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Chapitre III : la vie tumultueuse d’une association centenaire

La création de l École Textile à Mulhouse par la Société Industrielle remonte à 1861. Nous venons d'en parler. Ici nous relatons l'histoire parfois impétueuse de l'Association depuis ses origines en 1896 et même depuis les premières tentatives en 1868.  

Si l'Association fête aujourd'hui ses cent ans d'existence, des prémices eurent lieu dès 1868. En effet, cette année-là, quelques élèves des deux écoles qui venaient de fusionner et d'entrer dans les nouveaux locaux définitifs spécialement construits à cet effet au quai des Pêcheurs, décidèrent de former une Association et élaborèrent des statuts. A cette époque, le nombre d'élèves se montait à 40 par promotion et l'école avait déjà formé quelque 250 cadres pour l'industrie textile. Mais, faute de participants assez nombreux et enthousiastes et par suite de la guerre franco-allemande désastreuse suivie de l'annexion allemande de 1871, cette initiative avorta. Toutefois, les statuts furent archivés.

31. Une structure et des hommes 

Les années passent. Ce n'est qu'en 1894, le 24 juin, jour de l'assassinat par un anarchiste italien du président de la République Française Sadi CARNOT, une étincelle jaillit. Les étudiants étant en cours de tissage avec le directeur Oscar WILD, connu pour sa francophilie, à l'instar des milieux industriels et étudiants, apprennent ce tragique événement par la bouche d'un condisciple italien. Le cours est immédiatement suspendu et les étudiants se retrouvent tous à Mulhouse où un monôme de sympathie pour la France est organisé. Nos textiliens essayent d'entraîner dans leur sillage leurs camarades de l'École de Chimie, mais sans succès, car ces derniers comprenaient de nombreux futurs chimistes de nationalité allemande dans leurs rangs. Ils manifestent donc seuls, mais la police du Kaiser veille. Le soir nos étudiants se réunissent au Café Luxhof de la rue du Sauvage, l'établissement "in" de l'époque, pour arroser l'événement et discuter de la fondation d'une association des anciens élèves. En effet, en 35 ans, l'école avait déjà formé quelque 1000 cadres pour l'industrie textile. Des statuts basés sur ceux de 1868 sont élaborés et déposés à la Kreisdirektion pour autorisation d'existence juridique. Malheureusement, cette autorisation, après enquête par les autorités allemandes et au vu du comportement francophile des étudiants du textile, est refusée sans indication de motif. Autre conséquence de leur manifestation, à partir de cette époque, les étudiants alsaciens n'ont plus le droit - sous peine de refus de diplôme - d'assister aux cours dispensés en langue française à l'École qui enseigne ses matières dans les deux langues, une section française pour les Français et les étrangers et une section allemande pour les Alsaciens et les germanophones. Néanmoins, les étudiants alsaciens continuent à pratiquer la langue française et deviennent ainsi parfaitement bilingues.  

Sur les fonts baptismaux 

Deux ans plus tard, fin juin 1896, les étudiants fêtent avec leur professeur de filature et ancien élève Henry BRUGGEMANN (promo 1887/88) la fin des études par un dîner dans la grande salle de l'Hôtel de l'Europe. On décide de tenter pour la troisième fois la création d'une Association, on élabore des statuts, cette fois-ci en deux langues, et on charge le professeur BRUGGEMANN du secrétariat provisoire. Le secrétaire envoie quelque 500 convocations aux Anciens pour assister à une Assemblée générale constitutive provisoire fixée au 22 décembre 1896 au Café Luxhof. Si 75 convocations sont retournées pour adresse incomplète, 55 anciens élèves se présentent au Luxhof pour approuver les statuts (Annexe N° 30 et 31), y apposer leur signature (Annexe N° 32) et procéder à l'élection du Comité de l'Association. On choisit Gustave DOLLFUS, fondateur de l'école et président du Conseil d'Administration comme président d'honneur, le directeur Oscar WILD comme premier président d'une longue lignée (Annexe N° 33 et 34), Jules BICKING (le 1° élève de la 1° promotion 1861/62) comme vice-président, Henry BRUGGEMANN comme secrétaire-trésorier, Albert STORCK, Paul GÉGAUFF, Auguste BREITENSTEIN et Camille De LACROIX (vice-président du C.A. et Chevalier de la Légion d'Honneur) comme assesseurs. A noter que De LACROIX et STORCK faisaient déjà partie en 1868 du Comité de la première association avortée. On charge le secrétaire de la demande d'autorisation auprès de la Kreisdirektion. BRUGGEMANN, originaire de Cologne, donc de nationalité allemande, entretient d'excellentes relations avec le Kreisdirektor SOMMER à Mulhouse. Il demande encore une faveur supplémentaire aux autorités allemandes, "rédiger les statuts et la correspondance en langue française avec les étrangers et les autochtones qui ne maîtrisaient pas la langue allemande, si le bien de l'association l'exigeait". A l'occasion d'une réception en l'honneur du Dr. CHEBULIEZ, directeur (suisse) de l'École Professionnelle de l'Est à Mulhouse, en avril 1897, SOMMER, entre la poire et le fromage, glisse à l'oreille de BRUGGEMANN : "Joignez au texte allemand des statuts de votre Association la traduction française si les intérêts de l'Association l'exigent". L’autorisation est accordée facilement à BRUGGEMANN et notre Association fondée officiellement.

 

Les Statuts : pérennité et adaptation 

Constituée le 30 juillet 1896, notre "Association Libre des Anciens Élèves de l'École de Filature et de Tissage de Mulhouse" adopte également son nom allemand "Freie Vereinigung ehemaliger Schüler der Spinn und Webschule Mülhausen" et se singularise par le mot "libre". Cet adjectif "libre" souligne à mots couverts l'esprit antigermanique des initiateurs. En effet, comme déjà signalé, Mulhouse a envoyé à chaque élection législative de 1873 à 1887 des députés contestataires anti-annexion au Reichstag à Berlin. Notre association "libre" a aussi la particularité de fonctionner avec des statuts rédigés en allemand et en français, d'éditer une "Revue de la Filature et du Tissage" et un "Bulletin de l'Association" dans ces deux langues. Il faut néanmoins souligner que l'usage de la langue française, si son enseignement fut supprimé dès 1871 à l'école primaire, n'était pas interdit, tout au moins jusqu'à la guerre de 1914. Si les discussions au Comité de notre Association se font en français, les rapports sont écrits en allemand. Même si, par pur formalisme, l'article 32 de ses statuts interdit toute discussion politique ou religieuse, on peut s'imaginer que ses membres ne manquent jamais d'arrière-pensées politiques, ainsi que le prouvent les différents incidents relatés.  

Une stabilité assurant la pérennité de l'Association est garantie par l'article 12 qui exige que les président, vice-président, secrétaire-trésorier et un membre du Comité devront habiter Mulhouse. En effet, si cet article est contraignant pour le choix des membres du bureau, il a également permis de protéger l'Association, entre 1897 et 1925 et au cours de périodes politiquement troublées, contre plusieurs attaques des groupes régionaux tendant à prendre le pouvoir, à la décapiter ou à la faire éclater.  

Pour mieux asseoir la légitimité du bureau, l'assemblée modifie en 1900 l'article 8 qui précise que dorénavant les président, vice-président et secrétaire-trésorier sont élus chaque année au sein du bureau. En ce qui concerne les élections des membres du Comité aux Assemblées générales, on introduit en 1913 sur proposition du groupe de Lille le vote par procuration en limitant le nombre de pouvoirs à cinq. Le même groupe de Lille, ayant le secrétaire-trésorier BRUGGEMANN dans son collimateur, propose de séparer les fonctions de secrétaire de celles de trésorier, ce qui ne s'est pas fait par manque de volontaires. Pour alléger les travaux des Assemblées, on décide également de modifier l'article 5 en stipulant que "le Comité seul peut décider de la réintégration d'un ancien membre démissionnaire". Bien sûr, avec le retour dans le sein de la mère-patrie et conformément au projet des Anciens d'Épinal de 1915, retravaillé par les Parisiens, "de déchirer les statuts et d'en refaire des nouveaux", on délibère au cours de plusieurs réunions de Comité, des statuts adoptés à l'A.G. de juillet 1919. Enfin, en 1923, l'Association est inscrite au Tribunal de Baillage de Mulhouse. Toutefois, avec les changements du nom de l'École, on sera encore plusieurs fois obligé de modifier le nom de l'Association. Les statuts de 1919 subissent encore d'autres modifications mineures à partir de 1931 (Annexe N° 35).   

Des assemblées générales contrastées 

Comme toute Association, les Anciens se réunissent annuellement avec un minimum de 25 membres, conformément aux articles 22 et 23 des statuts, en A.G., suivie d'un banquet. Le même rituel se déroule depuis un siècle avec une précision horlogère : accueil par le président, rapport d'activités par le secrétaire, rapport financier par le trésorier, quitus au Comité, questions diverses, etc… Quant à la date, on précise en 1896 "le dernier samedi du mois de mai", mais en 1901 on recule la date à fin juillet pour la mettre en concordance avec la fin des études. On connaît ainsi les résultats scolaires. Si le nombre de participants a toujours dépassé le minimum exigé, il varie entre 35 en 1902 et un maximum de 170 en 1920, période de remise en cause difficile.  

Le choix de la salle pour organiser une A.G. d'une centaine de personnes n'est pas aisé à Mulhouse. L'Assemblée générale constitutive a lieu le 22 décembre 1896 dans la salle de l'étage du Luxhof. Avant la Première Guerre Mondiale le choix se porte souvent sur l'Hôtel Central ou l'Hôtel de l'Europe, le banquet ayant lieu dans le même établissement. En 1904 on choisit le nouveau restaurant du Zoo tout récemment inauguré. Ce local a bien sûr l'inconvénient de l'éloignement, car on ne dispose pas assez de calèches pour monter la côte. Il faut attendre 1908 pour pouvoir y monter en trolley appelé le "sans rails", "Gleislose" que les Mulhousiens connus pour leur "parler vrai" désignent par "dr. Geischtlose" parce que ce trolley déraille facilement. De nombreux Anciens, toujours aussi indisciplinés hors profession, en profitent pour flâner dans le beau parc du zoo ou lors de la belle montée pédestre avant de se rendre à l'A.G. Mais à la suite de l'incident avec la musique militaire allemande, on abandonne jusqu'en 1919 ce local pour revenir en ville. En 1905 le président BICKING, ingénieur en chef à la S.A.C.M. met à la disposition de l'A.G. la grande salle de la Société Ouvrière de la S.A.C.M.. De 1920 à 1939, on se réunit à tour de rôle à la Salle de la Bourse, au Salon d'or du Casino du faubourg de Colmar ou au Salon Vert du Café MOLL. L’A.G. du retour à la paix en 1946 est aussi un retour aux sources, car elle se tient à l'École où l'on inaugure également la plaque commémorative des Morts pour la Patrie. Les autres se tiennent, selon le cas, à la Chambre des Métiers, à la S.I.M., au Zoo, au Moll. Mais, à partir de 1952, on revient à ses premiers amours, l'amphithéâtre de l'École où l'A.G. se tiendra pratiquement toujours.  

Si les Assemblées générales rythment la vie de l'Association, elles sont marquées par les événements extérieurs, sociaux, politiques, économiques et les circonstances internes, création, croissance, crises, commémorations, etc… En dehors des périodes de paisible ronronnement, les temps de rupture tumultueux marquent toujours l'A.G. Nous avons eu l'occasion de le souligner à plusieurs reprises.

Comité et membres, actifs, honoraires et d'honneur 

L’article 7 des statuts de 1896 précise que l'Association est administrée par un Comité voté au scrutin secret pour 3 ans par l'Assemblée générale et se renouvelle par tiers chaque année. Le Comité comprend 9 membres dont le président, le vice-président, le secrétaire-trésorier. Très tôt, on se rendit compte que le nombre de membres du Comité était insuffisant et on modifia les statuts en conséquence. Avec la création des groupes régionaux à partir de 1907, le président ou le délégué de chaque groupe régional devinrent membre de droit du Comité. Pendant la Première Guerre Mondiale, toute activité associative étant interdite en Alsace, le Comité se mit en sommeil, sauf pour une réunion en mai 1917. En effet, suite à une législation sur l'obligation de remettre à l'État allemand des titres suédois, danois et suisses par les propriétaires allemands domiciliés dans le Reich, le bureau de trois membres (président, secrétaire- trésorier et assesseur) de notre Association qui possédait pour 5000 F d'obligations suisses 1908 à 4 % décida de les vendre à la Banque de Mulhouse.  

Les activités du Comité reprenaient dès le 1er février 1919. En temps normal, le Comité se réunit 3 à 4 fois par an, mais en périodes de crise, notamment dans les années 1919 et 1920, on comptait jusqu'à 10 réunions. Les nouveaux statuts de 1919, influencés par les initiatives spinaliennes, fixèrent le nombre des membres du Comité à 12 avec deux vice-présidents et séparèrent les fonctions de secrétaire et de trésorier. On relève que, pendant ce siècle, la durée de mandat de 10 présidents sur 12 n'a pas dépassé 10 ans, le record étant détenu par Pierre LAUER avec 29 ans de présidence.  

Une des difficultés d'une Association d'anciens élèves est d'inciter les étudiants diplômés à s'inscrire dès la sortie de l'École. Un an après l'année de sa fondation en 1896, l'Association ne comptait que 200 membres alors que l'École en avait déjà formé 1000. Une autre difficulté, la connaissance des adresses des anciens élèves, fut régulièrement abordée par le Comité en lançant des questionnaires. Mais le succès de ces opérations fut souvent mitigé. Ainsi en 1907 par exemple, sur 1180 élèves répertoriés, l'adresse de 510 était inconnue. En 1903, Charles WELKER dessine une belle carte de membre remise à chacun (Annexe N° 36).  

Malgré tous les impondérables, le nombre d'adhérents grimpait rapidement pour atteindre en 1931 un pic de 921 membres, pour baisser régulièrement jusqu'à la guerre de 1939/45 et reprendre allégrement vers un deuxième sommet de 940 membres en 1956 (Graphique en Annexe N° 37). Toutefois, en appliquant avec plus de rigueur la règle inscrite dans les statuts excluant les membres en retard de paiement de cotisation depuis plus de deux ans, on fit chuter le nombre de membres. Depuis, le nombre d'adhérents baissait pour se stabiliser pendant les trente dernières années à 500 ou 600. En 1995 l'Association compte 524 cotisants alors que l'école a formé environ 5000 élèves en 135 ans.

Qui sont nos Anciens ? 

Lors de la fondation de l'école en 1861 par la S.I.M., la Direction classait les élèves selon leur origine sociale en 3 catégories : les fils de patrons, les fils de directeurs et les autres. L'écolage de 600 F par an, correspondant au salaire annuel d'un ouvrier auquel il faut, d'après une étude du Dr. PENOT de 1842, un minimum vital de 400 F pour subsister, devait éliminer pas mal de jeunes gens modestes.  

Selon l'annuaire des Anciens de 1905, les patrons d'usines appelés manufacturiers représentaient 28 % des 348 membres de l'Association. Aujourd'hui, même si on n'établit plus ce genre de statistique et que la notion même du "patron" du XIXe siècle a disparu, on peut affirmer qu'il y a peu de "fils de patrons". Les emplois des Anciens évoluent considérablement en un siècle. Selon le même annuaire de 1905, sur les 348 Anciens on trouve 2 "rentiers" et 143 gérants, directeurs ou sous-directeurs (41 %) ; 37 % travaillent en Alsace, 30 % dans les autres départements de France notamment dans ceux de l'Est, 7 % en Allemagne et 26 % dans d'autres pays, Italie, Russie, Espagne, Belgique, Suisse, Portugal, Autriche, États-Unis, Turquie, Égypte, Brésil, Indes, etc... En ce qui concerne leur nationalité, rappelons la belle envolée lyrique à l'occasion d'une excursion des Anciens à la Schlucht en juin 1909 où le président STORCK s'exclama "On ne demande pas s'il est Allemand, Français, Italien, Anglais, etc... mais simplement s'il est ancien élève de l'École". Dix ans plus tard, en 1919, cette affirmation était caduque puisqu'on expulsa les Allemands et les Autrichiens de l'Association. 

En 1995, sur 524 Anciens, 132 soit 24 % sont retraités. Quant aux 321 actifs ayant indiqué leur lieu d'activité, 34 % travaillent en Alsace, 54 % dans les autres départements français, 2 % en Allemagne et 10 % dans d'autres pays, Suisse, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Espagne, Maroc, Tunisie, Côte d'Ivoire, Afrique du Sud, Canada, Mexique, Hong-Kong, Australie. Il n'est pas possible d'en tirer une conclusion car les deux populations d'Anciens de 1905 et de 1995 ne peuvent être comparées. Avant 1914, la plupart des élèves s'inscrivaient à l'Association des anciens élèves, alors que depuis 1945, peu d'étrangers s'y trouvent.  

Quant à leur âge ou plutôt leur ancienneté, les écarts se creusent. En 1905, les plus vieux, sortis de la première promotion de l'école en 1861/62, ne pouvaient avoir que 44 ans d'ancienneté et en tout état de cause, l'espérance de vie était nettement plus faible. En 1995, 19 Anciens appartiennent à des promotions d'avant 1939, le plus ancien de 1922, soit 63 ans d'ancienneté.  

Autre évolution remarquable, la féminisation. Pendant près de 80 ans d'existence de l'école, aucune femme n'a fait d'études textiles. Cela n'a rien d'étonnant puisque la plaquette de présentation de l'École de 1930 affirme péremptoirement "l'École n'admet que des jeunes gens". Il faut attendre 1939 pour trouver deux jeunes femmes diplômées en textile. Par contre, à l'École de Chimie de Mulhouse, la première jeune fille s'inscrivit en 1908 ! Mais à l'École textile, il fallut encore près de 30 ans supplémentaires avant qu'un contingent d'à peine 10 % de femmes se lançât régulièrement dans ces études techniques. Enfin en 1984 une femme est élue au Comité de l'Association. Toutefois en juin 1908, ces messieurs se consolent de voir ces dames participer avec des enfants à la première excursion au Ballon d'Alsace organisée par l'Association.  

À la première Assemblée générale en 1897, on élit des membres honoraires : le président et des membres du CA de l'École Gustave DOLLFUS, Camille De LACROIX, Alfred WENNING directeur de la S.A.C.M., Jacques-Mathieu WEISS, Albert ROHR, et des anciens professeurs à l'école Jean HAEFFELÉ, Fernand ZUNZER, ainsi que les examinateurs. Une subtilité latine, inexistante dans les statuts de 1896, fait une distinction dans ceux de 1919 entre les membres d'honneur qui sont "des personnes ayant rendu des services signalés à l'École, à l'Association ou à l'industrie textile" et pour lesquelles le paiement de cotisation est facultatif, et les membres honoraires auxquels on impose des cotisations sans limite supérieure. Leur nombre atteint près d'une centaine en période de vaches grasses mais a fortement diminué pour presque disparaître dans les années 1950. Relevons parmi les personnalités marquantes, outre les industriels d'avant 1939, bienfaiteurs de l'École ou acceptant les visites de leurs usines, l'emploi de stagiaires et les embauches d'étudiants : le député Théodore SCHLUMBERGER de Mulhouse en 1900, le député et Ministre du Travail Paul Léon JOURDAIN en 1920 (1878-1945, dirige en 1911 avec son frère Aimé - promo 1887 - les Filature et Tissage X. JOURDAIN à Altkirch), le député Alfred WALLACH (promo 1898/99) en 1932, le Ministre des Finances et plus tard Président du Conseil et Maire de Strasbourg Pierre PFLIMLIN en 1955, etc…

 

32. Des activités mulhousiennes qui perdurent 

Dès la fondation de l'Association, à la première A.G. du 1er mai 1897, le président BICKING rappelle les buts de l'Association, entre autres "favoriser les relations amicales entre différentes promotions, donner la possibilité de se perfectionner dans sa spécialité et dans des questions d'intérêt général, sans porter préjudice aux secrets de fabrication... par l'organisation de réunions mensuelles à Mulhouse où seront discutés des sujets techniques qui pourraient être publiés ultérieurement". Pour le groupe de Mulhouse, on met en place une structure légère, un président et un secrétaire qui devraient animer les rencontres, soigner la convivialité et trouver des sujets de conférences techniques, de visites d'usines, etc… 

Quant au local des rencontres, les Mulhousiens se réunissent d'abord chaque semaine dans la salle de l'étage du restaurant Luxhof, autour du "Stammtisch". Par contre les réunions du Comité central se tiennent toujours au bureau de l'usine du président. Mais après la Première Guerre Mondiale, on éprouve le besoin d'un local plus spacieux et on loue à partir de février 1919 pour 250 F par mois avec un service payant de boissons, la salle de répétition de la musique CONCORDIA, place du Nouveau Quartier N° 4. Le groupe y tient les rencontres hebdomadaires amicales du mercredi soir, les causeries techniques et les réunions du Comité central. Mais quatre ans plus tard, se rendant compte du coût de loyer élevé pour une occupation insuffisante, on abandonne la location du local au profit du Salon vert du Café MOLL. Avant la crise économique de 1929, on se met à rêver "On aura peut être un jour une Maison des anciens élèves". Mais ce ne fut qu'un fantasme. On change plusieurs fois de local dans l'espoir de rassembler davantage d'Anciens. En 1951 on quitte le MOLL trop bruyant à cause de l'orchestre, pour le Café GATTANG place Franklin. En 1969, on passe du Bureau de l'Association de la S.I.M. au Caveau du théâtre, sans pour autant attirer davantage d'Anciens.  

Formation continue centenaire 

Ces réunions techniques sont concrétisées dès l'automne 1898 par des conférences présentées une fois par mois durant l'hiver un samedi soir dans la salle du Luxhof, en langue française ou allemande, fréquentées par 50 à 70 auditeurs, anciens élèves. Les thèmes techniques suivants sont abordés, un vrai programme de formation continue inspiré par les préoccupations du moment : "Histoire de la filature et du tissage" par BRUGGEMANN, "Les machines textiles" illustré par des projections, par BRUGGEMANN, "Les presse-balles LOWRY pour coton" par WILKENS de Brême, "Principes des moteurs électriques" par GÉGAUFF "Le calorifugeage" par le chimiste PASQUAY, "Utilisation de l'acétylène" par BRUGGEMANN, "Courroies de transmission" par LEVERD-DRIEUX, "Brevets allemands" par BRUGGEMANN, "Législation professionnelle" par un avocat, "Le ciment armé" par ZUSLIN de Strasbourg suivi de la visite du nouveau bâtiment de la filature Charles MIEG, "Nouvelle pompe révolutionnaire système RIEDLER" par l'ingénieur en chef HUF "Contribution à la connaissance de la chimie des fibres textiles" par Dr. GASSMANN-ENGEL, "Les encolleuses" par BICKING, "Récents brevets français, allemands et anglais en filature et tissage" par BRUGGEMANN, etc…  

Après quelques années enthousiasmantes, ces réunions commencent à manquer d'intérêt et notamment de conférenciers et d'auditeurs. En 1912, DUBOIS, responsable du groupe de Mulhouse relance ces causeries techniques d'un soir par mois. Lui-même traite le sujet "Le titre moyen de filage et sa relation avec la livraison réelle", BRUGGEMANN reprend une série de causeries sur "le droit du travail", dans l'espoir que d'autres suivent. D'ailleurs, les Spinaliens, dans leur projet de réorganisation de l'école de Mulhouse d'octobre 1915, prévoient une place de choix aux conférences données par des industriels et des anciens élèves. Si la guerre met fin à toutes ces réunions, à la première A.G. d'après la guerre, en juillet 1919, le président annonce que les cinq réunions mensuelles du groupe de Mulhouse sont fréquentées par 7 à 15 membres. Mais en 1920, plus de réunions faute de conférenciers. L’année suivante, on projette de les reprendre en y invitant le Cercle des étudiants (on versera un don de 250 F à leur caisse) et en prenant une collation avec prestations musicales. En 1922, un Ancien, représentant de S.K.F. présente une conférence avec un film sur la fabrication des aciers spéciaux et des roulements à bille, on y invite également les étudiants, les chimistes et les mineurs.  

Nouvelle initiative de formation continue en 1922 : le groupe de Mulhouse voudrait organiser des cours supérieurs post-scolaires par correspondance pour les directeurs qui veulent postuler pour des places de gérants et d'administrateurs, en recommandant les cours suivants :

- École d'Administration et des Affaires, 100 rue Vaugirard, Paris 6e,

- École du Génie Civil, Avenue de Wagram, Paris 17e,

- École Universelle par correspondance de Paris, 10 rue Chardin, Paris 16e. 

En 1923, un ingénieur de la S.A.C.M. parle, au cours d'un dîner, des forces motrices hydroélectriques et on donne une conférence sur "Les grands étirages" suivie d'un dîner amical pour 14 F. Autre conférence en 1926 qui s'adresse également aux contremaîtres des tissages de Mulhouse, sur le nouveau métier RÜTI avec présentation d'un film de 900 m de long (sic) montrant les détails du métier au ralenti. Quelques jours plus tard, l'ingénieur en chef de la S.A.C.M., membre du Comité, élève une vive protestation contre ce film de RÜTI "qui n'était que de la réclame" alors qu'on avait promis un film purement technique. La crise économique à partir de 1929 perturbe les réunions amicales du groupe. Ce n'est qu'en 1934 qu'on décide de reprendre les réunions avec discussions techniques qui sont de nouveau très bien fréquentées. En 1936 on parle du système BEDEAUX et du filage de la laine cardée, en 1939 du travail des fils et tissus élastiques, de l'organisation du travail, des impôts et des assurances accident .  

Après l'interruption due à la guerre 1939/45, on décide de reprendre les causeries, en 1946 "Les fibres de verre", un an plus tard, un thème à la mode "L'organisation scientifique du travail" et "L’encollage", en 1949 "la qualité en filature" et "le cannetage", en 1951 avec "Voyage d'études en Amérique du Sud" et "Voyage d'études aux USA". Ces conférences attirent de moins en moins d'auditeurs et il faut attendre les années 1961 et l'action dynamique de Pierre SIEGER, responsable du groupe de Mulhouse, pour découvrir de nouveaux titres : "Applications des fibres acryliques", "Psychologie appliquée à la sélection du personnel", "Filature des fibres synthétiques", "Le régime des retraites des cadres" , "Assurance vie", " Application de l'ordinateur à l'industrie textile", "Gestion industrielle par ordinateur dans l'industrie mécanique", "Le système japonais de filature" et, plus classique, "Caractéristiques du coton", néanmoins les participants sont peu nombreux.  

Innovation après les événements de mai 1968, révolution qui a également secoué nos étudiants : la tentative d'améliorer les relations entre Anciens et étudiants au cours d'un dîner offert par l'Association à la promotion sortante. "Nos jeunes expriment leurs craintes face à l'avenir et les doutes quant à la valeur du choix d'une carrière dans une industrie en perpétuelle mutation et convulsion". Ces rencontres débats entre étudiants de troisième année et Anciens sont reconduits chaque année par le Comité autour d'un apéritif, d'un cocktail ou d'un buffet campagnard ou à l'occasion d'un dîner. Elles permettent aux jeunes d'entrer en contact avec des hommes de terrain, entre autres pour la recherche de stage de fin d'études voire pour une première embauche.  

Petit à petit, ces réunions mensuelles du groupe de Mulhouse, avec ou sans conférence, souffrent d'un manque chronique de participants. Plus tard d'ailleurs, la formation continue, structurée et payante, élaborée et proposée par l'École, par le Centre de Recherche Textile de Mulhouse (C.R.T.M.) ou par le Service de Formation Continue de l'Université de Haute-Alsace (S.E.R.F.A.), s'est institutionnalisée. Nos hommes semblent trop sollicités par ailleurs et nos étudiants taraudés par la recherche d'un emploi, d'où de nouvelles pistes à explorer : des conférences-débats "opération carrière" entre Anciens et jeunes. Depuis 1987, on s'oriente vers des exposés faits à l'École dans le cadre des Assemblées générales annuelles des Anciens, p.ex. "les fonctions et le rôle du jeune ingénieur", "Évolution de l'informatique jusqu'à l'an 2000", "Textile et recyclage, marché d'avenir", etc…   

Visites d'usines instructives 

Si les visites d'usines par les étudiants font de tout temps partie du programme scolaire, ce sont les Anciens d'Épinal qui inaugurent en 1905, la tradition de visites d'usines au cours d'excursions, reprise en 1907 par le groupe d'Anciens de Belfort (Annexe N° 37 A). Nous avons longuement évoqué ces deux sorties studieuses. D'autre part, presque chaque Assemblée générale des Anciens est précédée de visites d'usine, frisant parfois la boulimie. Ainsi à l'excursion à Belfort de juillet 1906, en une seule matinée près de 100 Anciens visitent en plusieurs groupes la filature modèle KULLMANN-NAEGELY, la filature de laine peignée SCHWARTZ, plus tard, la nouvelle filature VAUCHER construite en béton armé, la S.A.C.M., la nouvelle Centrale électrique de la ville de Mulhouse avec sa machine à vapeur (le déplacement se fait en calèches). Une vraie course d'obstacles ! Tout le monde est ravi de voir "ces usines qui sont à l'avant-garde des installations sociales". Bien qu'il fut difficile d'obtenir des autorisations, il fallait envisager de visiter également des établissements d'autres régions, "des industriels lyonnais font bien visiter à leurs employés des usines allemandes", signale-t-on. Dernière visite avant la guerre à l'A.G. de 1912, 52 Anciens descendent à 680 m sous terre pour visiter la Mine de Potasse Amélie.  

L’École fait visiter aux élèves des usines textiles, filatures, tissages, ennoblissements, mais aussi de constructions mécaniques et d'accessoires textiles, de tissage de toiles métalliques, de laboratoires, de chimie, de brasseries, de menuiseries, de musées, etc... aussi bien en Alsace qu'à Bâle. En 1906, le manufacturier Paul KULLMANN fonde un prix de 800 Mark offert à deux jeunes diplômés sortants, membres de l'Association, qui devaient visiter le matériel de filature à la Foire de Milan, le matériel de tissage à la Foire de Tourcoing, plusieurs usines à proximité de la foire sur recommandation de l'école, après quoi ils devaient rédiger un rapport illustré de dessins sur les moteurs et les chaudières, les nouveautés concernant l'éclairage électrique et le transport d'énergie, les machines textiles, les schémas des bâtiments, l'implantation des machines et sur les conditions de travail des ouvriers. Du pain sur la planche !  

Dès l'A.G. de 1921, la fringale des découvertes techniques se manifeste à nouveau. A partir de cette année, on visite successivement plusieurs puits des Mines de Potasse, les Forces Motrices du Haut-Rhin, les Houillères de Ronchamp, à plusieurs reprises l'avancement du chantier de la Société de l'Énergie Électrique du Rhin à Kembs, de 1930 à 1939, la Brasserie de Mulhouse, la Manufacture de Glaces, les Bains Municipaux, l'Usine à gaz, la chaufferie et le poste de signalisation de la gare de Mulhouse, le Port de Strasbourg, etc… Après la Deuxième Guerre mondiale les visites reprennent mais pas systématiquement, notamment durant les 20 dernières années, revisite de Kembs reconstruit, Bains Municipaux, les installations de surface du puits d'Ensisheim des Mines de Potasse, à plusieurs reprises le chantier de l'usine hydroélectrique d'Ottmarsheim, l'Usine à gaz, la S.A.C.M., DECK, RIETER à Winterthur, le centre d'aiguillage et de signalisation de la gare, SULZER à Winterthur et à Soleure, le Tissage de Bourtzwiller, PEUGEOT à Sochaux, ROTI à Winterthur, RHÉNAMÉCA à Ottmarsheim, le Port de Mulhouse, N. SCHLUM BERGER à Guebwiller, MAB à Soultz, BRAECKER à Wintzenheim, les Cartonneries de Kaysersberg à Kunheim, Chaux et Ciments PORTLAND à Altkirch, les Zones industrielles de Mulhouse sous la conduite du sénateur STOESSEL, l'Imprimerie du journal L'Alsace, RHENALU à Biesheim, les Tuberies DOLL TEMPÉ à Ingersheim, la Manufacture Alsacienne de Produits Métalliques à Wintzenheim, l'Aéroport de Mulhouse-Bâle, les Arts Graphiques DMC, CLEMESSY, la Caserne des Sapeurs Pompiers, le Musée du Chemin de Fer, le Musée de l'Impression, le Port de la CCI, les Services techniques de la gare des voyageurs, le Musée du Papier Peint, etc…    

Actions sociales 

Le souci de l'aide aux anciens élèves est inscrit dans les statuts de 1896, où son article 17 précise : "Tout sociétaire connaissant une place vacante est prié d'en informer immédiatement le secrétaire, celui-ci se concertera avec quelques membres du Comité pour le choix du sociétaire à recommander". Dès la troisième Assemblée générale, en juin 1899, un bureau de placement est créé et une circulaire envoyée à tous les industriels les rendant attentifs à cette nouvelle institution et les engageant à en faire usage.  

Mais au-delà de l'assistance aux anciens élèves que doit assurer l'Association pour la recherche d'un premier emploi ou, plus tard, pour faciliter leur évolution de carrière, bien d'autres formes de soutien et d'aide s'ajoutent à cette initiative au fil des ans et selon les besoins :

- soutien aux nécessiteux par la création en 1907 d'un fond de solidarité avec les finances de l'Association, en 1909 on souhaitait arriver à un capital de 100.000 Mark afin que les intérêts puissent être mis à la disposition des nécessiteux ; en 1930, un Ancien de Paris sans emploi sollicite un prêt de 400 F qui n'est jamais remboursé,

- conseil juridique commercial et social en 1907,

- conseil pour l'assurance-vie en signant en 1903 un accord avec la société GOTHA ; en 1919 un accord passé avec la Société d'assurance-vie LE PHÉNIX et un autre pour les assurances-accidents avec la Société PROVIDENCE prévoit des réductions pour les membres de l'Association,

- conseils pour la caisse de retraite et projet de fondation d'une telle caisse demandée en 1924 par les Belfortains, examinée à plusieurs reprises et encore en 1936 par des experts,

- revendications salariales : à l'A.G. de juillet 1920, une demande des groupes d'Épinal et du Nord d'effectuer des démarches auprès du patronat par envoi d'une circulaire en vue du relèvement des salaires des cadres est soutenue verbalement par tous les groupes mais ne fut concrétisée que par les Mulhousiens qui en subirent des conséquences désagréables ; une démarche analogue est repoussée en 1924 du fait que "notre Association comprend toutes les catégories professionnelles, employeurs et employés, et n'est pas un syndicat",

- gratuité pour les annonces de recherche d'emploi demandée par les Strasbourgeois en 1939,

- fondation d'une prime pour les meilleurs travaux techniques, etc…  

 

Un local pour une permanence 

Pendant les vingt premières années de l'existence de l'Association, tout le travail administratif d'assistance est effectué bénévolement par les membres du Comité, notamment par le secrétaire-trésorier qui prend en charge avec l'aide du directeur d'École le bureau de placement. Quant au local, trois chambres entretenues, éclairées et chauffées sont mises à la disposition de l'Association dans la maison de BRUGGEMANN qui loge et offre le petit déjeuner à des stagiaires travaillant pour la Revue. En 1919, avec l'entrée au Comité de Pierre LAUER alias LEDUC, venant de Paris, de grands projets sont échafaudés. LAUER propose de louer un bureau pour les travaux et un magasin pour déposer les archives et de scinder la fonction de secrétaire-trésorier en 4 postes. A partir de 1921, une pièce dans la villa DUBOIS au 11 b rue de l'Argonne, président de l'Association et directeur de la Revue, est mise à la disposition de l'Association et la fille du président y est employée, un crédit de 6000 F est voté à cet effet. Après le décès de DUBOIS, on loue en octobre 1925 un local au 3 rue du Chêne pour installer le siège de l'Association, le bureau de FROEHLIGER embauché pour la direction de la revue et la permanence. Le Comité estime toutefois que pour le placement des étudiants le directeur Frédéric ORTLIEB est le plus qualifié. Le beau rêve émis en 1929 d'une Maison des Anciens élèves ne se réalisera jamais. En 1934 on emménage dans un autre local loué au rez-de-chaussée du 21 rue des Vergers pour un loyer de 250 F par mois. Ce bureau est fermé au début de la guerre.  

Après la Deuxième guerre mondiale, le bureau de placement reprend ses travaux dès le mois de mai 1945. Jusqu'en 1950, le sous-directeur de l'école, MARTIN installé dans un local mis à la disposition par l'École, s'occupait du placement, puis BRITZEL aidé par le directeur Victor HILDEBRAND. A partir de 1956, le Comité renforce les moyens d'action de l'Association en installant le bureau dans les bâtiments de la S.I.M. et en embauchant une secrétaire, Madame REINBOLD qui assure chaque après-midi une permanence. Elle prend sa retraite et est remplacée début 1976 par Madame Alice GEORGER.

 

Un office de placement efficace 

En 1903, on constate avec satisfaction que 16 anciens élèves et l'année suivante 15 ont trouvé du travail grâce à l'Association qui envoie chaque trimestre une circulaire aux industriels. En 1905, 24 camarades sont embauchés, mais les offres de places avec beaucoup d'expérience ne peuvent plus être satisfaites. En 1907, l'année du boom de l'industrie textile, on n'a pas assez de candidats pour répondre à toutes les demandes.  

Les reproches de favoritisme dans le placement en entreprise ne manquent pas. A l'A.G. de 1904 on trouve qu'un "membre honoraire a favorisé l'embauche d'un ancien non-membre de l'Association, ce qui est contraire à la solidarité morale". Par contre, on critique les Anciens qui n'engagent pas suffisamment par l'intermédiaire de l'office de placement. La création d'un groupe régional à Belfort en 1907 entraîne une certaine autonomie dans les démarches de placer les Anciens dans la région de Belfort ; toutefois, le groupe se plaint que les Belfortains ne réussissent qu'à placer 5 des leurs auprès de leurs industriels et accusent les Mulhousiens de faire barrage ; un nouveau système de fonctionnement basé sur des "hommes de confiance" est élaboré, sans plus de succès. En fin de compte on revient au principe du bureau à Mulhouse centralisant les demandes et offres. Après 1920 les places vacantes ne sont communiquées qu'aux élèves sortants et aux Anciens qui en expriment le souhait.  

En 1946, le bureau de placement a des ennuis avec l'Administration du Service de la Main-d’œuvre qui aurait voulu garder le monopole et le contrôle du placement des demandeurs d'emploi, mais après quelques démarches et la démonstration de l'ancienneté et de l'efficacité de notre service, notre office de placement pouvait continuer ses travaux.  

A partir de 1966, les annonces d'emplois disponibles sont largement diffusées dans les Annales Textiles, puis dans le Bulletin d'Information des Membres. Comme conséquence à l'élargissement de la formation de nos étudiants, une nouvelle méthode de collecte des offres d'emplois est adoptée en 1979. On diffuse non seulement dans le B.I.M., mais aussi à tous les demandeurs, toutes les offres de l'industrie textile reçues à notre office de placement, mais également celles publiées pour des industries annexes dans une dizaine de périodiques techniques et commerciaux, textiles et autres, nationaux et internationaux. A la suite de cette initiative, des Cabinets de recrutement avec lesquels nous entretenons de bonnes relations font souvent appel à nos services. Les résultats de placement de ces 15 dernières années en sont notoirement améliorés.  

On trouve en annexe N° 38 l'évolution des offres et demandes d'emploi et des résultats obtenus par le bureau entre 1920 et 1995. Ces chiffres reflètent évidemment aussi la situation économique de l'industrie textile.

 

La convivialité par les excursions, sorties et rallyes 

La mode des sorties se propageant, nos Anciens décident en juin 1908 d'organiser une excursion au Ballon d'Alsace pour retrouver les Belfortains et les Vosgiens, "respirer l'air pur des Vosges et de la liberté" et boire du vin rouge, symbole de la France de la belle époque. "Les Alsaciens montent à pied depuis Sewen, les Vosgiens et Belfortains, profitant des deux bonnes routes de Saint-Maurice et Giromagny - on y organise annuellement des courses automobiles - s'y rendent en voitures à cheval, bicyclettes, automobiles, etc… Qui arrive en premier vers 11 h à l'Hôtel LALLOZ ? Bien sûr, les Alsaciens à pied ! Après de nombreux apéritifs, la soixantaine d'excursionnistes, y compris - autre innovation remarquable - des dames, enfants et invités, montent au Ballon pour jouir d'une magnifique vue sur la plaine. Après le banquet, les discours, les multiples toasts au champagne, on prend le chemin de la descente non sans s'être promis d'entreprendre l'année suivante une nouvelle excursion dans les Vosges". Effectivement, en juin 1909 on se retrouve à 72 participants, grâce au petit train, à la Schlucht. On se rappelle qu'il y a quelques mois, GUILLAUME 11, l'Empereur d'Allemagne, y a fait une excursion se terminant par une réception dans le chalet de chasse de l'Altenberg appartenant à l'Industriel HARTMANN à Munster où, il y a 40 ans, NAPOLÉON III avait été accueilli dans le même chalet par le père de l'industriel. Après un rafraîchissement à l'Hôtel DENAFROUX, on grimpe au restaurant du Hohneck. Sa salle à manger est occupée par un groupe de 400 excursionnistes du Nord de la France y faisant une halte avant de continuer un périple vers Baden-Baden. Bussang est la destination de la rencontre de juin 1910. En dépit d'une pluie bien vosgienne, 80 membres s'y retrouvent avec quelques dames et des invités, quelques Anciens d'Alsace y sont montés à pied, des Belfortains et des Spinaliens en automobile. Le banquet à l'Hôtel aux Deux Clés suivi des discours et des toasts au champagne créent une joyeuse ambiance. L'année suivante c'est l'Hôtel Cheval de Bronze à Cornimont - très éloigné des lignes de chemin de fer - qui accueille les Anciens du textile, malgré un temps exécrable. Après la visite des usines Les Héritiers de Georges PERRIN, on se retrouve dans la salle décorée aux couleurs françaises et alsaciennes. La musique de la filature et le bon vin réchauffent l'ambiance. Comme il est difficile de trouver un autre lieu facilement accessible aux trois groupes , on refait en 1912 le choix du Ballon d'Alsace, les Mulhousiens arrivant par Sewen ou Wesserling. Les excursions de juin 1913 à la Schlucht et de juin 1914 sont les dernières avant la longue interruption de la guerre. Après le cataclysme, le Comité essaie de reprendre la vieille tradition, toutefois, le choix des sites visités est davantage marqué par les souvenirs douloureux de la guerre, les excursions deviennent des pèlerinages, en juin 1920 au Drumont, en 1921 au Hartmannswillerkopf. Puis les sorties se raréfient, en 1924 aux Trois-Epis et en 1928 aux Houillères de Romchamp.  

Après les années de crise économique, on reprend l'idée de sorties conviviales communes en automne. Les vendanges de 1937 attirent des Anciens de Mulhouse, Colmar, Strasbourg et Belfort à un déjeuner à "La ville de Nancy" à Ribeauvillé, suivi d'une visite de cave. En octobre 1938 GAERTNER à Ammerschwihr est le but de la sortie avec visite de la cave SCHOECH. Mais une nouvelle guerre casse l'élan excursionniste. Il faut attendre mai 1948 pour la première sortie à Ammerschwihr chez GAERTNER (déjeuner de 400 à 500 F).  

A partir de 1966, le Comité organise régulièrement des sorties d'automne avec dîner parfois suivi d'une soirée dansante. Elles jouissent d'un succès notoire, la première année une soixantaine de participants à Eguisheim, 76 l'année suivante à Niedermorschwihr ; à partir des années 1970, une présence de 50 à 100 participants, à Kaysersberg, à Mittelwihr, à Wintzenheim, à Thierenbach, à Kientzheim, à Village-Neuf, à Diefmatten, à Westhalten, à Hochstatt, à Moosch, à Habsheim.  

Sous l'influence de l'évolution démographique sur la population des Anciens et la propension des industriels de mettre de plus en plus tôt les vieux cadres à la retraite, le nombre de retraités de notre Association augmente sensiblement. Ainsi, à partir de 1975, Edouard DERESINSKI, plus tard Henri ABEGG, organise avec le Comité et le secrétariat un ou deux déjeuners annuels, parfois précédés d'une visite de musée, pour une quarantaine de retraités qui se nomment - les euphémismes sont à la mode - "Le Club des toujours jeunes". Presque tous les bons restaurants de notre région ont eu le privilège de les accueillir, mais nous nous abstenons d'indiquer le nom des restaurants afin de ne pas transformer cette énumération en guide gastronomique des textiliens : Bitschwiller, Wettolsheim, Ostheim, Riedisheim, Trois-Epis, Mulhouse, Pulversheim, Guebwiller, Bruebach, Gueberschwihr,Thann, Baldersheim, Pfaffenheim, Wattwiller, Thierenbach, Berrwiller, Bergholtz, Merxheim, Linthal, Soultzmatt, Hunawihr, Bollenberg, etc… Autre signe des temps, certaines promotions se retrouvent tous les 5 ans pour marquer leurs "noces" en festoyant ensemble.  

En juin 1975, des jeunes Anciens actifs lancent une initiative connaissant un gros succès pendant une demi-douzaine d'années : le rallye touristique, artistique, sportif, historique, culturel, etc… d'une douzaine d'équipages sur une cinquantaine de km à travers notre région. La dernière étape de cette gaie expédition est toujours une table bien garnie et sérieusement arrosée.    

Joyeux banqueteurs  

Si statutairement, d'après l'article 22, le banquet suit toute Assemblée générale, pour de nombreux Anciens, c'est annuellement l'ardente obligation de rencontre conviviale, le plaisir de se retrouver entre copains d'études, la joie de se sentir une grande famille, le partage de souvenirs exquis d'une jeunesse imaginaire retrouvée. Sans tomber dans l'exégèse sémantique, relevons que le "banquet", mot qui commence à sentir la naphtaline en mai 1968, est remplacé cette année-là par le "dîner amical" avant de disparaître complètement de notre vocabulaire. Personne ne peut dire si la "citoyenneté" y a gagné. Par contre on peut affirmer que les participants, au nombre de 40 à 120 selon les années, s'y sont de tout temps bien amusés.  

L’Assemblée Générale Constitutive de 1896 se termine sans banquet, mais on se rattrape par une excellente prestation gastronomique le soir de la première A.G. à l'Hôtel Central et l'on note avec satisfaction que les vins sont offerts par les honorables messieurs ayant le plus d'ancienneté. C'est un événement mondain important pour les industriels mulhousiens qui reçoivent de belles invitations imprimées avec le menu (toujours en français, p. ex. en 1903, 32 ans après l'annexion allemande, Annexe N° 39). On reste fidèle à l'Hôtel Central pendant de nombreuses années, sauf en 1904 où l'on inaugure le nouveau restaurant du zoo, avec les incidents dont la presse s'est fait l'écho, pour revenir à son ancienne bonne tradition. Après la guerre, les banquets se tiennent dans la salle de la Bourse, au Casino, à l'Hôtel de Parc, à partir de 1933, au restaurant "A la ville de Strasbourg", au Bristol, au Café de la Paix, au Zoo, au Buffet de la Gare, à Thann, à Riedisheim, après 1950 à l'Aéroport, au Caveau du Théâtre, etc… On n'hésite pas à banqueter à l'extérieur de Mulhouse à partir des années 1970, à Diefmatten, à Wahlbach, à Thierenbach, à Uffholtz, à Blodelsheim, à Habsheim, à Kingersheim, à Soultz, Wittelsheim, à Moernach, etc...  

Ces banquets d'autrefois, protocole oblige, sont souvent présidés, outre le président ou le vice-président de l'Association, par les personnalités du monde industriel mulhousien, Camille De LACROIX, président d'honneur de l'Association, Gustave DOLLFUS, président du Conseil d'administration de l'École, Albert KOECHLIN, de la S.I.M., Théodore SCHLUMBERGER, ancien député, Daniel MIEG président de la S.I.M., etc… qui offrent le champagne. Depuis 1903, on profite du banquet pour remettre un livre au major de promotion, invité et se soumettant à l'obligation d'un discours rituel. A partir de 1945, le banquet est présidé par jean DOLLFUS président de la S.I.M. et vice-président du C.A. de l'École, Paul SCHLUMBERGER, LICHTENBERGER, directeur de l'École Supérieure de Chimie, etc… Avec le rattachement de l'école à l'Université, rupture de tradition, les banquets ne sont plus présidés par quelque notable des grandes familles mulhousiennes d'industriels. Citons un événement remarquable, le banquet de 1967 présidé par le président d'honneur de l'Association, Pierre PFLIMLIN, Maire de Strasbourg, membre du Conseil universitaire de Strasbourg, qui rappelle le leitmotiv de son père, Jules PFLIMLIN (promo 1890/91) "L’idée la meilleure ne suffit pas au but à atteindre, c'est la mise au point qui en donne la consécration".  

Le banquet est l'occasion pour certains talentueux Anciens de créer une ambiance musicale et divertissante de haut niveau. Ainsi, quelques jeunes et vieux Anciens, notamment ALLONAS, E. BRITZEL, CAQUELIN, CLAUSS, DÉPIERRE, PETIT, ROMANN, SCHEIDECKER, STIFFEL, après 1930 WIERNSBERGER, etc… mais aussi le président de la commission d'examen Albert KOECHLIN, offrent leurs prestations musicales, en solo, duo ou quatuor, de chant ou de violon, violoncelle, cor, flûte et piano, parfois tout un orchestre de danse improvisé. Les banquets deviennent alors de vraies soirées musicales avec des oeuvres de F. SCHUBERT, WAGNER-LISZT, W. BARGIEL, W. POPP, LABITZKY, PINGLIE, BÉRIOT, MENDELSOHN-BARTHOLDY, JOCELYN, l'air de Mignon "Connais-tu le pays", etc..., suivies de numéros humoristiques de chansonniers improvisés accompagnés au piano, des imitations nasillardes du phonographe, des discours en vers, des monologues en français et en alsacien déclenchant l'hilarité générale. Le camarade ROELLY pour sa part, chante en dialecte mulhousien durant de nombreuses années, avec toujours le même succès, une vieille rengaine qui se lamente de la dure vie du fileur mulhousien au XIXe siècle "Milhüser Spinnerliad" (Annexe N° 40). 

Changement de registre à la première A.G. d'après la guerre le 12 juillet 1919, sous les couleurs tricolores. Série de discours enflammés, dont celui du président MEYER : "La France a gagné la guerre, il faut maintenant qu'elle gagne la paix, la paix par le travail" suivi de celui de FLAMAND, président du groupe d'Épinal qui adresse "son hommage aux Alsaciens qui sont morts des deux côtés des tranchées, soit en sauveurs, soit en victimes", après quoi une vibrante Marseillaise fait trembler les murs. Pendant plusieurs années retentit à la fin du banquet la "Chanson de Verdun" ou la Marseillaise, ce qui n'empêche pas les artistes "maison" d'amuser la galerie. En juillet 1939, à la veille de la guerre, au dernier banquet avant longtemps, l'Association offre "deux numéros extras" aux participants, "un militaire déguisé en civil qui raconte des histoires marseillaises et une gracieuse danseuse au décolleté généreux qui évolue, accompagnée au piano dans une valse langoureuse, avec quelques figures acrobatiques". A quelques occasions, on engage un orchestre pour animer le bal qui suit le banquet.  

Un phénomène extraordinaire qu'il n'est pas possible de passer sous silence : la tenue à table et la capacité d'absorption (bien supérieure au taux de reprise de la laine !) de nos Anciens du "bon vieux temps". Il suffit de lire quelques menus d'avant 1928 : à l'Hôtel du Parc pour 30 F (la cotisation annuelle est à la même époque également de 30 F) : crème Marie Louise, filet de sole bonne femme, cuissot de chevreuil aux primeurs, sauce poivrade, pommes croquettes, poularde rôtie, salade de saison, bombe Marie-Louise, friandises, le tout accompagné d'un 1/2 litre de vin par personne et 1/3 de bouteille de champagne par tête offert par l'Association. Crise, chômage et restrictions en 1934, menu maigrichon à 22 F à la "Ville de Strasbourg" : Oxtail clair, saumon du Rhin sauce gribiche, poulet de grain garni riche, fromages assortis, bombe glacée St. Jacques, gaufrettes, 1/2 litre de Sylvaner, café nature (des petits malins apportent leur burette de Schnaps), champagne offert par l'Association. Le nombre de discours entendus à ces banquets est impressionnant. Chaque orateur invite, au cours de plusieurs toasts, de "vider le verre à la santé de ...", ce qui, à la fin de la soirée, fait un volume respectable. On ne se préoccupe pas de 0,5 d'alcoolémie et l'ambiance chaude et la bonne humeur sont directement proportionnelles au nombre de toasts. Ceci explique que certains banquets se terminent, comme en 1905 en rentrant du Zoo, en bruyant défilé aux flambeaux jusqu'à l'Hôtel de Ville, en passant devant la maison des examinateurs auxquels on dédie une aubade nocturne.  

 

 

33. Groupes régionaux : grandeur et décadence 

Si les relations entre le Comité central et les groupes régionaux posent parfois quelques problèmes, ces derniers dynamisent considérablement la vie de l'Association et, grâce à la proximité géographique de ses membres, ils créent des relations privilégiées entre les Anciens d'une même région. Pourtant, ni les statuts de 1896 ni ceux de 1919 revus en 1931 ne font allusion à ces groupes régionaux dont la création est encouragée par le Comité dès qu'une petite vingtaine de membres se retrouvent dans un secteur géographique donné. Les groupes les plus virulents, Épinal, Belfort, Lille et Paris, se créent encore avant la guerre de 1914/18, souvent dans le but d'établir des liens entre les Mulhousiens et les départements français perdus après l'annexion. "Ici on respire l'air pur des Vosges et surtout celui du pays de la liberté" s'exclame le président de l'Association STORCK à l'occasion d'une sortie commune des Anciens de Mulhouse, Belfort et Épinal à Bussang.  

Des tentatives de fondation de groupes en 1907 à Moscou par le camarade OCHS et à Milan, au Mexique, en Argentine ne sont souvent que des feux de paille. La reprise après la guerre n'est pas facile, Lyon ne veut plus collaborer, Tourcoing et Roubaix ne répondent pas, mais Épinal va toujours bien. Entre 1919 et 1939, des groupes se forment, s'endorment, se reforment et se meurent à Lyon, Rouen, Colmar, Strasbourg et même des sous-groupes à Guebwiller et Sainte-Marie-aux-Mines, des essais avortent à Roanne pour réussir plus tard. Après 1945, si les groupes de Belfort, Lille, Épinal, Paris, Colmar, Mexique (qui fait un don de 1100 dollars à l'Association) reprennent contact avec le Comité de Mulhouse et sont régulièrement représentés aux Assemblées générales, des essais sont tentés en Egypte, au Portugal, en 1974 en Tunisie et un nouveau rassemblement fondé à Troyes, mais leurs activités déclinent après quelques années.  

Certains groupes jouissent d'une vie passionnante, d'autres traînent dans la morosité et s'usent très vite, au gré d'un président, d'une équipe dirigeante, d'une mutation professionnelle, etc... Leurs relations avec le Comité de Mulhouse, théoriquement structurées par des Règlements Intérieurs, prennent des allures erratiques, se resserrent ou se disloquent, au gré des circonstances. Vers les années 1980, avec l'accélération des rythmes de vie et de travail, l'individualisme aidant, les groupes régionaux constitués disparaissent. Aux Assemblées générales à Mulhouse, on retrouve avec plaisir des Anciens venus individuellement des quatre coins du monde pour se requinquer dans l'ambiance mulhousienne.  

Les remuants Vosgiens sont les premiers 

Dès la première Assemblée générale du 1er mai 1897, MATHEY, un Ancien d'Épinal demande qu'une réunion annuelle des Anciens se tienne dans la chef-lieu des Vosges à laquelle les président et secrétaire de Mulhouse devraient participer. Mais, comme les statuts prévoient que le siège est à Mulhouse, on ne voulait pas accéder à cette demande, "ce qui n'empêchent pas des Anciens d'effectuer des excursions privées à Épinal". Un an plus tard, le même MATHEY avertit le Comité mulhousien qu'il veut créer avec les nombreux Anciens de la région d'Épinal un groupe vosgien, mais se heurte encore à l'hostilité des Alsaciens qui craignent des tendances séparatistes. L'opiniâtreté des Vosgiens ne désarme pas et le 1. octobre 1899 un groupe de 24 Anciens se réunit, décide de créer un comité d'une "section française" avec des statuts, des finances et une administration autonomes et siège et administration à Épinal. Ils invitent à la réunion suivante le président BICKING. Bousculé par les Spinaliens, le Comité mulhousien réticent propose de fonder un "groupe régional" et non pas une "section française" et convoque une assemblée générale extraordinaire pour mai 1905 à Épinal.  

Les Anciens d'Épinal font bien les choses en préparant une rencontre festive qui dure deux jours. Levés très tôt, les Mulhousiens arrivent en gare d'Épinal à 9 h 52 accueillis par de nombreux Anciens. Deux groupes se forment pour visiter au pas de charge les Filatures et Tissage V. PETERS à Nomexy où ils déjeunent au champagne. L’après-midi les filateurs visitent une filature à Igney et les tisseurs la maison ZIEGLER à Épinal, ensuite ensemble les Ets. DAVID & MAIGRET A 19 h apéritif et dîner au Grand Hôtel après quoi des petits groupes font des descentes dans différentes auberges de la ville où le vin rouge coule à flots joyeux. Ce qui ne les empêche pas d'être présents dimanche matin à 7 h 30 pour visiter ensemble les curiosités d'Épinal et l'École professionnelle de la ville où des sections de filature et de tissage pour dispenser des cours de préparation à l'École de Mulhouse sont en cours de création. (Bien qu'à cette époque on n'envisage officiellement pas de créer une école concurrente, ce sont les prémices à la fondation en 1913 de l'École de Filature et de Tissage d'Épinal). A 10 h 30 grand rassemblement de tous les Anciens dans la grande salle du Syndicat cotonnier de l'Est sous la présidence de BICKING, président des Anciens de Mulhouse, accompagné du secrétaire-trésorier BRUGGEMANN. Re-banquet au Grand Hôtel avec 54 Anciens et quelques élèves textiles d'Épinal, discours enflammés, champagne, ambiance musicale, quelques joyeux lurons manient l'archet du violoncelle ou se lancent dans l'imitation d'un phonographe nasillard. Une fête inoubliable que FLAMAND demande de renouveler tous les deux ans dans une ville des Vosges. Départ en bruyant cortège entre deux rangs de drapeaux tricolores jusqu'à la gare pour le train de 16 h 30 vers l'Alsace allemande. Mais le groupe régional d'Épinal fort de 40 membres, parrainé par Mulhouse et Belfort, n'est officiellement fondé qu'en février 1908 en présence du président STORCK et du secrétaire BRUGGEMANN. MATHEY qui en 1897 avait lancé l'idée de rassemblements régionaux demande la réintégration dans l'Association des membres qui avaient démissionné à la suite du premier refus.  

La vie du groupe continue avec des réunions, conférences, visites d'usines, excursions, etc... témoignant d'un grand dynamisme. Toutefois, la guerre disperse les membres et les rencontres se font plus rares jusqu'en décembre 1915, où un nouvel élan est donné pour se substituer aux Mulhousiens qui semblent écrasés sous la chape de plomb germanique. Nous avons parlé ailleurs de l'initiative des Spinaliens de lancer une édition provisoire d'un "Bulletin N° 1 de l'Association des Anciens Élèves de l'École de Filature et Tissage de Mulhouse". Ce groupe remuant participe régulièrement aux Assemblées à Mulhouse jusque dans les années 1980.  

 

Les Lions de Belfort en 1907 

Comme souhaité, une réunion de 60 Anciens venus de Belfort, d'Alsace (avec le président STORCK et le secrétaire BRUGGEMANN), d'Épinal, de Paris, d'Italie et même de Lodz a lieu les 21 et 22 septembre 1907 à Belfort. Les Alsaciens sont à pied d’œuvre samedi matin à 8 h pour visiter la S.A.C.M.. Dans les ateliers qui occupent 3.500 personnes (l'ensemble des usines S.A.C.M. de Mulhouse, Belfort et Grafenstaden compte à cette époque plus de 10.000 salariés), on construit des peigneuses et autres machines textiles, mais aussi des moteurs et turbines à vapeur, des dynamos et moteurs électriques, des turbines hydrauliques et des locomotives. Nos Anciens visitent également les Filature et Tissage Gustave DOLLFUS (dirigé par son fils Daniel), la corderie mécanique STEIN, le Tissage de coton Max DOLLFUS à Héricourt, la Filature de laine SCHWARTZ à Valdoie. On déjeune et dîne chez DANJEAN et, dimanche matin, on grimpe jusqu'au Lion, aux Forts de la justice et de la Miotte. Réunion constitutive du groupe régional de Belfort et décision d'élaborer un Règlement Intérieur pour la fondation de groupes régionaux si un nombre suffisant de 30 Anciens est réuni, par exemple à Épinal, Paris, Milan, voire Moscou, une espèce de Fédération internationale dirigée par Mulhouse. Un comité régional composé de 6 membres est formé, dont un président qui dirige le groupe et un secrétaire qui envoie les comptes rendus de chaque manifestation au Comité central à Mulhouse. Le groupe régional de Belfort sous la présidence de Léon FLAMAND est officiellement créé en octobre 1907 et le secrétariat de Mulhouse l'annonce à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Belfort.  

Le président STORCK accompagné de BRUGGEMANN participe également à une Assemblée des Belfortains qui se tient en octobre 1909 à Giromagny, suivie d'une excursion en montagne. On se plaint du peu de succès du service de placement des Belfortains, en dépit des circulaires envoyées aux industriels du secteur et aux Chambres de Commerce de Lille, Lyon, Roanne et Roubaix.  

En octobre de l'année suivante, de nombreux Mulhousiens avec STORCK et BRUGGEMANN et quelques Spinaliens assistent à l'Assemblée à Belfort présidée par FLAMAND. Promenade dans la vieille ville, réunion et banquet à l'Hôtel JEANNIN, un tour à la Grande Taverne, discussion sur l'organisation d'un Bal du Textile à Belfort en janvier 1911 auquel les Mulhousiens sont invités, et retour à la gare. La tenue de ce Bal rencontre un scepticisme de la part des industriels belfortains qui veulent bien y participer si les Mulhousiens y viennent également. Mais le Comité de l'Association de Mulhouse "doute fort que les industriels, directeurs et employés veulent se rencontrer à l'occasion d'un bal, encore moins avec les dames. Comme peu de temps auparavant a lieu le Bal du Coton à Mulhouse, ils n'entreprendront pas un voyage à Belfort à cet effet".  

L’idée de "section française" fait son chemin en dépit des coups de frein des Mulhousiens. A l'Assemblée générale du groupe des Belfortains en octobre 1911 au restaurant WAGNER à Belfort, on suggère une rencontre à Paris de tous les groupes de France.  

Les tièdes Nordistes 

A l'occasion de l'Exposition Internationale de Paris au printemps 1900, DANZER suggère de convoquer une réunion des Anciens de Mulhouse à Paris. Toutefois, l'idée ne se concrétise pas et le groupe ne se formera que plus tard. Mais à la Pentecôte 1911, des Parisiens se rencontrent à Lille avec les Anciens du Nord et de Belgique pour former le troisième groupe régional sous la houlette de Eugène JUILLIOT en présence du seul représentant du Comité central BRUGGEMANN. Ce dernier avait envoyé des invitations à tous les Anciens des secteurs concernés. Apéritif à la terrasse du Café JEAN et banquet à l'Hôtel BAILLEUL à Lille. Discours de JUILLOT sur la nécessité de créer ce groupement face à d'autres groupes puissants d'anciens élèves de l'École Centrale, de l'École des Arts et Métiers à Lille, de l'Institut Industriel du Nord, etc... Après midi, avec le tramway par le Nouveau Boulevard, visite de la Foire textile de Roubaix où de nombreux constructeurs alsaciens exposent. Certains profitent d'un baptême de l'air avec des "machines à voler"(sic). L'année suivante l'Assemblée du groupe de Lille a lieu en octobre au restaurant Rocher de Concale non loin du Café JEAN. Les rencontres se tiennent régulièrement, sauf pendant la guerre, jusqu'en 1927 et reprennent entre 1934 et 1937, puis, avec plus ou moins d'ardeur de 1947 à 1971.

 

Les Parisiens batailleurs 

En 1913, De MOOR constitue à Paris même un groupe régional autonome. Un de ses animateurs, DENIS, bouillonnante personnalité, représente en mars 1918 l'École de Mulhouse au Congrès du Génie Civil à Paris et voudrait "faire de notre École une espèce d'École Centrale du Textile pour atteindre le sommet de l'instruction textile en France". DENIS a aussi élaboré des nouveaux statuts de l'Association qui font en 1919 l'objet de discussions passionnelles au Comité de Mulhouse. Ce groupe parisien se rencontre régulièrement et envoie un compte-rendu de chaque réunion au Comité central. Le dynamisme agressif du groupe de Paris à travers son président DENIS met les Mulhousiens à rude épreuve et souvent dans l'embarras, par exemple, au sujet de la désignation de "supérieure" que DENIS veut voir accorder à l'école de Mulhouse, de la publicité faite en 1922 par l'École d'Épinal décernant le titre d'ingénieur, de la fondation en 1924 d'une Fédération des associations des anciens élèves des écoles textiles de France, de l'installation en 1925 d'un bureau central à Paris, des remarques outrageantes proférées à l'adresse du Président de l'Association et du Comité de Mulhouse, de la formation d'un Comité supérieur décapitant le Comité central de Mulhouse, jusqu'à la démission collective du comité de Paris au printemps 1926. Mais le groupe se réorganise, se réunit régulièrement, envoie entre les deux guerres et à partir de 1946 jusque vers les années 1980 presque chaque année un délégué pour participer aux Assemblées à Mulhouse, accueille des Alsaciens de passage à Paris, bref, vit la convivialité telle qu'elle est prévue par le règlement des groupes régionaux.

   

34. Les publications de l’association 

Déjà un an après sa fondation, le Comité de l'Association décide, en février 1898, de créer un bulletin. D'ailleurs l'article 18 des statuts de 1896 précise que "tout membre peut soumettre à l'association un travail concernant la filature, le tissage ou les industries y attenant. Le Comité le fera imprimer aux frais de l'association s'il en reconnaît l'utilité. Chaque membre en recevra un exemplaire". Le but du bulletin est plus large, "donner l'occasion aux membres de publier les résultats de leurs expériences et d'en faire profiter leurs camarades, de renseigner sur les membres et sur la marche de l'association en vue de constituer un lien fraternel".  

Des Anciens peu participatifs et un gouffre financier 

Ce "bulletin" se présente, en fonction de l'évolution des événements et des besoins, sous différentes formes.  

1) Les "Nouvelles de l’Association de l'Année... Association libre des Anciens Élèves de l'École de Filature et de Tissage de Mulhouse Alsace" sont éditées à partir de 1898 régulièrement ou occasionnellement, en langue française et en langue allemande (Annexe N° 41 et 42). En effet, l'article 29 des statuts prévoit "qu'il sera remis annuellement à chaque membre un bulletin contenant la liste actuelle des membres". Cette publication comprend les listes des membres du Comité, des membres honoraires, des membres du Comité des groupes régionaux, une liste alphabétique de tous les membres, le rapport de l'assemblée générale, les nécrologies (souvent une page entière par personne), les statuts et réglement intérieur, le rapport sur l'année scolaire établi par la Direction de l'école, des notices et correspondances, des appels de cotisations, d'adhésion à l'association et de collaboration au bulletin, des tarifs des annonces, des comptes rendus des groupes régionaux, des distinctions honorifiques, une liste des anciens élèves dont l'adresse est inconnue, etc…, enfin, une bonne vingtaine de pages publicitaires. Brochure de 44 à 60 pages, format 19 x 28 xm, imprimerie BRINKMANN à Mulhouse. (cf. plusieurs pages de publicité de constructeurs textiles des années 1905 annexées à la fin de l'ouvrage).  

2) "Bulletin de l Association Libre des Anciens Elèves de l'École de Filature et de Tissage Mulhouse Alsace" est édité pendant de nombreuses années à partir de 1898, en allemand et en français (Annexe N° 43). Il comprend des articles techniques sur des problèmes de l'industrie textile et connexes illustrés par de nombreux dessins, schémas et photos et une vingtaine de pages publicitaires. Le rédacteur responsable de 1899 à 1914 est Henri BRUGGEMANN, auteur de plusieurs livres dont il diffuse des prospectus avec le bulletin. A partir de 1900, pour des raisons d'économie (ou d'arrière-pensées politiques?) on décide de n'envoyer aux Alsaciens qui ont suivi les cours de l'école en langue allemande que l'exemplaire en langue allemande. Souvent les articles sont rédigés par des anciens élèves de l'École. Brochure de 60 à 100 pages, format 19 x 28 cm, imprimerie BRINKMANN à Mulhouse.  

3) "Bulletin de l’Association des Anciens Élèves de L’École de Filature et de Tissage de Mulhouse" Premier Numéro de la nouvelle série française, édition provisoire bimestrielle de 16 pages, publiée à partir de décembre 1915 par un groupe d'Anciens d'Épinal, format 15 x 23 cm, imprimée chez KLEIN à Épinal (Annexe N° 44). Le gérant est le président du groupe des Anciens d'Épinal Léon FLAMAND et le rédacteur provisoire le lieutenant Henri BONDOIT. Dans ce premier Numéro - nous sommes en pleine guerre - on relève : "Notre devoir est d'affirmer notre vitalité"... A noter que le mot "libre" n'est pas repris dans le titre que l'Association s'était donnée en 1896 à Mulhouse, car en France on est libre, on n'a donc pas besoin de le souligner. Le service de ce bulletin est fait gracieusement à tous les membres de l'Association, Français et neutres . ...

"A nos camarades : Dès la première ligne de ce bulletin, notre pensée va vers ceux qui, en libérant le sol de la Patrie, nous rendront entière notre vieille École !... Le premier devoir que les `Mulhousiens' auront à cœur de remplir sera de tendre une main fraternelle à ceux que l'effroyable lutte aura terrassés et dans l'accomplissement de ce geste de reconnaissance, nous ferons l'union féconde..." Dans le Livre d'or de l'Association pendant la guerre figurent les morts au champ d'honneur, les blessés et les citations. Malgré la guerre, ce bulletin paraît avec une bonne régularité.  

4) "La Revue de la Filature et du Tissage, Bulletin Technique de l'Association des Anciens Elèves de l École de Filature et de Tissage de Mulhouse" est le titre que prend le bulletin à partir de mars 1917, avec quelque 400 pages annuelles (Annexe N° 45 et 46). En 1919, cette revue est reprise par le Comité central de Mulhouse qui le confie à la direction d'un rédacteur-gérant. On y trouve de nombreuses rubriques : liste des membres du Comité central et de ceux des groupes régionaux, plusieurs articles techniques avec dessins, photos et graphiques, service des consultations commerciales ; à partir de 1928 on ajoute une rubrique bonneterie, liste des brevets, question de droit commercial et fiscal, partie commerciale, rapport du Directeur de l'École sur l'année scolaire, nouvelles de l'Association avec séances du Comité central, réunions amicales mensuelles à Mulhouse et ailleurs, service de placement, petites annonces personnelles, nécrologies et, à l'occasion, une liste des anciens élèves. En outre, à partir de 1920, le Comité crée un service de "consultations techniques" qui répond, par l'intermédiaire de la revue, à la dizaine de questions techniques posées par les lecteurs ; toutefois vers 1930, ce service s'essouffle et ne fonctionne pratiquement plus, même si, en 1935, certains souhaitent le voir repris. Entre 1919 et 1939, la revue de 11 numéros annuels connaît un épanouissement extraordinaire en atteignant au cours de ces 20 ans quelque 50.000 pages imprimées dont pas loin de 30.000 pages rédactionnelles. Une performance !  

5) Entre 1939 et 1947, par suite de la guerre, aucune publication imprimée ne paraît. En février 1946, le Comité tente de reprendre contact avec les Anciens en envoyant à ceux dont il a l'adresse le premier Numéro des "Nouvelles de l'Association des Anciens Elèves de l'E.S.F.T.B.M." sous forme d'une dizaine de feuilles ronéotypées agrafées, format 21 x 27 cm (Annexe N° 47). Plusieurs "Nouvelles" sont ainsi diffusées en attendant de relancer l'édition d'une revue.  

6) Avec un nouveau titre, les "Annales Textiles" paraissent de 1948 à 1972, d'abord en tant que "Bulletin trimestriel de l'Association des Anciens Elèves de l'École Supérieure de Filature, Tissage et Bonneterie de Mulhouse" et à partir de 1967 "de l'École Supérieure des Industries Textiles de Mulhouse" (Annexe N° 48 et 49). Elles comportent quelques articles techniques originaux ou repris ailleurs et des nouvelles de l'Association. Brochure de 40 à 100 pages dont une vingtaine de publicité. Format 21 x 27 cm. Impression Imprimerie de L'ALSACE.  

7) Un "Bulletin d'Information des Membres" (B.I.M.), organe de liaison entre les Anciens, devait paraître trimestriellement à partir de début 1973 sous la responsabilité d'un jeune membre du Comité (Annexe N° 50). Il est édité deux fois par an en ronéotypé de 1974 à 1977, puis à partir de 1978 avec couverture imprimée et textes photocopiés. Il comprend des comptes rendus de l'Assemblée générale annuelle, des informations sur l'École et sur les enseignements, des nouvelles de l'Association et des groupes régionaux, des informations pratiques, un ou deux articles techniques (habituellement publiés par des anciens élèves dans d'autres revues), etc… ; signe des temps, le service de placement publie in extenso les offres d'emploi dans chaque numéro. Brochure de 15 à 30 pages, format 21 x 29,7 cm, 

8) Un "Annuaire des anciens élèves" de l'école est la suite logique de la "liste des membres" diffusée dans le "Bulletin" de 1898 et la "Revue" de 1917 à 1939. Il est édité de temps à autre à partir de 1947 en petit format de 12 x 17,5 cm avec une cinquantaine de pages, puis publié en annexe aux Annales Textiles en 1957 avec 261 noms. En 1973, l'Institut Textile de France a contacté l'Association pour l'édition d'un annuaire commun à toutes les Écoles Textiles. Mais on préfère d'abord sortir celui de l'Association, ce qui est enfin réalisé régulièrement à partir de 1974. Il paraît alors annuellement en format 15 x 21 cm avec 100 à 150 pages (avec 54 annonceurs en 1976, 45 en 1986 et 27 en 1996) et comprend un bref historique de l'école, la liste nominative alphabétique des membres actifs de l'association avec adresse, promotion et fonction, une liste par région et établissement, une liste par promotion et une liste des membres retraités (Annexe N° 51). Rédaction et mise à jour par le secrétariat du Bureau de l'Association.  

Des hommes s'engagent 

Si l'édition de ces publications a été la fierté et la manifestation publique de l'Association, elle représentait aussi, de tout temps, une préoccupation constante pour ne pas dire obsessionnelle et parfois insurmontable pour ses responsables. C'est une longue et lancinante litanie de soucis : le coût, la publicité, un local adapté, le contenu technique, les délais - des membres démissionnent parce que la revue sort en retard ! - etc… Trouver des annonceurs pour couvrir les frais d'impression, dénicher de rares auteurs parmi les anciens élèves qui veuillent bien écrire des articles techniques sur leurs expériences professionnelles, écrire dans les deux langues, indispensable entre 1900 et 1914, et faire exécuter des dessins et des graphiques compréhensibles, contrôler la qualité des écrits par un comité de lecture, dégoter l'imprimeur assurant la meilleure qualité au meilleur coût, n'est pas une mince affaire. Ainsi, à l'instar des "Nouvelles de l'Association", ce premier bulletin est réalisé à partir de 1899 par le secrétaire-trésorier de l'Association, professeur de filature et sous-directeur Henri BRUGGEMANN. Le premier bureau de l'Association et de la Revue fut installé pour 10 ans dans une pièce du logement de son directeur-rédacteur BRUGGEMANN, pour laquelle il demande 2 Mark par an de location. En 1900 le Comité trouve exagérées les dépenses pour les traductions et les dessins pour la revue. Par la suite et en vue d'un meilleur contrôle des coûts, le Comité procède, dès 1901, à la séparation des comptes de la revue de ceux de l'Association. En 1903, les frais de la revue se montent à 2.120 Mark alors que les ressources de cotisations ne représentent que 2.664 Mark. En 1905, les dépenses se montent à 4.250 Mark. A la suite de la non-parution de la revue en 1911, on relève avec satisfaction que les biens de l'Association avaient augmenté de 3.300 Mark en un an. Les difficultés de publication de la revue subsistent longtemps encore : manque de moyens financiers et trop faible participation intellectuelle des Anciens.  

Pour surmonter ces embarras, on essaye à plusieurs reprises de collaborer avec des revues textiles de notoriété nationale. Déja en 1901, des pourparlers avec le propriétaire et rédacteur en chef de la Leipziger Monatsschrift für Textilindustrie échouent, de même en 1903 avec l'éditeur de Textil und Färbereizeitung à Braunschweig. A l'inverse, en 1907 l'éditeur italien BIVIS de Milan propose d'acheter nos articles avec mise à disposition des clichés, à 0,15 F la ligne, pour publication dans sa revue italienne "Industria Tessile". En 1909, BRUGGEMANN assure la rédaction technique d'une nouvelle revue textile alsacienne hebdomadaire en langue allemande "Elsässisches Textilblatt" (Annexe N° 52) éditée par J. DREYFUSS à Guebwiller (format 33 x 25 cm), dans laquelle est publié le "Bulletin de l'Association Libre des Anciens élèves de l'École de Filature et de Tissage de Mulhouse". D'ailleurs BRUGGEMANN, professeur depuis 1889 et sous-directeur depuis 1898, quitte l'École en 1913 pour se consacrer entièrement à la publication et à son cabinet d'expertise textile installé rue du Sauvage N° 76 à Mulhouse. Le même éditeur guebwillerois DREYFUSS publie à partir de 1912 la même revue en langue française appelée "L'Avenir Textile" à laquelle tous les Anciens s'abonnent. Après la guerre, notre Association n'ayant pas voulu reconduire son contrat de collaboration avec cette publication, cet éditeur s'adressait aux Anciens d'Épinal qui encartèrent leur revue dans l'Avenir Textile (Annexe N° 53). La même année, des pourparlers sont également entamés avec la revue mensuelle parisienne "L'Industrie Textile", format 31 x 24 cm créée en 1884, mais ils échouent à cause des conditions financières désastreuses (Annexe N° 54).  

Toutefois le plus gros souci a toujours été de trouver des articles inédits. Leur absence provoque des interruptions de parution. Les idées géniales et les belles déclarations au cours des réunions ne manquèrent pas, mais leurs concrétisations n'en sont pas moins décevantes. Dès 1904 on essaye de payer des honoraires aux auteurs, mais il faut vite déchanter par manque de moyens et parce que la récolte d'articles ne s'en trouve pas améliorée. En 1908, on propose d'instituer des concours sur des questions techniques en attribuant des médailles, sans plus de succès. La suppression de la revue est envisagée en 1910 à cause des frais trop élevés et du manque d' articles publiables. Enfin en 1914, la guerre met fin à tous ces tracas...    

Vers un périodique d'audience internationale 

A partir de 1919 et jusqu'en 1939, la revue bimestrielle fondée en 1915 par les Spinaliens est reprise par le Comité central de Mulhouse. Le président de l'Association en confie la responsabilité à un membre de son Comité qui s'en dégage déjà au bout de trois mois. C'est ensuite le secrétaire Robert DUBOIS qui s'en charge en demandant au Comité de lecture de se réunir chaque mois. On élabore de nouveaux principes de fonctionnement de la revue et de sa comptabilité distincte de celle de l'Association.  

En 1920 le rédacteur DUBOIS s'occupe de la revue en abandonnant le poste de secrétaire de l'Association. Finalement, un an plus tard, DUBOIS, élu entre-temps président de l'Association, démissionne de son poste professionnel de directeur de filature pour raison de santé et se consacre à plein temps à la revue en tant que gérant. Après son décès prématuré, un autre Ancien travaille pour la revue pendant quelques mois jusqu'à l'automne 1925 où Julien FROEHLIGER (promo 1905/06) est embauché comme gérant. II porte à bout de bras "sa" revue et lui donne ses lettres de noblesse, diffusant dans le monde entier le message de l'École. Mais les problèmes financiers deviennent de plus en plus inextricables. Avec l'apparition de la crise textile en 1929, de nombreux annonceurs résilient leurs contrats, les ressources diminuent et le compte de la revue laisse des bénéfices de plus en plus maigres à l'Association. En 1932, une trentaine d'entreprises abandonnent les annonces. Les comptes de la revue allouent pour 1931 au gérant 20.000 F, à la dactylo 1000 F et à l'Association 9.620F, en 1934 respectivement 15.000, 300 et 2.780 F, en 1936 resp. 2.386, 300 et 0 F et en 1938, pour la première fois depuis 1925, les comptes accusent un solde négatif. Au 1er septembre 1939, avec la guerre, la revue est suspendue. Julien FROEHLIGER démissionne début 1941 et remet les archives et le mobilier de son bureau à l'Association. Il décède prématurément en 1943.

 

 Faiblesse des moyens et évolution des besoins 

Dès début 1946, le Comité reprend le projet de l'édition de la revue technique. Le périodique parisien "L'Industrie Textile" qu'on avait recontacté, propose de faire paraître notre revue encartée dans la sienne comme bulletin spécial. Mais le Comité trouve que notre bulletin, réalisé par nous mais encarté dans une autre revue, perdrait sa personnalité et son prestige. Mi 1947, le Comité décide de confier à Jacques WIERNSBERGER (promo 1919) et le secrétariat et la gérance de notre nouvelle revue qui s'appellera "Annales Textiles" et paraîtra trimestriellement. Des démarches auprès des annonceurs (69 entreprises potentielles), des difficultés juridiques, administratives et d'attribution de papier retardent encore sa sortie. Enfin, début 1948, le premier numéro est mis sous presse chez BRINKMANN pour un coût de 85.000 E Un numéro coûtera 400 F par membre et par an. En juin 1949, Jacques WIERNSBERGER part pour raisons professionnelles à Thaon mais continue à s'occuper de la revue. Il lance un appel pressant à tous les Anciens de collaborer à ce travail par des articles originaux, car "diffuser du réchauffé ne présente pas d'intérêt" souligne le Directeur de l'École. Mais c'est un cri dans le désert ! Bien que nous soyons une des rares Associations à éditer un bulletin technique parfois demandé par des éditeurs d'Angleterre et d'Amérique, nos efforts sont insuffisants. Avec l'inflation galopante, il faudrait en 1952, pour couvrir les frais d'impression, un MF de recettes. A cet effet, on augmente le tarif d'annonce à 30.000 F la page et les cotisations de 500 à 750F. En 1955, l'industrie textile marchant au ralenti, le bulletin est maintenu en veilleuse, malgré les promesses d'Anciens du groupe Nord de remettre des condensés d'articles techniques intéressants de la presse technique française et étrangère. En conséquence, la revue peu étoffée lui fait perdre les annonceurs. A partir de 1956 le rédacteur est secondé par une secrétaire, Madame REINBOLD (veuve de Robert REINBOLD promo 1925, décédé en 1955). L’année suivante, le coût annuel de 900 exemplaires s'élève à 540.000 E. En 1961 WIERNSBERGER se plaint "de moins en moins de substance pour de plus en plus de publicité". Petit à petit, les préoccupations concernant le développement du statut de l'école et le développement rapide de l'adaptation de l'enseignement aux besoins de l'industrie et de la recherche prennent le pas sur le souci de diffuser une revue. Un périodique textile technique particulier ne répondant plus aux besoins du marché, le manque de moyens financiers et de collaboration intellectuelle devenant trop pesant, les "Annales Textiles" se meurent en 1972. Aucun avis de décès au cours d'une Assemblée Générale ... L’année suivante, le "Bulletin d'Information des Membres", réalisé par le secrétariat de l'Association, est lancé. Mais ce n'est plus une revue technique originale. Les travaux du bureau de placement et les informations sur l'École et l'Association deviennent prioritaires. Après le départ de Madame REINBOLD à la retraite fin 1975, c'est Madame Alice GEORGER (épouse de Hubert GEORGER, promo 1947) qui prend la relève début 1976. Depuis, le B.I.M. est publié régulièrement.  

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Si notre Association fête ses cent ans d'existence, ses statuts ont presque 130 ans d'âge. Bien sûr, cette suite d'articles définissant les buts de l'Association et réglant son fonctionnement a subi l'outrage du temps et a dû s'adapter aux nouveaux besoins. Elle a dû supporter de nombreuses attaques, dont les plus virulentes exigeaient sa disparition ou son changement complet. Finalement, le tronc commun de nos statuts est resté inébranlé et les Mulhousiens, parfois considérés comme des provinciaux attardés, ont su maintenir le cap contre toutes les tendances centrifuges et les menaces de scission.  

L'Association apporte grandement son soutien et son analyse critique et constructive à l'École. Par ses activités de publications et de visites d'entreprises et d'institutions, elle s'insère dans la vie de la Cité et complète la connaissance du milieu socioéconomique et culturel de notre région.  

L’Association, grâce à la convivialité qu'elle favorise, notamment au cours des rencontres annuelles, développe les relations humaines et permet occasionnellement à tous les Anciens d'effectuer leur "petite régression" pour partager des souvenirs de jeunesse. La gaieté et la joie des retrouvailles d'Anciens des "bons vieux temps" donnent l'impression que, malgré les tribulations des époques hautement perturbées d'autrefois, nos pères textiliens savaient s'amuser, comme dit la vieille chanson vinique,... "bien autrement que nous, morbleu ! bien autrement que nous !"  

En dépit de 150 ans de crise de l'industrie textile, avec le moral d'acier des anciens élèves, avec la faculté d'adaptation des responsables de l'École, notre vieille École peut envisager l'avenir avec sérénité.

Sources archivistiques