaires, favorisent les actions sociales (salles d'asile, écoles primaires et professionnelles, cours du soir et de manufactures, caisses d'épargne et bureaux de bienfaisance, cités ouvrières et églises, assistance aux femmes en couches, etc.), les initiatives culturelles (musées, théâtres, associations, etc.) et le développement économique (industries, agriculture, routes, voies d'eau, chemin de fer, tramway, banques, postes, transit douanier, etc.).

Pour illustrer ce caractère du manufacturier du XIXe siècle, laissons la parole à deux personnalités d'époque :

- d'une part, au procureur général LE VIEIL DE LA MARSONNIERE, installé à Colmar, qui écrit après les élections de mai 1869 dans un rapport au Ministre : "Ce monde industriel de Mulhouse, si hautain, si dénigrant, si infatué de son initiative, si dédaigneux de l'action du gouvernement, ne cesse de récriminer contre le Gouvernement Impérial de ce qu'il n'intervient pas suffisamment dans ses affaires"

- d'autre part, à Gustave DOLLFUS, président de la Société Industrielle de Mulhouse de 1864 à 1911 et premier président du Conseil d'Administration de l'École textile, travailleur acharné, qui note vers la fin de sa vie dans son journal intime: "Au pensionnat de M. DAUTHEVILLE j'ai pris l'habitude, avant de m'endormir, de repasser ma journée. Dois-je dire que souvent je suis obligé de me faire de graves reproches ? J'ai mal passé ma journée; j'ai mal fait. Je me promets de ne plus retomber dans les mêmes fautes; mais hélas! les mêmes fautes se répètent, et mon oreiller, avec lequel je suis si intime, devait par moments se révolter. Que n'en a-t-on qui puissent changer leurs douces plumes en durs noyaux de pêche !" 

Mais Mulhouse, ce n'est pas seulement les manufacturiers. Par l'apport d'une immense masse de main-d'œuvre non qualifiée (catholique) abandonnant les vallées ingrates du Sundgau et des Vosges, attirée par l'industrie maigrement rémunératrice pour devenir ce Fawrikervolk méprisé par les paysans aisés, Mulhouse passe de 7.000 habitants au début du siècle à 46.000 en 1861 et à près de 90.000 à la fin du siècle. Sous le Second Empire, si les ouvriers restent fidèles à l'Empereur, la bourgeoisie par contre, pacifiste et libérale, n'est pas favorable à sa politique autoritaire. L'individualisme mulhousien défend la libre entreprise et le libre échange. En 1860, NAPOLÉON 111, pataugeant dans ses ambiguïtés, signe un Traité de Commerce Franco-Anglais, aux pourparlers duquel d'ailleurs jean DOLLFUS est associé, avec l'orgueilleuse Angleterre victorienne, consciente de son avance industrielle, maîtresse des mers et des marchés commerciaux. Ce traité fait prévaloir le libre-échange sur le protectionnisme dont la France était le champion jusque là. Mais une grande partie du patronat de notre secteur, regroupé depuis 1826 au sein de la Société Industrielle de Mulhouse, redoute cette concurrence anglaise et réagit en développant production, outillage et formation du personnel. Car l'industrie textile alsacienne ne produit que des articles ordinaires. Son personnel, par ailleurs travailleur et soigneux, dont 70 % sait lire et écrire, manque d'instruction de base technique et de connaissances professionnelles suffisantes, notamment depuis l'introduction dans les années 1840 des métiers à tisser mécaniques, puis dix ans plus tard, des métiers à filer self-acting.

C'est dans ce contexte qu'il faut situer la fondation, dans "la cité aux 100 cheminées" en 1861, de l"'École Théorique et Pratique de Tissage mécanique" puis celle de l"'École Théorique et Pratique de Filature", institutions privées, initiées, financées partiellement et régentées par la S.I.M. A cette initiative de la S.I.M., la Municipalité de Mulhouse et la Chambre de Commerce de Mulhouse (C.C.M.) apportent leur appui. D'ailleurs, à la tête de toutes ces institutions on trouve les mêmes personnages, presque tous apparentés les uns aux autres, de la puissante "fabricantocratie": Nicolas KOECHLIN, président de la SIM de 1861 à 1864, Joseph KOECHLIN-SCHLUMBERGER, maire de 1852 à 1862 et Jules-Albert SCHLUMBERGER, président de la CCM de1849 à 1891.  

Au fil des ans, des effectifs en peau de chagrin

Le but de notre étude ne consiste pas en une analyse précise de l'évolution de l'industrie textile alsacienne. Néanmoins nous en donnons quelques points de repère, bien qu'il soit difficile de comparer, sur une longue période de plus de 120 ans, des statistiques qui ne sont pas établies selon les mêmes bases. 

L'ensemble de l'industrie textile du Haut-Rhin représente au 1er janvier 1870 les chiffres suivants, selon un rapport du Comité de mécanique de la SIM de 1871 :  

* 63.000 personnes employées  

* 35 MF de salaires annuels payés, dont : 10 MF en filature, 17 MF en tissage,  8 MF en ennoblissement

* 1.440.000 broches filant 20.000 tonnes de filés (dont 2,65 % exportés)

* 40.000 métiers à tisser dont 27.000 mécaniques produisant 172.000 km de tissus

* 210.000 km de tissus blanchis, teints ou imprimés (dont 9 % exportés)

Au vu de ces chiffres, Gustave DOLLFUS conclut en 1871, suite à l'annexion de l'Alsace par l'Allemagne: "On voit par là combien notre industrie aura d'efforts à faire pour trouver de nouveaux débouchés une fois que les livraisons en France seront entravées par les droits de douane".

On trouve en Annexe N° 1 la liste (non exhaustive) de plus de 80 entreprises textiles et 20 établissements de construction textile existant au début du XXe siècle, lorsque l'industrie occupe 47 % de la population active du Haut-Rhin. A noter que la S.A.C.M. à elle seule compte à l'époque 10.000 salariés dans ses trois usines.  

Dans un exposé publié dans le Bulletin de la Société Industrielle de 1958 / I I, Pierre WARNIER, président du Conseil d'Administration de l'École Supérieure de Filature, Tissage et Bonneterie de Mulhouse cite les chiffres (arrondis) pour 1957 de l'industrie textile alsacienne (les deux départements) :  

* 42.000 personnes employées,

* 130.000 broches filant 44.700 tonnes de filés coton et 7500 tonnes de filés laine (dont 45 % exportés),

* 17.300 métiers à tisser coton (116 du matériel de la France) tissant 28.000 tonnes de tissus coton (dont 20 % exportés) et 1047 métiers à tisser laine,

* 40 % des machines à imprimer de France.

Comparons avec 1994. L'industrie textile de l'Alsace (les 2 départements) représente, selon le Syndicat Textile d'Alsace et l'A.S.S.E.D.I.C. (chiffres arrondis) :  

* 9.500 salariés dans 113 établissements (dont 7.650 salariés pour les 5 branches principales (filature, tissage, ennoblissement, bonneterie, nontissés),

* 1,4 milliards F de masse salariale pour la filature et le tissage,

* 13,5 milliards F de Chiffre d'Affaires dont 52 % à l'exportation,

* 44.000 broches à filer en activité filant 5.400 tonnes avec 390 personnes,

 * 850 métiers à tisser en activité produisant 10.000 tonnes avec 740 personnes,

* 37.200 tonnes livrées par la transformation avec 1310 personnes

Mais revenons aux premières années de fonctionnement de notre École.

 

12. Douloureuse rupture en 1871 

L'annexion par l'Allemagne des trois départements de l'Est abandonnés par un vote de l'Assemblée Nationale française à Bordeaux en février 1871, puis ratifiée par le Traité de Francfort du 10 mai 1871, eut des répercussions que les gouvernants de l'époque ne pouvaient prévoir. Si, après la débâcle des troupes françaises, les généraux victorieux et le peuple allemands considéraient le "retour de cette terre allemande" comme légitime, il n'en fut pas de même pour les habitants de cette province que BISMARCK baptisa Reichsland (Terre d'Empire).

L'Alsace devenue "Reichsland"

Selon les historiens, un premier temps, entre 1871 et 1887, est celui de la protestation sentimentale mais inefficace d'une forte majorité d'habitants de notre pays annexé, dans un réflexe induit par les milieux intellectuels, industriels et bourgeois et dans l'espoir d'un retour prochain d'une France républicaine. De nombreux résidents, notamment les cadres, fonctionnaires et industriels, quittent le pays pour chercher refuge et construire une nouvelle vie en France, en Algérie voire aux États-Unis. Ainsi dans l'arrondissement de Mulhouse, 6.738 personnes s'expatrient, soit 5,3 % de la population, 17.000 dans tout le Haut-Rhin. L'exode continue encore durant de nombreuses années et on estime à quelque 350.000 personnes le nombre d'Alsaciens et de Lorrains ayant quitté leur patrie.,

L'intégration et l'assimilation des émigrés alsaciens ne sont pas toujours une réussite, notamment à Paris et dans nos départements limitrophes où l'afflux est considérable et l'accueil mal organisé. Ainsi, en mai et juin 1883, le journal belfortain "La Frontière" lance une violente campagne anti-alsacienne en relatant "le comportement agressif des masses ouvrières alsaciennes, ces infectes étrangers, provoquant presque chaque dimanche de véritables sauvageries, chantant nuitamment le chant national allemand dans les rues de Belfort, mettant les paisibles habitants au défi de sortir, s'attaquant même au maire de Valdoie ceint de son écharpe," etc. Ces faits eurent pour conséquence le renforcement de la force publique par l'installation d'un poste de gendarmerie à Valdoie.

En revanche, de nombreux Allemands, notamment administrateurs, fonctionnaires, policiers et militaires, affluent en Alsace annexée pour occuper les places vacantes et les meilleurs postes, surtout dans les villes. Ainsi on compte 20 % d'Allemands à Mulhouse et 25 % à Strasbourg. Lorsqu'en 1874 le chancelier BISMARCK octroie aux Alsaciens le droit d'envoyer des députés au Reichstag à Berlin, pratiquement tous les députés élus jusqu'en 1887, notamment des prêtres catholiques, sont des protestataires.

Une deuxième période entre 1887 et 1902 est caractérisée par la dictature prussienne, le bâton après la carotte. Dissolution de nombreuses sociétés alsaciennes, artistiques, littéraires, scientifiques ou sportives. Surveillance étroite de toutes les activités, notamment celles de la presse et du clergé catholique et de toutes les initiatives associatives. En 1888 est instaurée pour tout Alsacien voulant se rendre en France ou inversement, l'obligation du passeport visé par l'Ambassade d'Allemagne à Paris. Ceci fait chuter à pratiquement zéro le nombre d'élèves de l'École Textile venant des départements de France jusqu'en 1891, date de l'abolition de cette règle. Il fallait des autorisations pour tout, notamment pour accueillir dans les comités des Associations des étrangers (surtout des Français). En 1893, le président du  Conseil d'Administration de l'École souligne, que "nous avons mis en lumière le libéralisme de notre enseignement et nous sommes parvenus à obtenir de l'administration les tolérances nécessaires à notre recrutement cosmopolite". Néanmoins, encore en 1901, les autorités infligent à quatre Français, candidats à l'école, des refus de séjour. Pendant cette période pénible de suspicion et de méfiance, les Alsaciens se replient sur eux-mêmes tout en prenant conscience de leurs propres valeurs personnelles et culturelles avec le slogan "L'Alsace aux Alsaciens".

La troisième période est celle d'une libéralisation avec la levée en 1902 du paragraphe dit de la dictature, d'une certaine autogestion et du développement économique et culturel. A partir de 1900, des syndicats ouvriers se structurent et la vie politique commence à s'animer avec l'apparition d'une nouvelle génération d'Alsaciens. Elle culmine en 1911 par l'application à l'Alsace d'une nouvelle constitution octroyant une grande autonomie de gestion. Malheureusement, en 1914, cette expérience est douloureusement interrompue et la guerre fait replonger le pays dans la dictature militaire germanique.

Nous pouvons suivre des péripéties politiques et économiques à travers comptes rendus des Assemblées générales et des Comités de notre Association. La crise économique est aiguë dans les années 1890 et le président du Comité de surveillance de l'École souligne, dans son rapport de 1893, qu'il "n'a pas voulu raconter nos luttes et nos alarmes pour ne pas éloigner de nous une clientèle déjà déçue". Le président BICKING rappelle en 1898 "le rude combat pour la survie de notre industrie alors que dans de nombreux pays on augmente le nombre de broches de filature et de métiers à tisser". En 1906, - année où un certain Auguste WICKY suit une formation de syndicaliste à Berlin - l'Association renonce à fêter le dixième anniversaire de son existence à cause du décès de son président et par suite des grèves sévères qui perturbent la marche des entreprises à Mulhouse.

Le président de l'Association Albert STORCK ne pouvait s'empêcher d'annoncer une heureuse nouvelle à l'Assemblée Générale de juillet 1907 : "Depuis un an, l'industrie cotonnière se réjouit d'une prospérité qu'on n'a plus connue depuis 30 ans". C'est la seule fois, en un siècle, - il faut le souligner - qu'on ne se plaint pas de la situation économique de l'industrie textile.

Toutefois, l'industrie européenne reste en crise quasi-permanente. En conséquence, la sécurité des hommes n'est pas si assurée qu'on s'imagine. A Mulhouse même, le président de la commission d'examen de l'École textile depuis 1863, Henri SCHWARTZ (1845-1895), manufacturier, est assassiné en octobre 1895 par un ouvrier "anarchiste déséquilibré des idées socialistes", dans la rue de l'Espérance entre son usine (actuelle rue SCHUMANN) et son domicile (actuelle rue LEFEBVRE), "le meurtrier s'étant fait justice lui-même". En Pologne en 1907, le licenciement d'un ouvrier suite à la situation économique troublée a des conséquences tragiques pour un de nos Anciens, Édouard RAIS (promo 1894), directeur de la filature Posznanski à Lodz qui est assassiné par ce révolutionnaire. En janvier1908, Aimé PETIT, un ancien élève alsacien de 28 ans, directeur de la Filature TERNYNCK à Roubaix, est assassiné de plusieurs coups de couteau en rentrant chez lui le soir. 

Voici le parfait vade-mecum du jeune diplômé, entendu lors du discours présidentiel s'adressant aux jeunes à l'A.G. de 1908 : "La valeur d'un industriel, d'un directeur, est de veiller à la production, à la qualité des produits, de s'entendre avec ses patrons et avec ses ouvriers. Quant à l'ouvrier, maintenant qu'il est syndiqué, vous ne pouvez plus lui imposer votre volonté comme jadis, il faut avant tout s'entendre avec lui, être juste et poli et le respecter quand c'est possible. Une fois que vous aurez un bon noyau de véritables travailleurs, il vous sera très facile d'éliminer les non-valeurs et vous aurez une main d'œuvre modèle". Un modèle de cadre, "Edouard GOLDER (promo 1865/66, né en 1836 à Dornach, mort en 1910 à Habsheim) reçoit en juin 1908 de la Filature Raphaël DREYFUSS à Mulhouse qu'il a dirigée pendant 35 ans, une montre en or et une rente appréciable à l'occasion de son départ à la retraite à l'âge de 70 ans. Ses contremaîtres et ouvriers lui offrent un souvenir comme gage de leur attachement et de leur estime". A la même époque on souligne "un geste remarquable de contremaîtres et ouvriers qui offrent à leur directeur d'une usine près de Milan une médaille en or en souvenir de leurs bonnes relations. Ce geste est doublement méritoire par les temps qui courent où les ouvriers sont si exigeants". Un Ancien, dirigeant depuis longtemps la Filature de Schappe à Moscou, encourage les jeunes, à l'occasion d'un voyage à Mulhouse en 1910, à aller travailler en Russie dont il vante le potentiel immense.

Sur l'importance de l'industrie textile en Allemagne en 1910, écoutons le président du C.A. de l'école, l'ancien député Théodore SCHLUMBERGER: "Notre industrie textile (de l'Allemagne) est essentielle avec 751.000 ouvriers contre 1,2 million pour l'industrie métallurgique, en y ajoutant le personnel de la confection et des industries annexes on arrive à 1,1 million. Par ailleurs, le capital investi dans cette industrie se monte à 2 milliards de Mark".

A l'Assemblée Générale du groupe régional de Belfort en octobre 1910, le président FLAMAND fait un éloge de la ville de ses études: "Mulhouse est notre ville-phare avec ses oeuvres philanthropiques et sociales, scientifiques et artistiques, ses écoles professionnelles, de commerce, de dessin, de chimie, de filature et de tissage servant de modèle à de nombreuses créations".  

Politique de germanisation: suspicion et méfiance

Étant donné que le Comité de notre Association d'anciens élèves comprenait en 1901 quatre étrangers, deux Suisses et deux Français vivant à Mulhouse, le secrétaire BRUGGEMANN fut chargé de demander à la Kreisdirektion de Mulhouse une autorisation spéciale nécessaire à cette présence d'étrangers au sein du bureau.

Un incident "politique" concernant notre Association, relaté dans les journaux en été 1905 est évoqué au cours de plusieurs réunions du comité. Il démontre bien le malaise permanent régnant à l'époque. Le journal gouvernemental "Strassburger Post" ne rate pas une occasion pour transformer un banal incident en affaire politique monumentale. Il relate qu'à Strasbourg sur la place Broglie une Société de musique alsacienne donnait un concert samedi après-midi, concert qui fut perturbé  par les prestations d'une fanfare militaire allemande jouant au Cercle des officiers. Les Strasbourgeois furieux protestèrent. Le même jour eut lieu à Mulhouse une affaire analogue au Jardin du zoo où un concert militaire était organisé ; à l'instant de l'exécution d'un pianissimo de trompette, des étudiants de l'École textile manifestèrent bruyamment en applaudissant le discours que leur major de promotion venait de terminer, perturbant l'audition ; ils ne s'étaient pas rendu compte de cette gaffe et notre vice-président, suite à la réclamation du directeur du restaurant du zoo, alla s'excuser auprès du chef militaire allemand ; le journaliste strasbourgeois releva que les journaux de Mulhouse n'avaient pas rapporté cet incident et se demanda "l'auraient-ils fait si les perturbateurs avaient été des Allemands?". Cela devint quasiment une affaire d'État dont les quotidiens se régalèrent pendant plusieurs jours. BRUGGEMANN, le secrétaire (allemand) de l'Association envoya une mise au point à la "Strassburger Post".                

Prenant la parole au cours du banquet de l'AG de 1906, Paul SCHLUMBERGER souligne que l'école se situe à la pointe de toutes les écoles textiles du monde "en dépit des prescriptions policières allemandes qui entravent son développement".                

Autre incident significatif au cours d'un banquet de l'Association à l'Hôtel Central en 1908: des petits draps tricolores piqués dans les plats sont accueillis par des applaudissements frénétiques et déclenchent une vibrante Marseillaise chantée en chœur par les Anciens. Heureusement la police n'en eut pas vent et il n'y eut pas de suite fâcheuse.

Au cours de l'A.G. de 1909, le président STORCK, suite à la demande d'un membre "pourquoi les Alsaciens recevaient les invitations, revues et bulletins en langue allemande et pas en français", répondit "qu'en Alsace la loi prescrit d'utiliser l'allemand comme langue d'affaires. L'Association avait obtenu l'autorisation de diffuser les imprimés en français à cause du grand nombre d'Anciens français et étrangers et du fait que certains Anciens alsaciens ne maîtrisaient pas la langue allemande. D'ailleurs la traduction complique considérablement le travail".           

L'année suivante, le président de l'Association adjure les Anciens d'éviter, au cours des réunions ou des banquets, les dérapages verbaux ou les manifestations politiques publiques qui risquent d'indisposer les autorités allemandes et pourraient avoir des conséquences fâcheuses pour notre Association et surtout pour l'École.  

 

13. Retour au sein de la mère-patrie

Dès les premiers mois de la guerre, le gouvernement français déclare que son but de guerre principal est le retour de l'Alsace-Lorraine dans la communauté française. En février 1915 est réunie à Paris une conférence d'Alsace-Lorraine composée de ténors de la politique française et de plusieurs Alsaciens installés à Paris depuis plus ou moins longtemps. Les nombreuses résolutions pour l'avenir de l'Alsace adoptées par cette instance laissent apparaître une profonde méconnaissance des vrais problèmes alsaciens. Un haut fonctionnaire français n'a-t-il pas déclaré "nous avons fermé le dossier alsacien à la page 1871 et l'avons rouvert à la page 1918" ? Comme si l'Alsace avait été inexistante pendant 47 ans.

Dans ces conditions, il n'est pas surprenant qu'à Épinal, en octobre 1915, une réunion de huit Anciens du groupe régional des Vosges de notre École engage "une discussion sur la réorganisation de l'École et sur la transformation indispensable des statuts de l'Association dont la plupart des articles sont à modifier ou à changer". Le lieutenant Henri BONDOIT (promo 1905106, habitant à Romorantin (Loir-et-Cher)) du 113e Rég. d'Infanterie (Bureau du Commandant) à Chevilly (Loiret) - fort loin des carnages de la Marne et de la boucherie de Verdun - soumet, dans l'édition provisoire du Bulletin de l'Association N° 1, les réflexions sur l'avenir. Il émet des vœux "que le fonctionnement des groupes régionaux reprenne le plus tôt possible, que l'exclusion de l'élément teuton nous ramène les anciens élèves qui ne faisaient plus ou pas encore partie de l'Association ... Quant à l'Association, une solution radicale paraît s'imposer, déchirer les statuts et en refaire des nouveaux". Voici quelques propositions quant aux admissions et exclusions et à la qualité des membres : "tout ancien élève jouissant de ses droits civils et politiques et n'ayant pas été renvoyé de l'École pourra, sous réserve des exceptions ci-après, faire partie de l'Association. Nationalité: la présence dans notre Association de membres allemands ou austro-hongrois n'est plus possible ; la question serait rapidement réglée si nous ne devions nous préoccuper de nos camarades Alsaciens-Lorrains".

Les Spinaliens veulent distinguer plusieurs cas

"1) Les Alsaciens nés en Alsace depuis la guerre de 1870 de parents allemands,

2) Les Alsaciens, nés en Alsace de parents alsaciens, mais ayant servi pendant la guerre actuelle avec un grade égal ou supérieur à celui de sous-officier dans  l'armée allemande,

3) Comme ci-dessus, mais non-gradés ou caporaux seulement,

4) Les Alsaciens ayant fait du service militaire en Allemagne mais n'ayant pas combattu dans la guerre actuelle,

5) Les Alsaciens domiciliés en France au moment de la mobilisation, en âge de porter les armes et qui ont été dirigés sur les camps de concentration,

6) Les Alsaciens de France qui se sont engagés dans l'armée française,

7) Les Alsaciens qui, à la mobilisation, étaient en Alsace ou dans les rangs allemands et qui ont rejoint l'armée française depuis.  

Les catégories 1 et 2 seraient exclus sans discussion, les catégories 3, 4 et 5 après enquête, les catégories 6 et 7 admises de plein droit".

 

" Dehors les Teutons ! "

Après quatre années d'atroce guerre, de dictature, de privations et après l'effondrement de l'Allemagne, les troupes françaises victorieuses entrent à Mulhouse le 17 novembre 1918 et sont accueillies avec un enthousiasme populaire délirant. Pour les grands hommes politiques, cet accueil a valeur de plébiscite. Mais à peine les lampions éteints, des déceptions se manifestent dans la population. Après l'expulsion expéditive de 110.000 Allemands installés depuis 1871 en Alsace, après le classement des habitants en quatre catégories selon leurs origines, on entre dans une période de suspicion, de haine et de vengeance. Le jacobinisme parisien et l'anticléricalisme français multiplient les maladresses. En raison du mécontentement, l'Alsace conserve jusqu'en 1925 une structure spécifique. Mais, après la victoire du Cartel des Gauches en 1924, ces services d'Alsace et de Lorraine à Strasbourg sont progressivement rattachés à des ministères siégeant à Paris et alignés sur le système français. A ce sujet, l'historien Bernard VOGLER écrit: "Un véritable fossé se creuse entre le peuple et les représentants du nouveau gouvernement, aggravé par l'incompréhension réciproque de la langue de l'autre et le changement des méthodes administratives".  

Notre Association souffre également de cette adaptation. En 1919, dix réunions de comité très animées auxquelles participent plusieurs délégués d'Épinal et de Paris, et l'Assemblée Générale du 12 juillet essayent de venir à bout des problèmes posés.  

Les Mulhousiens estiment que la classification des camarades alsaciens proposée par les Spinaliens est trop rigoureuse et veulent faire juger les cas douteux de certains Alsaciens par une sous-commission issue de leur Comité, une espèce de commission d'épuration. Ils protestent contre la tendance à vouloir éliminer de l'Association une catégorie d'Alsaciens ayant servi dans l'armée allemande. BRUGGEMANN, l'homme-orchestre depuis 1896, fondateur et secrétaire-trésorier de l'Association, directeur de la Revue et responsable du service de placement, professeur et sous-directeur à l'École, professeur textile à l'école de chimie, expert textile international et patron d'un cabinet conseil à Mulhouse, mais d'origine allemande, est sommé de démissionner. Il quitte Mulhouse et est remplacé pendant un an au poste-clé de l'Association par Robert DUBOIS, secrétaire et futur président, auquel BRUGGEMANN lance, avant de partir: "Soit, je donne ma démission, mais ce sera la ruine de l'Association". Si ce mot "ruine" est une obsession et un puissant stimulant pour DUBOIS dans les moments de découragement devant la tâche submergeante, il fallait admettre la dure réalité et, déjà au bout de quelques mois, répartir ces charges entre cinq membres du Comité. Un autre ancien professeur de l'école, né à Lörrach de parents alsaciens, officier dans l'armée allemande pendant la guerre et accusé d'avoir tenu des propos hostiles à la France, passera "une année de purgatoire" après quoi il pourra faire sa demande d'admission à l'Association et profiter du service de placement. Quant aux autres Anciens, allemands et autrichiens, le Comité est unanime à les éliminer en "oubliant" de les inviter à l'Assemblée Générale, non sans avoir auparavant demandé conseil à un avocat sur leurs droits éventuels.  

 

Tendances centrifuges et velléités centripètes 

Déjà en 1897, un Ancien de l'école installé à Épinal suggère de tenir une réunion annuelle de l'Association à Épinal où le président et le secrétaire de Mulhouse seraient invités. Mais, flairant une initiative séparatiste et redoutant un affaiblissement de l'Association, le Comité ne donne pas suite. Nouvelle tendance centrifuge deux ans plus tard par la relance de plusieurs Anciens des Vosges pour fonder une "section française" avec statuts propres, siège et administration à Épinal, le Comité central refuse encore cette initiative mais propose la création d'un groupe régional d'Anciens.  

En été 1924, curieuse coïncidence. C'est l'époque de l'attaque en règle des institutions locales de l'Alsace-Moselle par le Cartel de la Gauche conduit par Edouard HERRIOT qui déclenche une vraie levée en masse du peuple alsacien menée par le clergé. Une pétition demandant le maintien du statut scolaire local en Alsace rassemble 335.315 signatures d'adultes soit 80 % des familles.  

A cette époque, les délégués des Anciens de Paris reprennent une idée émise en mars 1918 au Congrès du Génie Civil à Paris, tendant à fonder une Fédération des Associations des anciens élèves des écoles textiles de France à Paris, en prélevant un supplément de 10 F de cotisations par membre (pour comparaison, prix d'un dîner au Moll 15 F) et en installant un local avec secrétariat, service de placement et plusieurs employés à Paris. Le groupe de Paris se dépêche de déposer des statuts au Tribunal avant de recevoir l'accord de Mulhouse. Le Comité de Mulhouse consacre au cours de l'année une dizaine de réunions à cette affaire. Les Mulhousiens, craignant une mainmise des Parisiens sur notre Association, s'élèvent contre cette initiative. En décembre 1924 DUBOIS est invité à une réunion à Paris où des paroles offensantes sont adressées au Comité. A Mulhouse, on ne savait pas trop comment se tirer de ce piège: demander à Paris de retirer les remarques blessantes, charger un sage d'une mission de bons offices, annuler tout ce qui a été dit au cours des derniers mois, etc.? Toujours est-il que le président DUBOIS offre sa démission qui est refusée par le Comité, mais il décède quelques semaines plus tard. Une assemblée générale (A.G.) extraordinaire, convoquée pour avril 1925, présidée par le vice-président, se déroule dans une confusion houleuse.

A cette occasion, une nouvelle initiative commune aux délégués des groupes de Belfort, Épinal, Lille et Paris propose la modification des statuts de l'Association en formant pour la gestion et l'administration de l'Association un Comité Supérieur uniquement composé des présidents ou délégués des groupes régionaux, en d'autres termes, de supprimer le Comité central mulhousien tel que les statuts de 1896 le prévoient. HUGELIN, ancien professeur à l'école installé à Paris, argumente : "Comme il y a désaccord entre la majorité et l'organisme, un Comité supérieur évitera que l'Association soit maintenue en état permanent de conflit latent et déprimant". GÉGAUFF, membre fondateur de l'Association, ingénieur à la S.A.C.M. et inventeur d'une peigneuse, professeur vacataire à l'école, d'une voix de stentor, prend position contre ces propositions séparatistes en dénonçant les tendances de mainmise sur l'Association par leurs initiateurs. Finalement la motion GÉGAUFF est adoptée par 190 voix contre 124 sur 329 votants.

L'Assemblée Générale ordinaire de juillet 1925 réunissant 116 membres est présidée par le secrétaire démissionnaire jules PFLIMLIN, le Comité central ayant donné sa démission collective. PARRENT d'Épinal attaque : "Avant la guerre, nous avions supporté longtemps la tyrannie d'une Direction imposée qui représentait pour nous l'esprit d'Outre-Rhin. Après la guerre notre Association aurait dû être libre, mais le Comité central l'a mise sous la tutelle occulte des industriels mulhousiens et nous n'avons fait que changer de maître". C'est le chahut mais on n'en vient pas aux mains. Des voix de Mulhousiens s'élèvent: "Nous, Alsaciens, nous n'avons pas mérité de nous faire dire des sottises de cette sorte" - "Il est indigne que des gens qui n'ont rien fait élèvent des protestations". GÉGAUFF, encore lui, tel un tribun, entraîne ses partisans, conclut en défendant le travail du Comité central et soumet au vote une proposition de rejet de l'adhésion à la Fédération. Elle est adoptée par 81 % des membres. L'Association est sauvée.

Le calme semblait revenu. Au Comité de janvier 1926 "on scelle l'entente unanime, cordiale et définitive entre tous les groupes et le Comité central, on oublie les incidents et on ne reviendra pas sur ces questions". Mais une lettre du mois de juin du groupe de Paris annonce que son Comité régional a démissionné en bloc et un rapport d'octobre dit "étant donné que les discussions avec le Comité central continuent sans amener l'entente ... le président estime que le comité régional doit démissionner".  

" Une horrible crise économique "

Si les démêlés au sein de l'Association s'apaisent, il n'en est pas de même en ce qui concerne ceux de l'économie mondiale des années 1930. Dès 1929, les réunions du Comité et les discours d'Assemblées générales en sont de plus en plus infestés. Plusieurs indicateurs objectifs en font foi: les entrées à l'école tendent à baisser, les demandes au service de consultation technique diminuent considérablement, les places offertes ne suffisent plus à satisfaire les nombreuses demandes d'emploi, des appels à l'aide pour des Anciens nécessiteux sont présentés, les industriels résilient les contrats de publicité pour la revue, les membres honoraires ne payent plus de cotisations et les membres actifs traînent pour régler les leurs.

Au cours de l'A.G. 1930, le président LAUER adresse spécialement ses conseils aux Anciens qui enverraient leurs fils à l'école "n'ayez pas de fausse honte à commencer à travailler en usine comme ouvrier, vous comprendrez mieux leurs problèmes, puis faites pendant un certain temps le métier de contremaître salarié pour apprendre à commander les ouvriers avec équité et justice, enfin vous pourrez entrer dans l'industrie pour gravir les échelons comme sous-directeur, directeur et plus tard chef d'industrie". L'année suivante, on évoque cette "horrible crise qui provoque le chômage en espérant qu'elle passera rapidement". Si en 1932, l'Association se félicite qu'un Ancien, Alfred WALLACH (promo 1898/99, 1878-1961) est élu député de Mulhouse et met tous ses espoirs en lui pour défendre les intérêts de notre industrie textile, l'année suivante le président LAUER constate avec amertume que "la crise n'a jamais été aussi intense pour l'industrie textile que pendant les deux dernières années : fermetures d'usines, réductions d'activités, patrons ruinés, directeurs licenciés, impossibilité de trouver des emplois pour les jeunes diplômés, ce qui les force à se lancer dans d'autres branches, certains camarades ont juste de quoi vivre honorablement. Cette période d'attente dictée par la situation économique et politique a des effets néfastes". En 1934, LAUER avoue que l'année écoulée est encore plus désastreuse que les deux précédentes et en dénonce les causes: "les barrières douanières que les pays érigent coupent l'exportation, les pays clients ne payent plus, en France une crise de confiance diminue la consommation, les industriels travaillent à perte pour occuper leurs machines, les impôts et charges sont trop lourds. Si on ne réagit pas, nous verrons notre belle industrie se mourir lentement". Des remèdes sont proposés au cours de ces discours : " ententes professionnelles pour proportionner la production aux besoins, mise en chômage d'une partie du matériel, interdiction du travail en équipe, faire pression sur le gouvernement grâce à notre camarade député WALLACH, et les beaux jours reviendront ... ". L'année suivante, le président dénonce la crise de confiance et la propagande défaitiste en se lançant dans les incantations: "chacun doit travailler au redressement national de notre industrie !"

L'année 1936 marque un sommet de la crise économique et sociale. LAUER aurait aimé, pour le quarantième anniversaire le l'Association, lire le procès-verbal de la première A.G., mais comme il est rédigé en allemand, on s'en abstient. Il enchaîne : "Il y a un an, nous formions le vœu pour un avenir meilleur, mais toutes nos espérances ont été déçues. Aujourd'hui tout va mal, l'industrie, le commerce et l'agriculture. Les pouvoirs publics ne protègent même plus la propriété privée, exemple l'ignominieuse occupation des usines de ces derniers temps. Après la hausse des salaires qu'on nous a imposée et qui nous ferment les débouchés maigres à l'exportation, la loi des 40 heures nous portera le coup de grâce. Pour parer au chômage, les pouvoirs publics auraient depuis longtemps dû faire une autre politique coloniale. Il est inadmissible qu'un pays étranger puisse nous faire concurrence sur nos marchés coloniaux... Les convulsions sociales doivent cesser. Il y va actuellement de l'existence même du pays, menacé dans ses bases morales et matérielles par les mains criminelles d'agitateurs professionnels inspirés par l'étranger". En juillet 1937 on dénonce les difficultés sans nombre: "les accords sociaux de MATIGNON, les vacances payées, la semaine de 40 heures, les lois d'arbitrage, la hausse effrénée du coût de la vie, l'impossibilité d'exporter à cause de nos prix 20 % plus chers que ceux de l'étranger, le chômage, les dévaluations du franc. Où allons-nous...?" A l'Assemblée Générale de 1938, même refrain: "lutter contre ce régime d'instabilité qui complique tous nos problèmes, conditionné par notre situation politique, instabilité de notre monnaie, des prix, des salaires, des charges". Enfin, en 1939, les lamentations continuent mais un orage apocalyptique se profile à l'horizon. LAUER : "Après un commencement de reprise prometteur, les événements de septembre dernier ont d'un coup de frein brutal mis fin à cette velléité de démarrage que les accords de Munich n'ont pas revivifiée. La grève générale du 30 novembre a montré quand même que le pays se ressaisissait et que les mauvais bergers n'étaient plus écoutés comme auparavant... les rapports entre ouvriers et patrons sont devenus plus cordiaux..." On dénonce les maux : "Les grands coupables sont le manque d'entente professionnelle - que n'a-t-on pas suivi l'exemple de nos voisins d'Angleterre, où, entre autres, les filateurs se cantonnent dans la production de quelques numéros de fil seulement, les tisseurs dans un nombre d'articles limité" - et les pouvoirs publics qui auraient dû secourir notre industrie textile, imposer des ententes dans les différentes branches, des tarifs protecteurs, des primes à l'exportation,... Il est vrai que la situation politique actuelle ne facilite pas les choses surtout dans notre région frontière avec tous les risques qu'elle comporte. Mais il est permis d'espérer que l'intelligence humaine sera suffisante pour éviter la catastrophe que serait une nouvelle guerre avec son cortège de ruines et de deuils". Espoirs vains !

" La plus sombre période de l'histoire de l'Alsace "

Les tribulations de l'École durant l'annexion de fait nazie entre 1940 et 1944 sont évoquées au chapitre deux. La dernière réunion plénière du Comité de l'Association a lieu en décembre 1939. C'est déjà la guerre et deux membres absents du Comité sont mobilisés. Le président LAUER signale qu'il a envoyé les archives en lieu sûr dans le Lot-et-Garonne et suspendu la publication de la revue. De 1940 à 1944, deux seules réunions plutôt clandestines d'un Comité restreint de huit membres restés sur place, d'autres s'étant réfugiés en France, expédient les affaires courantes, notamment financières (un seul procès-verbal de la réunion de mars 1944, rédigé en langue française, subsiste). Car les autorités occupantes avaient suspendu l'Association du 6 septembre 1940 au 26 juillet 1941 jusqu'au moment du paiement de la somme de 216 RM (correspondant à 3400 F de l'époque), le compte chèque postal ayant été confisqué par le Stillhaltekommissar. Des contacts discrets sont maintenus avec des Anciens du secteur, notamment les présidents et secrétaires des groupes de Colmar et de Strasbourg.

Après la Libération, la première réunion du Comité a lieu le 26 avril 1945 avec les mêmes membres que ceux des années de guerre, les autres n'étant pas encore revenus. Autour de l'ancien directeur Fritz ORTLIEB, le Comité manifeste ses graves préoccupations au sujet de l'École qui n'a pas encore rouvert ses portes. En juin 1945, avec le retour du président LAUER, de Paul SCHLUMBERGER et de jean DOLLFUS du Conseil d'Administration de l'école, on s'occupe de la rentrée et de la réactivation de l'Association par l'élection de nouveaux membres au Comité, notamment de Paul WINTER, alias Commandant DANIEL, un des chefs de la Résistance du Haut-Rhin.  

Le 20 juillet 1946, dans le grand amphi de l'école, retrouvailles de plus de 100 Anciens pour une triple manifestation émouvante: la première Assemblée Générale de l'Association après la guerre, le Cinquantième Anniversaire de sa fondation en 1896 (on n'a pas pu faire d'exposé complet sur les 50 ans de l'Association, car les registres des procès-verbaux n'avaient été récupérés que trop récemment) et la cérémonie du Souvenir par l'inauguration d'une Plaque commémorative en bronze d'une trentaine de camarades morts au champ d'honneur, fusillés par les Allemands ou morts dans des camps de concentration, durant les guerres de 1914/18 et 1939/45. Plus tard, le nom d'un jeune camarade mort durant la guerre d'Algérie y est encore inscrit. (Néanmoins, comme il semble que les noms de certaines victimes ne figurent pas sur cette plaque, il y aurait lieu de refaire une enquête pour compléter les inscriptions).  

Après le discours inaugural du président LAUER, le secrétaire BARTH évoque "les souffrances et les humiliations auxquelles les Alsaciens étaient exposées durant l'occupation. Abandonnés à eux-mêmes, vivant sous la menace perpétuelle de la Gestapo, traqués sans répit, les Alsaciens ont connu tous les stades de l'oppression, allant de l'expulsion, la déportation, l'enrôlement de force dans les formations politiques et dans la Wehrmacht, par le calvaire des camps de concentration jusqu'aux condamnations à mort. Malgré tout cela, et au lendemain même de la défaite, des patriotes alsaciens s'organisaient pour venir en aide à nos prisonniers d'abord, aux persécutés civils ensuite. Mulhouse fut le berceau de la plus importante filière d'évasion d'Alsace-Lorraine. Des milliers d'évadés de tous les grades furent rapatriés par la Suisse ou par Lons-le-Saunier grâce à cette organisation. D'innombrables actes d'héroïsme furent accomplis dans la clandestinité accusant le plus pur désintéressement et un esprit de sacrifice et d'abnégation totale. Nous sommes particulièrement fiers de compter parmi ces héros obscurs et inconnus de la grande masse quelques-uns des membres de notre Association".  

 

14. Les "trente glorieuses" et l'industrie textile 

Durant les premières années d'après guerre, outre les problèmes de dévaluation et l'augmentation galopante des prix, salaires et cotisations, on ne relève guère, dans les procès-verbaux et les discours des Assemblées Générales, de préoccupations sociales, politiques et économiques.  

Par contre, à l'école, on se plaint du trop plein. En 1949, le directeur de l'école, Victor HILDEBRAND, signale un nombre record de 187 élèves dont 143 Français et des étrangers de 16 nationalités. En 1950, il y a trop de demandes d'admission et pas assez de places à l'école, ce qui nécessite le recours à un examen d'entrée plus sévère et l'agrandissement des locaux. Et puis, les problèmes d'adaptation des programmes d'études aux nouvelles exigences se font de plus en plus pressants. Nous en parlons ailleurs.

Interminable récession

Toutefois dès 1951, les soucis économiques resurgissent. Pierre LAUER à l'A.G. 1952 : "... Les emplois disponibles sont moins nombreux que jadis, c'est un effet de cette malheureuse crise qui touche si durement notre industrie, peut-être une des plus aiguës que nous ayons connues, partout la mévente et le chômage qui s'en suit. Le gouvernement a bien pris les mesures telles que fermeture des frontières à l'importation, encouragement à l'exportation et augmentation des allocations de chômage... mais il faudrait surtout que les prix baissent au détail ...". Le placement des sortants devient plus difficile. "L'industrie souhaite des cadres ayant 10 à 15 ans d'expérience. La route s'annonce dure pour les jeunes".  

Voici que réapparaissent en 1955 de nouvelles mais passagères velléités d'autonomie du groupe régional du Nord "demandant que soient définis les rapports entre le Comité central et les groupes régionaux, que ceux-ci soient considérés comme des Amicales autonomes indépendantes du groupe central et que les groupes soient consultés avant une prise de décision du Comité central". Mais il n'y eut pas de suite. 

A l'AG de 1955, jean DOLLFUS, président de la S.I.M. : "Dans la crise qui sévit si durement, nous n'avons aucune raison de nous montrer tant soit peu pessimistes. Le triomphe du goût français à l'Exposition de Bruxelles, la qualité de la production française ... l'Europe a montré au monde la voie à suivre ... le jour où elle aura repris confiance en elle‑même, notre pays se trouvera à la tête du progrès ..." et à l'A.G. de l'année suivante: "La S.A.C.M. n'a aucunement le projet de sacrifier la construction de machines textiles... Les moteurs sont dessinés et mis au point par des Alsaciens...". En 1957 " il s'agit de conserver à l'École de Mulhouse qui a été la première en France, sa situation de premier plan. L'industrie française face au Marché Commun, saura montrer la suprématie des techniques françaises".  

Le couplet de la crise du textile est repris en 1959. On constate la désaffection des jeunes pour l'industrie textile qui rend la sélection d'admission à l'école plus problématique. Les moyens financiers mis à sa disposition sur le plan de l'adaptation rapide aux méthodes modernes sont insuffisants. Le rattachement de l'École à l'Éducation Nationale devrait lui procurer les moyens nécessaires. Après les festivités du Centenaire de l'École, en 1961, on trouve que le rattachement de l'École à l'Université, promis depuis juin 1959, traîne parce qu'on met des bâtons dans les roues en haut lieu. Mais le président Paul WINTER souligne également que l'Association ne montre pas assez de cohésion pour appuyer cette démarche alors qu'elle devrait être une "force de frappe". En 1967, Jean OULMANN, président de l'Association, rappelle : "pour de nombreux camarades, le versement de la cotisation annuelle semble constituer l'effet libératoire par excellence. N'appartenons-nous pas à une industrie qu'on présente comme condamnée ? Notre École a été présentée comme devant être logiquement fermée. Mais notre industrie qui continue à occuper le 2e rang des industries françaises par l'importance des effectifs, a besoin de dirigeants d'un haut niveau scientifique".  

Mai 1968 a aussi influencé notre Association, ne serait-ce quant à la date de son A.G. qui n'a lieu qu'en octobre. OULMANN : "Les événements de mai-juin ont eu des répercussions profondes sur l'économie française en général et sur l'industrie textile en particulier. La Convention de Grenelle, en autorisant des améliorations substantielles de salaires a, entre autres, introduit dans la trésorerie des entreprises des charges telles que le processus de restructuration et d'élimination des entreprises marginales en ressort grandement accéléré". Néanmoins, en 1969, le président constate : "un an après les événements de mai 1968, on note qu'après quelques semaines déjà, les carnets d'ordre se sont regarnis, les stocks regonflés, les prix améliorés, un certain équilibre entre l'offre et la demande, le tout sans l'emballement habituel au lendemain des crises. Rares sont les entreprises qui ne connaissent pas un niveau d'activité élevé". Mais déjà en 1970 le président Paul BARTH relève que les affaires marchent moins bien à cause de l'encadrement du crédit et de la surproduction, le marché métropolitain étant en baisse de 15 %, l'export en croissance de 150 à 200 %. Le vice-président Pierre SIEGER constate en 1971 "une évolution trop rapide de la mode qui remonte de la rue au lieu d'être imposée d'en haut, une absence totale du commerce de gros qui est régulateur et qui a une répercussion défavorable sur l'activité rationnelle des entreprises". Toutefois, "toutes les entreprises qui se sont spécialisées en abandonnant aux pays sous-développés la fabrication d'articles très classiques jouissent d'une situation privilégiée".  

Les vrais grands problèmes de demain 

Entre-temps l'École est entrée dans une période de bouleversements. Au terme de plus de dix années de longues et laborieuses négociations avec le Ministère de l'Éducation Nationale, l'École est transformée en École Nationale Supérieure d'Ingénieurs (E.N.S.I.) et intégrée dans la jeune Université de Haute-Alsace, devenant Unité d'Enseignement et de Recherche Universitaire.  

A l'occasion de l'inauguration des nouveaux bâtiments de l'E.N.S.I.T.M. en décembre 1977, Pierre SIEGER, président du Conseil d'Administration et de la Société Civile de l'École, se met à l'heure de vérité en rappelant : "... les vrais grands problèmes des générations à venir sont "comment, à terme, répartir les fruits de la croissance sur le plan mondial et arriver ainsi à faire évoluer l'ensemble des pays en voie de développement vers ce mieux et plus être ?". Il faudra être politiquement capable de dire la vérité à nos populations  

- que nous sommes allés trop loin dans nos exigences, limités que nous étions, aveuglés et cristallisés dans notre univers de pays évolués,

- que nous vivons au-dessus de nos moyens,

- qu'il faudra peut-être travailler plus et non moins, gagner moins et non plus,

- que la société d'abondance, la société de loisirs sont des mythes...".  

Dans les années 1980, l'évolution des structures de l'École devenue composante à part entière de l'Université de Haute-Alsace, la restructuration des enseignements scientifiques et techniques, le développement des activités de recherche au sein d'un laboratoire propre, ainsi que les actions de coopération internationale prennent le pas sur les préoccupations sociales, économiques et politiques des anciens élèves.  

Au cours de l'A.G. de 1982, alors que le directeur Richard A. SCHUTZ souligne avec enthousiasme "le virage des constructeurs de machines textiles vers l'automatisme, la régulation informatisée et la conception intégrée, d'où la nécessité de formation à l'école d'informatique utilitaire dans une nouvelle salle d'informatique avec huit consoles utilisables en libre service", le président René DUC rappelle que "sur le plan économique de la France, le bilan n'est pas très brillant: déficit de la balance commerciale, aggravation du chômage, diminution du pouvoir d'achat, augmentation des charges des entreprises, dépôt de bilan qui plane sur la S.A.C.M.". Et en 1983, "force est bien de constater un décalage croissant dans notre pays entre les espoirs et les réalisations, il y a deux ans, on croyait à la relance, aujourd'hui le temps de la rigueur a sonné, l'économie française est en récession". R. SCHUTZ publie dans le B.I.M. de janvier 1984 une remarquable étude de 4 pages sur la robotique en posant la question : "A la limite, la robotique conduit à la suppression des conducteurs de machine, est‑ce un bien absolu?" Si on parle de l'affranchissement de l'intervention humaine, on n'évoque pas le chômage qui pourrait en découler.

En 1990, le président DUC constate : "l'école se porte bien, les élèves se placent facilement, l'industrie demande de plus en plus d'ingénieurs, face à cela, les gros titres de la presse n'engendrent pas l'euphorie "filature en déprime, le coton ne tient pas le bon fil"... ". Cette campagne de dénigrement de la presse à l'égard du textile et du métier d'ingénieur, en général, n'incite guerre les jeunes bacheliers à poursuivre des études supérieures, le diplôme n'étant plus synonyme d'emploi. En 1993, l'E.N.S.I.T.M., à l'instar des autres écoles textiles françaises, constate une baisse significative des flux d'entrée. A l'A.G. de 1994, le directeur Auguste KIRSCHNER fait le point : "L'E.N.S.I.T.M. subit à son tour le contre-coup de la crise économique. A la rentrée 1993 nous n'avons accueilli qu'une trentaine d'élèves en première année contre 40 en 1992. Ce n'est certes pas le moment de céder au défaitisme alors que la qualité de la formation dispensée par l'E.N.S.I.T.M. tant sur le plan scientifique que technologique est reconnue au plus haut niveau et son rayonnement cité en exemple". Effectivement, grâce à une stratégie de recrutement plus directe, à une refonte des programmes d'enseignement alliée à un projet de diversification des filières et une nouvelle stratégie de synergie avec les forces vives de l'Université de Haute-Alsace dans le domaine de la mécanique, la crise de recrutement n'est bientôt plus qu'un mauvais souvenir. Dès la rentrée 1994, les effectifs de première année remontent à 43 élèves, l'année suivante à un chiffre record de 48 élèves. Ces résultats justifient un nouveau projet d'extension de 2000 m2 des bâtiments de l'École. Sa population estudiantine, toutes filières confondues, atteint alors 250 élèves.

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Inséparables les uns des autres, les événements politiques et socio-économiques de plus d'un siècle d'histoire alsacienne ont marqué profondément la vie de notre École, vue à travers les états d'âme des Anciens.  

Limage permanente véhiculée par l'industrie textile, puissante et omniprésente au XIXe siècle, est celle de crise et de récession. Une exception en 1907 où l'on se réjouit d'une prospérité qu'elle n'a jamais connue depuis 30 ans. Pour les Anciens, les fauteurs de la crise de 1929 à 1939 sont bien définis et dénoncés, en l'occurrence, le gouvernement. La crise textile, interminable, continue à sévir à partir des années 1950, en dépit des bonnes mesures gouvernementales...  

Quant à la conjoncture politique, elle est particulière à l'Alsace, province convoitée entre deux puissants États. Après 1871, la politique de germanisation, émaillée de nombreux incidents, entrave le fonctionnement et le développement de l'École. Toutefois, la politique d'assimilation française instaurée après 1918 ne fut pas moins aléatoire, déclenchant des tentatives d'ostracisme et de mainmise. La période d'annexion nazie n'est en rien comparable aux autres époques. Depuis 1945 la vie politique n'est plus évoquée dans les procès-verbaux, sauf en mai 1968. Un temps de sérénité permet d'envisager les problèmes d'adaptation au futur.

 

 

Sources archivistiques