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Chapitre
II : une école en perpétuelle adaptation
L'histoire de notre vieille École, contrairement à
celle de l Association, a fait l'objet de
plusieurs publications relatant son
développement, notamment un luxueux livre
de
120 pages édité en 1961 à l'occasion de son
Centenaire, une plaquette de 50 pages
éditée en 1982 et un bref Historique de
l'École
rédigé sur deux pages, actualisé par
ses Directeurs et inséré dans les Annuaires des
Anciens. Même si nous puisons d'intéressants renseignements dans ces publications,
nous estimons qu'il est néanmoins
utile à la connaissance de l'histoire de compléter
ces informations par des faits relevés dans les archives de la Société
Industrielle de Mulhouse et dans les procès-verbaux
de l'Association et complétés par des anciens
directeurs.
Comme nous l'avons vu, c'est la convergence de
trois facteurs, le besoin d'une main-d'œuvre
mieux formée, la
constatation du manque de cadres qualifiés
dans l'industrie textile alsacienne et la
signature d'un Traité de commerce entre
la France et l'Angleterre supprimant la
prohibition, qui incita les industriels
mulhousiens à fonder en 1861 une
"École Pratique et Théorique de Tissage
Mécanique".
La Société Industrielle de Mulhouse fondée la
veille de Noël 1825 par vingt-deux
manufacturiers du secteur de Mulhouse et déclarée
d'utilité publique par décret royal en
1832, se préoccupait du développement de
la région, de son industrie mais aussi
d'institutions sociales et d'instruction.
21.
Un foisonnement de l'enseignement
technique
Depuis
des lustres, la S.I.M., emboîtant le pas aux
édiles mulhousiens, se souciait de la
formation de base mais aussi
professionnelle de la jeunesse par la création
de nombreuses écoles professionnelles spécialisées
et secondaires, dont voici quelques
exemples de réalisations.
A Mulhouse au XIX ° siècle
Collège
Municipal de Mulhouse : existait de 1812 à
187, formation en latin, français,
dessin, statistiques commerciales, hygiène
élémentaire; frais d'écolage 12 F par
an, 15 F avec le latin; en 1822, il
comptait 4 classes avec l'enseignement de
français, latin, grec, allemand,
religion, géographie, histoire, histoire
naturelle, calcul, mathématique,
physique, écriture, dessin, chant ; en
1831 on cherchait à se rapprocher de
l'organisation des lycées; à partir de
1849, les programmes furent conformes à
ceux des lycées de l'enseignement
secondaire.
École de Chimie : fondée en 1822 pour dispenser
des "cours de chimie appliquée aux
arts" au laboratoire du Collège
municipal, dirigée par DEGENNE, ancien élève
de l'École Normale Supérieure, puis en
1825 par le Dr. Achille PENOT, originaire
de Nîmes, elle devint en 1871 École Municipale de Chimie Industrielle. En 1879
le nouveau bâtiment du Quai du Fossé accueillait
l'École dirigée par Emilio NOELTING (1851-1922) qui fut expulsé par les
Allemands en 1915. Érigée en École Supérieure
de Chimie en 1930, elle fut rattachée à
l'Université de Strasbourg en 1957 pour
devenir École Nationale Supérieure et
jouir d'un prestige international.
École de Dessin et de Gravure : fondée par la SIM
en 1829 et installée à la Porte Haute en
1853. Les cours d'abord payants pendant de
longues années étaient gratuits à
partir de 1868 grâce aux dons de H.
HAEFFELY En 1899, l'École dirigée par
GLEHN avec le professeur de dessin ROEDER,
comptait 174 élèves exécutant 2500
dessins.
École Israélite d'Arts et de Métiers : fondée
en 1842 pour la jeunesse israélite de
Mulhouse, elle comptait trois ans d'études
en internat complet.
École des Sciences Appliquées : ouverte en 1855
dans les locaux de l'École professionnelle et de
l'École de Dessin de
la rue Huguenin avec un programme se
rapprochant de la licence ès-sciences,
elle fut dirigée par PENOT jusqu'en 1870
où elle fut fermée.
École Professionnelle de l'Est : érigée en 1854
à l'initiative de l'État sur proposition
du Recteur de l'Académie de Strasbourg à
titre expérimental à Mulhouse et dirigée
par Paul SCHUTZENBERGER, elle
"distribue l'instruction aux enfants
de la classe ouvrière destinée à compléter
leur éducation par l'apprentissage d'un métier".
Elle devint Gewerbeschule en 1872 et fut
dirigée par le Dr. CHERBULIEZ (d'origine
suisse) de 1872 à 1898. Étude des langues
vivantes et sciences exactes, travaux
manuels et de laboratoire, préparation
aux carrières de l'industrie et du
commerce.
École Supérieure de Commerce : fondée en 1866 à
Mulhouse (avec une dotation de 100.000 F
de Jules et Jacques SIEGFRIED) organisée
selon le modèle de l'Institut supérieur
de Commerce d'Anvers, elle fonctionnait
jusqu'en juillet 1872. On y étudiait en
deux ans : langues (anglais, allemand,
italien, espagnol), calligraphie, histoire
commerciale et géographie, législation
et économie commerciales, arithmétique
sociale et comptabilité. Frais d'écolage
600 F par an. Entre 1866 et 1872 l'école
avait formé 174 élèves. Par suite de
l'annexion, le directeur PENOT et
l'ensemble du corps professoral avec la
presque totalité des élèves venant de
France, quittèrent Mulhouse pour Lyon en
1872. Le Dr. PENOT ouvrit dans cette ville
avec l'appui de la Chambre de Commerce de
Lyon une École supérieure de Commerce et
de Tissage, selon le modèle mulhousien.
École technique des Apprentis : fondée en 1899 à
l'initiative des industriels mulhousiens
et de la Municipalité, elle formait en 3
ans des jeunes pour la construction mécanique
;
vers 1900 une collaboration avec l'École
de Filature et de Tissage permit une
meilleure préparation de certains jeunes
qui voulaient entrer à l'École textile.

Ailleurs en France
Avec les avancées de la science et les multiples
inventions techniques dans l'Europe du XIX°
siècle, la formation se développe
partout, répondant à un ardent besoin.
Dans son rapport de fin 1900 à la S.I.M., le président
du Comité d'Administration de l'École de
filature et de tissage de Mulhouse
constatait que "les écoles
d'enseignement textile se multiplient
autour de nous: Lyon,
Saint-Etienne, Reims, Roubaix,
Tourcoing, Fourmies, Flers, une école en
formation à Épinal". Certaines de
ces écoles subsistent toujours.
De nombreuses institutions continuent à
dispenser, encore en 1980, un enseignement
textile de niveau C.A.P., B.E.P., B.T.S.,
etc... à
Lyon, Villeneuve d'Ascq, Caudry, Roanne,
Rouen, Castres, Lavelanet,
Roche-la-Molière,
La-Tour-du-Pin,
Troyes, etc. Pour quelques villes, nous
avons pu trouver dans les archives
municipales ou dans des revues textiles
des traces d'écoles textiles disparues.
Ainsi, une école textile fonctionnait à
Reims en 1895. A Fourmies, la Société
Industrielle avait créé en 1885 une École
de Peignage, Filature et Tissage.
Devenant en 1892 l'École Pratique de
Commerce et d'Industrie, elle dispensait
des cours du soir pour former des générations
de techniciens de filature et de tissage.
A Saint-Étienne une École Nationale
Professionnelle fut fondée en 1882 où
l'on enseignait, entre autres,
"l'analyse et la contexture des
tissus, quelques façonnés, le Jacquard,
la mise en carte et le lisage", matières
ayant été enseignées depuis 1874 en
cours du jour ou du soir à l'École de
Fabrique de l'École Municipale de dessin
de cette ville. A Flers (Orne) une École Industrielle est créée en 1872 par
ARMBRUSTER, un ancien élève et ancien
sous-directeur de l'École de Mulhouse, aidé
en 1903 par le professeur Emannuel
TOUSSAINT, un autre ancien de Mulhouse
(promo 1888). L'École de Flers dispense en
un ou deux ans un enseignement en tissage
et fabrication des tissus, complété éventuellement
par le blanchiment et la teinture et un
enseignement théorique de la filature.
Les élèves se recrutent dans toute la
France, en Suisse et en Italie. En 1889 la
Chambre de Commerce de Tourcoing et un
syndicat d'industriels et de négociants
fondent l'École Industrielle de Tourcoing
dispensant en deux ans un enseignement théorique
et pratique en filature de coton, peignage
et filature de laine, tissage mécanique
et à la main, mécanique, dessin, électricité
et comptabilité.
De prestigieuses écoles textiles françaises,
dont voici un bref historique, offrent
encore aujourd'hui une formation supérieure.
École Nationale Supérieure des Arts et
Industries Textiles (E.N.S.A.I.T.) à Roubaix.
La Municipalité de Roubaix envisageait dès
1876 la création d'une École d'art et de
textile avec le concours de l'État.
Officiellement créée par une loi d'août
1881 et une convention bilatérale de 1882
entre la ville et l'État, l'école ouvrit
ses portes en 1889 avec le nom d'École
Nationale des Arts Industriels qui devint
en 1921 École Nationale Supérieure des
Arts et Industries Textiles. En 1926, elle
fut rattachée à la Direction de
l'Enseignement Technique et divisée en
trois sections: l'enseignement de l'art
avec la peinture, l'architecture et la
sculpture, l'enseignement préparatoire au
génie civil, l'enseignement technologique
des industries textiles (filature,
tissage, teinture, impression et apprêts).
Elle formait le personnel de maîtrise et
d'encadrement. L'école fut autorisée à
délivrer le diplôme d'ingénieur à
partir de 1947 et a formé un millier
d'ingénieurs E.N.S.A.I.T. jusqu'à ce jour.
École Supérieure des Industries Textiles de l'Est à Épinal
(E.S.I.T.E.). Dès 1875, l'idée
de fonder un cours de filature et de
tissage à Épinal germa dans les esprits
des industriels de l'Est, notamment ceux
qui avaient quitté l'Alsace pour des
raisons politiques quand elle est devenue allemande en 1871.
Mais la création définitive ne fut décidée
qu'en 1903 à l'initiative du Président
du Syndicat Cotonnier de l'Est, Georges
JUILLARD-HARTMANN (un Ancien de l'École de Mulhouse, promo 1865) et avec
le soutien de la Ville d'Épinal et de sa
Chambre de Commerce. La première rentrée
de cette École, rattachée à l'École
Industrielle des Vosges à peine créée
également, eut lieu en octobre 1905. En
1913 l'École baptisée École de Filature
et Tissage de l'Est et dirigée par Xavier
HUGUENY, un ancien élève de l'École de
Mulhouse qui y fut également professeur
pendant quelques années, s'installa dans
de nouveaux locaux de la rue d'Alsace
construits à cet effet. Elle s'appellera
en 1922 École Supérieure de Filature et
de Tissage de l'Est, puis, après la création
en 1952 d'une section d'ingénieurs, École
Supérieure des Industries Textiles de
l'Est à partir de 1980. Formant des B.T.S.
Techniques du textile, des B.T.S. Techniques
de la confection et des Ingénieurs, l'E.S.I.T.E. décerna pour la première fois en
1996, dans le cadre de l'Institut National
Polytechnique de Lorraine, le label d'ingénieur
européen junior à certains de ses ingénieurs.
Institut Textile et Chimique de Lyon (I.T.E.C.H.). Né
de la longue et brillante tradition de la
soierie lyonnaise, un cours de théorie de
tissage fut dispensé dès 1840 par le
professeur AUDIBERT au Palais des Arts à
Lyon. En 1884 la ville créa l'École
Municipale de Tissage qui, à partir de
1905, alors dirigée par Félix GUICHERD,
fils de canut, atteignit une réputation
mondiale en tissage. Installée en 1933
dans de nouveaux locaux sur la colline de
la Croix-Rousse, l'École devint en
1984 École Supérieure des Industries
Textiles de Lyon et fusionna en 1988 avec
l'École Supérieure du Cuir et des
Peintures, Encres et Adhésifs, issue
elle-même de l'École Française de
Tannerie datant de 1889, pour devenir l'I.T.E.C.H.
École Supérieure des Techniques Industrielles et
des Textiles (E.S.T.I.T.) à Villeneuve d'Ascq
(Nord), anciennement Institut Technique
Roubaisien (I.T.R.), fut créé et dirigé en
1895 par le Chanoine Henri Philomène
VASSART (1840- 1916) dans le but
de "former pour la direction des
usines dans les différentes branches de
l'industrie textile, des hommes de devoir,
de justice, de travail et de progrès".
Entre 1930 et 1935, le niveau de formation
scientifique fut relevé pour aboutir au
diplôme d'ingénieur textile I.T.R., parallèlement
à une formation de techniciens supérieurs.
En 1956, la durée de formation passait à
4 ans. L'I.T.R. dirigé par des prêtres
jusqu'en 1969, rejoignit entre 1960 et
1966, les autres grandes écoles de
l'Université catholique de Lille et en
1967, l'I.T.R. est membre fondateur du
Polytechnicum de Lille. La formation de
l'ingénieur I.T.R. passait à 5 ans avec 2
options, Mécanique ou Chimie Textile, et
celle du Technicien Supérieur à 2 ans.
En 1982 l'I.T.R. quitta Roubaix pour
s'implanter à Villeneuve d'Ascq et
s'appeler E.S.T.I.T. De nouvelles options
furent proposées aux étudiants:
Automatisme et Informatique, puis en 1994,
Développement Industriel mettant l'accent
sur la dimension commerciale. Cette École
a formé depuis sa fondation près de 5000
diplômés et actuellement elle forme 60
ingénieurs et techniciens par an, dont 35
% viennent de la Région Nord-Pas
de Calais et quelques % de l'étranger.

Des écoles textiles dans le Monde
Dans le domaine de l'instruction professionnelle
du tissage, de la filature, de la
teinture, du dessin, de la mécanique,
etc..., c'est encore l'Angleterre qui avait
pris au XIXe siècle une longueur d'avance sur les pays du
continent européen. Des écoles textiles
furent ainsi créées à Bradford, Leeds,
Glasgow, Keighley, Huddersfield (1880),
Manchester, etc... dans le Lancashire et le
Yorkshire, des écoles polytechniques à
Kensington près de Londres, etc.
Aux États-Unis, on trouve des prémices
d'enseignement textile dès 1832 à
Clemson. De grandes et belles écoles
techniques à Boston, Philadelphie, etc.
forment des ingénieurs et des mécaniciens.
C'est en 1855 que fut créée l'École de Tissage
de Reutlingen à laquelle on adjoignit un
atelier de tissage mécanique en 1862.
Dispensant à certains élèves le titre
d'ingénieur textile à partir de 1941, l'École se développe considérablement
pour atteindre des effectifs de 750 élèves
dans les années 1955 avant de subir la récession
générale de l'industrie textile. Dans
les années 1990, elle devient École Supérieure
Economique et Technique avec onze filières
professionnelles, dont une textile, et
forme près de 3000 étudiants.
Dans le cadre de l'École Polytechnique de Zurich
(E.T.H.) fondée en 1855, fut créé en 1931
un Institut pour l'Industrie Textile et la
Construction de Matériel Textile dirigé
par HONEGGER. A Wattwil (Canton de Saint
Gall) fut fondée en 1881 une École de
Tissage à laquelle on adjoignit en 1948
une École de Filature; elle absorba les écoles
textiles de Saint Gall et de Zurich pour
devenir en 1973 École Suisse de Textile,
Habillement et Mode (S.T.F.) qui forme des
techniciens supérieurs en 2 à 3 ans.
D'autres écoles textiles en Europe forment des
cadres pour l'industrie textile : en Italie
à Milan et à Côme, en Belgique à
Verviers (1894), en Allemagne à Aachen, Mönchengladbach, etc.
22. Les
prémices à Mulhouse
Notre industrie textile alsacienne risquait d'être
placée dans une situation critique
comparativement à nos principaux
concurrents anglais. A la pointe du progrès,
tant dans l'innovation du matériel que
dans la production de tissus élaborés et
dans la formation de l'encadrement, les
Anglais nous étaient largement supérieurs
en création, en qualité et en rendement.
Il fallait réagir et rapidement.
Une École de tissage mécanique en 1861
Aussi, le 13 juillet 1861, le président de la S.I.M., Nicolas KOECHLIN adresse à tous les
industriels de la région un appel qui
expose, avec le projet de création d'une
École de tissage, les services que l'on
peut attendre de sa rapide réalisation.
Un mois plus tard a lieu une Assemblée
constitutive d'une Société Civile de l'École de Tissage mécanique
(cf. Annexe
N° 55) dont le président est Henri
THIERRY KOECHLIN et le vice-président
Fr. ENGEL-DOLLFUS avec ouverture
d'une souscription. On recueille 37.000 F
qui permet de faire face aux premiers
frais d'installation et de fonctionnement
pendant trois ans.
Au cours de cette réunion, Emile FRIES, un
camarade de pension du vice-président
de la SIM Gustave DOLLFUS, expose son idée
de création d'une École de tissage en Alsace. Cet homme d'à peine quarante ans, énergique
et doué d'une vive intelligence, avait
suivi un cours de théorie de tissage au
Palais des Arts à Lyon et dirigé
plusieurs grands tissages de nouveautés
à Lyon et à Manchester. Il venait de
quitter un poste de dessinateur dans cette
dernière ville et fut chargé de la
Direction de la nouvelle École, de l'élaboration
des cours théoriques et de l'enseignement
pratique et mécanique (théorie des
liages et technologie machines de tissage,
dessin et construction mécanique).
Un local provisoire situé à l'angle de la
Grand'rue en face de la Porte de Nesle est
loué pour trois ans. Il s'agit de
l'atelier de graveurs de rouleaux d'une
ancienne manufacture d'indienne qui
appartenait à Godefroy HEILMANN puis à
André KOECHLIN & Cie (A.K.C.). L'équipement,
modeste au début, s'enrichit rapidement
et comprend déjà après deux ans du matériel
divers prêté par différents
constructeurs et notamment les Ateliers de
Construction A.K.C. : des machines de tissage
(cinq métiers à tisser mécaniques A.K.C.,
quatre anglais de 1 à 6 navettes, deux métiers
à bras avec Jacquard), des machines de préparation
(bobinoir, cannetière, ourdissoir,
pareuse, etc.), une machine à vapeur
horizontale de cinq chevaux avec chaudière
et transmissions. Cette installation se
fait en deux mois et le er novembre
1861, quatre mois après la première démarche,
l'École ouvre ses portes à la première
promotion de 9 élèves. FRIES assure
l'enseignement théorique et un contremaître
est embauché pour l'enseignement
pratique. L'École progresse rapidement,
avec 15 élèves réguliers l'année
suivante et 29 en 1863/64.
Une École de filature en 1864
Encouragée par les succès initiaux de l'École
de tissage et constatant que des problèmes
analogues à ceux de l'encadrement des
tissages se présentent également en
filature, la S.I.M. se décide de fonder également
une École de filature. D'autant plus que,
dans l'ère des grandes inventions
techniques du XIX° siècle, des
technologies modernes de filature (filage
et renvidage) apparaissent sur le marché
qui exigent de nouvelles connaissances
techniques.
Des structures administratives et une Société
Civile de l'École de filature sont créées
dans des conditions et avec un capital
analogue à celles de l'École de tissage.
La Direction de cette École est confiée
à Jacques-Mathieu WEISS (1837- 1904) qui avait suivi des cours
au Lycée CONDORCET à Paris et assisté
le professeur C.R.E.S.C.A. au Conservatoire des
Arts et Métiers avant de diriger la
filature HARTMANN. Si, initialement, on
avait envisagé de créer une
filature-école avec trois
assortiments complétés de 4 à 5000
broches marchant dans des conditions
analogues à un atelier industriel, on
abandonne ce projet pour une réalisation
plus modeste. En 1864, au moment où l'École de tissage quitte son ancien local
de la Grand'rue, l'École de filature y est
installée. Le matériel, battage, cardes,
peigneuses, bancs-à-roches,
métiers à filer automatiques et à main,
etc. est en grande partie fourni par André
KOECHLIN & Cie. A l'instar de sa
grande sœur, l'École de filature
fonctionne comme un petit établissement
autonome.
Quant à (organisation de l'enseignement de la
filature, il est étalé sur deux périodes,
l'une de novembre à septembre, l'autre de
janvier à novembre. De ce fait
il n'y a que cinq élèves la première année et
22 en fin de deuxième année. Au
programme initial de théorie et machines
de filature dispensé par le directeur
WEISS, il fallut ajouter des cours de
dessin et de mécanique donnés par le
professeur DRUDIN, car les connaissances
dans ces matières sont largement
insuffisantes. L'année suivante des cours
de prix de revient et quelques notions d'économie
industrielle complètent la formation.
Comme à l'École de tissage, les parents
sont trimestriellement informés des notes
de leur rejeton et les études sanctionnées
par un certificat de capacité.
Étant donné que, de bonne heure, on se rend
compte que les frais pour la conduite des
deux Écoles sont plus élevées que ceux
d'une École unique et que, par ailleurs,
le nouveau bâtiment pouvait abriter les
deux institutions, on se résout, en 1868,
à les fusionner.

23. Un
enseignement évolutif
Le premier directeur Émile FRIES devait
construire son cours de toutes pièces
avec l'aide des industriels car, à cette
époque, les théories des machines de
tissage et de filature étaient à peu près
inexistantes.
Du programme des études de l'École Théorique et
Pratique de Tissage Mécanique publié en
1863 (Annexe N°
3), on retient surtout
que l'objectif de l'enseignement est
l'acquisition dans des conditions aussi
proches que possibles de la pratique de
connaissances technologiques encyclopédiques
des processus traditionnels :
"L'organisation de l'École est établie
sur le pied manufacturier et constitue un
établissement complet, avec force motrice
à la vapeur, atelier de menuiserie et de
réparations". "Plan d'études
en deux divisions, théorique et
d'application, passant alternativement et
régulièrement de l'une à l'autre. Théorie:
décomposition et analyse des tissus unis,
grains, armures, façonnés, velours,
gazes ; "levée" et dessin des machines, étude
des meilleures implantations à donner à
un tissage nouveau, établissement de
plans et devis, calcul de prix de revient
et de fabrication, comptabilité
industrielle. Applications: travail
manuel, montage, réglage, ajustage, réparations,
entretien de toutes les machines; montage
d'articles décomposés en théorie,
"mettage", mise en marche et tissage, le
tout, assisté par un contremaître. En
plus, un cours spécial de deux heures est
dispensé le soir pour les personnes occupées
dans la journée qui désirent apprendre
le tissage".
"Conditions d'admission et dispositions générales
:
600 F par an par élève pour les cours théoriques
et pratiques d'une année scolaire de onze
mois. Pour le cours spécial de deux
heures du soir : 25 F par mois payé
d'avance. Les étrangers sont admissibles
à l'École au même titre que les
nationaux. Un élève peut se faire
admettre à toute époque de l'année et
doit produire à l'entrée les bulletins
ou notes de conduite et d'aptitude émanant
d'autres institutions. Après l'achèvement
de ses études, l'élève sera tenu de
passer un examen ..."
"Règlements d'ordre et de discipline et
avantages particuliers offerts par l'École
: Les cours durent chaque jour de 8
heures à midi et de 14 à 18 heures, sauf
le samedi où la fermeture a lieu à 16
heures. Les élèves ayant une
demi-heure de retard ne seront
plus admis. Les élèves travailleurs trouveront
l'École ouverte à 7 heures du matin et à
13 h. Les dimanches et jours fériés légaux,
l'École reste fermée. Tout ce qui peut
troubler l'ordre ou le travail est défendu:
bruit, chant, causeries; il est interdit
de fumer et d'introduire dans l'établissement
des comestibles, du vin ou des spiritueux.
Aucun élève ne peut faire voir les
ateliers sans l'autorisation du directeur.
Les fabricants ou négociants qui désireraient
des renseignements sur des genres de
fabrication spéciaux et articles façonnés
pourront en faire la demande au directeur;
ces consultations, confidentielles avec
visite de l'École, donneront lieu à une rémunération
proportionnelle au temps qu'elles nécessiteront.
Dans le but de faciliter aux inventeurs
les essais nécessités par les améliorations
et les perfectionnements à apporter aux
machines de tissage, l'École offre son
concours aux intéressés... "
Les structures indispensables pour la bonne
marche de l'École se mettent en place avec
célérité, d'abord un Comité de
surveillance issu de la S.I.M. puis, en juin
1863, une Commission d'examen dont les
membres sont choisis parmi les spécialistes
les plus représentatifs d'entreprises
textiles du Haut-Rhin. Les membres
de cette Commission apposent leur
signature au bas du certificat de capacité
remis aux élèves à la fin de leur année
d'études. De ce fait, ils doivent non
seulement faire passer les examens aux élèves,
mais surtout valoriser le parchemin et
recommander son détenteur aux fabricants,
leurs collègues, appelés à les
employer. Ce principe de faire passer les
épreuves de fin d'année dans les matières
textiles par des examinateurs praticiens
de l'industrie fonctionne durant plus d'un
siècle, jusqu'à la "révolution de
mai 1968" où il est aboli. C'était
d'ailleurs la terreur des élèves car ces
examinateurs possédaient à fond quelques
questions spécifiques techniques,
scientifiques et pratiques qu'ils se régalaient
de poser aux étudiants.
Comment se passent les premières épreuves à l'École, par exemple celles des sept étudiants
de la promotion sortante du 23 juillet
1863 ? La Commission d'examen comprend
outre le président Henri SCHWARTZ
(1845-1895), membre de la C.C.I., du
Conseil Municipal, de la S.I.M. et plus grand
filateur de laine peignée d'Europe avec
115.000 broches en 1895, Gustave DOLLFUS,
Henri ZIEGLER de Mulhouse, Théodore FREY
de Guebwiller, J. GROSHEINZ de Thann,
Gustave BORNEQUE de Bavilliers, R. WEERDER
de Wesserling et J. DIETSCH de
Sainte-Marie-aux-Mines. Le
matin de 9 h à midi ont lieu les examens
oraux et théoriques et après déjeuner
les travaux écrits et les examens
pratiques de réglage des machines. Une
liste de questions est proposée à
l'avance que les examinateurs ont la
latitude de modifier ou d'étendre et dont
ils proposent une à l'élève. En outre
l'étudiant présente et explique le
travail écrit dont le directeur l'a chargé
de soumettre à l'examen. Chaque
examinateur donne une note entre 1 et 20
à chacune des trois matières. Le
directeur de l'École y ajoute une note
pour la conduite et une pour l'application
de l'élève, notes qui entrent pour 215
dans la note finale. Ces épreuves passées
avec succès donnent lieu à l'établissement
de grands parchemins de 50 x 40 cm
richement ornés, un diplôme de premier
ordre pour une moyenne de 15 à 20 (Annexe
N° 4) ou de second ordre pour une moyenne
de 13 à 14,99 (Annexe N°
5) ou d'un
certificat d'études (ou de capacité)
pour une moyenne de 10 à 12,99 (Annexe N°
6).
Pour l'École Théorique et Pratique de Filature,
un programme analogue est établi en 1865
(Annexe N°
7).
Formation tous azimuts
Très tôt, le Comité d'administration et la
Direction se rendent compte de
l'insuffisance de la préparation des élèves, ce qui les
empêche de profiter au maximum des enseignements dispensés. Plusieurs démarches
sont entreprises tant pour améliorer le niveau des élèves entrants que pour parfaire
l'instruction des élèves et des salariés de l'industrie.
Déjà en décembre 1862, un accord est passé
avec la direction de l'École
Professionnelle de Mulhouse pour organiser dans leurs
classes supérieures un cours préparatoire spécial de deux heures par jour. Cette
initiative est destinée à des jeunes
gens
intéressés par l'entrée dans l'industrie
textile comme contremaîtres ou en tant
que
futurs élèves à l'École textile. Douze élèves
suivent ce cours dès la première année.
Ce nombre s'élève rapidement à
une vingtaine au cours des années
suivantes.
Quant à la filature, le directeur
Jacques-Mathieu WEISS dispense,
"sans rétribution
spéciale", à partir de 1865 des cours
populaires du soir à 35 élèves de 18 à
30 ans venant de l'industrie ou de l'École de Tissage et
qui cherchent à s'initier ou à se
perfectionner. On y trouve aussi bien
des contremaîtres, fileurs, mécaniciens,
dessinateurs que des employés de commerce
ou d'usine.
La même année et en 1866, l'École
de Filature fait appel à Ernest STAMM,
professeur aux Universités de Milan et
de Turin pour donner chaque fois deux conférences à Mulhouse sur la théorie
du renvidage sur self-acting, à
l'aide de tableaux explicatifs et d'une têtière de métier
à filer automatique. Tous les étudiants
et un
grand nombre de chefs d'entreprise,
directeurs, contremaîtres et ouvriers
assistent
à ces exposés suivis de
discussion. Plus tard, STAMM revient pour
parler de la théorie du battage et du cardage.
A peine a-t-on emménagé
en 1865 dans la nouvelle École fraîchement
construite,
qu'un nouveau projet de création
d'un atelier expérimental de tissage mécanique
exploité industriellement est
caressé. Ce serait une possibilité de
gagner de l'argent
en tissant à façon pour des
entreprises locales et, simultanément, de
perfectionner
les connaissances de contremaîtres
ou de directeurs ayant déjà une expérience
pratique dans l'industrie. On pensait
aussi à la formation, dans ce cadre,
"de futurs tisserands hors ligne propres à
devenir plus tard de bons contremaîtres
tout en
gagnant de quoi vivre". Sitôt
dit, sitôt fait. L'Assemblée générale
des fondateurs de
l'École vote au printemps 1866 une
augmentation de capital de 30.000 F pour
adjoindre dans un local de l'École
un atelier de 40 métiers à tisser mécaniques
avec
tout le matériel de préparation
conduit par du personnel autre que les élèves.
Ce
serait aussi pour des élèves
sortant de l'École avec des connaissances
théoriques et
pratiques, l'occasion de vivre
concrètement une expérience d'atelier
avec le souci du
rendement et de la direction des
ouvriers. Les ouvriers eux-mêmes
formeraient un
noyau, un vivier de futurs bons
contremaîtres. Toutefois, cette
initiative fut un coup
de sabre dans l'eau. Ce tissage
entrant en activité en 1867 dut être
fermé à peine trois ans plus tard, son rendement
étant d'autant plus mauvais que la
conjoncture
dans le tissage devenait "néfaste"
et, en conséquence, il travaillait à
perte.
En 1868, la nouvelle École de Filature et de
Tissage
1867 est une année exceptionnelle par la
participation à l'Exposition Universelle
de Paris d'une délégation des Écoles de
Tissage et de Filature de Mulhouse. Dans
une vitrine de la S.I.M. sont exposées des
préparations de mèches, des filés et
des tissus produits à l'École ainsi que
les plans détaillés de ses salles de théorie
et de pratique. Une médaille d'or est décernée
à la S.I.M., fondatrice de ces institutions.
La fusion des deux Écoles sous la Direction
unique de Émile FRIES est décidée. Jacques-Mathieu WEISS reste l'adjoint
d'Émile FRIES, mais après une année de
collaboration, il préfère repartir dans
l'industrie pour diriger une filature du
Val d'Ajol tout en restant membre du Comité
d'Administration de la nouvelle École.
Un fonds spécial est créé par l'École en 1868
pour envoyer le major de tissage en
Angleterre en vue d'effectuer une
"tournée industrielle".

1870 : l'élan brisé
La nouvelle École atteint une belle prospérité
avec une quarantaine d'élèves par an
quand, le 19 juillet 1870, NAPOLÉON III déclare
la guerre à l'Allemagne. Les examens se
terminent et l'École ferme ses portes le
31 juillet 1870. En septembre la
Haute-Alsace subit des incursions
de troupes prussiennes et le 3 octobre
Mulhouse est occupée. Après l'armistice,
le "Traité des Préliminaires de
paix" est signé le 26 février 1871
entre la France (cédant aux vainqueurs
les trois départements de l'Est, sans le
Territoire de Belfort) et l'Allemagne. L'École ne rouvre ses portes qu'en avril
1871, un mois avant la signature du Traité
de Paix de Francfort. Mais l'élan est
brisé. Pendant les cinq premières années
après la guerre, le nombre d'élèves
recule à 15. Déjà en mai 1873, le
vice-président du Comité
d'Administration de l'École tire la
sonnette d'alarme. "Le nombre d'élèves
est trop faible pour faire vivre l'École". On énumère les causes
possibles de cet échec, indépendamment
de "l'influence fatale de la guerre :
le manque de publicité faite pour l'École, la jeunesse qui néglige les
ressources mises à sa disposition dans la
région, plusieurs écoles analogues qui
venaient de s'ouvrir en France, en Suisse
et en Autriche".
"On relève également les atouts de l'École
: l'outillage complet, une
École à
caractère international et libre de toute
ingérence gênante extérieure, (État,
Municipalité, Politiques, etc...), nos élèves
sont toujours accueillis par les
industriels pour des visites d'usines, un
directeur dynamique et de haute compétence,
l'Alsace est un centre textile
suffisamment grand pour pouvoir à lui
seul alimenter notre École sans secours de
l'étranger". Néanmoins, les faits
sont là ! En mai 1874, Gustave DOLLFUS, le
président du C.A. propose une nouvelle
souscription auprès des industriels pour
assurer la pérennité de l'École pour 3
ans, sinon ce serait la fermeture forcée
par manque de moyens. Cette souscription
rapporte la somme de 19.000 F et
garantissait ainsi la marche de l'École
pour 4 ans.
Un autre souci découle de la diminution
drastique du nombre de candidats à l'entrée,
le niveau d'instruction des élèves
diminue fortement par suite de la
suppression de l'examen d'admission,
notamment les notions de mécanique et le
dessin
manquent complètement. A partir de ce moment, la
Commission d'examen se transforme en
conseil pédagogique, se rendant plusieurs
fois par an à l'École, prodiguant
encouragements et conseils aux élèves.
De nouveaux cours dispensés par le
professeur DANZER devaient compenser les
lacunes : mécanique (transformation des
mouvements, force, travail), moteurs à
vapeur et hydrauliques, appareils à
vapeur, chauffage et combustibles,
comptabilité commerciale.

Un second départ
Enfin, à partir de 1877, on voit renaître
l'espoir avec des promotions d'une
trentaine d'élèves qui vont en
augmentant jusqu'aux années 1910 où
elles dépassent la cinquantaine. On
introduit un examen d'admission avec contrôle
des connaissances afin de relever le
niveau. En 1878, des cours supplémentaires
sont également ajoutés : dessin, préparation
de plans et de devis d'établissements de
filature et tissage.
Si la durée normale des études est de deux années,
dont une en filature et une en tissage,
des élèves avec une bonne formation
initiale, doués et travailleurs, avaient
la possibilité de faire les deux sections
en une année de séjour, ce qui arrivait
à quelques rares élus.
Après l'agrandissement des bâtiments et le
renouvellement du parc de matériel dans
les années 1880, on réorganise également
les programmes d'études, notamment à
cause de l'instruction de base
insuffisante des élèves et pour relever
le niveau des études en leur permettant
une incursion plus facile dans le domaine
théorique. On procède à une révision
des cours soutenus par des interrogations
fréquentes : cours de filature avec élargissement
à la laine, cours de tissage, théorique
et pratique, travaux pratiques sous la
surveillance de bons contremaîtres sur du
matériel produisant des filés ou des
tissus. Refonte des autres cours en les
rendant obligatoires: mécanique élémentaire
et appliquée, comptabilité, physique et
chimie industrielles (comme au début il
présentait des difficultés
d'organisation, ce cours est d'abord fondu
avec celui de mécanique), étude de la
chaleur, des générateurs et des
mouvements des gaz, électricité pour l'éclairage
et les moteurs, notions de chimie nécessaires
aux apprêts, comptabilité générale. En
1885, on est obligé d'admettre qu'il y a
"deux catégories bien distinctes d'élèves,
l'une distinguée pour les futurs chefs
d'ateliers, l'autre médiocre pour les
ignorants dont il fallait d'abord assurer
une préparation en dessin et mathématique".
Par ailleurs, au niveau du recrutement et du
placement des jeunes, la concurrence
d'autres Écoles en France et à l'étranger
ouvertes à partir des années 1880 se
fait
sentir. Le patronat haut-rhinois, à l'indépendance
sourcilleuse, souligne que ces
Écoles, contrairement à celle de Mulhouse qui
s'autofinance, sont largement subventionnées par l'État, les villes ou des
institutions diverses. Néanmoins,
"nous sommes sur la bonne voie,
affirme-t-il, les armes pour
vaincre la concurrence seront
la supériorité de notre enseignement". Un
peu plus tard, le président du Comité
d'administration De LACROIX se rassure en
estimant que "les écoles rivales
fournissent plutôt des contremaîtres que des
directeurs".
En 1885, le directeur Emile FRIES qui a porté
pendant 24 ans "son École"
contre vents et marées à travers toutes
les difficultés, âgé et fatigué,
demande à prendre une
retraite bien méritée. Son fils Henry a
d'ailleurs fréquenté l'École en 1881 et
sera plus tard directeur-gérant de
DOLLFUS & NOACK à Sausheim. Oscar
WILD (1849- 1897), un ancien élève
sorti de l'École en 1877 qui avait dirigé
pendant quelques années un tissage de
Mulhouse, assumera la Direction de l'École
à partir de 1885.
Enseignement français puis bilingue
Dès avril 1871, l'administration allemande
introduit en Alsace annexée, en même
temps que l'obligation scolaire (Jules
FERRY ne le fait en France que douze ans
plus tard) l'allemand comme langue
d'enseignement au primaire, donc la
suppression de la langue française à l'école
communale. Le français subsiste comme
langue étrangère dans les collèges et
lycées. Certains journaux continuent à
paraître en français, la population et
les banques calculent toujours en Francs
jusqu'en 1891 alors que le Mark a été
introduit en 1874 (la parité, extrêmement
stable pendant des décennies, est de 1,25
F pour 1 Mark). La S.I.M. n'a jamais
interrompu, entre 1870 et 1914, la
publication en langue française de son
Bulletin mensuel - par ailleurs, une
immense source d'informations, notamment
pour l'historien -.
Mais l'administration allemande supportait de
moins en moins cette École textile où
tout le monde, du directeur à la plupart
des élèves, non seulement parle français,
mais exhibe ostensiblement des sentiments
profrançais. Néanmoins la politique de
germanisation avance, même si c'est à
petits pas. En 1892, l'École est obligée
de dispenser un cours de filature en
langue allemande, obligatoire pour les élèves
alsaciens et quelques rares Allemands.
C'est d'ailleurs un ancien élève sorti
major en 1887, Henry BRUGGEMANN, venant de
Cologne, qui devient professeur de
filature à l'âge de 25 ans. En juin
1894, à la suite d'un "incident
politique" que nous avons relaté
ailleurs, on se voit obligé d'enseigner
aux Alsaciens tous les cours en langue
allemande. Toutefois, pour les étrangers,
on continue à professer en langue française
jusqu'en 1914. Cet enseignement bilingue
représente une surcharge considérable
pour les professeurs qui devaient
pratiquement dédoubler leurs cours.
Mais de ce fait, certains obstacles de langue et
de frontière sont écartés. L'École
lance une campagne de publicité à
travers l'Europe dans l'espoir d'augmenter
le nombre de ses élèves. Effectivement,
" l'administration allemande a
compris la correction de l'attitude de la
Direction de l'École, inspirée du seul désir
d'élever l'enseignement et d'être utile
à une classe intéressante, celle des
fils de contremaîtres et d'employés de
notre pays". L'accroissement des
effectifs est dû en grande partie à
l'afflux d'étudiants français attirés
par Mulhouse à cause de ses industries
diverses et ses ateliers de construction,
même si, au cours des vingt dernières
années, plusieurs écoles textiles furent
fondées en France. On relève ainsi
"qu'en renonçant à l'enseignement
bilingue, l'École perdrait la moitié de
ses élèves que représente le contingent
des étrangers car, même les Vieux
Allemands viennent faire leurs études à
Mulhouse pour apprendre, selon leur propre
aveu, la langue française. Pour notre École, cela devient donc une question de
vie ou de mort". De toute façon,
l'Alsace et l'Allemagne ne fournissent
qu'un tiers des effectifs, ce qui justifie
l'enseignement bilingue.
Malheureusement, en juin 1897, en
plein élan d'expansion, la mort prématurée
du
directeur Oscar WILD vient
endeuiller l'École. Toutefois, les deux
professeurs de
filature et de tissage terminent
normalement les cours et les examens se
passent à
la date prévue de fin juillet. Se
pose alors le problème de trouver un
nouveau directeur. BRUGGEMANN, professeur compétent
de filature qui assure l'intérim de
direction, qui professera plus tard
également à l'École de chimie la législation
des
brevets ainsi que la filature et le
tissage des différentes fibres textiles,
est pressenti
et son mérite n'est contesté par
personne. Toutefois, comme il avait à
peine 30 ans,
"le Comité ne le jugea pas
assez mûr pour cette délicate
fonction". En réalité, mais ceci n'est ni dit officiellement ni
surtout écrit dans les procès-verbaux,
les industriels
mulhousiens ne veulent pas confier,
à l'instar de ce qu'ils firent pour l'École de
chimie, l'École textile de Mulhouse à
un Prussien. Par bonheur, un ancien
professeur
de mécanique et ancien
sous-directeur de l'École, ingénieur
de l'École Centrale de
Paris, ayant dirigé des tissages
importants à Mulhouse entre 1871 et 1896,
l'Alsacien
Albert ROHR (1847- 1914),
se trouve en disponibilité. Il prendra la
succession de
Oscar WILD et demande la création
d'un conseil permanent de perfectionnement
dont la mission serait de réviser
les programmes, les cours et les règlements.
Ce
conseil, composé de deux sections,
filature et tissage, comprenant le
personnel
enseignant, des praticiens de
l'industrie et les examinateurs, donnerait
des avis.
Dans la foulée on supprime le
cours de comptabilité et, avec les économies
ainsi
réalisées, on améliore les émoluments
des contremaîtres.
Vers la fin du siècle, avec la
mode des tissus fantaisie et articles spéciaux,
on se rend
compte de l'importance de
l'enseignement des armures fantaisie pour
former de bons échantillonneurs, des
techniciens artistes. "Nous ne
pouvons pas rester dans
le tissage ordinaire avec nos prix
élevés de main d'œuvre, déclare en
1899 Camille
De LACROIX, l'Alsace ne prospérera
dans la Grande Allemagne (sic) qu'en s'appliquant à demeurer l'initiatrice
de la mode et de la nouveauté". Étant
donné que
dans peu d'écoles on enseignait
parallèlement au tissage le dessin
d'imitation, on
institue à côté de notre cours
d'échantillonnage un cours de dessin
d'imitation, bien
que l'École de dessin et de gravure
le professait déjà en ville. En complément
du tissage du coton et de la laine, on
introduit au début du siècle le tissage
de la soie, du
lin et du tapis, en achetant un métier
à tisser le tapis.
Le régime des études est remis en
cause au début du siècle.
Faudrait-il créer une classe préparatoire et n'admettre
aux cours spéciaux que les élèves qui,
aux examens d'entrée, auraient fait
preuve de connaissances générales
suffisantes ? Une
année d'études semblerait à
peine suffisante, d'autant que dans
certaines écoles la
formation dure deux voire trois
ans. Mais la concrétisation de ces idées
se heurterait au problème du recrutement
car les ressources de nos jeunes, généralement
sans fortune, ne seraient pas
suffisantes. La question de la formation
de base est
également discutée au cours de l'A.G. des Anciens de 1904 où l'on
recommande vivement aux jeunes de fréquenter
d'abord une École industrielle, notamment
les cours
complets de l'École des apprentis
de Mulhouse qui venait d'être créée,
suivis d'un
stage de quelques mois dans une
filature ou dans un tissage. Malgré tous
les efforts,
on signale chaque année
l'insuffisance des connaissances
scientifiques des élèves à
l'entrée. Dans un moment de découragement,
Albert ROHR déclare en 1908 que
"la valeur moyenne des élèves
de tissage n'a jamais été aussi faible
depuis son arrivée à l'École en 1897. De plus,
comme l'État est chaque jour plus avide
d'interventions et de réglementations et que les
administrations allemandes pèsent d'une
main de plus en plus lourde sur certaines
institutions de la S.I.M., l'avenir
n'apportera rien de bien".
En dépit de ces déboires, la qualité de
l'enseignement et le nombre d'élèves
progressent. Les années 1910 et 1911
annoncent des records de 69 et 72 élèves.
Les développements rapides des techniques
nouvelles obligent les professeurs à
actualiser continuellement leurs cours. Le
professeur KAMMERER, ingénieur en chef de
l'Association des propriétaires
d'appareils à vapeur, captive son
auditoire avec son nouveau cours d'électricité,
un autre nouveau professeur,
self-made man, dispense avec succès
des cours de moteurs, chaudières et générateurs.
On décide de relever le coefficient de
ces matières dans les notes de
classement. Un professeur de l'École de
chimie est engagé pour des cours de
blanchiment et teinture sur filés et
d'analyse de tissus.

Des cours de perfectionnement pour les actifs
A l'instar des cours initiés dans les années
1862 à 1865 et destinés à un public extérieur
à l'École, l'idée de créer une école
de contremaîtres pour l'industrie textile
est relancée en 1908 par l'Association
des Anciens élèves. La Municipalité
semblait disposée à favoriser une telle
création analogue à l'École technique
des Apprentis déjà existante. Les
Anciens qui feraient partie du Conseil
d'administration et élaboreraient le
programme d'études de cette école,
expriment leurs craintes de voir la ville
agir trop bureaucratiquement et les
industriels de la SIM trop autoritairement
en tirant la couverture à eux.
Finalement, cette école de
perfectionnement pour contremaîtres, mécaniciens
et employés de l'industrie et du commerce
est organisée par la S.I.M. en cours du soir
avec le professeur AUER de l'École textile
dispensant des leçons de tissage et décomposition
des tissus. Dès la première année en
1910, on enregistre 29 personnes, puis
entre 20 et 30.
Le cataclysme mondial de 1914-
1918
L'année 1913 est caractérisée, pour des
raisons politico-militaires, par la
défection des jeunes de sorte que le
nombre des élèves tombe à 38. D'autre
part, les étudiants éprouvent du mal à
se placer comme stagiaires débutants et
le professeur de filature BRUGGEMANN les
prend dans son bureau comme aide en
attendant qu'ils se placent dans
l'industrie. D'ailleurs cette année-là,
BRUGGEMANN quitte l'École pour se
consacrer entièrement à ses activités
de bureau d'expertise et de rédacteur et
est remplacé par SCHIRMER, également un
Ancien de l'École. Quant au directeur
Albert ROHR, il exprime le souhait de se
retirer mais doit rester jusqu'en 1914,
mourant à la tâche au mois de mai. La
Direction est alors confiée à Fritz
ORTLIEB, sorti de l'École en 1897. Un
nouveau cataclysme s'abat sur l'Europe et
notamment sur l'Alsace, au moment où, le
31 juillet 1914, la distribution de 29
diplômes vient de se terminer.
Le ler août 1914, l'Allemagne déclare la guerre
à la Russie et le 3 août la France. Le 4
août les troupes allemandes entrent en
Belgique et la Grande-Bretagne déclare
la guerre à l'Allemagne. L'Europe
s'embrase. Dès le début des hostilités,
les troupes
françaises avancent à deux reprises jusqu'à
Mulhouse pour refluer finalement à une
vingtaine de km de notre ville jusqu'à la fin de
la guerre. Mulhouse, zone de front,
reste soumis à l'arbitraire militaire allemand.
L'École doit rester fermée durant toutes les
hostilités, d'autant qu'elle
"n'avait jamais
été en odeur de sainteté durant les 47 années
d'occupation allemande". En réalité,
elle fut toujours considérée par les autorités
allemandes comme un foyer de propagande française, avec ses cours professés en
langue française, avec de nombreux
industriels, enseignants et élèves français et
alsaciens dont la mentalité francophile
était notoire. Et l'École l'était en fait. En
conséquence, une demande de réouvertu
re de l'École adressée à l'administration
allemande fin 1914 est rejetée. Au
contraire, les Allemands ordonnent en 1915 une enquête
dans le but de placer l'École sous
séquestre en tant qu'institution ennemie. Le président
du Conseil d'administration
et ancien député Théodore SCHLUMBERGER et le
directeur Fritz ORTLIEB restés sur place, s'ils n'ont pas réussi à empêcher
la mise sous séquestre, ont néanmoins
repoussé cette échéance jusqu'au mois
d'octobre 1918, trois semaines avant la
débâcle allemande. Mieux encore, on a même
utilisé ce temps d'inactivité de l'École
pour améliorer l'aménagement des immeubles, en
vue d'accueillir des promotions
plus importantes dès le retour à la paix.
Bâtiments et matériels sont restés intacts et
des matières premières sauvées. Les
dirigeants se mettent immédiatement à l'œuvre
et les cours reprennent, les premiers de toutes les écoles du secteur, le 1er février
1919 avec 57 élèves, la plupart
Alsaciens, certains encore en uniforme. Après
avoir "avalé" le programme
annuel
en 7 mois 112, 49 élèves passent les examens
avec succès le 12 septembre 1919. Pour
la rentrée suivante, comme à l'École de Chimie,
affluence record avec 120 élèves, le
double d'une promotion normale, dont 60 Français
pour la plupart démobilisés
entre temps. Les professeurs ORTLIEB, KLEIN et
BURGARDT, dans un assaut de
dévouement, sont obligés de dédoubler leurs
cours.
Un nouveau
visage : l'École Supérieure en 1919
Si la guerre faisait rage et les activités de
l'Association des Anciens de Mulhouse
mises en sommeil, il n'en est pas de même des
Anciens du groupe régional d'Épinal.
En effet, en octobre 1915, une réunion de huit
Anciens du remuant groupe régional des Vosges engage "une discussion sur la
réorganisation de l'École et sur la transformation indispensable des statuts de
l'Association dont la plupart des articles
sont à modifier ou à remplacer". Le
lieutenant Henri BONDOIT installé à
Chevilly
(Loiret) soumet, dans une édition provisoire du
Bulletin de l'Association N° 1, les
réflexions, entre autres, sur l'avenir de l'École
: "La guerre, considérée au
point de
vue exclusif de nos intérêts mulhousiens, est
un événement dont nous devons nous
féliciter. En éliminant des éléments
germanophiles remuants, elle fera disparaître
tous les points de friction - malheureusement trop nombreux
- qui
ont entravé la
bonne gestion de notre Association.
Raisons essentielles d'une réorganisation de l'École
:
le programme de l'École ne contient pas tout ce
qu'il faut pour faire d'un diplômé
un directeur parfaitement documenté :
-
études du domaine d'ingénieur : mécanique,
machines à vapeur, moteurs, électricité,
hydraulique,
- économie : droit commercial, législation
du travail, étude de marchés textiles,
organisation, direction des usines,
comptabilité,
-
complément d'études textiles :
fibres, botanique, chimie tinctoriale,
apprêts.
Comme corollaire, prolongation des études:
filature 2 ans, tissage 2 ans, filature et
tissage 3 ans. La 1 ère année
partiellement commune aux deux sections
comprendrait des cours de révision, math,
matières textiles, notions de chimie
tinctoriale, etc..."
"En conséquence, transformer, comme pour l'École de Chimie, le titre de
l'École en "École Supérieure de Filature et de
Tissage" ; créer comme sanction des études
un diplôme d'ingénieur en filature etc...
;
augmenter le corps professoral et
organiser des conférences par des
industriels ou anciens élèves. Il faudra
reconstruire l'École en presque totalité... avec salles de cours, d'échantillonnage,
de dessin, amphi de 150 places,
laboratoire, musée-bibliothèque,
ateliers, bureaux des prof., appartement
de la Direction, etc... L'Association devra
être représentée au sein du Comité
d'administration de l'École". Vaste
programme ! ...
Dès 1919, l'École s'approprie le nouveau nom d'École Supérieure de Filature et
Tissage. "Bien que prétentieux,
souligne De LACROIX, il était bien mérité
après la réorganisation complète des
cours et l'élévation du niveau des études
suite aux concours d'entrée". Devant
l'affluence des étudiants, il fallut dédoubler
les séances de travaux pratiques en
demi-sections chaque jours de 10 h
à midi et de 14 à 16 heures, les cours
théoriques ayant lieu le matin de 8 à 10
h et le soir. Au tissage, on déplaçait
des moteurs individuels transportables
pour faire marcher les métiers
indispensables.
En 1920, si l'on n'a pas entièrement reconstruit
l'École selon les vœux des Spinaliens, on
augmentait sérieusement sa surface pour
un budget de plus de 450.000 F. Le nouvel
amphithéâtre permettant d'accueillir les
deux promotions réunies est inauguré en
janvier 1921.
En 1923, la Direction de l'École présente une
plaquette de 24 pages illustrées (Annexe
N° 8) avec le nouveau programme d'études
en refondant entièrement les cours de
filature, de tissage et d'instruction générale
et en les complétant en 1924 par une
section de bonneterie. Cours de filature :
Matières textiles, titrage, technologie
de filature coton, laine peignée et cardée,
autres matières ; cours de tissage : matières
premières, filature et retordage de ces
matières, machines de préparation et de
tissage, théorie de liage, échantillonnage,
fabrication ; cours de bonneterie :
machines, mailles cueillies, métiers chaîne,
tricots, confection, etc... ; cours
d'instruction générale : mécanique cinématique,
appliquée, dynamique et statique, chaudières
et moteurs, électricité, résistance des
matériaux, éléments de machines,
technologie, chimie textile, droit,
finances et comptabilité, marchés de
coton.
A cette époque, les frais de scolarité se
montent pour les élèves français
suivant les deux cours à 7000 F par an,
10.000 F pour les étrangers, en plus des
frais de fournitures et d'assurance
accidents.
Cours préparatoires et de perfectionnement
Durant les vacances d'été 1920, on organise,
dans le but de mieux préparer les élèves
à l'entrée à l'École, des cours de mise
à niveau. Ces cours préparatoires
devaient garantir annuellement une
vingtaine de recrues bien initiées. Si,
en 1930, on compte encore 27 élèves à
ce cours de vacances, l'année suivante,
la crise textile faisant rage, il est
supprimé, faute d'inscriptions.
Par ailleurs, à la même époque le Lycée de
Mulhouse tient compte des souhaits exprimés
par l'École en dispensant dans sa section
scientifique un enseignement mieux gradué,
ce qui permet d'avoir annuellement une
quinzaine d'élèves sérieusement préparés.
Une classe préparatoire à l'École
Professionnelle de Mulhouse fonctionne
depuis 1921 pour fournir un petit
contingent d'élèves à l'École de
Filature et Tissage mais, par suite de la
crise textile, elle est supprimée par le
Recteur d'académie en 1932 en raison des
faibles effectifs.
Les cours du soir organisés par la S.I.M., destinés
aux contremaîtres de tissage et autres
actifs de l'industrie et du commerce
textiles, reprennent dès l'automne 1919
sur de nouvelles bases plus solides. Bien
que moins bien fréquentés à cause de
l'augmentation substantielle de l'écolage,
ils procurent des ressources supplémentaires
à l'École. Ils ont lieu deux fois par
semaine de 20 à 22 heures de début décembre
à juin et comportent les matières
suivantes : dessin et croquis industriels,
matières textiles, notions de filature,
tissage machine et théorie de liage,
travaux pratiques et réglage des
machines. Ils sont dispensés en partie en
dialecte alsacien et sanctionnés par un
examen. Entre 1921 et 1929, 50 à 80
adultes suivent ces cours. Des cours
semblables sont réclamés pour la
filature. En raison de la crise, les cours
du soir ne pouvaient plus être autofinancés
et sont supprimés durant les années 1932
et 1933 pour reprendre avec 32 inscrits en
1934. Avec la reprise des affaires à
partir des années 1937, on enregistre
jusqu'à la guerre entre 40 et 50 élèves
aux cours du soir qui profitent également
du patronage de l'Alliance Corporative. Ce
cours de perfectionnement pour les employés
d'entreprises textiles devait être dédoublé
en octobre 1938 par une formation du mardi
matin. Il fallut en outre organiser un
autre cours professionnel de tissage à Châtenois
(Bas-Rhin) dispensé par deux
professeurs de l'École de Mulhouse (dont
un en langue alsacienne) pour une
quarantaine d'élèves les samedis de 14
à 17 heures pendant l'hiver. Ce même
cours a dû être repris à Rothau en
hiver 1939.

24.
Combat pour le titre d'ingénieur
A l'Assemblée générale des Anciens de juillet
1922 est formulée une demande au Ministre
de l'Instruction Publique afin que le
gouvernement autorise les élèves de l'École de Mulhouse à prendre le titre
d'ingénieur textile. Camille De LACROIX,
président du Conseil d'Administration de
l'École, fidèle à l'esprit des
manufacturiers mulhousiens, soupire en décembre
1922 "Si nous pouvions donner un
brevet signé d'un sous-secrétaire
d'État, notre recrutement serait
certainement meilleur. Mais pour être
reconnu par l'État, il nous faudrait
renoncer à cette indépendance... mais
nous sommes enfants de Mulhouse,
francs-tireurs dans le sang...
".
Branle-bas de combat au Comité de
l'Association des Anciens en été 1923.
Le président du groupe régional des
Anciens de Paris envoie un extrait de
presse en provenance de l'École Supérieure
de Filature et Tissage de l'Est à Épinal,
(Annexe N°
9) publié dans un journal
alsacien, signalant "qu'elle est
habilitée à recevoir l'instruction
militaire supérieure, qu'elle se classe
parmi les premières du Continent et que
c'est la seule École à décerner le
Brevet d'Ingénieur Textile visé par le sous-secrétaire d'État à
l'Enseignement Technique, etc...". Les
Anciens de l'École de Mulhouse se
rebiffent en estimant qu'il "est
inadmissible qu'Épinal ait des privilèges
aussi intéressants alors que Mulhouse, la
première et la plus ancienne de France ne
les ait pas" et demandent d'effectuer
des démarches auprès de Daniel MIEG, président
de la S.I.M. Malheureusement, Mulhouse est
bien plus éloigné de Paris qu'Épinal,
politiquement, et Frédéric ORTLIEB calme
le jeu par quelques explications embarrassées.
Néanmoins un premier résultat est acquis en
automne 1923 avec l'autorisation accordée
à l'École par décret ministériel d'être
admise à la Préparation Militaire Supérieure
(P.M.S.). 46 étudiants suivent cette
instruction en première et deuxième année
et 7 sont reçus. Les années suivantes
une trentaine de candidats s'inscrivent à
cette formation de P.M.S. durant deux ans.
Plus tard, entre 2 et 5 candidats réussissent
annuellement le brevet P.M.S. et une
demi-douzaine le peloton de sous-officier de réserve. Suite au
décret du 10 août 1938, seuls les élèves
ingénieurs sont admis à la P.M.S. ce qui
fait fondre les effectifs.

De 1924 à 1937
Les démarches pour l'obtention du titre d'ingénieur
aboutissent en 1924 à la solution souhaitée
:
on accorde le brevet d'ingénieur textile
de l'E.S.F.T.B. (Annexe N°
10) aux élèves
ayant suivi les cours pendant deux ans et
obtenu dans chaque section un diplôme de
1er ordre (moyenne 16 sur 20 à partir
des années 1925). Quatorze brevets d'ingénieurs
sont ainsi décernés pour la première
fois en été 1925 et ce système dure
jusqu'à la fin de l'année scolaire 1937.
En 1930 le directeur Frédéric ORTLIEB publie
une nouvelle plaquette luxueuse de 36
pages format 19 x 29 cm avec le programme
rénové des études de filature, tissage,
bonneterie et d'instruction générale
obligatoire et facultative (commerce de
cotons bruts, droit, finances et
comptabilité). Les conditions d'admission
sont plus sévères et on propose aussi
des cours de vacances pour les candidats
devant passer un examen d'admission. Les
frais de scolarité se montent à 4000 F
par an pour les nationaux et 6000 F pour
les étrangers, en plus des frais de
fournitures et d'assurance. L'École
accorde des demi ou quart de
bourses aux élèves français méritants.
Une nouvelle étape est entamée à la suite de
l'application de la loi du 10 juillet 1934
instituant une Commission des Titres d'Ingénieurs.
En réponse à la requête du Conseil
d'administration et de la Direction de l'École, le ministère de
l'Éducation
Nationale rend son jugement, publié au
journal Officiel du 26 juillet 1936 :
"La Société de l'E.S.F.T.B.M. pourra,
dans l'avenir, délivrer un titre d'ingénieur
libellé ainsi : diplôme d'Ingénieur
Textile délivré par l'École Supérieure
de Filature, Tissage et Bonneterie de
Mulhouse. Les personnes ayant acquis ces
diplômes dans le passé
pourront en faire usage dans l'avenir lorsqu'il
aura été procédé à la formalité de dépôt
prévue par l'article 9 de ladite
loi". En 1953, le directeur Victor
HILDEBRAND rappelle que le Brevet d'Ingénieur
Textile décerné aux élèves dans les
années 1925 à 1936 est assimilé au
titre d'Ingénieur Textile.
Toutefois, une profonde réforme de
l'organisation scolaire est imposée par
la Commission des Titres à toutes les écoles décernant
le diplôme d'ingénieur textile.
Une lettre adressée à notre École par ladite
Commission le 14 juin 1937 précise les
conditions à remplir lors de la création d'une
section spéciale d'ingénieurs en
octobre 1937 :
- recrutement par examen niveau baccalauréat
mathématiques complet,
- trois années d'études,
- culture générale scientifique,
notamment mathématiques, physique et
chimie, et culture générale technique, en
principe 1 h 1/2 de cours par jour,
-
le reste du temps culture technique
professionnelle.
Le ministre de l'Éducation Nationale précise
"l'an prochain à pareille époque il
sera procédé à une nouvelle inspection
de votre École. Si vous ne vous êtes pas
conformés aux vues de la Commission...
nous serions amenés à retirer le droit
accordé à des écoles privées de décerner
le diplôme d'ingénieur". Le Comité
d'admistration de l'École réuni le 28 juin
décide de se conformer à cette nouvelle
organisation qui prévoit trois catégories
d'élèves :
-
section ingénieurs diplômés, avec 3
ans d'études, admission des élèves avec
le baccalauréat complet (séries
scientifiques),
- section brevet textile, avec deux années
d'études, admission des élèves avec le
baccalauréat 1 ° partie,
- section diplôme en Filature ou en
Tissage ou en Bonneterie avec une année
d'études, admission des élèves
titulaires du brevet industriel d'une École
Pratique du Commerce et d'Industrie.
Avec cette nouvelle organisation, l'École est obligée de consacrer des
sommes
importantes à l'engagement de
professeurs spécialisés et à
l'installation de laboratoires de technologie, physique et
chimie indispensables pour l'enseignement
scientifique. En outre, le jury d'examen
est nommé par le Ministère et présidé
par un
Inspecteur général de
l'Enseignement technique.
Le directeur de l'École Frédéric
ORTLIEB donne les informations sur ces
changements fondamentaux dans
l'organisation de l'École à l'Assemblée générale
de l'Association des Anciens en été
1938. A partir d'octobre 1937, dans la
section ingénieurs, 14 élèves suivent les
cours de première année, 12 passent en
deuxième
année, les derniers brevets d'ingénieur
textile après deux années d'études sont
décernés en été 1938.
D'ailleurs, cette réorganisation et le
ralentissement de la crise
font augmenter le nombre de
candidats à l'entrée. Malgré la
complexité des programmes que cette nouvelle
organisation a posée provisoirement au
corps professoral, 90 % des élèves subissent
avec succès les examens de fin d'année
1938.
En 1939, l'organisation d'une
quatrième section est envisagée pour des
ingénieurs
d'autres écoles désireux d'acquérir
des connaissances en matières textiles
avec une
durée d'études d'une année,
sanctionnée par le diplôme d'ingénieur
textile.
L'enfer de la guerre de 1939 à 1945
Pour la troisième fois depuis sa création, l'École subit le douloureux sort de sa
province, l'annexion de fait par
l'Allemagne hitlérienne dans des
conditions particulièrement tragiques.
La dernière année scolaire avant la guerre 1939/45 a commencé sous d'heureux
auspices. A la suite de l'institution de
la section ingénieur en 1937, les
effectifs vont en augmentant pour
atteindre, en automne 1938, 99 étudiants
dont 74 étrangers, 25 Français dont 5
Alsaciens. Cette année est perturbée par
la mobilisation de certains professeurs et
étudiants et par le rappel d'élèves étrangers.
Néanmoins les examens de fin d'année ont
lieu en été 1939 aux dates prévues et
72 candidats y sont admis.

Réfugiés indésirables
Pour la nouvelle année 1939/40 de nombreuses
inscriptions laissent augurer d'une année
record. Mais Mulhouse étant à la portée
de l'artillerie allemande, la déclaration
de la guerre force la Direction de l'École
à choisir entre sa fermeture ou son
transfert en des endroits plus sûrs dans
les départements français de l'Intérieur.
A l'instar de l'École de Chimie qui se
replie dès l'automne 1939 à Toulouse et
par la suite à Lyon, notre Direction,
avec l'appui des autorités et de la
Direction Générale de (Enseignement
technique, cherche des locaux à Dijon,
Roanne, Lyon, Épinal, Elbeuf pour s'y
installer provisoirement pendant la durée
des hostilités. En vain. Personne ne
voulant de cette École, le Conseil
d'Administration se voit contraint en
novembre 1939, la mort dans l'âme, de
fermer l'établissement et de renvoyer les
élèves inscrits.
Après l'invasion de l'Alsace par l'armée
allemande en juin 1940, le directeur Frédéric
ORTLIEB qui venait d'être promu en août
1939 Chevalier de la Légion d'Honneur,
reste à son poste pour garder l'École et
veiller au bon entretien de ses
installations. Il prend contact avec les
autorités d'occupation en vue de
reprendre (activité tout en conservant à
l'École le caractère d'indépendance dont
elle avait joui depuis l'origine. Mais,
comme il fallait s'y attendre, les
Allemands prennent petit à petit
possession de l'École pour s'y installer.
Alors, plutôt que de signer des déclarations
de loyalisme qu'on lui présente, explique
Frédéric ORTLIEB qui a 63 ans, il préfère
demander sa retraite. Il quitte son
logement qu'il a occupé à l'École pendant
28 ans mais a pris soin de mettre les
archives de l'École en lieu sûr.

Annexion nazie de 1940 à 1944
En mars 1941 arrive un professeur allemand qui
devait commencer à organiser des cours du
soir pour contremaîtres et débutants. Le
1er décembre 1941 le directeur allemand
de l'École Textile de Chemnitz,
Oberstudienrat BAUER, vient s'installer
dans notre École. Le 1er avril 1942, elle
reprend officiellement ses activités
d'enseignement sous le nom de
"Staatliche Textilfachschule",
d'abord pour l'instruction de contremaîtres
et de techniciens et l'année suivante,
sous le nom de "Textilingenieur
Schule" pour la formation d'ingénieurs.
Durant ces trois années d'occupation, l'École a formé une soixantaine de
techniciens et cinq ingénieurs. Grâce à
cette École, un certain nombre de jeunes
Alsaciens a également pu reculer la date
fatidique de l'enrôlement de force dans
l'armée allemande.
Un enseignement de 36 heures hebdomadaires est
dispensé par le directeur BAUER pour la
théorie de liage en tissage et par des
professeurs allemands, JANSEN, venant de
Nordhorn, pour la technologie de filature,
BULWER pour les matières textiles, l'échantillonnage,
la métrologie et une initiation à la
filature (pour le tissage), au tissage
(pour la filature) et au finissage,
KLOTTER de Heidelberg pour la mécanique,
le dessin, etc. Ce dernier prend également
en charge l'instruction politique nazie!
Quelques Alsaciens, anciens élèves de
notre École engagés dans l'industrie,
complètent le corps professoral en tant
que vacataires: les ingénieurs à la S.A.C.M.
Émile MIESCH (promo 1925), Gaston MARTIN
(1901-1968, promo 1920), René
SINGER (promo 1926), pour le tissage et l'échantillonnage.
Des techniciens instructeurs dont Jean
GSELL (de 1928 à 1947) pour la préparation
tissage et la bonneterie, et de l'été
1942 à fin 1944, Paul STAAD pour les
travaux pratiques, Joseph KOLLIFRATH pour
la filature, etc. s'occupent de la
formation en atelier. En été 1944,
plusieurs étudiants sont embauchés pour
des travaux de laboratoire et d'assistance
aux professeurs. Dans la cour de l'École,
des élèves creusent des abris
anti-aériens.

Un an de flottement en 1945
Ce directeur allemand et son personnel restent en
fonction jusqu'en novembre 1944. Grâce à
l'avancée rapide des troupes françaises
de libération, les Allemands, quittant précipitamment
Mulhouse, ont laissé tout en plan. Les bâtiments
et installations sont sortis indemnes de
la tourmente . Début 1945, l'ancien
directeur Frédéric ORTLIEB remet les
archives françaises en place, mais, âgé
de 67 ans, il exprime le désir de ne pas
reprendre la charge de la Direction de l'École. Le Conseil l'appelle à siéger
en son sein en le nommant membre du Comité
d'Administration. Lavis de la Commission
d'Épuration du Comité de Libération du
Haut-Rhin installé à la Sous-préfecture
de Mulhouse est
sollicité avant de réintégrer certains
enseignants alsaciens. En avril 1945, une
partie des membres du Comité de
l'Association des Anciens Élèves se réunit
pour la première fois après la guerre
pour s'inquiéter de l'inertie du Conseil
d'Administration de l'École dépourvue de
Direction et de corps professoral. Frédéric
ORTLIEB y fait un rapport sur l'évolution
de l'École depuis 1919 et notamment
pendant la sinistre période de
l'occupation. L'ancien directeur souligne
le danger grave qui menace l'École si la
situation de léthargie actuelle devait se
prolonger. Le Comité décide d'effectuer
une démarche auprès de Jean DOLLFUS, président
de la S.I.M. et vice-président du C.A.
de l'École, rentré depuis peu à
Mulhouse, en l'absence de Paul
SCHLUMBERGER, président du C.A.
de l'École et président d'honneur
de l'Association, pour connaître ses
intentions à
l'égard de notre École.
Après une période de flottement, la Direction
de l'École est confiée à Léon SCHULTZ
qui entre en fonction le ler août 1945
mais doit se retirer au bout de trois mois
pour raison de santé. A partir de cette
date, Gaston MARTIN, professeur
de tissage, dirige l'École par intérim et Victor
HILDEBRAND, professeur de tissage et de
bonneterie, est chargé par le Conseil de
recruter les professeurs et de réorganiser
les cours au niveau d'avant-guerre.
BURNER et LEHÉ en filature, MARTIN et
MITTERAND en tissage et LALLEMAND en
bonneterie forment la première équipe de
base d'après guerre. Les cours
d'instruction générale sont dispensés
par les mêmes professeurs vacataires
qu'avant la guerre. A l'instar de l'École
de Chimie qui reprit ses activités en
octobre 1945, l'École rouvre ses portes le
15 novembre 1945 à 129 élèves dont 113
Français et 16 étrangers. Les frais de
scolarité se montent alors à 13.000 F
annuellement pour les nationaux et 19.000
F pour les étrangers, l'année suivante
resp. 17.000 et 25.000F. Une cérémonie
officielle de rentrée a lieu le 8 janvier
1946 en présence du Commissaire de la République
BOLLAERT, du Préfet du Haut-Rhin
PAIRA, du Maire de Mulhouse WICKY, du
Doyen de la Faculté des Sciences de
Strasbourg WEISS, du Président de la SIM
Jean DOLLFUS, du Président de
l'Association des Anciens Élèves Pierre
LAVER, du Conseil d'Administration, des
professeurs, des élèves, etc... Victor
HILDEBRAND prend officiellement la
Direction de l'École en mars 1946.
C'est le début d'une longue période de profonde
adaptation.

25. Vers la
nationalisation
Le perfectionnement constant des programmes et le
rehaussement du niveau polytechnique du
titre d'ingénieur nécessitent des moyens
accrus. La superbe affirmation de l'esprit
franc-tireur mulhousien de 1922 est
battue en brèche. L'ancienne structure de
l'École privée indépendante, sous l'égide
de la S.I.M., ne semble plus répondre aux
nouvelles exigences de ressources. Le
Comité de Direction de l'École doit
envisager une réforme lui permettant de
s'appuyer davantage sur le soutien de l'État. Tant pis pour l'indépendance. A
l'Assemblée générale des Anciens de
juin 1958, Victor HILDEBRAND se posant la
question fondamentale sur la justification
de cinq grandes écoles textiles en France
au vu de la désaffection des jeunes pour
l'industrie textile, annonce de
bouleversants projets d'avenir: le très
prochain rattachement de l'École à l'Éducation Nationale, la construction
d'une nouvelle École dans le cadre
grandiose du futur Campus Universitaire,
l'adaptation de l'enseignement dans le
domaine des sciences et des méthodes de
travail, etc. Mais par ailleurs, la sélection
d'admission des élèves se complique car
le niveau général en fin des études
secondaires semble être en baisse alors
que les bons éléments ont un plus grand
choix pour poursuivre leurs études et que
notre formation est devenue supérieure.
Paul WINTER, président des Anciens, après
une visite de l'École de Reutlingen dans
le cadre de V.D.I., déclare à cette A.G. que
notre École pourrait faire au moins aussi
bien que celle de Reutlingen qui, rattachée
à l'Université de Stuttgart, compte 700
élèves dont 40 % d'étrangers et dispose
d'installations et de matériels
ultramodernes, dont certains de provenance
française qui n'existent pas à l'École
de Mulhouse. "Nous devons faire
davantage de publicité pour notre École".
Ce rattachement tant souhaité n'arrive pourtant
pas rapidement. En 1960 le nouveau
programme d'études de l'École est inséré,
pour la première fois depuis la guerre,
sous forme de page publicitaire dans la
revue des Anciens qui s'appelle alors
"Les Annales Textiles" (Annexe N°
11). A cette époque, sous la Direction de
Victor
HILDEBRAND, le corps enseignant est renforcé et
en grande partie renouvelé : RENARD,
DETHOOR et THEILLER pour la filature
coton, HUSER puis LUDWIG pour la filature
laine, HANN, KIRSCHNER et BURGER pour le
tissage, PAPEGAY, DUNGLER et HILD pour la
maille, SPECKLIN pour les nontissés,
SCHUTZ et HABERBUSCH pour la métrologie
et les matières textiles, SCHUTZ et J.
DUNGLER pour la chimie et
l'ennoblissement, BRAUN pour la mécanique
et le dessin industriel, CALLOT, JUNG,
LUDWIG, FISCHBACH pour la physique et la
physique industrielle, etc. Cet effort de
renouvellement du corps professoral se
poursuivra et quelques années plus tard,
François RENNER pour le tissage et R.
PETITEAU pour les sciences de l'ingénieur
viendront renforcer l'équipe enseignante
permanente.
A la même époque, le vice-président délégué
du Conseil d'Administration MONNIER déclare
"l'École ne peut plus demeurer indépendante
dans une ville qui a vocation
universitaire ; comme l'École de chimie,
nous avons choisi le rattachement à
l'Université". A l'A.G. des Anciens de
1964, on s'impatiente car la promesse
faite en juin 1958 n'était toujours pas réalisée.
Au moment où un membre du C.A. de l'École répond
à un étudiant "l'École sera sans
doute fermée" et où un recteur
estime que "l'École n'avait pas rang
universitaire", Victor HILDEBRAND
souligne que "personne n'accroche ses
soucis au-dessus de sa porte"
et console les impatients en rappelant que
le rattachement de l'École de Chimie a
bien duré dix ans, de 1947 à 1957.
En fait, le principal obstacle à la prise en
charge de l'École par l'Éducation
Nationale est essentiellement d'ordre pédagogique.
Déjà en 1954, à l'instigation du Ministère
et de la Commission des Titres d'Ingénieurs,
le professeur MAILLARD, Inspecteur général
de l'Enseignement Textile Supérieur est
chargé d'un audit pédagogique de l'École.
Il s'intéresse davantage aux niveaux mathématiques
et scientifiques classiques qu'aux
connaissances spécifiquement textiles des
élèves qu'il interroge. Suite à son
rapport, il est décidé de maintenir
l'habilitation de l'École à délivrer le
titre d'ingénieur textile. Mais en
1962-63 le Ministère et la Faculté
des Sciences de Strasbourg à laquelle est
rattaché le tout nouveau Centre
Universitaire de Mulhouse, jugent
insuffisant le niveau de l'École. De plus,
le maintien d'une formation de Techniciens
supérieurs, parallèle à celle des Ingénieurs,
est fort mal vu à Strasbourg. C'est
pourquoi, sur conseil du professeur
BENOIT, doyen de la Faculté des Sciences
de Strasbourg, le professeur
Jean-Baptiste DONNET, futur
Directeur de l'École Supérieure de Chimie
de Mulhouse, avec l'appui de la S.I.M. présidée
par Bernard THIERRY MIEG, demande à
Richard SCHUTZ, professeur à l'École Supérieure
de Chimie et à mi-temps à l'École
textile (de 1951 à 1960), d'élaborer un
nouveau programme pédagogique plus
conforme "au niveau et à l'esprit
universitaires".
1966
: École Supérieure des Industries Textiles
C'est grâce aux efforts conjugués de toute une
équipe comprenant le Directeur de l'École
Supérieure de Chimie et du Centre de
Recherche de la Physico-Chimie des
Surfaces Solides Jean-Baptiste
DONNET, le Conseil d'administration de l'École sous la présidence de
Jean-Mathias HORRENBERGER, la Société
Civile de l'École textile sous la présidence de Pierre SIEGER, la
Municipalité de Mulhouse, la Direction de
l'École, l'Association des Anciens élèves
présidée par René DUC et les milieux
politiques que put être annoncé à l'A.G.
des Anciens de juin 1966 : "Nous voilà
arrivés au but ! La reconnaissance
officielle du rattachement à la Faculté
des Sciences de l'Université de
Strasbourg le 26 mai 1966, confirmée par
le décret du 26 août, de notre École qui
s'appellera dès lors École Supérieure
des Industries Textiles de Mulhouse"
(Annexe N°
12). Désormais, les diplômes
seront signés par le Recteur de l'Académie
de Strasbourg.
Au cours de cette mémorable Assemblée, Victor
HILDEBRAND se lève pour tenir "son
dernier discours, arrivé au terme d'une
longue période de travail riche en
soucis, misères et tribulations, où rien
n'a manqué, même pas les fins de mois
difficiles. Mais les résultats obtenus
par les élèves pèsent davantage dans la
balance". A cette occasion, son
successeur, Jean René MEUNIER, appuyé
par Jean-Baptiste DONNET, se présente
"comme un néophyte électricien-électronicien,
parachuté au milieu des textiles en
suivant sa destinée".
Outre l'acquisition d'équipements modernes
notamment dans le domaine de métrologie
et des sciences de (ingénieur, le nouveau
Directeur jean René MEUNIER mène une
politique de changements profonds dans le
fonctionnement de l'École, en particulier
sur le plan pédagogique selon le projet
agréé. Le niveau scientifique des
enseignements est considérablement
rehaussé et des disciplines nouvelles
relevant des sciences de l'ingénieur
introduites, tandis qu'on s'achemine vers
la suppression de la section des
Techniciens.
Désormais il ne s'agissait plus tellement de
dispenser des connaissances technologiques
encyclopédiques des processus textiles
traditionnels mais de former des ingénieurs
susceptibles d'analyser les processus, de
procéder aux changements, de concevoir
les innovations, ceci dans le cadre d'une
rentabilité industrielle. La formation
comprend dès lors :
- des compléments en sciences et
techniques fondamentales pour ingénieur,
- les sciences et techniques spécifiquement
textiles,
- une initiation aux problèmes de
l'entreprise et de la recherche, suivie
d'un stage en entreprise de trois mois en
fin de scolarité,
- une initiation en sciences humaines,
sociales, économiques et de
communication.
L'arrêté ministériel du 4 avril 1969
officialise et impose l'introduction de
disciplines nouvelles : électrotechnique
et électronique, métallurgie structurale
et plasturgie, langues vivantes et
informatique, statistiques appliquées,
gestion et marketing, etc... Le nouveau
programme est publié dans les Annales
Textiles d'avril 1968 (Annexe N°
13). Mai
1968 a aussi des influences sur
l'organisation et le fonctionnement de l'École ainsi que sur la composition du
Conseil d'Administration (plus forte représentation
du corps professoral, de l'Université,
des étudiants, etc.).
1971 : le creux de la vague
En dépit du rattachement à l'Université Louis
PASTEUR de Strasbourg, l'École voit sortir
cette année la plus faible promotion de
son histoire avec 2 ingénieurs et 7
techniciens supérieurs, comme en 1862 après un
an de fonctionnement. Avec la nouvelle
organisation, la plupart des candidats
sont recrutés sur concours au niveau des
classes préparatoires aux Grandes Écoles
Scientifiques (Mathématiques Spéciales)
dans les centres d'examen de Paris et de
Mulhouse, les candidats sur titre détenant
un D.U.E.S. (D.E.U.G.) ou D.U.T. Mais les
candidats ne connaissent guère l'E.S.I.T. de
Mulhouse ce qui explique le recrutement médiocre.
Une nouvelle fois, le Ministère envisage
d'abandonner l'École et de la fermer.
C'est compter sans la fougue et la ténacité de
Pierre SIEGER, devenu président des
Conseils d'Administration de l'École et du
Centre de Recherches Textiles. II s'engage
non seulement en faveur du maintien de l'École, mais de son développement avec
une nouvelle construction, les anciens bâtiments
en bordure du canal de décharge de l'Ill
étant inadaptés et devenant un danger
public. Richard SCHUTZ, directeur des Études
depuis 1974, secondant en 1975 Jean
René MEUNIER en tant que
Directeur-adjoint, relève le défi,
veut faire de l'École de Mulhouse "la
meilleure école textile de France, sinon
du monde" et donne une nouvelle
impulsion à ces démarches. Il développe
la recherche pour former des enseignants
ingénieurs textiles-docteurs. Afin
d'attirer à l'École des élèves
candidats, il prend son bâton de pèlerin
pour faire connaître l'industrie textile
à l'Amicale des Professeurs de
"taupe" : "L'industrie
textile française représente 45
milliards de chiffre d'affaires annuel
comparable à celui de l'industrie pétrolière
et devançant celui de l'industrie
automobile. La France est le troisième
constructeur de matériel textile du
monde, dont 80 % se situe dans le
Haut-Rhin. Le textile est à la
base de nombreux progrès techniques, tels
le différentiel équipant tous les véhicules
automobiles du monde, la chromatographie
analytique, l'automation, les cartes
perforées utilisées en informatique de
première génération, etc..." D'autre
part, comme l'Institut Universitaire de
Technologie de Mulhouse ouvre une section
"Génie Mécanique à Orientation
Textile", notre École perd alors la
section des techniciens supérieurs dont
la dernière promotion sort en juin 1973.
Cette option ne figure plus au programme (Annexe N°
14).
Toute cette nouvelle dynamique contribue à l'amélioration
de l'image de l'École. Les deux centres
d'examen enregistrent au concours d'entrée
quelque 120 demandes, ce qui permet d'espérer
atteindre l'objectif prévu de nouvelles
promotions de 30 à 40 ingénieurs. En
1975, le Secrétaire d'État aux Universités
en tournée à Mulhouse pour inaugurer la
création de l'Université de
Haute-Alsace, annonce la
nationalisation des deux Écoles d'ingénieurs
de Mulhouse et leur intégration prochaine
à la nouvelle Université, assortie de la
promesse d'une contribution de l'État à
l'édification des nouveaux bâtiments de
l'École !
En 1976, Richard SCHUTZ quitte la chaire qu'il
occupe à l'E.S.C.M. pour prendre à temps
complet la direction de l'École. "Les
difficultés pour faire nationaliser notre
École sont innombrables, reconnaît le
nouveau Directeur à l'A.G. des Anciens de
1977, le budget n'est assuré que pour 50
% par l'État, l'École ne compte aucun
fonctionnaire, les anciennes structures
administratives sont à modifier, les
sciences textiles ne sont pas reconnues
comme discipline universitaire, etc...".
Il fallait la ténacité, l'acharnement
voire une dose de folie des responsables
pour ne pas se décourager. En effet, ce
n'est qu'au bout d'une quarantaine
d'entrevues avec les différentes
instances ministérielles à Paris, sans
compter les innombrables démarches auprès
es industriels, de la Ville, du Département, de
la Région, etc..., que le financement de
cette construction fut assuré.
1977
: l'E.N.S.I.T.M.
dans sa nouvelle version
Par décret du 5 avril 1977 l'École de Mulhouse,
seule École en France dans cette spécialité,
est érigée en ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE
DES INDUSTRIES TEXTILES en tant qu'Unité
d'Enseignement et de Recherche (U.E.R.) de
l'Université de Haute-Alsace
formant des ingénieurs E.N.S.I. (bac + 5) et
permettant à des chercheurs de préparer,
à l'issue d'un Diplôme d'Études
Approfondies (D.E.A.) en Sciences des fibres
textiles et des matériaux macromoléculaires
(devenu en 1984 "Génie des processus
et des matériaux textiles et
paratextiles"), un Doctorat en
Sciences de l'Ingénieur de l'Université
de Haute-Alsace.
Avec l'État assurant 80 % du budget vers 1982, il
revient à la Direction et à la Présidence
du Conseil d'Administration de l'École de
collecter le solde auprès du Syndicat
Textile, des Collectivités et par la Taxe
d'apprentisage. On élimine enfin les
problèmes matériels et financiers tout
en accroissant considérablement la
paperasse (rapports, budgets, contrôle,
etc...). A cause des problèmes juridiques
relatifs au transfert de propriété et
des difficultés administratives
concernant le paiement du personnel, est
créé, à côté de la Société Civile,
un nouvel organisme "Association pour
le développement de la formation et de la
recherche textile" (A.D.F.R.T.) présidé
par Pierre SIEGER qui sera l'employeur
pour le compte de l'Université du
personnel de droit privé de l'École (Annexe N°
55).
La nouvelle maison est inaugurée en décembre
1977 par le Directeur du cabinet ministériel
BEGUIN. A cette occasion, le professeur
J.B. DONNET, président de l'Université
du Haute-Alsace, fait l'éloge du
travail accompli en commun : "Là où
il y a une volonté, il y a un
chemin". L'A.G. des Anciens s'y tient
pour la première fois en juin 1978. Une
nouvelle page de l'histoire de l'École est
tournée.
Sous la Direction de Richard A. SCHUTZ, l'équipe
pédagogique est renforcée par les
professeurs universitaires DUPUIS, SIGLI,
WOLFF et VIALLIER pour le développement
des activités de recherche. Les premiers
diplômes d'ingénieur E.N.S.I.T.M. sont délivrés
à la promotion 1980. L'École est également
habilitée à décerner des diplômes
d'ingénieurs dans la spécialité textile
pour les cas de promotion sociale. Le
recrutement des élèves se fait désormais
par la voie du Service des Concours
Communs Polytechniques et un quota réservé
aux titulaires d'un diplôme universitaire
de technologie (D.U.T) et après étude de
leurs dossiers (Annexe N°
15). C'est
aussi en 1980 que l'ENSITM dans le cadre
de l'Université de Haute Alsace, devient
le seul établissement français à être
habilité à délivrer un doctorat en la
spécialité des sciences textiles, ce qui
lui vaut la venue d'étudiants d'autres Écoles supérieures textiles de France,
mais aussi de plusieurs pays étrangers
(Allemagne, Égypte, Italie, Maroc,
Tunisie, Vietnam, etc.) pour préparer
leur D.E.A. et/ou leur thèse à l'École.
La collaboration régionale et nationale est également
intensifiée.
-
Liaison plus étroite avec le Centre de
Recherche Textile de Mulhouse (C.R.T.M.)
affilié à l'Institut Textile de France,
créé en 1947 à l'initiative de l'École
de Chimie de Mulhouse.
- Création en décembre 1974, à
l'instigation du président Pierre SIEGER
sous le patronage du Centre de Recherches
Textiles et de l'École, d'un Atelier Expérimental
Textile de la Région Est (A.E.T.R.E.),
accueilli fin 1977 à l'École, regroupant
des professeurs, des industriels et des
constructeurs de la région pour définir
et entreprendre ensemble des programmes de
recherche, notamment avec le concours d'élèves
D.E.A. et doctorants de l'École.
- A la même époque, accueil dans les
sous-sols de l'École et
collaboration étroite avec le Centre de
Recherche Mécanique Appliquée au Textile
(C.E.R.M.A.T.), créé à l'initiative des
constructeurs alsaciens de matériel
textile et dirigé par Michel AVEROUS,
professeur à l'École.
- Fondation d'une Association pour le Développement
des Écoles Supérieures Textiles (A.D.E.S.T.).
regroupant une trentaine d'établissements
français, dont les cinq Écoles d'ingénieurs,
des Lycées techniques, l'Union des
Constructeurs de Matériel Textile Français,
l'Institut Français de la Mode, etc, avec
siège à l'École de Mulhouse et secrétariat
assumé par VIALLIER.
Toutefois, étant donné l'effet négatif sur les
jeunes des articles de presse relatant les
licenciements dans l'industrie textile, le
problème du recrutement des élèves
reste préoccupant. Un nouvel effort de
publicité est entrepris dans les années
1980 : visite à l'École des professeurs
des classes spéciales et portes ouvertes
en 1982, interview à FR3, articles dans
les journaux locaux et nationaux, à la
radio et sur les chaînes de télévision,
etc. Un classement des écoles d'ingénieurs
publié dans la revue Le Point de novembre
1982 place l'E.N.S.I.T.M. au vingtième rang de
toutes les écoles, loin devant les autres
écoles textiles. "Pourtant, déclare
Claude WOLFF qui assure la Direction de l'École à partir de janvier 1987 à
l'A.G.
des Anciens de 1987, l'image de notre École
dans le public, à travers le
recrutement des jeunes fondé sur le
concours national des E.N.S.I. de Physique et
de Mécanique, n'est pas bon, car seuls
les étudiants reçus dans les deux derniers déciles
entrent à l'E.N.S.I.T.M.".
Un rayonnement international
Richard SCHUTZ s'active pour faire connaître l'École à travers le monde. Les relations
internationales doivent demeurer un des
atouts majeurs de l'E.N.S.I.T.M.
En février 1980, l'E.N.S.I.T. de Mulhouse accueille
le siège du Collège International de l'Enseignement
TEXtile (C.I.E.TEX.), structure
de liaison entre les 80 écoles textiles
du
monde dont SCHUTZ, plus tard VIALLIER, assume le
secrétariat. Cet organisme
s'occupe spécialement de l'étude des équivalences
internationales des diplômes et
des échanges inter universitaires d'étudiants et
de professeurs, etc... Outre la diffusion
de plus de 300 publications, de nombreuses conférences
sont prononcées en
Europe (Allemagne, Belgique, Espagne, Grande
Bretagne, Italie, Pologne, Portugal,
Suède, Suisse, Tchécoslovaquie), aux États-Unis (Berkeley, Clemson,
Raleigh,
Triangle Resaerch, etc.), au Canada (Montréal,
Ottawa, etc.) au Brésil, à Mexico, en
Australie, en Nouvelle Zélande, au lapon (Kyoto
et Tokyo) et en Chine (Hangshou,
Souchou, Shanghai et Pékin, etc.). Au Portugal,
l'E.N.S.I.T.M. devient le mentor et le
modèle de l'Enseignement Supérieur Textile à
Covilhà et à Porto-Guimarès. En
Italie, la Città degli Studi de Biella s'inspire
également du "modèle
mulhousien". En
Turquie le programme pédagogique de la Faculté
Textile du l'Université d'Izmir est
inspiré de Mulhouse, laissant aux Allemands la
construction des bâtiments. L'École
prend en charge la formation des futurs cadres
d'une usine textile construite par les
Allemands en Algérie. En juin 1980 le 4e
Symposium International sur l'Encollage Textile
(S.I.E.T.) est organisé à Mulhouse
avec 362 participants. En automne 1986, à
l'occasion du 125e anniversaire de l'École, est organisé sur le campus
universitaire de Mulhouse, parallèlement
au 7e S.I.E.T., le Premier Colloque
International des Nouvelles Technologies réunissant
plus de 600 participants venus d'une
trentaine de pays du monde entier.
A partir de 1987, les directeurs successifs
poursuivent cette politique d'ouverture
internationale de l'École tant dans le
cadre des contrats européens que hors CE.E.. EUROTEX, une institution européenne
de coopération entre l'université et
l'industrie regroupant des membres dans
huit pays européens est fondée en 1990
par treize Universités, écoles ou
centres de recherche textile européens,
dont l'E.N.S.I.T.M., avec siège à l'Université
de Minho au Portugal. En 1992 est créé
à l'École un département des relations
internationales pour gérer les échanges
d'enseignants et d'étudiants (Allemagne,
Angleterre, Belgique, Bulgarie, Canada, Grèce,
Hongrie, Israël, Italie, Maroc, Mexique,
Pologne, Portugal, Suisse, Tchécoslovaquie,
Tunisie, Ukraine, Vietnam, etc...). Le
Royaume du Maroc choisit le "modèle
mulhousien" pour créer, en étroite
collaboration pédagogique avec l'E.N.S.I.T.M.,
deux écoles de techniciens supérieurs à
Casablanca et à Tanger et une École supérieure
d'ingénieurs textiles à Casablanca.

Formation pluridisciplinaire de haut niveau
A partir des années 1980, les élèves-ingénieurs
textiles se voient offrir la possibilité
de préparer simultanément la licence en Électrotechnique,
Électronique et
Automatismes (E.E.A.) de l'UHA.
Entre 1977 et 1995, 68 thèses de doctorat ont été
soutenues à l'École sous la direction
effective des professeurs de l'E.N.S.I.T.M. et
en 1995196, 17 étudiants préparent un D.E.A. et 18 thésards un doctorat. Pour la
première fois en 1986, un prix A.D.R.E.R.U.S.
(Association pour le Développement des Relations entre
l'Économie et la Recherche auprès des Universités de
Strasbourg) est décerné à une thèse de
docteur-ingénieur textile.
Créé en 1980, le Laboratoire de Physique et Mécanique
Textile de l'E.N.S.I.T.M. (L.P.M.T.) , associé au
C.N.R.S. - Jeune Équipe en 1986,
devient en mai 1988 comme seul laboratoire
textile en France, L.P.M.T.- Unité de
Recherche associée au C.N.R.S., dirigée
successivement par les professeurs
Danielle SIGLI, Claude WOLFF et Pierre
VIALLIER.
En 1983, une formation d'ingénieur en
confection-habillement, inexistante
en France, est envisagée et ouverte en
novembre 1985. A partir de ce moment, les
élèves avaient le choix entre deux
options en 3° année: ingénieur en
fabrications textiles ou ingénieur en
confection-habillement. En 1989, on
institue aussi une section spéciale
permettant aux ingénieurs diplômés
d'autres écoles d'obtenir en une année
un diplôme "ingénieur E.N.S.I.T.M. spécialisé
en confection-habillement". La
même année, la Conférence des Grandes Écoles accrédite
l'École pour délivrer
le
Mastère Spécialisé en Ingénierie Confection-Habillement et plus tard
en Ennoblissement textile, une formation
intensive en une année accessible aux
titulaires d'un diplôme scientifique français
ou européen de niveau Bac + 5).
Le Syndicat Textile d'Alsace et PROTEXTAL créent
en 1986 l'InStitut Textile d'Alsace (IS.T.A.)
formant en deux ans des chefs de produits
textiles en recrutant des jeunes de niveau
D.U.T. ou B.T.S. Ce fut l'E.N.S.I.T.M. qui prit en
charge toute la formation technique du
programme de PISTA.
Les étudiants, de leur côté, fondent en 1987
avec le soutien de la Direction de l'École
une Junior-Entreprise puis
Tex-Junior proposant des
prestations payantes aux industriels. Sur
cette lancée, ils éditent un journal
trimestriel "Crac". Ils
inaugurent également les voyages d'étude
en fin de troisième année dans les pays
étrangers lointains, U.S.A., Chine, Mexique,
Brésil, Vietnam, Indes, Thaïlande, etc.
En 1989 un Centre de Formation des Professeurs de
l'Enseignement Technique dans les spécialités
"Textile-Cuir-Habillement"
(matériaux souples) est ouvert à l'E.N.S.I.T.M. dans le cadre de l'Université de
Haute-Alsace et l'Institut
Universitaire de Formation des Maîtres de
l'Académie de Strasbourg pour délivrer
le Certificat d'Aptitude au Professorat de
l'Enseignement Technique (C.A.P.E.T.).
A partir d'octobre 1987, l'École organise
annuellement avec un certain cérémonial
une rentrée officielle en présence des
présidents de l'Université de
Haute-Alsace, du
Conseil d'Administration de l'École, de la Société
Civile de l'École, des Anciens
élèves, ainsi que du directeur et du personnel
administratif, des professeurs et
chercheurs, thésards et étudiants. En septembre
199, Auguste KIRSCHNER major
de la promotion 1955 et professeur d'Université,
est nommé à la Direction de 'l'École, poste qui reviendra ainsi, pour la première
fois depuis 25 ans, à un Ancien
de l'École. En septembre 1995 il passe le
flambeau à son directeur-adjoint
Marc
RENNER, également ancien élève de l'E.N.S.I.T.M.,
major de promotion en 1981 et
professeur d'Université.
Un événement universitaire notable eut lieu en
1992 : le titre de Doctor Honoris Causa est
décerné à un enseignant vacataire de
l'E.N.S.I.T.M., le professeur Ron POSTLE de
l'Université australienne de New South
Wales.
Un audit approfondi de toutes les composantes de
l'Université de Haute-Alsace, donc
également de l'E.N.S.I.T.M.,. est effectué en
1993 durant les années 1991 à 93 par le
Comité National d'Évaluation des
Universités, aréopage indépendant du
Ministère de l'Éducation Nationale (Annexe N°
16). Ce rapport aux
conclusions particulièrement élogieuses,
lu par le directeur Auguste KIRSCHNER au
cours de l'A.G. des Anciens de juin 1993,
devient un atout de poids pour l'avenir de
notre École.
Une troisième option de la formation d'ingénieurs
textiles dans la spécialité Traitements
et Textiles Techniques (T3) (Annexe
N°17).
Cette option complète judicieusement les
deux autres mentions existantes
"conception et fabrications
textiles" et
"confection-habillement".
L'équipe enseignante des années 1995 est composée
des professeurs KIRSCHNER, Marc RENNER,
THEILLER, HUA VAN MINH pour la filature,
DRÉAN et RUÉ pour le tissage, BUENO et
TOILLON pour la maille, DURAND, ADOLPHE et
TOILLON pour la confection, BRINKERT pour
les nontissés, VIALLIER, LALLAM, JORDAN
et SCHACHER pour la chimie textile et
l'ennoblissement, LE MAGNEN, ADOLPHE et
SCHACHER pour la métrologie, LE MAGNEN
pour les matières textiles, DUPUIS,
CAMILLIÉRI, BRAND, FREYBURGER, LALLAM et
HUA VAN pour les sciences de l'ingénieur,
etc..., la direction des recherches étant
assurée par Pierre VIALLIER et la
direction des études par Dominique
DUPUIS. En annexe N°
18, le comité
d'administration de 1995.
Innovation créative et communicante destinée
à la nouvelle promotion d'élèves ingénieurs
de 1° année depuis la rentrée 1994 : un
week-end d'intégration dans un
chalet des Vosges auquel participent le
personnel enseignant et administratif de
l'École ainsi que des anciens élèves.
Buts : développer l'esprit d'équipe,
faciliter l'intégration à l'École et
faire prendre conscience de l'implication
de leur futur métier d'ingénieur.
La liste des onze Directeurs de l'École de 1861
à 1996 est donnée en annexe N° 19 et la
photographie de quelques-uns en
annexe N° 20, les noms des Présidents du
Comité ou Conseil d'Administration depuis
l'origine en annexe N°
21. On relève que
la longévité de fonction des directeurs
a considérablement diminué au fil des
135 ans d'existence de notre institution.
Le record de 27 ans est tenu par F. ORTLIEB. A moins que l'on compte également
les fonctions professorales de Victor
HILDEBRAND, appelé affectueusement
Bouboule par les élèves, qui cumulerait
alors 39 années au service de l'École.
Mais à ce compte-là, Auguste
KIRSCHNER serait le champion hors concours
avec plus de 41 ans de fidélité à l'École.
26.
Bâtiments et matériel
Vu le développement rapide du nombre d'élèves,
le local primitif, loué en 1861 pour
trois ans ayant permis le démarrage de l'École, s'avère rapidement trop exigu.
Dans son rapport du 29 juillet 1863 à la
S.I.M., Henri THIERRY, président du Comité
de Surveillance de l'École de Tissage mécanique
souligne la nécessité d'un local plus
vaste spécialement affecté à l'École de
Tissage, car "être propriétaire de
l'immeuble donne une forcé extraordinaire
à l'institution qui l'occupe". Le
Comité d'administration envisage donc la
construction d'un bâtiment définitif.
Une Assemblée générale des premiers
souscripteurs est convoquée le 24 février
1864 en vue d'une augmentation du capital.
On forme une nouvelle Société Civile
avec un fond social de 76.000 F divisé en
76 parts de 1000 F réparties entre 56
actionnaires mais qui ne touchent aucun
dividende.
1865
: la première École Textile
Un bâtiment à étage d'environ 375 m2 avec une
petite annexe pour la chaudière est édifié
en 1864 sur un terrain cédé à des
conditions avantageuses par André
KOECHLIN & Cie entre la rue
Gay-Lussac et le canal de décharge
(Annexe N° 22
et 23). C'est le début d'une longue histoire
d'un immeuble qui ne cessera d'être
agrandi et aménagé, selon l'évolution
du nombre des élèves et des besoins de
l'enseignement, près d'une dizaine de
fois pendant plus d'un siècle. En 1977,
l'École quittera sa vieille maison
d'origine pour un nouvel espace sur le
campus universitaire créé entre temps sur
les hauteurs des collines de l'Illberg.
Les travaux de construction sont terminés en
1865 et la section de tissage s'y installe
d'abord. L'équipement est renouvelé, à
la mesure de la nouvelle maison. Une
machine à vapeur à condensation de 12
chevaux, 28 métiers à tisser comprenant
les systèmes mécaniques les plus répandus,
excentriques, ratières, jacquard, déboîtage,
etc. et le matériel de préparation,
bobinoirs, cannetières, ourdissoirs,
pareuses, etc... A partir de 1867, l'atelier
expérimental industriel de 40 métiers à
tisser, travaillant à façon, y
fonctionne également jusqu'en 1870.
En 1866 on ajoute au sud du bâtiment principal
à étage un atelier en deux sheds de 400
m2 pour y installer, suite à la fusion
des deux Écoles, la filature déménagée
de l'ancien local loué.
Après avoir repris sa vitesse de croisière après
les années difficiles de 1870, un grave
problème préoccupe les dirigeants de l'École, la vétusté du parc de machines
datant pour la plupart de 1861 pour le
tissage et de 1864 pour la filature. En
1878 on fait un nouvel appel aux
constructeurs tant alsaciens et français
qu'étrangers "leur demandant de
contribuer au renouvellement et à la
livraison de matériel complémentaire de
l'École, soit en faisant dons de leurs
machines ou en les vendant à prix réduit,
soit en les exposant". En 1884, on
ajoute deux sheds, soit environ 400 m2,
pour installer beaucoup de nouveau matériel
de provenance internationale. Pour la
filature, construction A.K.C. devenu entre
temps S.A.C.M., constructions anglaises
DOBSON & BARLOW, HOWARD &
BULLOUGH, CURTIS Sons & Cie, Samuel
BROOKS, DICKSON, Robert HALL, Georges
HODGSON, garnitures de cardes lames
WALTON, John HYDE, montage et aiguisage de
garnitures de cardes HORSFALL &
BICKHAM, DRONSFILED, courroies POULAIN,
peignes extensibles Charles TROENDLÉ,
tubes et brochettes en bois STRENLÉ,
temples mécaniques LATSCHA, tubes en
papier MOREL & MOTSCH, SCHAFFHAUSER,
machines-outils avec tour à
fileter et perceuse,
HEILMANN-DUCOMMUN, STEINLEN,
appareils de laboratoire ULLMANN, etc.
Pour le tissage, métiers à tisser et
ratières HAHLO & LIEBREICH, HODGSON,
WITHESSMOTH, S.A.C.M., Construction de
Bitschwiller, HACKING, SUMNER, TATTERSAL
& HOLDSWORTH, VERDOL, BROOKS, etc. En
1891, la S.A.C.M. a renouvelé tout son équipement
et MERTZ de Bâle installe des appareils
d'humidification et de ventilation. Un peu
plus tard, avec l'enseignement de la
laine, on s'équipe également d'un
assortiment de machines S.A.C.M. travaillant
la laine peignée et vers 1896, d'un
assortiment de laine cardée. La vieille
machine à vapeur est remplacée par un
moteur neuf d'un autre modèle. D'autre
part, avec la vulgarisation de l'emploi de
l'électricité, on envisage dès 1894
d'installer "la transmission de force
par l'électricité où chaque métier à
tisser est mû par son moteur spécial".
Ce qui est réalisé quelques années plus
tard en même temps que la production de
l'énergie électrique par une
dynamo-génératrice de 65 volts et
50 ampères mue par une machine à gaz
pour faire tourner 6 moteurs de métiers
à tisser. De cette façon, à l'étude
pratique de la chaudière et du moteur à
vapeur, s'ajoute celle du moteur à gaz et
de la machine électrique.
Après l'Exposition de Paris de 1900 (industrie,
sciences et arts, éducation et
enseignement), l'École s'enrichit de
plusieurs machines exposées cédées
gracieusement à l'École par les
constructeurs. Un nouvel appel est lancé
pour compléter le matériel de tissage de
laine, l'achat de deux métiers soie avec
appareil jacquard lyonnais à grande
vitesse, un métier à tapis et un
bobinoir américain. Au début du siècle,
la S.A.C.M. met en dépôt une peigneuse
dernier modèle et remplace le self-acting
coton puis le banc-à-roches
en gros. GRUN et SCHLUMBERGER de
Guebwiller fournissent une peigneuse et
d'autres machines pour la laine.
En 1912 on construit une loge pour le portier,
une buanderie pour supprimer celle installée
à la cave du bâtiment principal et des
vestiaires avec W.C. pour les élèves. La
machine à vapeur est définitivement
remplacée par un moteur électrique.
Durant la fermeture forcée de l'École pendant la
guerre de 1914 à 1918, on en profite pour
améliorer l'organisation des immeubles,
installer le chauffage à l'eau chaude et
l'éclairage électrique.
Importants agrandissements entre 1920 et 1925
avec le doublement des quatre sheds
existants pour la filature, la nouvelle
section de bonneterie et la construction
d'un nouveau tissage, chacun avec une
salle de cours adjacente (Annexe N°
24).
La souscription ouverte début 1920
atteint en 1922 la somme de 385.000 F pour
un coût se montant à 470.000 F. On
comptait sur un solde de liquidation du
Comptoir des Chambres de Commerce
d'Alsace-Lorraine, alimenté avant
la guerre par l'industrie alsacienne, mais
l'État l'avait de suite accaparé. Le matériel
de tissage quitte l'étage du grand bâtiment
pour son nouveau local. Celui-ci
est transformé en grand amphithéâtre de
132 places. Désormais, les ateliers à
eux seuls couvrent une surface de 2500 m2
avec les machines les plus récentes en
filature, préparation, tissage,
bonneterie, laboratoire, etc. en
provenance de N.S.C., S.A.C.M., CROUZET,
SCHWEITER, Bitschwiller, etc... Les quatre
salles de cours atteignent 350 m2 de
superficie.
Des travaux d'aménagement d'un laboratoire de
chimie et d'un amphi-labo de
physique sont entrepris en 1938 en même
temps que l'acquisition de nouveau matériel
de laboratoire. Une nouvelle extension de
ces laboratoires prévue en 1939 devait
servir également de Centre de recherche
textile permettant de doter notre
industrie alsacienne d'un outil de travail
susceptible de lui rendre d'indispensables
services.
En 1951, l'École agrandit son atelier de tissage
par un nouveau bâtiment en quatre sheds
ultramodernes de 1000 m2 et y installe une
salle de cours, un petit atelier
d'ajustage et un nouveau laboratoire de métrologie
textile en collaboration avec le Centre de
Recherches Textiles de Mulhouse
nouvellement créé. Cette extension, conçue
par l'architecte mulhousien SPOERRY et
construite par ZAHM et GYSPERBER pour un
coût total de 35 M F, financée par
l'industrie textile régionale, les
Chambres de Commerce, la ville, le département
et l'Enseignement Technique, est inaugurée
en 1952 par DISSLER (dont le père fut un
Ancien de l'École, promo 1893), Directeur
du Cabinet du Secrétaire d'État à
l'Enseignement Technique.
Le rattachement de l'École à l'Éducation
Nationale, évoqué dès 1958, devrait lui
procurer les moyens nécessaires à un
meilleur développement. La vétusté et
l'inadaptation de certains locaux et surtout les
dangers que présentaient notamment
l'affaissement partiel du bâtiment
administratif et l'effondrement d'un
morceau de la toiture de l'atelier de
filature datant de 1868, contraint les
responsables d'envisager une
reconstruction sur le campus universitaire
entre le Centre de Recherches Textiles et
l'École Nationale Supérieure de Chimie,
sur un terrain mis à la disposition par
la Ville de Mulhouse. Ce projet est une
nouvelle raison d'espérer. On estime les
coûts d'un bâtiment de 4000 m2 (contre
3500 actuels) à 240 MF auxquels il
faudrait ajouter 160 MF d'équipements
nouveaux ce qui ferait un total de 400 ME
Le budget de fonctionnement de l'École
serait grossi également du fait de
l'augmentation du personnel enseignant. Il
faudra presque 20 ans de l'idée à la réalisation
de cette nouvelle construction.
1977
: un bâtiment grandiose sur le campus
universitaire
Grâce aux efforts conjugués des instances
politiques et économiques, municipales et
régionales, ministérielles,
universitaires et industrielles, la
construction de 5.918 m2 de nouveaux
locaux est menée à son terme par
l'entreprise SAVONITTO après la pose de
la première pierre en septembre 1974 (Annexe N°
25). La rentrée scolaire dans
cette nouvelle maison sur la colline de
l'Illberg a lieu le lundi 17 octobre 1977.
L'inauguration est faite le 9 décembre
1977 conjointement par le Recteur J.
BEGUIN et le Député-Maire Émile MULLER en présence de plus de 600
personnalités, amis et visiteurs de
France et de l'étranger. Quant à la
vieille École du quai des Pêcheurs de
1864, les sheds de filature datant des années
1866 à 1920 sont démolis et le reste des
bâtiments réhabilité pour accueillir l'École des Beaux-Arts de Mulhouse.
En 1986, la nouvelle École s'est encore agrandie
de 1000 m2 supplémentaires de salles de
cours et de travaux pratiques, notamment
pour abriter le nouveau département de
confection. Avec l'augmentation du nombre
d'élèves et de filières et la
complexification des études, un nouveau
projet d'extension de 2000 m2 est prévu
pour les années 1997-98.
27.
La grande famille des étudiants
Après les balbutiements des trois premières années
d'existence de l'école, le nombre d'élèves
se stabilise entre 30 et 40 jusqu'aux événements
de 1870.
Les fils de manufacturiers et les autres
Le Comité de Surveillance de l'École observe l'évolution
des étudiants en les divisant en trois
catégories, selon leur origine sociale.
On fait le point en 1866 :
- "les fils d'industriels qui, à
leur sortie de l'École, ont leur place
assurée dans les établissements de leurs
parents" ; ils représentent 51 % de
l'ensemble ;
- "les fils d'employés industriels,
envoyés à l'École par des chefs d'établissement
qui désirent faire compléter leur
instruction avant de les recevoir définitivement
chez eux" ; ils ne sont que 15 % ;
- "d'autres jeunes gens" - ils sont 34 % des 133 élèves réguliers
considérés -, qui suivent les
cours "soit par vocation, soit par désir
d'utiliser dans l'industrie leurs capacités,
soit dans l'espoir de trouver une place de
directeur ou de contremaître".
En 1866, le Conseil d'administration de l'École
relève qu'une évolution se dessine en
faveur de la troisième catégorie ce qui
est interprété "comme un intérêt
de nombreux jeunes gens pour l'industrie
textile indépendamment de leur origine et
la preuve manifeste de la bonne marche de
l'École". D'ailleurs,
remarque-t-on, "ces
jeunes de la troisième catégorie sont
ordinairement placés comme directeurs,
contremaîtres ou employés de tissage par
l'intermédiaire de la Direction de l'École. Le chiffre de leurs appointements
varie, pour les débuts, de 1500 à 2000 F
par an".
A partir de cette époque on n'étudie plus ce
facteur de l'origine sociale, tout en
affirmant que "la Direction porte le
plus vif intérêt à la catégorie des déshérités".
De fait, on souligne à plusieurs reprises
la charge des frais d'écolage élevés (au cours des premières années
de fonctionnement de l'école, 600 F par
an, correspondant à un salaire annuel
d'un ouvrier) ce qui favorise, tout en le
limitant en nombre, le recrutement des
jeunes gens des classes aisées et élimine
les enfants de parents aux moyens
modestes. Pendant de nombreuses années on
envisage d'attribuer des bourses d'études
à des élèves, mais, faute de moyens, il
fallut attendre longtemps la concrétisation
de ces bonnes intentions.
Vers la fin du XIX° siècle, l'école subit une
chute du nombre de rentrées, surtout en
filature à cause de la pléthore de
cadres pour la filature où les jeunes
diplômés végètent trop souvent pendant
des années en attendant une promotion. En
1904, on offre des bourses à six élèves
alsaciens (sur 21) afin de faciliter le
recrutement régional. Le record annuel du
nombre d'élèves avant la Première
Guerre Mondiale est de 69 et 72 en 1910 et
en 1911.
Le démarrage après 1918 est impressionnant avec
57 élèves dès 1919, suivi de 122 et 119
les deux années suivantes. Le nombre d'élèves
croît régulièrement pour culminer en
1929 à 163 jeunes gens de 18 nationalités
différentes puis rechuter, suite à la
grave crise économique et de l'industrie
textile. Après un minimum de 45 élèves
en 1935, on remonte à 97 élèves en
1938. Ce creux d'élèves provoque
d'ailleurs pour l'industrie une pénurie
de cadres qui se placent facilement. La
crise internationale de septembre 1938
n'arrête pas le vigoureux élan de
redressement manifesté depuis 1937, cet
accroissement étant surtout dû à la
section d'ingénieurs. Néanmoins elle est
la cause de graves perturbations, notables
retards des inscriptions, impossibilité
d'obtention de visas pour plusieurs étrangers
et de rattrapage de retard pour d'autres.
La tension internationale en 1939
s'accentuant de jour en jour, de nombreux
élèves se trouvent mobilisés et les étrangers,
effrayés par l'importance du conflit qui
se prépare, rentrent précipitamment dans
leur pays d'origine.
Pendant la période désastreuse de la guerre de
1939 à 1945, à peine une soixantaine de
cadres sont formés sous une direction
allemande d'occupation. En 1946, la présence
réconfortante de 129 élèves de 7
nationalités, parmi lesquels des anciens
combattants et internés, marque la pérennité
de la renommée de l'École. Le nombre d'élèves
augmente encore pour atteindre en 1951 le
chiffre record de 188 de 12 nationalités
différentes, dont 80 diplômés. Vingt
ans plus tard, c'est un autre record,
négatif, de 9 diplômés sortis en 1971. Depuis
lors, les chiffres remontent régulièrement
avec 30 à 45 ingénieurs mis annuellement
à la disposition de l'industrie à partir
des années 1989. En 1994, le nombre d'élèves
fréquentant l'école dans les différentes
filières atteint 250, ce qui pose de
nouveaux problèmes d'espace.
Notons que vers 1895, l'école a déjà diplômé
1000 étudiants. Un siècle plus tard,
elle a formé quelque 5000 cadres de l'industrie
textile avec des variations annuelles
considérables. En annexe N° 26 on trouve un
graphique de l'évolution entre 1862
et 1996 des moyennes de cinq promotions
successives (ce qui écrête les pics).
Relevons également deux phénomènes sociaux
remarquables: d'une part, de nombreux élèves
ont fréquenté l'école textile de père
en fils. Nous citerons un seul exemple,
illustre, le directeur de l'école Victor
HILDEBRAND (1898-1987, promo
1920) est lui-même le fils d'un
Ancien, Victor HILDEBRAND, promo 1880 et
deux
fils ont fait leurs études à l'école (promo
1958 et 1960). D'autre part, on dit que l'Université est la meilleure agence
matrimoniale. A l'école textile peu de
femmes
font des études, mais on relève quelques
mariages d'anciens élèves.
De tous les coins du monde
Quant à l'origine géographique des élèves,
n'oublions pas que l'École fut créée en
1861 prioritairement pour les cadres de
l'industrie textile alsacienne. Toutefois,
on s'intéresse rapidement à l'élargissement
de son recrutement, ce que l'on considère
également comme un critère du
rayonnement de l'institution.
Un autre critère est celui de la réussite des
élèves aux examens. Nous avons calculé
par décennies (approximatives) depuis la
fondation jusqu'à 1939, le nombre de diplômés
comparativement au nombre d'inscrits.
Nombre de diplômés et d'inscrits à l'école
Année
1861/69
1870/79
1880/89
1890/99
1900/09
1910/14
1919/29
1930/39 |
|
Inscrits
220
240
220
380
480
275
1305
880 |
|
Diplômés
90
100
170
250
350
206
1120
704 |
|
soit
en %
40
42
77
66
73
75
86
80 |
On relève que le nombre de diplômés est
relativement faible durant les vingt premières
années, soit que les jeunes arrêtaient
les études en cours de route, soit qu'ils
ne se présentaient pas aux examens ou
qu'ils avaient échoué aux examens
finaux. Une des grandes constantes pendant
de nombreuses années avant 1914 est la
trop faible instruction initiale des
candidats, ce qui incite la Direction de
l'École à prendre plusieurs mesures de
collaboration avec d'autres écoles
techniques et professionnelles, de créer des cours
de vacances, etc. Avec les concours d'entrée
systémanquement imposés, ce taux de
diplômés remonte sérieusement après la
guerre
1914/18. Depuis 1945, le taux de
diplômés voisine autour de 90 à 95 %.
Quant à la répartition de
l'origine géographique des élèves
(principe adopté dès la
fondation de l'école), de
l'Alsace-Lorraine, des autres départements
français hors les trois départements de l'Est,
d'Allemagne et des autres pays étrangers,
voici les taux
approximatifs (les bases de calcul
ne sont pas toujours les mêmes), indépendants
du
nombre d'élèves, mais forcément
influencés par lui.
Années
1861/69
1870/79
1880/89
1890/99
1900/09
1910/14
1919/29
1930/39
1946/60
1961/70
1971/80
1981/94 |
|
Alsace
46%
27%
40%
47%
39%
39%
34%
21.7%
38%
13%
14%
21% |
|
France
34%
40%
15%
22%
34%
38%
46%
33%
41%
39%
66%
56% |
|
Allemagne
4%
4%
4.5%
5%
3.5%
4%
0%
0.3%
0%
0%
0%
0% |
|
Autres
16%
29%
40.5%
26%
23.5%
19%
20%
45%
21%
48%
20%
23% |
On constate que jusqu'à la grande crise économique
de 1930, le recrutement est régional pour
deux cinquièmes des élèves, répondant
parfaitement au but que s'étaient fixé
les fondateurs. Mais ce taux est en
diminution constante, l'apport régional
étant particulièrement faible de 1934 à
1939 et de 1965 à 1972. Le pourcentage élevé
après la Deuxième Guerre Mondiale est dû
à un recrutement local important,
l'industrie alsacienne refaisant son plein
de cadres.
Les élèves venant des autres départements français
ne dépassent jusqu'en 1970 jamais 40 %
sauf durant la décennie 1919/29 où ils
sont particulièrement nombreux pendant
les premières années d'après-guerre.
Depuis une quinzaine d'années, suite au
recrutement par concours national E.N.S.I.,
notre École est devenue très hexagonale,
au détriment du recrutement régional et
étranger. Notons que les années 1889 à
1891 n'avaient apporté presqu'aucun
contingent français à cause de
l'obligation de visa exigée par les
autorités allemandes pour venir en
Alsace.
Quant aux élèves d'origine allemande, leur
nombre oscille entre 0 et 5 %, alors qu'on
aurait pu s'attendre à une
"invasion" durant la période du
Reichsland de 1871 à 1914, puisque la
ville de Strasbourg comptait 25 %
d'Allemands et Mulhouse 20 %. Au
contraire, pendant les 17 années entre
1870 et 1887 on ne trouve au total que 15
étudiants allemands. On peut en conclure,
d'une part que les fonctionnaires et
militaires allemands installés en Alsace
à cette époque n'envoyaient pas leurs
fils dans une École tenue par les
industriels mulhousiens (francophiles) et
d'autre part, que les écoles textiles
allemandes avaient la préférence de
leurs concitoyens.
Le contingent d'étrangers, comparativement à
d'autres écoles textiles françaises, est
remarquablement élevé, à partir de 1870
entre 20 et 40 %, avec un fléchissement
pour raisons politiques avant la guerre de
1914/18. Les taux importants des années
1930/39 et 1961/70 s'expliquent par des
arrivées massives d'étrangers dont nous
parlons plus loin. Il est, en effet, intéressant
de connaître les pays d'origine de nos
recrues. La liste est impressionnante.
Déjà deux ans après la première promotion, en
1864, arrivent un élève de Suède et
deux Allemands, puis jusqu'en 1869 des
jeunes de Suisse, Hollande, Danemark. De
1870 à 1879, en dépit de la perturbation
de la guerre, en plus des nationalités déjà
signalées, on trouve des élèves
d'Italie, Grande-Bretagne, Belgique
et Autriche. Entre 1880 et 1889, c'est le
rush, car aux 9 nationalités citées
s'ajoutent des jeunes de Portugal,
Espagne, Bohême, Hongrie, Pologne, Brésil,
Turquie, Russie, U.S.A. et en 1890 du
Mexique. Si le nombre d'étrangers
augmente, le nombre de nationalités ne
changera plus jusqu'en 1921 où arrive un
Grec, la vingtième nationalité enregistrée.
Arrivée en masse en 1929 de 211 candidats, mais
après examen il n'en restera que 164 dont
72 étrangers avec un contingent de 30
Polonais. En 1932, les 45 étrangers représentent
17 nationalités différentes. Jusqu'en
1939, on ajoute aux nationalités déjà
citées des ressortissants d'Égypte,
Roumanie, Géorgie, Indochine, Lettonie,
Syrie, Chine, Bulgarie, Iran, Yougoslavie.
Cela fait 30 nationalités différentes en
trois quarts de siècle.
Le redémarrage de 1945 est difficile, la première
promotion de 129 élèves ne compte que 17
étrangers et celle de 1946/47 157 jeunes
avec 22 étrangers. Quelques années plus
tard, le nombre d'étrangers atteint la
trentaine, avec une très nette prédominance
d'Égyptiens, d'Italiens, de Portugais.
Jusqu'en 1960 on trouve encore, outre les
nationalités citées, des élèves
d'Irak, Honduras, Haïti, Indes, Liban,
Israël et Apatrides. A partir de 1960,
changement complet de la population des étrangers
avec l'arrivée massive de Vietnamiens,
Marocains, Tunisiens et Algériens, outre,
en plus de celles déjà citées, les
nationalités du Pakistan, Éthiopie, Côte
d'Ivoire, Dahomey, Ghana, Norvège, Équateur. Puis le contingent des étrangers
se stabilise autour de 20 % à partir des
années 1968 avec, entre autres, des étudiants
de Madagascar, Cameroun, Volta, Sénégal,
Afghanistan.
En annexe N° 27 nous reproduisons la photo de la
plus ancienne promotion trouvée dans les
archives de l'École, celle de la section
filature de 1885/86 avec 1 Français, 4
Mulhousiens, 4 Italiens, 1 Suisse, 1
Hongrois et 1 Polonais.
*
*
*
Nous venons de mettre en évidence combien la vie
de l'École est dépendante des événements
politiques et économiques et combien et
avec quelle opiniâtreté ses dirigeants
n'ont cessé d'adapter son enseignement
aux exigences des besoins de l'industrie
et de la science.
Il est proprement stupéfiant de constater la
rapidité avec laquelle les industriels
mulhousiens du XIXe siècle concrétisent
leurs idées. En 1860 il n'y a ni téléphone
ni électricité et les déplacements se font à
la vitesse du cheval ou d'un chemin de fer
balbutiant. Il leur faut à peine quelques
mois, après avoir été mis devant le
fait accompli du nouveau Traité de
commerce franco-anglais et avoir
analysé ses risques et ses conséquences,
pour élaborer un projet d'école,
rassembler les finances nécessaires,
trouver les hommes, un local et le matériel
pour créer une institution privée qui
fonctionne. A la même époque, dans
d'autres villes en France, il faut plus de
10 ans pour créer une École Nationale.
Dans les années 1960, il faudra plus de
10 ans pour rattacher cette École privée
à l'Université et bien plus pour
construire un nouveau bâtiment et y emménager.
Bien évidemment, l'entreprise privée a ses
limites. L'envers de la médaille, c'est
la vulnérabilité financière de l'École,
sa dépendance de la reconnaissance et du
nombre d'élèves. Cette vénérable
institution a fermé ses portes ou failli
être condamnée plusieurs fois, pour des
raisons économiques ou politiques, en
1874, de 1914 à 1918, en 1939, en 1945,
en 1964. Le nombre de diplômés formés,
critère dépendant de nombreux facteurs,
est très variable, de 9 en 1862 à 9 en
1971, en passant par des pointes de 80 à
90 en 1929 et en 1948 pour se stabiliser
autour de la quarantaine de nos jours.
Quant au nombre d'élèves, avec les
formations multiples dispensées depuis
les années 1980, il atteint aujourd'hui
quelque 250.
L'internationalité de l'École a toujours été un
atout. Dès les premières années, la fréquentation
de l'École par des étrangers est
importante, entre 20 et 40 %. Pendant un
siècle, ce sont principalement des jeunes
gens des pays européens et américains
alors que durant les quarante dernières
années, les étrangers viennent surtout
des pays francophones d'Afrique et d'Asie.
Depuis une vingtaine d'années, l'École
collabore de plus en plus avec toutes les
institutions du monde.
L'évolution des outils est aussi extraordinaire
que celle de l'enseignement. Si à
l'origine, il s'agit surtout d'acquérir
des connaissances technologiques encyclopédiques
aussi proches que possibles de la
pratique, de plus en plus, par le
rehaussement du niveau de recrutement et
de la formation polytechnique, on produit
des ingénieurs, des chercheurs, des
gestionnaires, des formateurs de haut
niveau.
Sources
archivistiques

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